La "ligne générale" de Jakovlev

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Tout bureaucrate qui se respecte a une "ligne générale", quelquefois pleine de tournants inattendus. La "ligne générale" de Jakovlev a toujours consisté à servir le haut commandement, mais aussi à cligner de l'œil à l'Opposition. Il s'est arrêté de cligner de l'œil quand il a compris que l'affaire était sérieuse et, pour un poste responsable, on n'exige pas seulement les mains, mais le cœur. Jakovlev est devenu commissaire du peuple à l'agriculture. En cette capacité, il a présenté au XVI° congrès une thèse sur le mouvement de collectivisation. Une des raisons fondamentales du bouleversement à la campagne a été déclare la thèse, "l'écrasement du trotskysme contre-révolutionnaire". Il ne sera donc pas vain de rappeler comment les dirigeants actuels de la collectivisation traitaient récemment de la question de l'économie agricole et cela dans la lutte contre le trotskysme.

Décrivant la dispersion et l'arriération de l'économie paysanne, Jakovlev écrivait à la fin de 1927:

"Ces faits sont tout à fait suffisants pour caractériser le drame de la petite économie. Au niveau culturel et organisationnel de l'économie paysanne hérité du tsarisme, nous n'arriverons jamais à faire avancer le développement socialiste dans nos campagnes avec la rapidité nécessaire" (Jakovlev, La Question de la reconstruction socialiste dans l'économie agricole, p. XXIV)

Il y a deux ans, quand 75 % des kolkhozes étaient encore formés de pauvres, l'actuel commissaire à l'agriculture, Jakovlev, évaluait leur caractère socialiste de la façon suivante:

"La question de la croissance dans les kolkhozes des éléments communaux plutôt qu'individuels du capital même aujourd'hui et peut-être surtout aujourd'hui, est encore une question de lutte: dans nombre de cas, l'accumulation individuelle privée se cache sous la forme communale" (ibidem, p. XXXVII)

Défendant contre l'Opposition le droit du koulak de vivre et de respirer, Jakovlev écrivait:

"La quintessence de la tâche est la transformation socialiste de l'économie paysanne en économie socialiste coopérative.. précisément cette petite économie qui est au fond l'économie du paysan moyen. Ceci est notre tâche fondamentale et la plus difficile. En la résolvant, nous pouvons, en passant, par notre politique générale et notre politique économique résoudre la tâche de limiter la croissance des éléments koulaks exploiteurs, la tâche d'une offensive contre les koulaks" ( ibid. XLVI).

Ainsi Jakovlev faisait dépendre même la possibilité de limiter la croissance des éléments koulaks de la solution de la "tâche fondamentale et la plus difficile": la transformation socialiste de l'économie paysanne. Quant à la liquidation du koulak en tant que classe, Jakovlev ne soulevait même pas la question. C'était il y a deux ans. Discutant la nécessité d'une transition graduelle de la coopération commerciale à la coopération productive, c'est-à-dire aux kolkhozes, Jakovlev écrivait:

"C'est l'unique route du développement coopératif qui assure réellement - naturellement pas en une, deux, trois ou quatre années, peut-être pas en une décennie la reconstruction socialiste de toute l'économie paysanne".

Notons soigneusement "pas en une, deux, trois ou quatre années, peut-être pas en une décennie".

"Kolkhozes et cartels", Jakovlev écrivait dans le même travail, "sont actuellement et seront longtemps encore indubitablement seulement des îlots dans la mer de l'économie paysanne, puisqu'une précondition de leur vitalité est avant tout un progrès énorme de la culture" (ibid. p. XXXVII)

Finalement, pour présenter la base d'une perspective de décennies, Jakovlev soulignait:

"La création d'une industrie puissante, rationnellement organisée, capable de produire non seulement les moyens de consommation mais aussi les moyens de production, impérative pour l'économie nationale - c'est la précondition d'un véritable plan socialiste coopératif" (ibid., p. XLIII)

C'est ainsi que la question se posait récemment quand Jakovlev, en tant que membre de la commission centrale de contrôle, a déporté l'Opposition en Orient à cause de son programme appelant à un assaut contre les privilèges du koulak et la bureaucratie et appelant à une collectivisation accélérée. En soutenant la politique officielle, le cours vers le "paysan riche", contre "la critique sans conscience et pleine de dépit de la part de l'Opposition" - les mots mêmes utilisés dans l'article -, Jakovlev pensait que les kolkhozes "prendraient" seraient pendant longtemps indubitablement seulement des îlots - non pas des îles, des îlots!- "dans la mer de l'économie paysanne" dont la reconstruction socialiste exigerait plus d'une décennie. S'il y a deux ans, Jakovlev proclamait, contrairement à l'Opposition que même la simple limitation du koulak pourrait être seulement un résultat au passage de la reconstruction socialiste de l'ensemble de l'économie paysanne prenant des décennies, aujourd'hui commissaire à l'agriculture il entreprend "de liquider le koulak en tant que classe" dans le cours de deux ou trois campagnes de semailles. Soit dit en passant, c'était hier; aujourd'hui Jakovlev s'exprime de façon bien plus énigmatique.

Et c'est ce type qui, incapable de penser sérieusement quelque chose jusqu'au bout, encore moins capable de prévoir quelque chose, qui accuse l'Opposition de "manquer de conscience", et, sur la base de cette accusation, arrête, exile, et même fusille - il y a deux ans parce que l'Opposition les poussait sur la route de la collectivisation et de l'industrialisation, aujourd'hui parce qu'elle tente de freiner les collectiviseurs et de les retenir dans la voie de l'aventurisme.

C'est là que se trouve l'essence de l'aventurisme bureaucratique.