Interventions au 9e Plenum du CEIC

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I. IXe Session du Comité Exécutif de l’IC[modifier le wikicode]

Première Séance

(9 février 1928)

À 7 h. 30 du soir Thaelmann déclare ouverte la séance plénière du C.E. de l’I.C. L’ordre du jour suivant est proposé, puis adopté à l’unanimité :

1. L’opposition dans le P.C. de l’U.S. et dans l’I.C. ;

2. La question syndicale ;

3. La question chinoise ;

4. La préparation du VIe congrès mondial de l’I.C. ;

5. La question anglaise ;

6. La question française.

Au moment où l’on décide la désignation des commissions, Lozovski s’oppose à ce que l’on nomme une commission syndicale, car il en existe une auprès du Présidium, où les questions ont été étudiées à fond : il jure qu’une discussion sur la question syndicale suffira à la séance plénière. Son objection est repoussée et l’on décide la formation des commissions suivantes : commission syndicale, commission chinoise, commission anglaise et commission française.

Après avoir liquidé les questions réglementaires, Boukharine a la parole, en qualité de rapporteur, sur le premier point de l’ordre du jour.

L’opposition dans le PC de l’US et dans l’IC[modifier le wikicode]

Rapport de Boukharine

La question de l’opposition trotskiste dans le P.C de l’U.S. et dans l’Internationale est importante par elle-même, elle l’est aussi parce que l’opposition, sérieusement battue et écrasée dans notre parti, renforce maintenant, avec les autres groupements anticommunistes, son activité dans les partis étrangers. Il y a dans les organes de l’opposition certaines déclarations officielles qui le confirment. Dans le journal de l’opposition tchèque, Rude Prapor, on écrit ouvertement qu’il est maintenant nécessaire d’intensifier l’activité de l’opposition dans les rangs de l’I.C. Etant donné l’importance de la question, nous devons la discuter à la séance plénière et fixer les moyens de lutte propres à liquider définitivement l’opposition trotskiste N’étant pas en état de consacrer beaucoup d’attention aux questions de politique générale, je fais un très bref préambule général sur cette question.

Nous sommes maintenant dans une situation dont les traits caractéristiques sont l’aggravation des rapports entre les Etats impérialistes et l’aggravation de l’attitude des pays impérialistes envers l’U.R.S.S. Le problème des dangers de guerre s’y rattache.

Nous observons en même temps un certain nombre de changements à l’intérieur de chaque pays capitaliste, en particulier dans les pays où il y a un capital financier très développé. Nous observons un processus rapide de trustification de l’industrie, une interpénétration, une soudure de plus en plus grande des organisations patronales arec les organes de l’Etat, ce que j’ai qualifié, à notre congrès, de tendance capitaliste-étatiste. Il me semble que depuis, ce que j’ai dit au congrès est devenu encore plus clair. Cette tendance ne laisse plus le moindre doute. A ceci se rattache un autre processus, le processus d’incorporation des éléments dirigeants des syndicats réformistes et des partis social-démocrates dans l ’ a p p a r e i l général des organisations patronales. L’idéologie de « paix civile » existait auparavant aussi, le réformisme y était toujours lié, mais la forme organisée en laquelle s’extériorisait cette idéologie a quelque peu changé maintenant.

Prenons l’exemple de l’Angleterre, où peu à peu l’indépendance formelle des organisations ouvrières se réduit à néant, où les éléments dirigeants des organisations ouvrières tentent d’inculquer à la masse l’idéologie de « paix dans l’industrie », où, à l’aide de méthodes que nous qualifions d’« américanisation », se créent d’autres formes de liaison entre ces organisations ouvrières, d’une part et les organisations étatiques ou purement patronales, de l’autre. Peu à peu, se crée un appareil d’une puissance colossale, dont les éléments composants comprennent aussi les couches dirigeantes de prétendues organisations ouvrières. Une telle tendance, c’est certain, existait aussi avant, en particulier pendant la guerre, mais elle est maintenant particulièrement en relief. Tout ce processus s’accomplit dans les conditions de l’aggravation du niveau de vie de la classe ouvrière, dans les conditions d’une attaque des patrons contre le prolétariat et sous le mot d’ordre du soutien de la rationalisation capitaliste. Parmi les phénomènes objectifs de la vie européenne, il faut aussi compter l’évolution à gauche croissante de la classe ouvrière, s’exprimant en un renforcement de la lutte de grève, des actions de masses et des mouvements du prolétariat, en la croissance des sympathies pour l’Union soviétique.

Les racines de tous ces phénomènes sont dans la situation actuelle de l’économie mondiale : une concurrence exacerbée, la nécessité inexorable de la rationalisation de l’appareil industriel, la nécessité d’une pression sur la classe ouvrière, la nécessité d’étouffer tout courant d’opposition au sein de la classe ouvrière. Il est facile de comprendre que c’est sur cette base que nous avons la tendance de plus en plus forte d’élimination des communistes des grandes organisations ouvrières. L’attaque contre les communistes a déjà commencé ; à mon avis, elle s’intensifiera encore. Telle est la situation en Allemagne : souvenons-nous des derniers événements du mouvement syndical. La position des Trade-Unions anglaises et du Labour Party dirigée contre les éléments de gauche au sein du parti, est caractéristique. Nous avons les mêmes symptômes en France — et tout cela grandit en une tendance générale d’accentuation de la lutte du réformisme, de la social-démocratie, des milieux dirigeants des organisations syndicales et de la IIe Internationale, en premier lieu contre les communistes.

