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Special pages :
L'Assemblée de Francfort (novembre 1848)
Auteur·e(s) | Karl Marx |
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Écriture | 22 novembre 1848 |
Neue Rheinische Zeitung n° 150, 23 novembre 1848
Cologne, 22 novembre
Le Parlement de Francfort a déclaré nulle et non avenue, parce qu'illégale, la résolution de l'Assemblée de Berlin concernant le refus des impôts[1]. Il s'est ainsi déclaré pour Brandenburg, pour Wrangel, pour le prussianisme spécifique. Francfort s'est installé à Berlin et Berlin s'est installé à Francfort. Le Parlement allemand est à Berlin, le Parlement prussien à Francfort. Le Parlement prussien est devenu un parlement allemand, le parlement allemand est devenu un parlement prussien. La Prusse devait se fondre dans l'Allemagne et le Parlement allemand de Francfort veut maintenant que l'Allemagne se fonde dans la Prusse !
Le Parlement allemand ! Qui a parlé d'un Parlement allemand après les graves incidents de Berlin et de Vienne ? Après la mort de Robert Blum personne n'a plus pensé à la vie du noble Gagern. Après un ministère Brandenburg-Manteuffel, aucun démon[2] n'a plus pensé à un Schmerling. Messieurs les professeurs qui « firent de l'histoire » pour leur plaisir personnel, ont dû accepter le bombardement de Vienne, l'assassinat de Robert Blum, la barbarie de Windischgrætz ! Ces Messieurs qui avaient tant à cœur l'histoire de la civilisation allemande ont pratiquement laissé la civilisation allemande aux mains de Jellachich et de ses Croates ! Tandis que les professeurs faisaient la théorie de l'histoire, l'histoire allait son chemin tumultueux et se préoccupait peu de l'histoire de Messieurs les professeurs.
La résolution d'avant-hier a réduit à néant le Parlement de Francfort. Elle l'a jeté dans les bras de Brandenburg, coupable de haute trahison. Le Parlement de Francfort s'est rendu coupable de haute trahison et doit être jugé. Quand tout un peuple se dresse pour protester contre un acte arbitraire du roi, quand cette protestation s'exprime, tout à fait légalement par le refus des impôts et qu'une assemblée de professeurs - sans aucun attribut - déclare que ce refus des impôts, ce soulèvement du peuple entier sont contraires à la loi, cette assemblée est en dehors de toute légalité. C'est une assemblée de haute trahison.
C'est le devoir de tous les membres de l'Assemblée de Francfort qui ont voté contre la résolution, de sortir de cette « Diète défunte ». C'est le devoir de tous les démocrates d'élire à l'Assemblée nationale allemande de Berlin ces Prussiens démissionnaires pour remplacer les « Allemands » démissionnaires. L'Assemblée nationale de Berlin n'est pas une « partie », elle est un tout puisqu'elle a le pouvoir de voter des résolutions. Mais l'Assemblée brandebourgeoise de Francfort deviendra une « partie »; car la démission rendue nécessaire des 150 sera certainement suivie de celle de bien d'autres qui ne veulent pas constituer une Diète de Francfort. Le Parlement de Francfort ! Il a peur d'une république rouge et décrète une monarchie rouge ! Nous ne voulons pas de monarchie rouge, nous ne voulons pas que la Couronne d'Autriche, teinte de pourpre, vienne en Prusse et c'est pourquoi nous déclarons le Parlement allemand coupable de haute trahison ! Pourtant non, nous lui faisons trop d'honneur; nous lui donnons une importance politique qu'il a perdue depuis longtemps. Le verdict le plus sévère lui a déjà été signifié - ses résolutions restent lettre morte - et il tombe dans l'oubli.
- ↑ Au cours de sa séance du 20 novembre 1848, l'Assemblée nationale de Francfort déclara nulle et non avenue la résolution de l'Assemblée de Berlin. Cette décision fut prise à une majorité de 275 voix contre 150. Lorsque les résultats du scrutin furent proclamés des « hou-hou» de protestation se firent entendre à gauche. Cf. compte rendu sténographique des débats de l'Assemblée nationale constituante allemande de Francfort-sur-le-Main.
- ↑ Jeu de mots intraduisible en français. Teufel signifie en allemand diable, démon.