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Special pages :
La Tragédie espagnole
Auteur·e(s) | Léon Trotski |
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Écriture | 30 janvier 1939 |
Un des plus tragiques chapitres de l’histoire moderne approche maintenant de sa conclusion, en Espagne. Du côté de Franco, il n’y a ni une armée solide ni soutien populaire. Il n’y a que la rapacité de propriétaires prêts à noyer dans le sang les trois quarts de la population, rien que pour maintenir leur domination sur le quart restant. Cette férocité de cannibales n’est cependant pas suffisante pour vaincre l'héroïque prolétariat espagnol. Franco avait besoin d’une aide venue du côté opposé du champ de bataille. Et il a obtenu cette aide. Son principal auxiliaire a été et est encore Staline, le fossoyeur du parti bolchevique et de la révolution prolétarienne. La chute de Barcelone, voilà ce qu’aura coûté à la grande capitale prolétarienne l’écrasement du soulèvement du prolétariat de Barcelone en mai 1937.
Aussi insignifiant que soit Franco lui-même, si misérable que soit sa clique d’aventuriers sans honneur, sans conscience et sans talents militaires, la grande supériorité de Franco réside en ce qu’il a un programme clair et bien défini : sauvegarder et consolider la propriété capitaliste, la domination des exploiteurs et l’autorité de l’Église, et restaurer la monarchie.
Les classes possédantes de tous les pays capitalistes, — qu’ils soient fascistes ou démocratiques — se sont avérées, naturellement, être toutes du côté de Franco. La bourgeoisie espagnole est passée tout entière dans son camp. A la tête du camp républicain, il restait les rebuts, valets d’armes démocratiques de la bourgeoisie. Ces messieurs ne pouvaient déserter pour le camp du fascisme, car les sources même de leur influence et de leur revenu provenaient des institutions de la démocratie bourgeoise laquelle a besoin (avait besoin !), pour son bon fonctionnement, d’avocats, de députés, de journalistes, bref, de champions démocratiques du capitalisme. Le programme d’Azana et consorts est la nostalgie d’un temps révolu. C’est déjà dépassé.
Le Front populaire a eu recours à la démagogie et semé des illusions pour entraîner les masses derrière lui. Pendant un certain temps cela s’est avéré payant. Les masses, qui avaient assuré tous les succès antérieurs de la révolution, continuaient encore à croire que la révolution allait arriver à sa conclusion logique, c’est-à-dire le renversement des rapports de propriété, la remise des terres aux paysans et le transfert des usines entre les mains des ouvriers. La force dynamique de la révolution consistait précisément dans cet espoir des masses en un avenir meilleur. Mais ces messieurs les républicains ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour fouler aux pieds, souiller et même noyer dans le sang les espoirs trompés des masses opprimées.
Le résultat est que nous avons pu voir grandir au cours des deux dernières années le mécontentement et la haine contre la clique républicaine chez les paysans et les ouvriers. Le désespoir ou la morne indifférence ont peu à peu remplacé l’enthousiasme révolutionnaire et l’esprit de sacrifice. Les masses ont tourné le dos à ceux qui les ont abusées et piétinées. C’est la première raison de la défaite des troupes républicaines. L’inspirateur de la duperie et des massacres de révolutionnaires espagnols, c’était Staline. La défaite de la révolution espagnole constitue une nouvelle tache indélébile sur le gang, déjà bien éclaboussé, du Kremlin.
L’écrasement de Barcelone porte un coup terrible au prolétariat mondial mais lui donne aussi une grande leçon. Le mécanisme du Front populaire en tant que système organisé de duperie et de trahison des masses exploitées a été complètement dévoilé. Le mot d’ordre de « défense de la démocratie » a révélé une fois de plus son essence réactionnaire et, en même temps, son caractère creux. La bourgeoisie veut perpétuer le règne de son exploitation, les ouvriers veulent se libérer de l’exploitation. Telles sont les tâches réelles des classes fondamentales de la société moderne.
Les misérables cliques d’intermédiaires petits-bourgeois qui ont perdu la confiance et les subsides de la bourgeoisie, ont cherché à sauver le passé sans faire aucune concession à l’avenir. Sous l’étiquette du Front populaire, elles ont fondé une société anonyme. Sous la direction de Staline, elles ont assuré la plus terrible défaite, alors que toutes les conditions de la victoire étaient réunies.
Le prolétariat espagnol a donné des preuves de son exceptionnelle capacité d’initiative et d’héroïsme révolutionnaire. La révolution a été conduite au désastre par des « chefs » médiocres, méprisables et profondément corrompus. La chute de Barcelone signifie avant tout la chute de la IIe et de la IIIe Internationales, ainsi que des anarchistes, pourris jusqu’à la moelle.
Travailleurs, en avant sur une voie nouvelle ! En avant dans la voie de la révolution socialiste internationale !