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Special pages :
La conservation de la santé en Russie Soviétiste
Auteur·e(s) | Nikolaï Semachko |
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Écriture | 7 octobre 1920 |
I. Conditions générales du travail du Commissariat de l'hygiène publique[modifier le wikicode]
Le Commissariat de l'hygiène publique, créé par le décret du Conseil des Commissaires du peuple le 21 Juillet 1918, a dressé au mois de juillet 1919 le bilan de son travail annuel.
Les conditions extérieures défavorables dans lesquelles s'accomplit le travail des Commissariats du Peuple se répercutèrent visiblement sur l'appareil le plus sensible destiné à protéger ce que l'homme a de plus cher : sa vie et sa santé. Le lourd héritage qui nous fut légué par le régime capitaliste et par la guerre impérialiste, tout en entravant l'œuvre de création soviétiste, pesait très lourdement sur l'organisation médicale et sanitaire. Les difficultés rencontrées d'ans l'approvisionnement, la désorganisation économique, le blocus de la Russie des Soviets par les impérialistes, la guerre civile, — tout cela contrecarrait péniblement les mesures prises en vue de prévenir les maladies et de les guérir. Il est difficile de mettre en œuvre des mesures sanitaires préventives quand l'alimentation insuffisante affaiblit l'organisme humain et le prédispose aux maladies, quand la population manque des objets les plus indispensables à l'accomplissement des proscriptions élémentaires de l'hygiène ; ou d'organiser un traitement médical rationnel, lorsque, grâce au blocus maintenu par les « alliés » nous sommes privés des médicaments les plus indispensables, et que les difficultés dans l'approvisionnement alimentaire ne nous permettent pas d'organiser de traitement diététique.
Et néanmoins, l'état sanitaire de la Russie Soviétiste est en ce moment tout aussi bon et même bien meilleur que celui des territoires limitrophes, se trouvant sous le joug des gardes blancs « gouverneurs suprêmes » de pays abondamment approvisionnés et largement pourvus en produits de toutes sortes, en médicaments et en personnel médical. Cet été, la Russie Soviétiste n'eut presque pas de cas de choléra ; tandis que dans la satrapie de Dénikine, le choléra, comparable à un large torrent, fit d'importants ravages. La Russie Soviétiste vint, cet été, presque complètement à bout de l'épidémie de typhus. En Sibérie, en Oural, dans les territoires que nous libérons de Koltchak le typhus fait rage ; les prisonniers de l'armée de Koltchak sont presque tous infectés de maladies épidémiques. Nous avons supporté facilement l'épidémie de grippe espagnole, bien plus facilement même que l'Europe Occidentale ; l'épidémie de choléra de l'année écoulée fut relativement courte, et seule l'épidémie de typhus revêtit l'hiver passé un caractère assez sérieux. Les raisons qui font que nous avons lutté avec suffisamment de succès, en dépit de conditions difficiles, contre les épidémies et les maladies, ces satellites inévitables de la boucherie impérialiste — consistent dans les méthodes nouvelles appliquées par le Pouvoir Soviétiste.