L’attaque contre le communisme a pour prémisses le travail instable [?] des partis social-démocrates et des fonctionnaires syndicaux pour discréditer le parti communiste dans les différents pays et pour autant que toutes ces questions intérieures sont liées avec les questions de politique extérieure, le principal objectif des social-démocrates, dans la politique extérieure, est de discréditer l’Union soviétique et notre parti, c’est-à-dire le parti communiste de l’Union soviétique. La propagande contre les partis communistes et l’Union soviétique a une grande importance également du point de vue de la conjoncture internationale, du point de vue de la politique extérieure et intérieure des pays capitalistes. Pourquoi, par exemple, tente-t-on précisément maintenant et d’une façon si violente de discréditer l’économie nationale de l’Union soviétique ? Ce n’est pas difficile à comprendre. En supposant que la social-démocratie réussisse à discréditer notre économie aux yeux de la classe ouvrière, elle se faciliterait sa tâche, il lui serait plus facile d’attirer ces ouvriers dans son chemin, à savoir : le chemin du capitalisme d’Etat, de la démocratie économique, etc., ce qui, à vrai dire, fait déjà maintenant l’objet de la propagande des partis social-démocrates. Si on discrédite précisément maintenant notre pouvoir, notre Etat et, en premier lieu les méthodes prolétariennes de gouvernement, les méthodes de la dictature du prolétariat, si on discrédite nos méthodes économiques et notre structure économique, d’une part, et le caractère de notre Etat, de l’autre, on discrédite ainsi le communisme. Le discrédit de l’U.R.S.S. doit faciliter la propagande des méthodes spécifiquement social-démocrates Sur le terrain de la politique extérieure, nous avons le problème des dangers de guerre contre l’U.R.S.S. (que nous avons déjà souvent discuté). Comment tente-t-on, sur ce terrain, de discréditer notre Etat, le parti communiste, le communisme en général ? Il y a à cet égard, une ligne spécifique, des mots d’ordre spécifiques, des méthodes spécifiques pour nous discréditer. Il faut y compter l’affirmation que nous sommes, en politique étrangère, sur la plateforme de l’« exclusivisme national », que nous ne menons pas une politique extérieure communiste-prolétarienne, mais une politique « nationale », répondant aux intérêts généraux de toutes les classes de la Russie des soviets. Ou bien, pour dire la même chose plus nettement : que notre politique extérieure n’est rien d’autre, soi-disant, que le prolongement historique de la politique que menait le tsarisme. C’est pourquoi, dit-on, nous dirigeons notre principale attaque contre l’Angleterre, c’est pourquoi notre regard est tourné vers l’Extrême-Orient, c’est pourquoi nous tendons vers l’Inde. Il y a là une certaine garantie logique dans les deux directions : si les événements dans les autres pays, en particulier en Orient ne vont pas d’un rythme rapide, on dira que nous nous abandonnons à l’« exclusivisme national ». Si les événements se déroulent sous une forme aiguë, on dira que nous appliquons l’« impérialisme rouge », et cet impérialisme rouge n’est rien d’autre, parait-il que le prolongement spécifique, en quelque sorte, sous une autre forme historique, de la politique du tsarisme. Quelques écrivains social-démocrates et réformistes posent toutes ces questions avec une très grande acuité et sous une forme très absolue et catégorique, bien qu’en même temps très sotte. A l’extérieur, affirme-t-on, nous suivons la politique du tsarisme ; à l’intérieur du pays, nous exerçons une oppression pire que le régime de Horthy et Mussolini (comme dit Kautsky), nous appliquons une politique de transition du communisme au fascisme, au tsarisme (comme disent les extrême-gauchistes).

Tel est le rapport des forces et tels sont les mots d’ordre et formules qui jouent maintenant un rôle très grand dans la lutte entre la bourgeoisie et le prolétariat, entre les social-démocrates et les communistes.

C’est à la lumière de cette disposition des forces, de ces mots d’ordre de nos adversaires, de ces rapports entre les classes, de ces rapports internationaux qu’il faut poser la question du travail de l’opposition trotskiste dans notre parti et en dehors de celui-ci, dans l’Internationale et en dehors d’elle.

Il n’y a pas de doute que notre parti, dans la situation actuelle, en face d’un ennemi qui lance sur nous une attaque de plus en plus forte, doit, avec plus de netteté que jamais, révéler sa propre physionomie communiste, intensifier l’offensive contre l’ennemi social-démocrate. Les partis, dans leur tactique, doivent être plus indépendants, mais en même temps ils ne doivent pas perdre le contact avec les masses, mais, au contraire, grâce à une telle tactique, les conquérir. C’est une tâche très difficile. Ce serait une erreur que de croire que du moment que l’ennemi accentue son offensive contre nous, nous devons consentir des concessions idéologiques, tactiques ou autres pour pouvoir ainsi acquérir de nouvelles possibilités d’aller de l’avant. Une telle tactique serait une erreur absolue. Nous perdrions nos positions, nous serions privés de la possibilité de déployer notre force de recrutement, nous ne serions pas en état de conserver notre physionomie communiste propre, nous ne serions pas en état de mobiliser les masses sous notre drapeau. Tels sont les arguments généraux prouvant que nous devons maintenant, par exemple en France et en Angleterre (je ne mentionne que ces deux très importants pays), conduire nos partis à gauche.

C’est précisément à un tel moment, alors que nous accentuons notre ligne, alors que nous sommes devant des dangers de guerre imminents, alors que nous devons de la façon la plus énergique déployer la campagne antimilitariste, alors que nous devons avec plus de vigueur que jamais mettre au premier plan le côté spécifiquement communiste de notre travail, alors que nous sommes en face de grandes difficultés, en particulier dans les syndicats. — c’est précisément à un tel moment que nous nous heurtons à une activité renforcée de ce qu’il est convenu d’appeler l’opposition trotskiste, opposition qui, objectivement, n’est rien d’autre que l’aile « gauche » du parti social-démocrate.

Le point le plus important de l’orientation sur laquelle l’opposition à l’étranger (pas seulement à l’étranger, mais aussi chez nous) concentre toute son attention, c’est la lutte contre ce qu’ils appellent le « régime », comme le fait aussi la social-démocratie. Prenez, par exemple, l’organe du groupe Maslow, la Volksteille [ ?]. Tout le journal est consacré à toutes sortes de légendes, d’élucubrations calomnieuses, dirigées contre l’Etat soviétique et notre parti, et cela est la meilleure confirmation de la thèse que l’opposition marche coude à coude avec les social-démocrates de « gauche ». Du point de vue du problème de la conquête des masses, l’opposition trotskiste ne doit pas être considérée autrement que comme une barrière sur le chemin de la conquête des masses pour le communisme. Dans le parti allemand, comme dans les partis des autres pays, il y a eu, voilà quelque temps, une controverse au sujet du rôle des leaders social-démocrates de « gauche ». Dans une résolution du congrès d’Essen, il est dit qu’il faut considérer comme principal ennemi les dirigeants de l’aile « gauche » de la socialdémocratie. C’est absolument juste. Le rôle objectif des leaders social-démocrates « gauches » dans notre situation spécifique, est particulièrement nuisible, c’est évident. Si Noske dit que dans la Russie des soviets triomphe Thermidor, personne ne le croit. Il en est autrement des leaders de « gauche » de la social-démocratie qui dissimulent leur calomnie contre l’U.R.S.S. sous des phrases de défense conditionnelles de l’Union soviétique. Les ouvriers socialdémocrates prêtent encore plus volontiers l’oreille à Trotski, qui prétend que c’est sous le drapeau de la défense de la dictature du prolétariat qu’il lance ses calomnies contre le P.C. de l’U.S. et l’Union soviétique.

