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L'Afrique noire « française » à l'heure de l'indépendance guinéenne
Auteur·e(s) | Rodolphe Prager |
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Écriture | 15 octobre 1958 |
Dans le sillage de la grande crise qui secoue la France depuis mai dernier, l'Afrique noire subit des transformations non moins décisives. Le rythme des événements dans ce secteur est le plus étonnant qui soit. L'observation à distance exige une attention de chaque instant pour soutenir l'allure.
Le contraste avec l'Algérie est frappant. Il n'est certes pas fortuit. Le jusqu'auboutisme en Algérie détériore les positions impérialistes en Afrique noire en même temps qu'il réduit la marge de manœuvre du colonialisme. L'effort de guerre interminable, immense, du Nord oblige à circonscrire l'incendie et à faire la part du feu à l'Ouest. Il contraignit, déjà, à la retraite au Maghreb sur les deux flancs de l'Algérie. Des voix se sont fait entendre depuis un certain temps dans les milieux dirigeants français, qui plaident l'abandon de l'Ouest africain pour des raisons de rentabilité capitaliste. L'influence de ces considérations n'est pas totalement absente dans le système de défense élastique que de Gaulle dut inclure dans sa Constitution et notamment dans le chantage aux crédits qui formait la base de l'offre « généreuse » jetée à Conakry et à Dakar : « Que ceux qui veulent l'indépendance la prennent le 28 septembre en votant non... la France en tirera toutes les conséquences ».
L'impérialisme ne s'est certes pas résigné à l'abandon de l'Afrique ; il a néanmoins choisi d'assouplir ses moyens de défense sous la contrainte d'un rapport des forces dégradé, des contre-coups subis par le capitalisme français à travers l'épreuve algérienne.
De mai à septembre, les choses ont grandement évolué en Afrique noire. Le changement le plus remarquable est l'accession soudaine, inattendue, de la Guinée à l'indépendance complète en l'espace de quelques jours. L'indépendance, d'objectif plus ou moins lointain, échelonné sur des étapes diverses, imprévisibles, est devenue une réalité immédiate à portée de main. Le départ en flèche de la Guinée, territoire pilote, à l'avant-garde quant à ses promesses industrielles et à son organisation politique, déterminera un clivage plus clair des partis imposé par des choix dénués d'équivoque.
La concentration des formations politiques éparses s'est poursuivie de mai à septembre pour être remise en question par le choix des protagonistes du oui et du non du référendum.
L'aspiration des masses au vaste parti unifié n'a pu aboutir finalement devant les fortes rivalités territoriales et la prétention du R.D.A. d'imposer sa prééminence. A défaut du parti unique on s'est trouvé rapidement face au système de deux grands partis africains. Les adversaires du R.D.A. ont décidé de faire bloc en constituant le Parti du Regroupement Africain dont le premier congrès se réunit le 26 juillet dernier à Cotonou. Moins d'un an après le fameux congrès de Bamako du R.D.A., la réunion du P.R.A. de Cotonou suscita tout autant d'émoi en revendiquant ni plus ni moins que l'indépendance immédiate.
« Autant les assises de Bamako de septembre 1957 furent celles de la Communauté franco-africaine, écrit le commentateur du Monde, autant celles qui se sont achevées à Cotonou sont plus brièvement celles de la Communauté africaine. » La préoccupation centrale du Congrès fut, en effet, l'indépendance nationale et l'unité des peuples africains qui sont deux termes indissociables. Mais le Congrès ne s'en tint pas à des idées générales très avancées. Il mit en avant un programme, des mots d'ordre précis. C'est en premier lieu celui de « la réunion rapide de la Constituante d'Afrique noire pour organiser une nation nouvelle : une fédération sur la base de l'égalité et des abandons volontaires de souveraineté des territoires actuels ». Le Congrès proposa ensuite la négociation entre l'Etat fédéral africain ainsi créé et la France en vue de la création d'une « Confédération multinationale des peuples libres et égaux, sans pour autant renoncer à la volonté africaine de fédérer en Etats-Unis d'Afrique, toutes les anciennes colonies ».