Les épidémies, de tout temps et en tout lieu, exercent surtout leurs ravages parmi les pauvres, parmi les classes laborieuses. Le Pouvoir Soviétiste est le pouvoir des travailleurs. En défendant les intérêts de la classe déshéritée il protège du même coup la santé du peuple. L'abolition de l'exploitation capitaliste donna la possibilité d'établir le règlement de la protection sanitaire du travail : elle permit de recourir aux mesures les plus efficaces pour la protection de la maternité et de l'enfance ; l'abolition de la propriété mobilière et foncière permit de résoudre équitablement la question des logements : le monopole du pain eut pour résultat de permettre en premier lieu la répartition des réserves disponibles aux classes laborieuses ; la nationalisation des pharmacies permit de distribuer également et économiquement les maigres réserves de médicaments, en les arrachant des mains des spéculateurs, etc... On peut dire que nul autre pourvoir dans les difficiles circonstances actuelles n'aurait pu avoir raison des obstacles incommensurables et apparemment invincibles qui existaient dans le domaine de la protection de la santé publique. Toutefois, il est encore une circonstance qui facilita notre travail dans ces conditions, c'est la concentration de tout le service médical dans les mains d'un seul organe dûment autorisé : le Commissariat de l'hygiène publique. Un seul organe avait été créé qui mena la lutte selon un plan unifié avec la plus grande économie de forces et de moyens. Cet organe vint remplacer le travail désordonné et fractionné des institutions diverses, les agissements mal combinés de plusieurs organes qui s'occupaient de la santé du peuple. La science et la pratique médicale démontraient depuis longtemps la nécessité d'une pareille centralisation du travail en un seul organe compétent. Ce sujet fut surtout débattu très vivement avant la guerre dans des ouvrages spéciaux russes et internationaux. Ainsi le médecin français Mirman écrivait dès 1913 dans l'Hygiène :
Très souvent il arrive qu'un préfet s'intéresse à la santé publique et veuille se rendre utile. Désireux d'acquérir l'appui du gouvernement, il doit à Paris visiter tous les ministères et s'entretenir avec tous les chefs de service d'une dizaine d'administrations. Il faut une grande persévérance pour ne pas abandonner la route, pour ne pas jeter le manche après la cognée, tant on finit par être désespéré par toutes ces formalités. Il s'agit surtout de la lutte contre les maladies sociales, la tuberculose et l'alcoolisme, par exemple. Voyons dans quel département ministériel peut être préparée, commencée et organisée la lutte contre la tuberculose. Elle dépend actuellement : du ministère du Travail (logements à bon marché, assurance mutuelle, hygiène des ateliers et des magasins), du ministère de l'Agriculture (hygiène de l'alimentation et analyse du lait), du ministère de l'Intérieur (prescriptions sanitaires aux communes et désinfection), du ministère de l'Instruction publique (inspection médicale des écoles). Lorsque le gouvernement sera interpellé sur les mesures qu'il compte entreprendre pour la défense de la race contre son ennemi le plus acharné, — quatre ministres devront prendre part aux débats (sans compter l'armée, la marine et les colonies) ; bref, par suite de la distribution des services de l'hygiène publique entre les différents ministères et administrations, il n'y a personne parmi les membres du gouvernement qui soit directement responsable de l'hygiène et de la santé publique. L'organisation d'un ministère de l'Hygiène publique mettra de l'ordre dans ce chaos et créera un système au lieu de l'arbitraire actuel.
Cette centralisation de l'œuvre médicale fut réalisée en Russie par le décret du gouvernement soviétiste du 21 juillet 1918. Ce décret créa « le Commissariat de l'Hygiène publique » nanti de tous les droits d'un ministère indépendant et comprenant les sections suivantes : Section sanitaire-épidémiologique, Section des traitements médicaux, Section pharmaceutique, Section des fournitures médicales et générales, Section de la lutte contre les maladies sociales (maladies vénériennes, prostitution et tuberculose), Section de la protection de l'enfance (inspection sanitaire des écoles, soins spéciaux aux enfants anormaux, organisation de la culture physique, etc...). Section des services sanitaires militaires et des voies de communication, etc...
L'administration pratique de toute l'œuvre médico-sanitaire se trouve entre les mains des organisations ouvrières des Soviets de Députés Ouvriers et Députés de l'Armée Rouge. Toutes les mesures sanitaires fondamentales se réalisent avec le concours énergique des organisations ouvrières (rappelons, par exemple, les travaux connus de la Commission, travaux ayant rendu les plus inappréciables services dans la liquidation du choléra et du typhus).
Telles sont les causes fondamentales, créatrices de nouvelles conditions dans l'œuvre sanitaire et médicale et qui, en dépit des conditions extérieures particulièrement pénibles, facilitent le travail. Dans le chapitre suivant, nous donnerons un aperçu sommaire du travail du Commissariat. Ici, nous comparerons, à titre d'exemple concret, l'organisation médico-sanitaire de la ville de Moscou d'avant la révolution d'octobre avec cette même organisation dans son état actuel, après deux années d'existence du Pouvoir Soviétiste.