Toutes les questions intérieures et extérieures de notre politique se révélant avec le plus de netteté par la discussion de la question de l’attitude envers l’Union soviétique, il serait absolument juste de dire que l’opposition trotskiste n’est rien d’autre et joue le même rôle que l’aile « gauche » du parti social-démocrate.

En ce sens, l’opposition trotskiste (nous devons le dire franchement) est une force contre-révolutionnaire. Je m’arrête un peu sur les causes qui ont provoqué cette opposition et qui provoquent en général certaines tendances d’opposition dans l’Union soviétique. La base sociale de l’opposition trotskiste, si on parle de l’Union soviétique, c’est, à mon avis, les flottements des éléments petits bourgeois, employés, intellectuels. Naturellement, ils tentent de s’assurer un appui dans les couches de la classe ouvrière et des paysans et dans différentes couches des chômeurs, car ces éléments petit-bourgeois et intellectuels ne sont pas par euxmêmes une grande force sociale et ont besoin d’un appui, d’une façon ou d’une autre. Nous avons remporté d’assez grands succès économiques dans notre travail d’édification.

Cela ne laisse absolument aucun doute. Mais, en même temps. il y a chez nous de très grandes difficultés. Ces difficultés ont existé, elles existent encore et continueront à exister à l’avenir. Prenons comme exemple frappant le problème de la lutte contre la bureaucratie. Une étape de cette lutte contre la bureaucratie, c’est ce que nous appelons en Russie, la « compression de l’appareil ». Cette compression de l’appareil n’est pas la solution du problème, elle en est une partie intégrante et importante. Que l’appareil soit hypertrophié, qu’il y ait chez nous trop d’employés, qu’il faille comprimer l’appareil, tout le monde le sait. Mais quand nous comprimons l’appareil, du point de vue social, cela veut dire tout simplement, que nous jetons sur le pavé certaines couches d’employés. Nous secourons sans doute les employés restés sans travail, mais cette aide est insuffisante. Il n’est pas difficile de comprendre que lors de la compression de l’appareil se créent différentes tendances d’opposition. C’est un phénomène qui se produit chez nous, bien que nous ayons des succès économiques, bien que certaines couches de nos intellectuels, en particulier les techniciens, les ingénieurs, etc., se soient sérieusement attachés à notre œuvre. A mon avis, la base sociale de notre opposition doit être cherchée dans les flottements des couches d’employés et d’intellectuels que nous sommes obligés de licencier ou qui sont menacés de licenciement. On peut, à l’aide de la statistique, voir quel a été le nombre de voix recueillies par l’opposition pendant la discussion dans notre parti, le diviser par catégories sociales, c’est-à-dire voir le nombre de voix de l’opposition dans les cellules ouvrières, dans les cellules d’employés, dans les cellules d’étudiants. En opérant de la sorte, on s’aperçoit que l’opposition avait le moins de voix dans les cellules d’ouvriers et le plus dans les cellules d’employés et d’étudiants. C’est dans ces cellules qu’il y a la plus grande proportion d’opposants. Ils sont la chair de la chair des couches petite-bourgeoises.

On peut, sans doute, dire que l’opposition a posé vigoureusement la question de la lutte contre la bureaucratie. Mais cet argument ne soutient pas la critique. Il y a la logique objective des faits qui est beaucoup plus importante que la logique subjective et que les nuances politiques.

Trotski et consorts, par exemple, lancent toutes sortes d’attaques sérieuses contre la social-démocratie. Ils parlent de nous comme si nous nous rapprochions de la socialdémocratie. Mais n’est-ce pas un fait très significatif que Kalinine, le président de notre Comité exécutif central, ait reçu une lettre signée par de Brouckère et Crispien qui, au nom de la IIe Internationale, au nom de la commission de défense des menchéviks russes, protestent très énergiquement contre les mauvais traitements qu’on fait subir à de braves gens, tels que Trotski.

La rapidité avec laquelle s’est développée la lutte contre l’opposition est aussi très caractéristique.

A la dernière séance plénière du C.E. de l’I.C., nous parlions du trotskisme et de Trotski en tant que personnalité, mais Trotski était encore dans nos rangs. Maintenant, à la session suivante, non seulement nous ne siégeons plus avec Trotski, mais, géographiquement, nous en sommes très loin. A cette distance géographique correspond une distance politique encore plus grande. En ce qui, concerne le côté idéologique de la question, nous affirmions, il n’y a pas bien longtemps, que notre opposition souffre d’une incrédulité en l’œuvre de l’édification socialiste. Nous accusions l’opposition d’avoir des tendances défaitistes. C’était récemment encore. Mais, lisez le dernier document de Trotski. On y calcule déjà ce qui se passera après le renversement du pouvoir soviétique. Si vous lisez les journaux à prétentions théoriques des menchéviks, vous verrez que toute la littérature menchéviste consiste avant tout en des méditations sur ce qui se passera après la chute de la dictature bolchéviste dans la Russie des soviets. C’est l’état d’esprit que nous retrouvons dans le dernier document de Trotski. Relisez les documents qui vous ont été distribués, ces « belles » phrases, que l’opposition trotskiste agira alors, en cas de chute du pouvoir soviétique, comme le « successeur historique » du parti communiste, que l’opposition sera alors la force qui « fera opposition à l’Etat bourgeois » et agira dans le sens de la « deuxième révolution prolétarienne ». Tous ces radotages ont pour prémisses le renversement du pouvoir soviétique. N’est-ce pas une mentalité défaitiste ?

