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Special pages :
La Posnanie (1849)
Auteur·e(s) | Friedrich Engels |
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Écriture | 28 avril 1849 |
Neue Rheinische Zeitung n°285, 29 avril 1849, 2° édition
Cologne, le 28 avril.
Nos lecteurs nous seront reconnaissants de nous étendre de temps en temps sur « l'éclat et la puissance » de notre Maison royale de Hohenzollern et la merveilleuse prospérité simultanée des piliers principaux de son noble trône, les chevaliers de la Marche, transplantés dans toutes les provinces.
Pour mener à bien cette enquête riche d'enseignements, nous nous tournons aujourd'hui vers la partie polonaise de notre assez étroite patrie. L'été dernier déjà, à l'occasion de la glorieuse pacification et de la glorieuse réorganisation de la Pologne au moyen de schrapnels et de pierre infernale[1] , nous avions examiné ce que valaient les mensonges judéo-allemands sur la « prédominance de la population allemande » dans les villes, sur « la grande propriété foncière allemande » à la campagne et sur le mérite que la royauté prussienne s'était acquis par l'augmentation du bien-être général. Les lecteurs de la Nouvelle Gazette rhénane se souviennent comment nous avons appris par des recensements administratifs et les informations fournies par l'archevêque de Gnesen[2] et Posen au ministère bourgeois de transition présidé par Camphausen que les parties du pays incluses dans les lignes de démarcation prussiennes étaient peuplées d'Allemands non pour moitié, mais à peine pour un sixième, tandis que les statistiques mensongères du gouvernement prussien augmentaient progressivement la prétendue population allemande dans la mesure où la marche de la contre-révolution semblait rendre possible un nouveau partage et un nouvel amenuisement de la patrie polonaise; que les serins nationalistes allemands et les non moins allemands brasseurs d'affaires de ce bourbier qu'est le Parlement de Francfort aient, lors de ces recensements, compté une fois encore comme Allemands les Juifs polonais, bien que cette race[3] , la plus crasseuse de toutes, ne puisse ni par son jargon ni par son origine, mais tout au plus par sa frénésie de profit être apparentée avec Francfort; que toutefois un nombre relativement très réduit de petits propriétaires fonciers allemands aient fait leur nid dans quelques districts, et ce, à la suite d'une perfide spéculation prussienne sur la misère polonaise puisque, d'après l'ordre ministériel de 1833, toutes les propriétés foncières mises aux enchères , devaient être vendues exclusivement à des hobereaux campagnards prussiens auxquels le gouvernement avançait l'argent nécessaire, qu'enfin les bienfaits et les mérites du paternalisme des Hohenzollern consistaient à faire, par lâcheté, après la révolution de mars les plus belles promesses de « réorganisation nationale », et qu'ensuite, la contre-révolution prenant de l'importance, on serrait de plus en plus le pays à la gorge en lui imposant par cinq fois des partages toujours plus grands, après quoi ou faisait dépendre la « réorganisation » de la « pacification », de la livraison des armes, et lorsqu'elle était accomplie, on lâchait finalement « Ma splendide armée de guerre » sur ce pays confiant et sans défense pour, en accord avec les Juifs, piller des églises, brûler des villages, fouetter à mort avec des baguettes de fusil les Polonais sur les places publiques ou les marquer à la pierre infernale et, pour se venger de ce qu'ils avaient cru aux « promesses de mars », proclamer, sur ce champ de cadavres, la gloire de Dieu et de Sa Majesté germanique et chrétienne.
Voilà ce que fut l'œuvre pie de la « réorganisation » prussienne en Posnanie. Examinons aussi maintenant l'origine de la grande propriété foncière prussienne, des domaines et des biens seigneuriaux. Leur histoire ne nous renseignera pas moins sur « l'éclat et la puissance » de la maison de Hohenzollern et la valeur de ses chers chevaliers brigands.
En 1793, les trois larrons couronnés se partagèrent entre eux le butin polonais suivant la loi d'après laquelle trois voleurs de grands chemins se répartissent la bourse d'un voyageur sans défense. La Posnanie et la Prusse méridionale furent gratifiées des Hohenzollern à titre de souverains héréditaires, de la même façon qu'en 1815, la Rhénanie en fut gratifiée à titre de souverains héréditaires , suivant la loi du trafic d'hommes et du commerce des âmes. Dès que la loi du trafic d'hommes et du commerce des âmes sera abolie, les Polonais, comme les Rhénans, bifferont d'un trait rouge le titre de propriété de leur grand duc héréditaire de Hohenzollern.
Le premier acte par lequel ce Hohenzollern, père du peuple, manifesta sa faveur prussienne à la Pologne, fruit de son brigandage, fut la confiscation des biens appartenant autrefois à la Couronne et à l'Église de Pologne. En général, nous n'avons pas la moindre objection à faire à une telle confiscation, nous espérons bien au contraire que ce sera bientôt le tour à d'autres biens de la Couronne de subir le même sort. Nous demandons toutefois à quoi ces biens ainsi confisqués furent employés ? Fut-ce dans l'intérêt du « bien-être général » du pays sur qui le paternalisme brandebourgeois veilla avec tant de mansuétude au cours de l'œuvre de pacification et de réorganisation en 1848 ? Fut-ce dans l'intérêt du peuple dont la sueur et le sang sont à l'origine de ces biens ? C'est ce que nous allons voir.
