Karl Marx (par Luxemburg)

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1. Le 14 mars marque le 25e anniversaire de la mort du grand maître du prolétariat international. Un quart de siècle s'est écoulé, et les paroles et les enseignements de Marx, non seulement n'ont rien perdu de leur éclat et de leur puissance, mais au contraire, chaque jour leur confère une nouvelle force, chaque étape de l'histoire sociale témoigne à nouveau de leur vérité.

2. Il est vrai qu'il en va de même pour tous les génies scientifiques : ce n'est qu'après leur mort , après un certain temps, que l'influence de leurs idées novatrices sur l'esprit de la société se manifeste progressivement, mais l'œuvre et l'influence de Marx obéissent à une loi particulière. Son action mémorable consiste à avoir découvert et exposé avec  la rigueur d'un chercheur-naturaliste les lois internes  du développement de la société capitaliste et les lois  découlant de ce développement de la lutte des classes et de l'émancipation du prolétariat. La théorie de Marx n'est rien d'autre que le reflet intellectuel, la prise de conscience par le prolétariat des fondements historiques de sa lutte et de sa libération. C'est pourquoi seul le développement historique du capitalisme ouvre la voie à la pensée de Marx et à son enseignement dans le monde entier . Partout où fument les cheminées d'usine, où les roues vrombissent et les marteaux résonnent, où la fourmilière ouvrière accumule à la sueur de son front des richesses incommensurables pour son  tyran capitaliste, là, bientôt, la révolte de l'humanité opprimée et la nostalgie du soleil de la liberté et de l'égalité doivent s'éveiller dans le cœur de ces victimes de l'exploitation. Et dès lors que la révolte et la quête de libération s'éveillent, une question doit surgir : d'où vient  l'esclavage du prolétariat ? Quel est le chemin vers sa  libération ? Les réponses à ces questions se trouvent dans les enseignements de la théorie de Marx.  

3. C'est pourquoi chaque nouveau pays où le Capital étend sa domination est une nouvelle province conquise pour la science de Marx, chaque nouveau palier dans le développement de l'exploitation capitaliste est un pas de plus dans la marche victorieuse vers le socialisme, pas après pas sous la bannière de Marx .

4. Ce n'est pas Marx qui a créé le mouvement ouvrier, et l'idéal socialiste ne date pas de Marx. Dès le début du XIXe siècle, de grands hommes en Angleterre et en France, Owen, Saint Simon, Fourier, prêchaient l'évangile du socialisme. Dès 1834, le prolétariat français à Lyon a sonné l'alarme de la lutte des classes. À la même époque, le prolétariat anglais menait des combats ouverts sous la bannière du chartisme. Lors de la révolution de février 1848, les ouvriers français ont bouleversé toute la société bourgeoise par leur lutte pour une république sociale.

5. Mais ce socialisme et cette lutte des classes du prolétariat s'épuisaient dans l'impuissance et des efforts infructueux. Les premiers prêcheurs du socialisme ne comprenaient pas que seule la lutte du prolétariat était capable de réaliser leur idéal. La masse ouvrière cherchait à tâtons son chemin, tantôt attendant le salut des seules réformes politiques dans l'État bourgeois, tantôt se détournant complètement, découragée, de la lutte politique. Dans le même temps, le prolétariat de chaque pays cherchait une issue à l'esclavage et menait des combats de son propre chef, isolé et seul .

6. Dans sa théorie du développement économique de l'économie capitaliste, Marx a donné la clé pour résoudre toutes les questions du socialisme. Il a expliqué que la réalisation de l'idéal socialiste est une nécessité historique, car elle découle inévitablement du développement même du capitalisme. Il a expliqué que seule la classe ouvrière peut se libérer par sa propre lutte économique et politique, en cherchant à conquérir le pouvoir étatique. Il a enfin expliqué que dans cette quête, tous les travailleurs du monde forment une seule armée internationale , tout comme le capital moderne forme une seule force d'exploitation internationale.

7. Aujourd'hui, un quart de siècle après la mort de Marx, la théorie sur laquelle il s'est appuyé est défendue par un camp solide et uni, celui de la social-démocratie internationale qui lutte pour le prolétariat. Et nous, aujourd'hui, qui venons de vivre dans le tourbillon de la révolution l'action salvatrice de la théorie et de la tactique de combat fondées sur l'enseignement de Marx, nous pouvons, confiants en l'avenir, tourner nos pensées reconnaissantes et pleines de vénération vers celui qui, il y a soixante ans, nous a lancé ses mots d'ordre.

8. « La libération de la classe ouvrière ne peut être l'œuvre que de la classe ouvrière elle-même » et « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! »