Prenons dans ces mêmes documents une autre phrase de Trotski, là où il dit que ce serait de l’enfantillage que de croire que le pouvoir soviétique se maintiendra si le prolétariat de l’Europe occidentale ne vient pas, au bout d’un certain temps, au secours de la Russie des soviets en instaurant la dictature du prolétariat dans les autres pays. Y a-t-il là quelque chose de spécifiquement trotskiste ? Oui, absolument. Mais, quelle différence entre le temps passé et le présent ? Avant tout, que ce n’étaient que des allusions et de vagues affirmations, alors que maintenant, c’est déjà une idéologie.

Prenons, par exemple, la façon dont l’opposition juge le caractère de notre Etat. Il n’y a pas bien longtemps, nous avons (moi entre autres) relevé cette expression fameuse de Trotski : « Un Etat qui est loin d’être prolétarien » et nous l’avons propagée en guise d’argument contre le trotskisme. Trotski m’a alors répondu que ce n’est qu’un « lapsus linguae », qu’il ne l’a pas pensé, etc. Maintenant, après un laps de temps relativement court, nous pouvons lire dans ces derniers documents que les derniers événements dans le parti peuvent déjà être considérés comme le Thermidor intégral si, dans un avenir prochain, les ouvriers ne passent pas du coté de l’opposition.

Il se peut que Trotski l’ait écrit dans l’espoir que les masses ouvrières viendront à l’opposition. Il faut encore prouver qu’elles y viendront. C’est précisément le contraire qui est vrai. Personne ne va plus maintenant à l’opposition : au contraire, différents éléments constitutifs de l’opposition retournent au parti, capitulent d’une façon ou d’une autre ou restent neutres. Ce processus saute aux yeux. Son expression, c’est l’abandon de l’opposition trotskiste par Kamenev, Zinoviev et d’autres. Ainsi, si les masses ouvrières n’affluent pas vers l’opposition, nous avons, du point de vue de Trotski, le Thermidor intégral, nous avons dans l’U.R.S.S. un Etat anti prolétarien, contre-révolutionnaire. L’« Etat qui est loin d’être prolétarien » et le « Thermidor » intégral : voilà le chemin du développement idéologique de l’opposition trotskiste.

Il y a quelque temps, on a soulevé la question de la liberté des fractions et groupements.

Ce mot d’ordre a été lancé par l’opposition au XIV e congrès. On l’a aussi lancé un peu plus tard, mais que dit-on maintenant ? Sous une forme hypocrite, on préconise ouvertement le second parti. Trotski, par exemple, dit dans son dernier document : Nous ne sommes pas le second parti, mais c’est le P.C. de l’U.S. qui est le second parti, il s’est dégradé ; les traditions sont chez nous et nous sommes le premier parti, tandis que le P.C. de l’U.S. est le second. Bon. Admettons que nous sommes le second parti. Mais, dans ce cas, cela suppose l’existence du premier parti, et si nous avons un premier et un second parti, nous avons, par conséquent, deux partis. Notre point de vue a toujours été que chez nous, dans l’U.R.S.S., si deux partis peuvent exister, un seul peut être ou pouvoir tandis que l’autre est en prison, je l’ai dit ouvertement au congrès des Amis de l’U.R.S.S. Voilà ce que je voulais dire sur la question des fractions, des groupements, des partis, etc.

Je passe à la question de la ligne tactique. Il y a quelques mois encore, me semble-t-il la situation était la suivante : l’opposition voulait défendre ses idées au sein du parti, elle voulait lutter pour la possibilité de faire la propagande, pour ses idées à l’intérieur du parti. Quelques mois plus tard, l’opposition avait déjà des organisations illégales, des imprimeries clandestines, la collaboration avec divers éléments en dehors du parti, les manifestations dans la rue, les tentatives d’organiser des grèves et les événements du 7 novembre.

L’orientation idéologique et tactique de l’opposition l’a conduite à manifester ouvertement dans la rue. Dans les derniers documents, l’opposition trotskiste tente de voiler par une forme hypocrite cette situation claire, en particulier dans la Lettre à l’Internationale communiste. (Les proclamations et tracts répandus par l’opposition et les écrits de l’organe de Maslow se distinguent beaucoup des produits tels que les documents adressés à l’I.C.). On tente de faire croire que tout cela n’est que de la « propagande ». Les imprimeries clandestines, c’est de la « propagande ». Trotski écrit même dans son dernier document que la manifestation de rues du 7 novembre a été de la « propagande », mais l’appareil mal intentionné, voyez-vous, transforme cette « propagande » en une guerre civile intérieure. Et ce sont les mêmes procédés que dans l’arithmétique des deux partis. Nous voulons seulement, disent-ils, faire de la propagande. Il nous faut prendre des mesures contre une telle propagande. Trotski dit que l’opposition n’est pas pour le moment sur le terrain de la révolution contre le gouvernement actuel, mais qu’elle doit proposer de résoudre tout cela par la voie des réformes. Mais Trotski dit ensuite ouvertement dans un autre de ses documents : « Notre tâche est la conquête du pouvoir ». Voilà le fond de la question. Donc, voici la thèse : le gouvernement soviétique est un gouvernement thermidorien, — et voici la conclusion pour la tactique : nous devons conquérir le pouvoir. Nous ne pouvons souffrir une telle orientation contre-révolutionnaire dans notre pays. Nous avons reçu quelques autres documents, entre autres une feuille illégale du groupe Sapronov, « Le chemin ouvrier du pouvoir ». Comment, dans cet organe, Sapronov pose-t-il la question ? Il se prononce ouvertement pour la préparation de la lutte contre notre gouvernement, pour une nouvelle révolution. Il est intéressant de remarquer (et j’attire votre attention sur ce fait) que Sapronov, comme Maslow en Allemagne, dit : « Je suis un Marxiste orthodoxe, un léniniste, un bolchévik, etc. ». Lisez les documents. En même temps, dans le document de Sapronov, vous verrez qu’au temps du IXe et du Xe congrès, les intérêts de la classe ouvrière étaient déjà « trahis » et que tout était livré aux mains de la bureaucratie. Ces deux congrès du parti ont été dirigés par Lénine. Tous ceux qui savent l’histoire de notre parti, savent aussi que Lénine, surtout à ces congrès, a toujours mené une lutte énergique contre Sapronov et voici que cet individu affirme que Lénine a « trahi les intérêts des ouvriers » et qu’il se prétend « bolchévik, léniniste orthodoxe ». C’est tout simplement risible. Il en est exactement de même avec Maslow en Allemagne.