À l'ancien ministre Hoym qui, totalement libre de tout contrôle, administrait depuis vingt ans la Silésie et avait utilisé ce pouvoir à des impostures et des chantages d'un caractère essentiellement féodal, on confia à nouveau l'administration de la Prusse méridionale, en récompense des services rendus à Dieu, au roi et à la patrie. Hoym proposa à son seigneur et maître, dans l'intérêt de « l'éclat et de la puissance » de la Maison royale, et pour fonder une classe de hobereaux campagnards, brillants, puissants et qui lui soient dévoués, de donner à de prétendus « hommes de mérite » la plus grande part possible des biens confisqués au clergé et aux starostes[4] . Et ainsi fut fait. Une foule de chevaliers campagnards, de favoris des maîtresses royales, de créatures des ministres, de complices dont on voulait clore le bec fut dotée des propriétés les plus vastes et les plus riches du pays, livrées au brigandage, et on implanta ainsi chez les Polonais « les intérêts allemands » et « la prépondérance allemande dans la propriété foncière ».
Pour ne pas exciter la convoitise royale, Hoym avait pris la précaution de ne déclarer au roi ces propriétés que pour un quart ou un sixième de leur valeur, parfois moins encore; il redoutait et probablement non sans raison, que le roi, s'il apprenait la véritable valeur de ces propriétés, penserait plutôt à sa propre poche de père du peuple qu'à tout autre chose; pendant les quatre ans de l'administration de Hoym après la « pacification », de 1794 à 1798, il fut ainsi distribué : dans l'arrondissement de Kammer en Posnanie, vingt-deux domaines, dans celui de Kalisch, l'ancien Kammer de Petrikau, dix-neuf, dans l'arrondissement de Varsovie onze, soit en tout cinquante-deux plus on moins grands domaines qui, au total, n'englobaient pas moins de deux cent quarante et une propriétés distinctes. La valeur indiquée au roi était de trois millions et demi de thalers, mais leur véritable valeur se montait à plus de vingt millions de thalers.
Les Polonais sauront à qui faire rendre, lors de la prochaine révolution, les vingt millions de thalers, le milliard polonais qui leur a été subtilisé au nom de la loi des trafiquants d'hommes !
Rien que dans l'arrondissement de Kalisch, la superficie des propriétés distribuées en dons dépassait d'un tiers la totalité des possessions royales et ecclésiastiques et leurs revenus, même après les misérables dévaluations effectuées lors des donations en 1799, se montaient annuellement, à elles seules, à 247 000 thalers.
Dans l'arrondissement de Kammer en Posnanie, le domaine d'Owinsk, avec ses vastes étendues boisées, fut donné au marchand de nouveautés Treschow, tandis que la starostie[5] de Szrin qui le jouxtait et qui n'avait pas un arbre, était déclarée domaine de l'État, et devait alors acheter son bois aux frais de l'État, aux forêts de Treschow.
Dans d'autres arrondissements enfin, les biens furent, dans les actes de donation, exemptés expressément des taxes habituelles et ce, « à perpétuité », si bien qu'aucun roi de Prusse ne devait jamais avoir le droit d'établir une nouvelle assiette de l'impôt.
Nous verrons maintenant de quelle façon et à quels « hommes de mérite » les propriétés volées furent données. Cependant, l'ampleur des services rendus à ces hobereaux campagnards nous oblige pour rester dans notre propos, à traiter ce chapitre dans un article spécial[6] .
- ↑ Cf. « Message de Nouvel An », la Nouvelle Gazette rhénane , n° 190 du 9 janvier 1849.
- ↑ Aujourd'hui Gniezno. De 1793 à 1919 ville prussienne près de Bromberg (aujourd'hui Bydgoscz). Jusqu'en 1300, c'était la ville où les rois de Pologne étaient couronnés.
- ↑ La rédaction polémique de ce texte ne doit pas faire croire à un sentiment raciste et antisémite, bien étranger aux auteurs - et pour cause (Marx était issu d'une famille juive). Ils se sont exprimés, à différentes reprises sur le rôle des Juifs de Pologne qui ont pactisé avec l'oppresseur prussien, trahissant ainsi les intérêts polonais, attitude qui peut s'expliquer en partie par l'antisémitisme violent de la paysannerie polonaise, soutenu par les gouvernements du roi de Prusse, du tzar de toutes les Russies et de l'empereur d'Autriche, pays entre lesquels, ne l'oublions pas, la Pologne était partagée.
- ↑ Autrefois, en Pologne, seigneur possédant un fief faisant partie des anciens domaines de Pologne.
- ↑ Circonscription administrative polonaise.
- ↑ Aucune suite à cet article n'est parue dans la Nouvelle Gazette rhénane .