Avant la révolution d'octobre : | Etat actuel : | |||
Nombre des lits d'hôpitaux (exclusivement à l'usage de la population civile) | près de | 8 000 | près de | 22 000 |
Lits sanitaires | '' | 100 000 | '' | 1 500 000 |
Ambulances | '' | 15 000 | '' | 46 000 |
Médecins sanitaires | '' | 20 000 | '' | 34 000 |
Adjoints de ces médecins | (Il n'y en avait pas.) | '' | 50 000 | |
Médecins inspecteurs de l'alimentation | près de | 10 000 | '' | 29 000 |
Médecins sanitaires des écoles | '' | 31 000 | '' | 37 000 |
Etc. |
Il faut y ajouter les nouvelles organisations médico-sanitaires créées par le Pouvoir Soviétiste à l'usage de la population la plus pauvre ; assistance gratuite à domicile (cette question fut à l'ordre du jour pendant 10 ans et avant le mois d'octobre 1917, elle se trouvait encore à l'état de discussion). Actuellement, 80 médecins et près de 160 infirmières sont occupés à cette assistance et sont répartis dans les différents quartiers de la ville ; il faut aussi citer des postes de secours pour les cas urgents et dans ce but des services permanents de médecins et d'automobiles sanitaires ont été institués. Mentionnons encore la lutte récemment entreprise contre la tuberculose et la syphilis, en tant que maladies sociales ; une action importante, destinée à populariser les connaissances sanitaires ; une assistance gratuite et largement organisée pour les traitements dentaires (10 ambulances avec 25 fauteuils) ; la mise à la portée de la population de l'assistance psychiatrique (traitements au moyen de rayons) ; la gestion des pharmacies nationalisées, ainsi que la bonne répartition de leurs produits, etc...
Et cette énumération d'exemples n'épuise pas encore tout ce qui fut nouvellement créé par le Pouvoir Soviétiste a Moscou dans le domaine de l'hygiène publique au cours d'une existence de deux années. Ce qui vient d'être mentionné, se rapporte à la quantité. Quant à la qualité, — elle a été égalisée du fait qu'on a fait disparaître l'usage qui divisait la médecine en deux classes : celle dite « de premier ordre » pour les riches et de « troisième ordre » pour les pauvres.
Les meilleurs spécialistes de Moscou reçoivent maintenant les malades dans les hôpitaux de la ville ; et l'on peut affirmer qu'il n'y a pas un grand spécialiste, — docteur ou professeur, — auquel un habitant quelconque de la capitale soviétiste ne puisse s'adresser pour un conseil gratuit.
Cette aide médicale est organisée de fanon semblable, mais naturellement sur une autre échelle, dans toutes les autres villes.
C'est ainsi que le Pouvoir Soviétiste sut organiser l'œuvre médico-sanitaire au cours des deux années écoulées, au milieu de conditions essentiellement défavorables.
II. Une année de travail[modifier le wikicode]
Le développement du travail du Commissariat de l'Hygiène publique, son œuvre organisatrice et la lutte menée contre les épidémies, qui se succédaient, ont été simultanés. L'été dernier, une tourmente de grippe espagnole s'abattit sur toute la Russie. On envoya en divers endroits des commissions à l'effet d'étudier cette maladie encore peu connue, aussi bien que pour la combattre efficacement ; toute une série de conférences scientifiques furent organisées et des enquêtes furent menées sur place. Comme résultat de ces études on put constater la parenté de la grippe espagnole avec l'influenza (grippe) ; des ouvrages spéciaux furent édités traitant de cette maladie sous une forme scientifique et populaire.