Si on analyse les bases cachées de cette orientation idéologique, je puis affirmer avec certitude, que la partie analytique de l’idéologie …… ?.......analyse de la situation de l’U.R.S.S. coïncide absolument avec l’analyse menchéviste, [et] même [avec] l’analyse d’Oustrialov, Milioukov et consorts. Trotski déclare qu’Oustrialov et Milioukov veulent un Etat bourgeoiscapitaliste, les menchéviks aspirent à un Etat démocratique tandis que lui, Trotski, veut la dictature pure et authentique du prolétariat. Naturellement, je comprends fort bien que Trotski veuille autre chose qu’Oustrialov. Mais si nous analysons objectivement la situation, nous nous rendons bien compte que cette différence disparait complètement. Je ne parle pas de l’idéal bourgeois d’Oustrialov ou de l’idéal petit-bourgeois des menchéviks pas plus que l’idéal demicommuniste de Trotski. Mais quelle différence existe dans la partie analytique entre Trotski et la social-démocratie ? Je n’en vois aucune. Dans l’appréciation de notre politique extérieure, dans l’appréciation de nos rapports avec les paysans, dans l’appréciation de la nouvelle politique économique, dans l’appréciation des perspectives, etc., c’est-à-dire dans toutes les questions fondamentales de l’analyse, il n’y a aucune différence entre Trotski et les social-démocrates. Le fait que Trotski veut autre chose qu’Oustrialov a-t-il une grande importance au point de vue de la politique pratique ? Je pense que non. A Cronstadt, on nous critiqua à coups de canon ; ce fut aussi une « critique ». De différents côtés, on nous critiqua à coups de canon, car à ce soulèvement avaient pris part des révolutionnaires « d’extrême-gauche », même certains communistes, les socialistes-révolutionnaires de gauche et de droite et des gardes-blancs déclarés, c’est-à-dire des organisations et groupes les plus divers. Avaient-ils un but commun ? Nullement. Peut-on dire que la socialistes révolutionnaires de gauche et que les soi-disant communistes « d’extrême-gauche » défendaient les mêmes idées et poursuivaient les mêmes buts que les officiers blancs ou les socialistes-révolutionnaires de droite ? Nullement. Le but était différent mais leur rôle historique était le même. Tous, ils ont tiré sur nous des coups de canon : objectivement, il y eut un bloc et nous eûmes à les combattre tous. Telle est la mécanique de la lutte de classes.

Il faut se rendre compte qu’il s’agit non pas d’une conférence ou d’une discussion littéraire, mais de la réalité. Nous déterminons la marche future des événements, nous déterminons la situation, à savoir si nous allons ou non nous maintenir au pouvoir. Chez nous, une critique comme la critique trotskiste conduit inévitablement, en fin de compte, à la lutte armée pour le pouvoir. Les buts lointains que l’on se pose pour l’avenir sont bien moins importants. Ce qui importe c’est la manière d’analyser la situation actuelle et c’est la manière d’agir actuellement.

Vous savez que ces tout derniers temps, le développement de la lutte et le développement respectif de l’idéologie — car le développement de la lutte réelle est toujours lié au développement du côté idéologique de cette lutte — a conduit à la désagrégation du bloc de l’opposition. Au début nous avons fait diverses concessions. Nous aurions pu encore, avant le congrès, agir très sévèrement ; nous aurions pu le faire même quelques mois avant le congrès et notre patience s’explique seulement par notre désir de nous conquérir de nouveaux camarades. Nous en avons reconquis plusieurs, y compris de nombreux représentants en vue de l’opposition ; nous leur avons prouvé que nous ne voulions nullement détruire coûte que coûte l’opposition ; nous voulions leur prouver que notre ligne est juste. A plusieurs reprises, nous avons laissé à l’opposition la possibilité de battre en retraite. Elle n’en a pas profité. Mais nous avons conquis la masse dam sa majorité écrasante. La discussion qui se déroula avant le congrès l’a prouvé admirablement. Nous avons prononcé une forte attaque et le bloc de l’opposition est tombé en poussière. A partir de 1917, Trotski et les trotskistes ont toujours constitué, en quelque sorte, un corps étranger dans l’organisation de notre parti. Du vivant de Lénine, Trotski a joué un rôle brillant ; néanmoins, même à cette époque, il constituait toujours un corps étranger dans notre parti. Il n’a jamais connu notre parti et il n’a jamais eu l’esprit de notre parti. Après la mort de Lénine, de nombreux antagonismes cachés ont commencé à se manifester de plus en plus clairement entre Trotski et la direction du parti. Je ne puis exposer ici les diverses étapes du développement de cette lutte, de cette lutte contre le trotskisme, je voudrais seulement retenir votre attention sur un document, sur la lettre de Ioffé que les organes de l’opposition ont publiée en omettant les passages extrêmement défavorables à l’opposition. Je n’insiste pas sur l’esprit petit-bourgeois dont cette lettre est pénétrée. La partie politique de cette lettre se résume à ceci : dans toutes les questions, Trotski a toujours eu raison contre Lénine. Lénine l’aurait reconnu lui-même. Ioffé déduit de tout cela que les trotskistes doivent défendre jusqu’au bout leur conception et qu’ils doivent être prêts à proclamer et à défendre la théorie de la révolution permanente. Dans cette lettre, Ioffé exposa la ligne de tactique telle qu’il se l’imaginait réellement. En voyant comment Trotski apporte maintenant des corrections à ses ouvrages, comment il fait la politique, on se rend compte que dans aucune question il n’a fait la moindre concession. C’est toujours le même Trotski et il ne veut nullement renoncer à ses erreurs spécifiquement trotskistes. Durant toute la lutte contre l’opposition trotskiste, notre parti a, à plusieurs reprises, éprouvé sa politique. Notre politique a été éprouvée et vérifiée par les masses et, en réponse à l’opposition des trotskistes, nous avons, ces tout derniers temps, recruté plus de cent mille nouveaux adhérents ouvriers à l’établi. Telle fut la réponse de la classe ouvrière à cette lutte; telle fut la vérification de notre politique par les masses. Dans la discussion qui se déroula dans le parti, nous avons eu également la même vérification. Il y a des imbéciles qui croient qu’il n’y eut pas de discussion chez nous. Nous avons eu une discussion tellement ample que tout le pays a discuté, y compris les campagnes. En ce qui concerne la masse du parti, il n’y eut pas une seule cellule qui n’eût pas longuement discuté tous les problèmes et dans les moindres détails. Cette vérification prouva que l’opposition n’a presque personne pour s’appuyer dans notre parti.