Un autre passage de la résolution finale de Ootonou mérite d'être cité, qui fixe le contenu social de cette émancipation nationale : « Le Congrès du P.R.A. opte pour un socialisme adapté aux réalités africaines, pour la collectivisation démocratique accélérée de l'agriculture et pour la création d'une économie moderne dynamique en Afrique noire, par la voie d'un socialisme africain, dans un compromis nécessaire avec les formes non socialistes ».
Le Congrès de Cotonou déborde de très loin à gauche les positions du R.D.A. A considérer les éléments plutôt hétéroclites qui constituent le P.R.A., ce résultat paraît paradoxal. Davantage encore Que le R.D.A., le P.R.A. mérite la qualification de fédération de partis. La crainte du rouleau compresseur du R.D.A. a conduit à l'assemblage le plus hétérogène qui soit. A l'intérieur du P.R.A. voisinent les extrêmes, pourrait-on dire si l'on faisait abstraction des positions très fluctuantes des dirigeants et des groupements qui donnent lieu à d'inconcertants[1] chassés-croisés. Dans le P.R.A. se rencontrent les anciennes sections de gauche du R.D.A. du Sénégal et du Niger qui furent exclues après le désapparentement du P.C.F. et d'ex-élus de l'administration apparentés aux groupes parlementaires de la droite et du M.R.P., sans parler des vieux routiers Senghor et Lamine-Gueye, qui ont trempé dans tous les bains.
Ce mariage « contre nature » est incompréhensible pour qui ignore le souffle puissant qui agite l'Afrique, balayant les ornières, menaçant les positions les mieux établies. Il est né aussi des combats acharnés que se livrent les partis à l'intérieur des territoires. La création par la loi-cadre Defferre de gouvernements locaux a donné lieu à une lutte sans merci « pour le pouvoir » ou pour sa défense, jalonnée déjà par des morts nombreux. Cette lutte est d'autant plus meurtrière qu'elle prend rarement sa source dans des principes divergents bien établis et qu'à défaut les leaders s'appuient volontiers sur des différences de tribus ou de races. Cette phase de confusion, héritage du passé, ne pourra être surmontée que par la cristallisation d'un parti répondant pleinement et complètement aux aspirations des masses africaines et ne se bornant plus aux réponses conjoncturelles.
Il est en tout cas significatif que les vieux notables de la politique africaine n'aient vu d'autre salut que de s'allier aux jeunes forces montantes, intellectuelles et travailleuses, pour disputer la suprématie aux leaders du R.D.A. La surprise causée par le Congrès de Cotonou, c'est que ces forces montantes présentes, notamment dans les délégations du Sénégal et du Niger, aient pu d'emblée prendre le dessus. Victoire relative et momentanée si l'on en juge par la décision de la plupart des sections, intervenue à peu de temps de là, de se prononcer pour le « oui ». L'autre signe, c'est l'élection de Djibo Bakary, leader de la gauche et dirigeant syndicaliste — le Sekou Touré du P.R.A. — au poste de secrétaire général du nouveau parti.
Le débordement des leaders traditionnels a donc été le fait majeur du Congrès de Cotonou, imitant en cela — et cela seulement — les assises de Bamako. Le conflit était de portée plus limitée à l'intérieur du R.D.A., bien qu'il couvrait des divergences plus profondes, inavouées, comme on peut s'en rendre à distance. Houphouët-Boigny, soutenu par sa section de la Côte d'Ivoire, a dû affronter à Bamako l'exigence de l'écrasante majorité des congressistes, entraînée par la section guinéenne de Sékpu Touré, opposant a la balkanisation inscrite dans la loi-cadre la création de gouvernements fédéraux africains à l'échelle de l'A.O.F.[2] et de l'A.E.F.[3] Les leaders ivoiriens, défenseurs des privilèges de la néo-bourgeoisie d'un territoire « riche », furent conspués copieusement et se sentirent isolés. Houphouët-Boigny abandonna le Congrès pour ne plus y reparaître au cours des deux derniers jours. Il imposa dans la coulisse le compromis sous la menace de sa démission de président.