L'épidémie de grippe espagnole passa très vite et relativement bien. Beaucoup plus longue et beaucoup plus difficile fut la lutte contre l'épidémie de typhus, qui prit une grande extension surtout pendant l'hiver de 1918-1919. Il suffit de dire que jusqu'à l'été 1919 près d'un million et demi de personnes furent atteintes de cette maladie. Cette épidémie ayant été prévue, le Commissariat de l'Hygiène publique ne fut pas pris au dépourvu. Dès l'automne de 1918, une série de consultations avec les représentants des sections locales et avec les spécialistes bactériologues avait lieu ; on esquissa le plan de la lutte qui permit d'envoyer en province des instructions précises. On soumit à la ratification du Conseil des Commissaires du Peuple un décret sur les mesures à prendre pour la lutte contre le typhus. Des réunions scientifiques furent organisées en même temps que des expériences étaient tentées avec application d'un sérum pour prévenir et traiter le typhus. On édita de nombreuses brochures scientifiques, des livres populaires et des feuilles concernant le typhus. L'épidémie de choléra qui s'était sensiblement propagée en été et en automne 1918 et qu'on attendait en 1919 ne prit pas cette année d'extension considérable, malgré le danger direct de contamination qui nous venait des troupes de Dénikine où sévissait le choléra. Comme mesures préventives on purifia l'eau potable (chlorification), en même temps que les vaccinations anticholériques se faisaient sur une plus vaste échelle. Enfin, un décret sur la vaccination obligatoire fut promulgué et confirmé par le Conseil des Commissaires du Peuple[1] le 10 avril 1919, comblant ainsi une lacune capitale de notre législation sanitaire. Ce décret eut pour but de prévenir une épidémie de petite vérole qui menaçait de se développer en 1918-1919 ; pour compléter ce décret, on élabora des instructions pour les institutions locales, des règlements sur l'entretien, des étables pour l'élevage des jeunes veaux destinés à la préparation du vaccin. On assigna près de 5 millions 1/2 pour réaliser ce décret et près de 5 millions de vaccins furent distribués contre la petite vérole.
Il était matériellement impossible, dans notre république isolée de l'Europe, de se procurer des vaccins médicaux et des sérums. Le Commissariat de l'Hygiène publique nationalisa promptement tous les instituts bactériologiques importants, aussi bien que les étables où étaient élevés les veaux destinés à la préparation du vaccin ; des étables spéciales furent créées (notamment dans le gouvernement de Saratov) : on les munît de tout le nécessaire, on élargit leur travail ; l'approvisionnement de ces institutions en matériel nécessaire fut centralisé, organisé en sorte que, lors des épidémies, le pays ne manqua ni de sérum, ni de vaccin.
Il faut surtout souligner, que toute la lutte pratique contre les épidémies se faisait sur de nouveaux principes, à savoir, sur les principes de la participation directe de toute la population et avant tout, des masses ouvrières et paysannes. Même les correspondants des journaux bourgeois, séjournant en Russie, durent reconnaître que le Pouvoir Soviétiste luttait contre les épidémies d'une façon toute nouvelle, en mobilisant pour cela toute la population. Des services irremplaçables et inestimables furent rendus lors de la lutte contre les épidémies par les commissions, surnommées « commissions ouvrières », composées des représentants de Syndicats, de Comités de Fabriques et d'Usines et d'autres organisations prolétariennes et paysannes. Les Commissions Ouvrières, affectées aux sections du Commissariat de l'Hygiène publique, veillaient activement au maintien de la propreté, prenaient des mesures énergiques pour l'organisation des bains de vapeur et des buanderies à l'usage de la population, facilitaient la possibilité de se procurer de l'eau bouillante pendant l'épidémie de choléra et travaillaient a la propagande sanitaire.
Le Commissariat de l'Hygiène publique, afin de prêter un appui financier à ses collaborateurs sur les lieux — assigna aux Comités Exécutifs locaux pour la lutte contre les épidémies 292 millions de roubles du 1er octobre 1918 au 1er octobre 1919.
En vue de prévenir le développement des maladies et des épidémies — le Commissariat prenait soin de la surveillance sanitaire de l'eau, de l'air et du sol ; il élaborait et appliquait des mesures en conséquence, s'occupait de questions d'hygiène alimentaire, etc... Les soins concernant les logements destinés à la population laborieuse eurent ici une importance particulière. Le Commissariat de l'Hygiène publique fit accepter par le Conseil des Commissaires du Peuple le décret sur l'inspection sanitaire des habitations, prépara des inspections et des règlements relatifs aux logements et organisa des cours pour la préparation d'inspecteurs de logements.