Il faut noter ce qui suit. Avant la révolution, Trotski avait la tendance d’assembler autour de lui les éléments antibolchevistes divers, anti ouvriers. Mais maintenant, un nombre relativement considérable de bolchéviks connus a suivi Trotski. Sur qui Trotski aurait-il pu s’appuyer maintenant s’il n’avait pas fait la conquête des camarades Zinoviev et Kamenev ? Sans Zinoviev et Kamenev Trotski n’aurait jamais osé faire ce qu’il a fait. Au XIVe congrès, Trotski ne savait pas encore avec qui il devait marcher. Il calculait ce qui, au point de vue stratégique, devait lui être plus avantageux ; il voulait marcher contre Zinoviev et Kamenev, mais à la fin du compte, il se résigna à faire bloc avec Zinoviev et Kamenev. Il faut ajouter à cela, qu’il y eut dans le parti, parmi les léninistes les moins éprouvés, des éléments hésitants. Cela est fort compréhensible. Maintenant, après la scission, Trotski est de nouveau isolé, mais dans d’autres conditions, dans une autre situation.

L’organisme du parti a rejeté ce corps étranger, dans des conditions telles que la forme de la lutte, sa gravité, les mots d’ordre politiques formulés, la corrélation des forces, l’importance de la question — tout cela se trouve sur un autre degré. Déjà, à l’époque d’avant la révolution, c’est-à-dire dans la période qui suivit la Révolution de 1905, Trotski a, précisément à cause de son isolement, tenté de réunir les forces les plus disparates. Cette foisci encore, il agit de la même façon. Il y a Souvarine ? Soyez le bienvenu, Souvarine ! Il y a Maslow ? Soyez le bienvenu, Maslow ! Il y à Urbahns. Venez donc, je vous en prie, Urbahns ! Il y a le docteur Pollak de Tchécoslovaquie. Mais venez donc, je vous en prie humblement ! Il y a des anarcho-syndicalistes ? Venez donc, messieurs les anarcho-syndicalistes ! Dans notre parti et auprès de notre parti, l’opposition est battue complètement. Et c’est précisément pour cette raison que je voudrais dire ce qui suit :

Dans l’U.R.S.S., Trotski se voit obligé de faire bloc avec les pires éléments qui aient jamais existé dans le parti ou dans l’entourage immédiat du parti. Il n’y a aucun- doute que les couches inférieures de l’opposition trotskiste se sont liées avec le groupe de Sapronov, bien que ce dernier dise dans son dernier document que la lutte de Trotski contre le parti est une lutte sans principes pour le pouvoir, etc., mais par le fait le mécanisme de la lutte est tel que l’opposition trotskiste commence à former bloc avec les partisans de Sapronov.

La deuxième tendance, c’est que l’on veut transporter à l’étranger la lutte et sur une échelle élargie, les trotskistes et les partisans de Sapronov mèneront la lutte très âpre dans les partis de l’étranger et dans l’entourage immédiat de ces partis.

Je passe maintenant à la question des partis de l’étranger. Nous ne devons aucunement sous-estimer les forces de l’opposition et ce n’est pas parce que ces forces sont relativement élevées. Nous avons affaire non pas à [sic] une opposition ordinaire ; ce n’est pas une opposition que l’on peut tolérer. C’est une opposition tout à fait spécifique intervenant contre notre ligne fondamentale. On peut avoir une opinion sur les deux qui se présentent : ou bien l’état soviétique est un état prolétarien et dans ce cas l’I.C. doit, dans les questions fondamentales, dans la politique de l’U.R.S.S. et dans la question du danger de guerre, être du côté de l’U.R.S.S. ou bien être d’une opinion opposée ; l’Internationale communiste doit choisir entre ces deux opinions, car il n’y en a pas d’autre. Etant donné que les divers courants oppositionnels se tiennent à une autre ligne dans cette question fondamentale, ils ne peuvent pas être tolérés dans nos rangs. C’est pour cette raison — que l’opposition incline à partager les conceptions de Trotski — que c’est surtout cette opposition qui constitue notre pire ennemi dans les autres partis et dans l’entourage immédiat des partis communistes (Interruption ; C’est juste !).

Quelle est dans d’autres pays la situation en ce qui concerne l’opposition ? L’opposition est hors du parti en Allemagne. Elle a des organes de presse à elle : elle a le Drapeau du Communisme, ensuite le quotidien la Volonté du Peuple et un petit organe la Mine et l’Usine dans la région de la Ruhr. En feuilletant le journal la Volonté du Peuple vous n’y trouverez que des insultes contre l’Internationale communiste. Un tel organe quotidien, soutenu par les trotskistes, ne peut contribuer qu’à la décomposition du parti. Non seulement au point de vue d’une question de la plus grande importance, comme, par exemple, le degré de préparation des communistes à faire la guerre pour défendre l’U.RS.S., nous en avons déjà parlé à plusieurs reprises, mais aussi au point de vue de la conquête des larges masses, le travail systématique de ces groupes de renégats constitue une barrière des plus criminelles qui se dresse sur le chemin de la conquête au communisme des masses de la classe ouvrière.

Il serait également intéressant d’examiner comment se développe l’idéologie de l’opposition. L’idéologie de Maslow est actuellement à peu près la même que celle de Kautsky : d’après lui, c’est le tsarisme ou le fascisme qui domine chez nous. S’il en est ainsi de quelles sympathies envers l’U.R.S.S., peut-il être question ? Inutile d’y insister davantage. Dans certains groupes d’opposition, cette idéologie va encore plus loin que chez Maslow. En France, par exemple, paraît un organe des émigrés italiens le Réveil Communiste, publié à Lyon. Voici quelle est l’idéologie de cet organe, entièrement solidaire avec le groupe Sapronov. Cet organe proclama trois thèses fondamentales :

1. La fondation de la IIIe

Internationale était prématurée. La nécessité de la fondation de la IIIe Internationale n’existe pas encore.

2. C’est précisément parce que la fondation de la IIIe

Internationale était prématurée, que l’I.C., en tant que force révolutionnaire, joue un rôle de moins en moins important. Trotski a lui aussi fait « de pareilles découvertes » mais, d’après le Réveil Communiste, la révolution russe a depuis longtemps déjà cessé d’exister.

