L’URSS et le Japon

De Marxists-fr
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Le sentiment de satisfaction à propos de la trêve entre l’U.R.S.S. et le Japon ne devrait pas inspirer l’optimisme quant à l’avenir proche. Le Japon ne peut pas s’enfoncer plus profondément en Chine et en même temps tolérer l’U.R.S.S. à Vladivostok. Aucun art diplomatique ne peut faire disparaître cet antagonisme. Tokyo préférerait repousser le règlement de ses comptes avec I’U.R.S.S. jusqu’à ce que sa position en Chine soit assurée. Mais, d’un autre côté, ce qui se passe à l’intérieur de l’U.R.S.S. tente le Japon de frapper quand le fer est chaud, c’est-à-dire d’éprouver tout de suite sa force. D’où la politique ambiguë du Japon : provocations, violations de frontières, raids de bandits et en même temps négociations diplomatiques pour conserver la possibilité de demi-retraites temporaires au cas où l’U.R.S.S. s’avère plus forte que le Japon ne le souhaite.

A Moscou, on a compris depuis longtemps qu’une guerre est inévitable en Extrême-Orient. De façon générale, Moscou a toujours été intéressée à la repousser, autant parce que l’industrialisation rapide renforçait la puissance militaire des soviets que parce que les contradictions internes du Japon où il existe encore un régime semi-féodal, préparent la plus grande catastrophe sociale et politique.

Les difficultés militaires que le Japon a rencontrées en Chine et que les militaristes japonais, dans leur extrême courte vue, n’avaient pas prévues, ont cependant créé une situation nouvelle. Les intérêts vitaux de l’U.R.S.S. exigent qu’elle aide la Chine de toutes ses forces, affrontant consciemment les risques qui en découlent. On le comprend au Kremlin puisqu’une idée claire du problème de l’Extrême-Orient s’est dessinée pendant les vingt années du régime soviétique. Mais l’oligarchie du Kremlin a peur de la guerre. Cela ne veut pas dire qu’elle a peur du Japon. Personne à Moscou ne doute que le Mikado ne puisse pas soutenir une longue guerre. Mais on ne se rend pas moins clairement compte à Moscou du fait que la guerre conduira inévitablement à l’effondrement de la dictature stalinienne.

Staline est prêt en politique extérieure à toutes les concessions pour pouvoir d’autant plus brutalement conserver son pouvoir dans le pays. Mais ces concessions et les échecs de la diplomatie soviétique au cours des deux dernières années soufflent le mécontentement dans le pays et obligent Staline à des gestes spectaculaires de force pour dissimuler qu’il est prêt à de nouvelles concessions. C’est une explication pour tes derniers sanglants conflits à la frontière mandchoue et coréenne, aussi bien que pour le fait que, jusqu’à présent, ces conflits se sont terminés par une trêve et pas par une nouvelle guerre.

La clé de la situation est maintenant aux mains de Tokyo Le gouvernement japonais est dirigé par les généraux. Les généraux japonais sont dirigés par les lieutenants. Là est le danger immédiat dans cette situation. Les lieutenants ne comprennent ni la position du Japon ni la position de l’U.R.S.S. Malgré la leçon chinoise —- et en partie à cause d’elle — ils cherchent des victoires faciles aux dépens de l’U.R.S.S. Ils se trompent totalement. S’ils provoquent une guerre, elle ne provoquera pas la chute immédiate de Staline ; au contraire, elle renforcera sa position pour un an ou deux, et cette période est plus que suffisante pour révéler dans sa réalité la totale banqueroute interne du régime social et politique japonais. Une grande guerre provoquerait au Japon une catastrophe révolutionnaire analogue à celle qui a frappé la Russie tsariste dans la dernière grande guerre. L’effondrement de la dictature stalinienne ne viendra qu’en second lieu. C’est pourquoi, pour les maîtres du Japon, il ne serait pas sage d’obliger Staline à faire ce dont il ne veut pas, défendre l’U.R.S.S. les armes à la main.