Tout le travail anti-épidémique et sanitaire était mené parallèlement à la propagande sanitaire la plus énergique au sein des masses populaires ; des brochures furent éditées, à Moscou et en province ; des musées d'hygiène sociale et des expositions sur la conservation de la santé furent organisés. Un institut scientifique de l'hygiène publique est en cours de préparation pour être ouvert et le sera très prochainement. On étudiera dans cet institut les questions scientifiques sanitaires d'hygiène et de lutte contre les maladies contagieuses.
Dans le domaine des traitements médicaux, le Commissariat s'occupa l'année passée de centraliser toutes les institutions médicales disséminées jusqu'alors dans les divers ministères et départements. Malgré toutes les conditions défavorables au développement de ce genre de traitement ce dernier fut organisé d'après un système uniforme, et en plusieurs endroits non seulement n'en souffrit pas, mais au contraire, s'améliora et s'élargit ; on fit beaucoup, en particulier, pour obtenir des traitements médicaux gratuits et accessibles a tous.
La lutte contre les maladies vénériennes et contre la tuberculose fut l'objet d'une attention particulière du Commissariat de l'Hygiène publique : il créa des organes spéciaux en province, ouvrit des ambulances ou des hôpitaux pour les malades, intensifia la production des préparations spéciales pour le traitement de la syphilis (plus de 60 kilogrammes de 606 furent employés), accrut le nombre de sanatoria au centre aussi bien qu'en province pour combattre la tuberculose, organisa dans plusieurs endroits des ambulances (dispensaires} et prêta une attention particulière à la tuberculose infantile. Mais le point capital fut l'entreprise sur une vaste échelle de l'œuvre de propagande sanitaire, qui donna la possibilité d'établir un lien vivant avec les organisations ouvrières, ce qui est d'une très grande importance dans la lutte contre les maladies sociales. Dénikine nous coupa des principales villes d'eau du Sud ; toutes les autres villes d'eau, Lipez, Staraïa-Roussa, Elton, Sergievsk, etc., furent largement fréquentées par les travailleurs. Là, où auparavant les bourgeois se soignaient contre l'obésité et contre les conséquences de la débauche, là où ils brûlaient leur vie par les deux bouts — les ouvriers et les paysans de la Russie Soviétiste trouvent maintenant refuge et soulagement.
On sait que la Russie recevait tous ses médicaments de l'étranger (surtout d'Allemagne). Nous n'avions presque pas d'industrie pharmaceutique. On comprend, aisément, dans quelle situation catastrophique la Russie Soviétiste fut mise par le blocus impérialiste. Le Commissariat de l'Hygiène publique nationalisa promptement l'industrie et le commerce pharmaceutiques et sauva, grâce à cette mesure, les provisions pharmaceutiques du pillage et de la spéculation. En collaboration avec le Conseil Supérieur de l'Economie nationale, on organisa rapidement de nouvelles fabriques, où la production des médicaments fut intensifiée. Les remèdes furent réquisitionnés par dizaines et par centaines de kilogrammes chez les spéculateurs. Le dépôt central du Commissariat de l'Hygiène publique envoya en province, rien que pour la population civile, au cours de 10 mois (septembre 1918-juin 1919), pour 24 millions et demi de médicaments, pour 9 millions de matériel de pansement, pour 1 million et demi d'instruments chirurgicaux, presque pour 1 million de toutes sortes de matériel pour traitement des malades, pour 1 million et demi de vaccins et de sérums, pour 300 000 roubles d'appareils de Rœntgen, etc. Et chaque mois, la livraison des fournitures s'accroît.
Le service militaire sanitaire dans cette guerre, à la différence des autres, fut organisé sur de nouvelles bases. Le pouvoir d'Etat ayant adopté pour principe la création d'une médecine organisée sur un plan uniforme, devait logiquement inclure le service sanitaire militaire dans l'organisation générale du Commissariat de l'Hygiène publique, en retirant les services sanitaires militaires du ressort immédiat et exclusif des organes de l'Administration militaire, comme il en avait été jusque-là. Par une telle organisation, une direction uniforme de toute l'œuvre médico-sanitaire de la République est assurée par le Commissariat de l'Hygiène publique. Un front sanitaire unique se crée dans le pays, ce qui est indispensable surtout pour l'accomplissement systématique des mesures anti-épidémiques.