A Cotonou, le rapport sur la jeunesse servit ouvertement de contre-rapport et fut développé immédiatement après l'exposé de Senghor. Le mélange plus hétérogène du P.R.A. s'avéra plus explosif qu'un R.D.A. expurgé et à l'appareil plus assis. La pression combinée des syndicats, de la jeunesse, des intellectuels à un moment critique de la crise française et de l'élaboration constitutionnelle contraignit les vieux leaders à lâcher prise. Les positions exprimées à l'égard de la Révolution algérienne furent également plus catégoriques qu'à Bamako. L'entière solidarité avec les « frères algériens » fut reprise par maints orateurs. L'un d'entre eux préconisa « que les tirailleurs noirs se rangent aux côtés des combattants algériens ». Le Congrès dénonça unanimement l'emploi des troupes noires dans les opérations d'Algérie, ce que le Congrès du R.D.A. se garda bien de faire. Notons que les députés présents en grand nombre votèrent à peu près régulièrement en faveur des mesures de guerre promulguées par les gouvernements depuis quatre ans.
Il convient, évidemment, de rattacher la flambée nationaliste de Cotonou au débat constitutionnel qui mettait en cause le futur statut africain. Les militants africains n'avaient que trop de raisons d'être vigilants devant le régime mis en place par le soulèvement colonialiste d'Alger. Ils étaient peu désireux de participer à un référendum plébiscitaire consacrant la victoire des colons et concernant le fonctionnement de la métropole. Si l'on prétend malgré tout leur faire voter pour la nouvelle Constitution, il faut pour le moins que celle-ci leur permette d'accéder sans contestation possible à l'indépendance.
De Gaulle venait de rejeter du haut de sa grandeur l'option en faveur de l'indépendance dans un cadre confédéral proposée par le Comité consultatif. Le différend qui opposait P.R.A. et R.D.A. au cours d'interminables débats juridiques sur le statut fédéral ou confédéral couvre deux optiques et perspectives distinctes. Le statut fédéral à la Houphouët-Boigny lie directement à la France les territoires africains de 1 à 2 millions d'habitants, promus au rang d'Etats autonomes. La confédération préconisée par Senghor part de la constitution préalable d'un Etat fédéral africain regroupant les territoires épars, l'Etat fédéral en tant qu'unité se rencontrant avec la France au sein d'une confédération.
La balkanisation reste aux yeux des grands planteurs ivoiriens dont Houphouët-Boigny — lui-même très gros propriétaire — est l'éminent porte-parole, le moyen le plus sûr de contenir la Révolution africaine. L'étroite soumission aux forces impérialistes demeure la meilleure sauvegarde de cette couche sociale qui craint d'affronter seule les masses. Cette vision anachronique qui heurte profondément les masses africaines n'offre aucune chance aux leaders de conserver la situation, au moins de l'avis de Senghor, qui ne voit d'autre alternative que d'avancer prudemment dans le sens d'un développement historique inéluctable.
C'est au lendemain du rejet de la confédération et de l'indépendance par de Gaulle qu'eut lieu le congrès de Conakry, Senghor s'y présenta désabusé, les mains vides. La masse des militants refusa de se laisser prendre dans un nouvel engrenage « fédéraliste », formule impérialiste assouplie, succédanée de l'Union Française mort-née de triste mémoire. Elle ne s'arrêta plus aux formules bâtardes de l'exécutif fédéral d'A.O.F. et d'A.E.F., cadre étriqué, arbitraire, tracé par le colonialisme, qui ne correspond plus aux réalités d'une Afrique promise à l'indépendance. Elle estima que le moment de la libération était proche, les conditions favorables et que le programme de l'émancipation devait être dès cet instant arboré en pleine clarté : indépendance immédiate, Constituante d'Afrique noire, socialisme africain, Etats-Unis d'Afrique.
Ceux qui interprètent le programme comme une manifestation d'accès démagogique n'ont rien compris ou ne veulent rien comprendre. Il est des idées avec lesquelles il est malaisé de jongler. Un programme comme celui-ci ne s'effacera pas et ne tombera pas dans l'oubli. La résolution finale de Cotonou fut l'œuvre d'un compromis. Les atténuations qu'y introduisit Senghor ne parviennent pas à en diminuer la portée.
De Gaulle qui cherchait la confirmation de Cotonou fut servi par l'accueil qui l'attendait à Conakry et à Dakar. Il s'avérait que le programme de Cotonou n'était pas une invention du P.R.A. mais reflétait une aspiration large et profonde des travailleurs puissamment organisés, de la jeunesse, des intellectuels, sentiment qui s'exprimait aussi bien dans le R.D.A. et plus largement que Houphouët-Boigny ne veut l'avouer. Libre aux sourds de répéter, après l'Indochine et l'Afrique du Nord, que les manifestations de Conakry et de Dakar ne sont que l'œuvre de quelques exaltés ou agents stipendiés. Qu'ils se laissent donc endormir par les résultats partiellement encourageants du référendum...