3. Il est absolument absurde de considérer du point de vue formel, la question des deux partis. En réalité, affirme-t-il, ce ne sont nullement les affirmations formelles, ni en général les parlottes sur l’unité du parti qui ont une importance décisive, — tout cela n’est que bêtises. Dans les thèses que je viens de citer se manifeste le développement ultérieur dans tout les sens de l’idéologie trotskiste. Vous vous rendez bien compte que la question de la non maturité de la révolution russe est liée idéologiquement aux diverses idées purement trotskistes sur l’état arriéré du pays à cause duquel la nécessité de la révolution n’était pas encore mûre, etc.

Nous avons en France toute une série d’organes de l’opposition. Ce ne sont pas des journaux, il est vrai, mais des petites revues dont certaines vivotent à peine. Nous avons la Révolution Prolétarienne de Rosmer-Monatte, le Bulletin Communiste, de Souvarine, l’Unité Léniniste, de Suzanne Girault, Contre le Courant et Clarté. Cette dernière se trouve depuis assez longtemps dans les rangs de l’opposition. Et Barbusse ? Barbusse est avec nous. Il a quitté la rédaction qui est entre les mains de l’opposition.

Il est curieux de noter ce qui suit : Treint reconnaît la nécessité politique d’un bloc de l’extrême-gauche avec le groupe de droite de Paz, avec le groupe de Rosmer et Monatte, dont Trotski mentionne les hésitations dans ses « directives ». Tout cela est bien trotskiste. Si l’on examine comment Trotski analyse les divers groupes en France, on se rend compte que c’est cela que le trotskisme considère comme « acquisition » suprême dans les questions d’organisation. Tout le monde voit clairement que dans la question anglaise, Souvarine a pris ouvertement une position réellement à droite, mais Trotski considère Souvarine comme un brillant « historien » et « révolutionnaire » tandis que nous, il nous considère comme des traîtres.

Les groupes Souvarine, Rosmer-Monatte, Treint-Suzanne Girault, Contre le Courant, marchent ensemble. Cependant, Trotski n’insiste pas particulièrement sur ses affinités avec le groupe de droite et opportuniste, Contre le Courant, qui, en critiquant l’U.R.S.S., affirme que seules les femmes des Nepmans y jouissent de tous les droits et privilèges tandis que les ouvrières et les paysannes sont privées de tout les droits.

En Tchécoslovaquie, nous avons le bloc du groupe de droite de Hula qui marche avec

Michalecz sous le drapeau du trotskisme et qui publie un organe d’opposition Budy-Prapor. En Hollande, vous le savez, l’organisation H.P.C. dirigée par Sneevliet, propage divers documents de l’opposition.

Si nous faisons le bilan de tout cela, par rapport aux P.C. de l’étranger aussi bien que par rapport au P.C. de l’U.S., nous arriverons aux déductions suivantes : il existe actuellement un bloc international plus ou moins étroitement lié, où la droite exerce manifestement l’hégémonie. Cela se manifeste surtout en France. Ce bloc reconnaît, au point de vue idéologique, la priorité du trotskisme. Dans le domaine de l’idéologie, nous sommes ici en présence du pire « occidentalisme » (ce terme spécifique s’oppose au caractère « asiatique » du bolchévisme). Tous ces groupes qui, dans les questions idéologiques les plus importantes, se rapprochent de la social-démocratie, constituent les cadres ou les « bataillons » de l’armée trotskiste dans l’I.C. et en dehors de cette dernière. Je répète encore une fois que, d’après mon opinion, tous ces petits groupes jouent objectivement le même rôle que les leaders de la socialdémocratie « de gauche ». Quant au trotskisme, c’est encore sous le même plan qu’il faut le considérer aussi sur l’échelle internationale. Naturellement, la désagrégation du bloc d’opposition dans l’U.R.S.S. entrainera des scissions et la différenciation des forces de l’opposition à l’étranger. Le fait que le groupe de Zinoviev et Kamenev a capitulé, qu’il a réellement reconnu et non pas en paroles seulement, ses erreurs politiques, le fait que ce groupe commence à mener la lutte contre le trotskisme, qu’il commence bien que non sans hésitation, à se séparer du trotskisme, tout cela aura certainement des résultats et jouera un certain rôle à l’étranger également. Je pense qu’à l’étranger aussi, se produiront des processus analogues de différenciations et que nous devons prévoir ces phénomènes.

Camarades, en ce qui concerne la lutte contre le trotskisme et surtout en ce qui concerne les explications des derniers événements qui ont eu lieu dans l’U.S., je pense que nous sommes tous coupables de ne pas avoir organisé suffisamment la contre-propagande contre la socialdémocratie et contre toute la presse bourgeoise et de n’avoir pas suffisamment expliqué toute cette histoire. Je citerai encore quelques faits. On posera avant tout la question : pourquoi a-t-il fallu procéder à la déportation de l’opposition ? Au congrès furent faites deux déclarations différentes : l’une signée de Zinoviev et de Kamenev, dans laquelle ils déclaraient qu’ils capitulaient sur l’ensemble des questions et qu’ils acceptaient les exigences du congrès, et l’autre, signée de Smilga, Rakovski et d’autres camarades qui s’engageaient à cesser le travail fractionnel mais sans renoncer à leurs conceptions. Pourquoi donc, après leur capitulation partielle, les a-t-on non seulement exclus du parti mais aussi déportés ? Nous l’avons fait parce que nous avions des renseignements précis sur les opposants et non seulement sur ce qu’ils disaient mais aussi sur leurs actions. Nous avions des preuves qui nous sont parvenu de diverses sources, mais toutes absolument irréfutables, que le groupe trotskiste considérait sa déclaration au Congrès comme une manœuvre seulement. L’opposition trotskiste avait donné des directives de constituer son organisation clandestine d’une façon plus conspirative encore ; elle a proclamé le mot d’ordre de se servir de toutes les difficultés, y compris celles qui pourraient surgir dans les mines et fabriques. Tout cela figure dans le dernier document de Trotski dans lequel il dit que la campagne de conclusion de nouveaux contrats collectifs avait renforcé l’activité du prolétariat contre le parti et que, d’après lui, il faudra soutenir dans la mesure du possible, ce genre d’activité. Tout cela, vous pouvez le lire. Un litige de peu d’importance a surgi dans une usine, lors du passage aux nouvelles méthodes de production et les mencheviks ont marché de concert avec les sapronovistes et les trotskistes. C’est là un fait isolé, mais il est symptomatique pour l’activité de l’opposition. Ils créent des organisations absolument illégales, absolument conspiratrices et leurs mots d’ordre sont de plus en plus dirigés contre notre parti et contre les organes de l’Etat soviétique. Que devions nous faire ? Ce n’est qu’après tout cela que nous avons décidé de recourir à leur égard aux mesures de répression administratives. Nous considérons que le noyau organisateur de ce groupe n’est autre chose qu’un second parti agissant contre nous, et que nous devons agir envers eux de même façon qu’envers les menchéviks.