Une pareille structure donna la possibilité de sauver l'armée des ravages des maladies épidémiques qui régnaient dans le pays (le typhus de famine, le typhus abdominal, le typhus récurrent, la petite vérole, la dysenterie, le choléra et autres maladies) et cela malgré les conditions générales extrêmement difficiles de la période transitoire que nous traversons. Il y eut dans l'armée 20 à 30 cas de choléra, les cas de typhus de famine atteignirent, avant l'automne, un maximum de 4 à 5 % dans toute l'armée, les cas de dysenterie 0,01 %, de typhus récurrent près de ½ %. Le service de santé militaire se trouva en état de préparer un grand nombre de lits de malades, bien pourvus matériellement, dont la proportion[2], par rapport aux effectifs de l'armée rouge, est de 1 pour 7. Tous les points d'évacuation possédant plus de 2 000 lits de malades disposent d'hôpitaux ou de sections pour les différents genres d'assistance spéciale. Le principe de l'utilisation des médecins selon leur spécialité se réalise de jour en jour.
Tous les points d'évacuation sont pourvus de laboratoires chimico-bactériologiques. Presque tous disposent d'un cabinet pour traitement par rayons Rœntgen.
Les mesures sanitaires-hygiéniques générales sont appliquées d'une façon régulière.
La campagne de vaccination pour la préservation du choléra et du typhus égala, sous le rapport du pourcentage, les résultats de la campagne 1914-1917.
Pour le traitement des soldats atteints de maladies vénériennes, il y a 11 hôpitaux spéciaux avec 4 630 places ; de plus, dans 49 hôpitaux, des sections pour ces malades sont installées ; un traitement d'ambulance a été créé pour les vénériens et la Première Ambulance modèle du Département militaire pour le traitement des maladies cutanées et vénériennes a été ouverte. Afin de lutter contre la propagation des maladies vénériennes, une campagne active est menée, au moyen de projections lumineuses, pour faire connaître la nature et les dangers de ces maladies.
Pour la première fois, l'assistance dentaire est largement organisée dans l'armée. Il a été ouvert dans les circonscriptions militaires 68 ambulances pour le traitement dentaire et 62 sur le front. De plus, des ateliers spéciaux sont créés pour la préparation des râteliers. La centralisation de toute l'œuvre médico-sanitaire dans un seul commissariat spécial et autonome permit d'organiser rationnellement le travail du traitement médical et le travail sanitaire dans l'année sans porter un préjudice tant soit peu considérable aux intérêts de la population civile. Ce principe fut si largement réalisé que, même pendant la mobilisation du personnel médical, les intérêts de la population civile furent attentivement observés et les travailleurs indispensables du corps médical furent exemptés du service à l'armée. Près de 25 % des médecins furent ainsi libérés dans les cas où on les reconnaissait indispensables.
Le nombre des médecins mobilisés et envoyés au front donne un médecin sur 300 ou 400 soldats de l'armée rouge.
L'œuvre de propagande sanitaire est l'objet d'une attention particulière, Dans tous les organes d'administration militaire sanitaire ont été introduites des sections ou des personnes chargées de l'éducation sanitaire des corps de troupes. On distribue une grande quantité de littérature de propagande sanitaire, on organise des cours, des conférences populaires, ainsi que des expositions sanitaires et hygiéniques mobiles et permanentes. On procède sur une large échelle à la préparation du personnel médical subalterne et secondaire, principalement des sœurs de charité et des infirmières rouges.
La conservation de la santé des enfants n'occupe nulle part une place plus prépondérante que dans la Russie Soviétiste. Non seulement les médecins mais toute la population est conviée à cette œuvre. Un Conseil de la Conservation de la santé des enfants fut créé au mois de novembre 1917. Il fut composé de médecins du Commissariat de l'Hygiène publique et de représentants des organisations prolétariennes (des syndicats, des Comités de fabriques et d'usines), de l'Union de la Jeunesse Communiste et des représentants des masses laborieuses.