Après le référendum[modifier le wikicode]
On peut à bon droit se poser la question : comment le oui a-t-il pu triompher si largement après les décisions de Cotonou ? Le populaire leader nigérien Djibo Bakary, imitant l'appel de Sékou Touré, ne récolta que 22 % de « non ». Apparemment, les campagnes dans le même sens de la centrale syndicale U.G.T.A.N., des organisations de jeunes, de la fraction dissidente du P.R.A. sénégalais, du P.A.I., sont restées sans grand effet Les résultats officiels indiquent 2,6 % de non au Sénégal, 2,4 % au Soudan, 2,3 % au Dahomey, 7,5 % au Gabon. Ces « non » viennent presque uniquement des grandes villes. L'U.G.T.A.N, dénonce la fraude qui se serait pratiquée sur une vaste échelle. N'annonce-t-on pas 99,98 % de « oui » en Côte d'Ivoire ? C'est un record qui défie toute concurrence. La fraude peut prendre libre cours dans la brousse, c'est un fait certain. Mais devait-on y recourir systématiquement, alors que le choix était bien confus ? Il était aisé aux appareils des grands partis et à l'administration d'influer sur le vote par des moyens plus légaux.
Aussi serait-il imprudent de conclure que les syndicats et les petites formations ont subi un échec irrémédiable et que les leaders traditionnels restent tout puissants. Nul n'osera prétendre que les masses qui ont voté oui se sont prononcées contre l'indépendance. C'est le contraire qui est vrai : on leur a dit et répété qu'il fallait voter « oui » pour aller vers l'indépendance. Autrement dit presque partout, peu ou prou, on a fait miroiter l'indépendance des deux côtés. De Gaulle n'a-t-il pas inclus dans la Constitution, après son voyage africain, le droit pour les territoires d'adopter l'indépendance à tout moment par les voies légales ?
L'ultime concession de de Gaulle provoqua un petit flottement et permit le ralliement au « oui » de la plupart des dirigeants du P.R.A. qui laissèrent, toutefois, la liberté aux sections territoriales de fixer leur choix.
L'important, c'est que le référendum ne met pas fin à la bataille mais la fait entrer dans une phase plus aiguë, comme il est aisé de s'en apercevoir maintenant. Un territoire crucial au centre dit dispositif français, la Guinée, a acquis son indépendance. Tout l'édifice s'en ressent. Les syndicats, dont Sekou Touré est le secrétaire général, se trouvent affectés. Le rapport des forces des partis se trouve remis en question. L'attitude envers la Guinée est la première pierre d'achoppement dessinant un nouveau partage.
Le bureau du R.D.A. propose au prochain comité de coordination l'exclusion de Sekou Touré et de la section guinéenne. Houphouët-Boigny mène campagne pour le boycott de la Guinée et met en demeure le gouvernement français d'établir un cordon sanitaire vigoureux.
A l'opposé, certaines sections du P.R.A. ont adressé leurs salutations à la Guinée et le comité directeur du parti invite le gouvernement français à ne pas rompre les relations économiques. La Fédération des Etudiants d'Afrique Noire s'offre de fournir à la Guinée les cadres techniques et administratifs dont elle aura besoin. Le congrès de l'U.G.T.A.N. regroupant tous les syndicats d'Afrique se tiendra le 15 janvier à Conakry.
Entre les protagonistes du « oui » une ligne de démarcation s'est faite jour sans tarder. Les relations entre le P.R.A. et le R.D.A. se sont durcies contrairement à ceux qui espéraient un rapprochement possible au lendemain du référendum. Notre « oui » c'est l'indépendance à terme préparée dans des conditions plus favorables, affirment les leaders sénégalais Senghor et Mamadou Dia. « La Communauté bien comprise devrait permettre l'accession rapide à l'indépendance », estime le président du conseil du Dahomey, Apithy, A ceux-là, Houphouët-Boigny rétorque : « Nous entrons dans la Communauté pour y rester et non pour en sortir... Ceux qui sont entrés avec l'intention d'en sortir demain ne seront pas avec nous ».
