La Proposition Ludlow. Lettre à James P. Cannon, 1er février 1938

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1er février 1938

Cher camarade Cannon,

Dans l'affaire du référendum Ludlow, je suis avec Burnham, pas avec la majorité du comité central[1]. Cette lettre n'est pas une tentative pour provoquer un réexamen de la question, qui a été tranchée et pratiquement liquidée, mais, méthodologiquement, la question est d'importance. La position du gouvernement sur la question représente la conception et les intérêts des impérialistes, c'est-à-dire du big business. Les capitalistes veulent avoir les mains libres pour des manoeuvres internationales, y compris la déclaration de guerre. Qu'est-ce que l'initiative de Ludlow ? Elle représente l'appréhension de l'homme de la rue, du citoyen moyen, du bourgeois moyen, le petit bourgeois et même le farmer ou l'ouvrier. Tous cherchent un frein à la mauvaise volonté du Big business. Dans cette affaire, ils appellent ce frein référendum. Nous savons que le frein n'est pas suffisant et même pas efficace, et nous proclamons ouvertement notre opinion, mais en même temps, nous sommes prêts à aider le petit homme à faire son expérience contre les prétentions dictatoriales du big business. Le référendum est une illusion? Ni plus ni moins une illusion que le suffrage universel et autres moyens de démocratie. Pourquoi ne pouvons-nous pas utiliser le référendum comme nous utilisons les élections présidentielles ?

Quand les socialistes belges ont élaboré leur Plan, Vereeken a appelé ce plan une illusion et s'est détourné du parti socialiste[2]. Nous exigions que le parti socialiste prenne le pouvoir afin de mettre son plan en pratique. L'objectif de cette tactique était d'utiliser les tendances progressistes de l'illusion pour l'éducation révolutionnaire des ouvriers. L'illusion du référendum du petit homme américain a, elle aussi, ses traits progressistes. Notre tâche n'est pas de nous en détourner, mais d'utiliser ses traits progressistes sans prendre la responsabilité de l'illusion. Si la motion sur le référendum était adoptée, cela nous donnerait, en cas de guerre, d'énormes possibilités pour l'agitation. C'est précisément pourquoi le big business tord le cou à l'illusion sur le référendum.

  1. Le jour du vote de la Chambre des Représentants sur l'amendement Ludlow, en janvier 1938, le bureau politique du S.W.P. fut saisi d'un projet de campagne contre la guerre présenté par Burnham, dont le huitième point était : a Pour l'amendement Ludlow à cause des facilités qu'il offre comme thème de bataille. " Ce point fut repoussé par 8 voix contre 1, au bénéfice d'un amendement de Shachtman : " Que, dans notre presse, nous critiquions l'amendement Ludlow et l'agitation pacifiste qui y est liée, d'un point de vue principiel révolutionnaire " (G. Breitman, op. cit., p. 67)
  2. Le Plan du Travail, un programme d'action contre la crise, avait été adopté par le congrès du P.O.B. au début de décembre 1933. Vereeken, le 11 décembre, proposait un article de dénonciation de ce Plan et des délégués de la gauche qui l'avaient accepté. Mais la majorité de la direction refusait de publier son article et soumettait la question à Trotsky qui répondait par une lettre datée du 9 janvier 1934 : " Le Révisionnisme et le Plan ", rejetant les critiques de Vereeken.