L'intérêt pour la conservation de la santé des enfants se renforça beaucoup parmi les médecins et pédagogues grâce aux deux congrès panrusses de l'hygiène sanitaire des écoles (au mois de mars et au mois d'août). Partout, — non seulement au centre, mais aussi dans les villes provinciales, — s'ouvrirent des sous-sections pour la conservation de la santé infantile, sous-sections rattachées aux sections de l'hygiène publique de gouvernements et en majeure partie aux sections de district.
Le travail de la conservation de la santé infantile se divise en trois branches principales : 1° inspection sanitaire dans toutes les institutions enfantines, dans les écoles, dans les garderies, dans les écoles maternelles, dans les crèches, etc. ; 2° culture physique ; 3° classification des enfants d'après l'état de leur santé et leur répartition parmi les institutions médico-pédagogiques (les écoles forestières et les écoles auxiliaires, les colonies pour les enfants moralement défectueux, etc.).
Afin que toutes les tâches concernant la conservation de la santé des enfants, tâches que se pose la République Soviétiste, soient accomplies d'après un plan défini, on organisa au centre, près de la Section, douze institutions modèles médico-pédagogiques servant à faire connaître en province l'élaboration scientifique et pratique des questions et des mesures sur la conservation de la santé infantile. En octobre 1918, un institut de culture physique avec écoles expérimentales (urbaines et suburbaines) fut ouvert pour les enfants physiquement et moralement bien portants. Cet institut est un laboratoire du travail de l'enfance et d'exercices physiques (sport et gymnastique) et en même temps un instructeur de l'éducation ouvrière socialiste des jeunes générations. Toutes les expériences sur les écoliers sont faites auprès de cet institut où s'élabore pratiquement les processus du travail dans l'école unique du travail de la Russie Soviétiste. Des cours d'instructeurs d'éducation physique y sont aussi donnés.
Les ambulances (des écoles) infantiles sont des organes d'enquêtes sur les enfants ainsi que des organes de traitement. Ces ambulances classent les enfants dont l'état nécessite un traitement ou un allègement du programme d'éducation : a) les enfants malades sont placés dans des hôpitaux et dans des écoles-sanatoriums ; b) les enfants faibles et tuberculeux sont dirigés sur des écoles en plein air (écoles forestières, écoles de steppes) ; c) une autre partie est envoyée dans des écoles auxiliaires et dans des colonies médico-éducatrices. Là où il y a suffisamment d'éléments, les soins dentaires sont donnés dans des ambulances spéciales pour enfants. Dans une ambulance spéciale, les enfants tuberculeux sont examinés par un groupe de médecins (groupe de la lutte contre la tuberculose). Dispensaires : on y étudie la vie de famille de l'enfant prolétarien en même temps qu'on lui donne les soins qu'il nécessite en alimentation (des clubs-réfectoires sont installés à cet effet), en vêtements, en chaussures, en médicaments, huile de foie de morue, etc.
La Section de la Conservation de la santé de l'enfance prend pour principe immuable de son action qu'aucun enfant tombé malade ne doit rester sans recevoir une direction pédagogique dans une institution correspondante médico-pédagogique. Toutes les institutions destinées à la lutte contre la défectuosité physique (surdité, cécité), intellectuelle et morale, sont réunies autour d'un centre général — l'Institut de l'Enfant débile et retardataire. Cet institut possède une section d'observation expérimentale et cinq autres institutions, à savoir : une école auxiliaire pour les légers degrés de défectuosité intellectuelle, une école-hôpital pour les degrés profonds de défectuosité intellectuelle, une école-sanatorium pour les enfants psychiquement malades et les enfants névrosés, une colonie médicale et d'éducation et un institut de sourds-muets. Des médecins et des pédagogues spécialistes enseignent, dans ces institutions, aux futurs pédagogues l'éducation des enfants anormaux.