Aux termes de l'article 76 de la Constitution, les territoires doivent manifester dans les prochaines semaines leur volonté de devenir « Etats membres de la Communauté groupés ou non entre eux ». Voilà reposé avec acuité le fameux choix de l'exécutif fédéral. Le divorce est complet cette fois entre le P.R.A. et le R.D.A. expurgé de la Guinée. Une réunion commune des dirigeants africains devait débattre le problème et rechercher une formule d'accord. Elle n'aura pas lieu. Le R.D.A. a catégoriquement rejeté l'idée d'exécutif fédéral. Houphouët-Boigny flétrit « la démagogie de ceux pour qui unité signifie sécession »[4]. Il annonce un plan de coopération pour la zone R.D.A. de « ceux qui s'engagent à ne pas sortir de la Communauté et en donnent des preuves tangibles ».
Houphouët-Boigny ne s'en remet pas de l'affront de la Guinée. Il jure que cela ne se reproduira pas. Il a choisi d'être le garde-chiourme de la « Communauté » : « Des intellectuels pourront, à Paris, dire qu'ils veulent la sécession. Je vous assure que dans nos Etats personne ne le dira plus, personne ne l'écrira plus ! » (Interview d'Houphouët-Boigny à Carrefour.)
Prenant acte du refus du R.D.A., le comité directeur du P.R.A. a décidé pour sa part de présenter aux partis africains un projet de Constitution fédérale pour l'A.O.F. et l'A.E.F.
La tension est appelée, sans doute, à s'accentuer dans la prochaine période. Les yeux des couches avancées convergeront inévitablement vers la Guinée qui n'est pas disposée à se laisser étrangler économiquement — et sa bauxite est un excellent atout — ni à se laisser isoler sur le plan politique. La Guinée sera le phare de l'avant-garde africaine. D'ores et déjà le Togo et le vaste Nigeria britannique sont assurés de leur indépendance d'ici un an. Le Kamerun les suivra vraisemblablement de peu. Le rapport des forces se trouvera notablement déplacé et des territoires comme le Dahomey, le Sénégal, le Niger — pour ne parler que de ceux-là — seront des plus sensibles à l'attraction.
Pour l'instant, à défaut d'avoir stabilisé la situation, la Ve République a du moins accru la division. Mais la nouvelle conjoncture favorisera la clarification des positions et des regroupements. Les étapes à franchir apparaissent plus nettement grâce à la Guinée. Cerné en A.O.F, le R.D.A. cherche à étendre son emprise dans la région moins évoluée de l'A.E.F. Mais Bamako fut l'illustration que le R.D.A. ne se résume pas en la personne de Houphouët-Boigny. Ce n'est pas par hasard que la masse des militants se reconnaissait mieux en Sekou Touré qu'en Houphouët-Boigny. Tout expurgé qu'il soit par les crises et les secousses successives, le R.D.A. comprend une majorité de militants chevronnés attachés à la cause de l'émancipation africaine qui s'affranchiront de Houphouët-Boigny, garde-chiourme de la Communauté, pour rejoindre le camp de Sekou Touré.
15 octobre 1958.
- ↑ Sic (MIA).
- ↑ Afrique-Occidentale Française. (Note de la MIA)
- ↑ Afrique-Equatoriale Française. (Note de la MIA)
- ↑ Au lendemain du référendum, rempli d'amertume à l'encontre « des apprentis sorciers de Cotonou » et de Sekou Touré « qui a abusé de la confiance de ses amis du R.D.A. », Houphouët-Boigny fit cette déclaration : « L'unité que d'aucuns proposent depuis bientôt deux ans est une unité pour une politique de sécession et pour une politique qui n'ose pas dire son nom, baptisée qu'elle est de politique sociale. Mais quand on connaît les animateurs de cette politique, qui sont tous, ou presque, d'anciens membres de la C.G.T., on doit comprendre tout ce que recouvre ce vocable d'unité ».
Comme quoi la conscience de classe d'Houphouët-Boigny — gros propriétaire foncier — ne se laisse pas prendre en défaut. L'apparentement au P.C.F. lui semble péché véniel à côté de l'appartenance à la C.G.T.