Pour la première fois dans le monde entier et uniquement dans la Russie Soviétiste, il fut décrété, dès le début de 1918, que les enfants âgés de moins de 18 ans ayant transgressé la loi ne peuvent être reconnus criminels, bien que pouvant être socialement dangereux et même nuisibles à la société. Ces enfants sont les tristes victimes des conditions anormales d'autrefois, de la société bourgeoise et n'ont besoin que d'une rééducation. Les délits de ces délinquants-mineurs ne peuvent être jugés par des juges ordinaires, et ne doivent être soumis — exclusivement — qu'à la Commission pour les délinquants-mineurs avec la participation obligatoire d'un médecin psychiatre et d'un pédagogue, ayant les mêmes droits que les représentants de la justice. De pareilles Commissions avec un personnel d'éducateurs-inspecteurs à domicile sont actuellement créées partout, tant dans les villes de gouvernements que dans les villes de districts. Des points de distribution et d'évacuation sont placés auprès de ces Commissions. Les enfants-délinquants sont, de ces points, rendus à leurs parents ou envoyés dans des colonies médicales et d'éducation. En général, comme toutes les autres institutions médico-pédagogiques, les établissements pour les enfants débiles et retardataires sont ouverts dans les villes de gouvernements et dans les villes de districts.
Actuellement sont ouvertes dans beaucoup de villes de gouvernements : des ambulances infantiles (des écoles), des écoles auxiliaires et des colonies pour les enfants moralement défectueux. Les écoles forestières et les écoles-sanatoriums se rencontrent plus rarement. L'ambulance infantile (des écoles) représente le type de l'institution médico-pédagogique le plus répandu dans les villes de district.
De quelle façon peut-on réaliser la conservation de la santé des enfants dans la période de crise alimentaire que traverse la Russie en ce moment ? La Section de la Conservation de la Santé infantile attachée au Commissariat de l'Hygiène publique porta dès son origine la plus sérieuse attention à la solution de cette question. Au commencement de l'année 1918, le premier convoi des enfants de Petrograd était dirigé, par les soins de cette section sur des colonies. La Section partit de ce principe que dans les conditions urbaines, il fallait avant tout assurer la nourriture de l'enfant, et le placer ensuite dans des conditions hygiéniques. Trois commissariats ont été appelés à collaborer à cette grande tâche par le pouvoir soviétiste, ce sont : le Commissariat de l'Instruction Publique, le Commissariat de l'Approvisionnement et le Commissariat de l'Hygiène publique (organisation des réfectoires diététiques pour les enfants malades et en convalescence après maladies graves). Le Conseil des Commissaires du Peuple institua l'alimentation infantile gratuite par son décret du 17 mai 1919. L'alimentation gratuite des enfants au-dessous de 10 ans est en vigueur dans les deux capitales et dans les rayons industriels des gouvernements non producteurs. Ce décret donna naissance à la répartition socialiste des produits entre les enfants. Mais sans attendre ce décret, la Section de la Conservation de la Santé de l'enfance avait reçu 50 000 000 de roubles en 1919 pour l'alimentation gratuite des enfants.
Au mois de novembre 1918 la Section obtint à cet effet, le prélèvement d'un impôt spécial.
Si l'on donne un coup d'œil rétrospectif sur ce qui avant la révolution avait été fait en Russie pour la conservation de la santé de l'enfance, on peut dire que tout se résumait à rien ou presque rien. Le budget de l'Etat ne possédait même pas de paragraphe spécial. Après la révolution, le jeune pays socialiste se mit avec énergie à organiser cette action nouvelle. Au cours de deux années, au centre aussi bien qu'en province, on reconnut la nécessité de la conservation la plus minutieuse de la santé des enfants. Ce résultat fut atteint en dépit des conditions difficiles créées par la désorganisation économique. La santé de l'enfance doit être l'œuvre des travailleurs eux-mêmes — voilà le principe de la Russie Soviétiste, et il n'est pas moins cher aux ouvriers qu'aux paysans. L'Etat Ouvrier et Paysan porte au plus haut degré la conservation de la santé de l'enfance, se rendant compte parfaitement que les jeunes communistes soit le gage de la future Russie Socialiste — et que seule une génération saine de corps et d'esprit peut préserver les conquêtes de la Grande Révolution Socialiste de Russie et amener le pays à une complète réalisation du régime communiste.