Cependant, le parti a proposé à Trotski de partir d’après les directives du parti à Astrakhan et d’y travailler dans les organes du plan d’Etat. A la suite de cette proposition, nous avons reçu une lettre de Trotski dans laquelle il dit qu’il a demandé aux représentants du C.C. du parti s’il s’agissait d’une proposition ou d’un ordre et qu’il lui fut répondu que ce n’était qu’une proposition. Ayant reçu une telle réponse, Trotski, à ce que je me souviens, écrivit qu’il considérait cela comme une déportation masquée et qu’il voulait que la déportation soit manifeste et non masquée. En ce qui concerne Astrakhan, il protesta contre le choix de cette ville. J’exige, a-t-il dit, qu’on me déporte ouvertement soit à Gagry soit à Kislovodsk. Ce sont naturellement des considérations, non pas d’ordre médical mais du domaine de l’organisation qui jouèrent dans cette circonstance le rôle décisif. Son but était de créer un centre et d’y établir la liaison. Ce ne sont certes pas les palmiers qui attiraient Trotski aux localités qu’il avait choisies, mais la possibilité d’y effectuer le travail de sape contre le parti dans les conditions les plus favorables. Ensuite, nous avons trouvé nécessaire de lui proposer de partir dans un autre endroit. Nous avons désigné une autre localité, mats il refusa de nouveau. Puis Trotski demande d’ajourner son départ. Nous y avons consenti. Mais là, nous avons appris que les trotskistes voulaient profiter de ces délais pour de nouvelles interventions, en rapport avec le départ de Trotski. C’est pourquoi son départ fut précipité. Trop de fables courent au sujet de la déportation de Trotski pour le plus grand bien des amateurs de sensations, mais nous n’allons pas nous y arrêter plus longuement.

Le côté politique de la question de l’opposition trotskiste est, d’après mon opinion, tout à fait clair. L’analyse de sa théorie et de sa pratique, l’analyse de la situation politique nous montre que nous devons intensifier la lutte idéologique contre le trotskisme. En même temps nous ne pouvons pas nous résigner à voir que, dans l’Internationale communiste, demeurent des microbes trotskistes ; la lutte contre la social-démocratie est impossible si nous maintenons dans nos rangs les partisans de n’importe quelle nuance de trotskisme. D’autre part, nous devons tout faire pour conquérir les éléments ouvriers. Nous devons tout faire pour conquérir ces ouvriers, pour les souder à notre parti, pour assurer définitivement leur adhésion à l’Internationale communiste.

Différentes tâches se posent devant nous dans divers pays. Nous devons mener, sur le plan international, la lutte la plus énergique contre la social-démocratie et contre l’opportunisme, nous devons donc intensifier la lutte contre le trotskisme Lorsqu’on parla à notre Ve Congrès de la déviation social-démocrate du trotskisme, de la déviation petite bourgeoise dans notre parti, plus d’un camarade pensa que c’était exagéré, mais les faits réels ont prouvé que nous n’avions rien exagéré. Nous ne nous attendions pas que la logique interne de la lutte leur donne une preuve aussi rapide et sous une forme aussi âpre. Voilà pourquoi nous devons tenir compte de tout cela et agir en conformité.

Sans une lutte énergique contre l’opposition, sans une lutte énergique contre le trotskisme pour notre ligne de principe il est également impossible de lutter avec succès contre la social-démocratie. On parle souvent des déviations diverses de droite et de gauche dans l’I.C. et l’on pose la question du danger fondamental dans l’I.C. A mon avis, au sein de l’I.C. aussi bien qu’en dehors d’elle, c’est le danger trotskiste qui est le danger fondamental. Il ne faut pas l’oublier, la lutte énergique contre le trotskisme signifiera aussi la lutte contre la socialdémocratie pour la vraie ligne léniniste de l’Internationale Communiste (Tempête d’applaudissements).

II. IXe plénum du CEIC[modifier le wikicode]

[3e séance 11 février 1928]

Discours de clôture de la discussion sur l’opposition trotskiste[modifier le wikicode]

Il faut souligner avant tout que la nouvelle ligne tactique n’est point du tout conditionnée par la question de l’opportunité de la lutte contre l’opposition, ainsi que les renégats ultragauches s’efforcent de la représenter, mais par la nouvelle situation, par les nouveaux symptômes dans les domaines de la vie économique et politique qu’il faut marquer maintenant. Le mot d’ordre : « Plus près des masses » qui fut déjà lancé au IIIe Congrès de l’I.C. a conservé toute son importance et acquiert actuellement une plus grande importance encore. C’est précisément pour conquérir les masses, pour ne pas nous laisser isoler, qu’il nous faut entreprendre ce tournant général que nous appelons une conversion à gauche dans le sens du renforcement général de la lutte contre la social-démocratie de droite et en particulier contre celle de gauche. C’est précisément pour conquérir les masses qu’il nous faut passer à la contre-attaque contre la social-démocratie. En connexion avec ce tournant, la lutte contre l’opposition trotskiste acquiert une importance particulière. L’opposition représente maintenant une sorte de partie constitutive de la pointe « de gauche » de la social-démocratie. L’opposition s’est transformée en un obstacle sur notre chemin pour aller aux masses. Le danger principal pour l’I.C. dans ses propres rangs et dans les milieux avoisinant notre parti, est le danger trotskiste. Il est inexact de poser la question de telle sorte qu’il faut, d’une part, lutter contre le trotskisme, mais, d’autre part, contre les dangers de droite au sein des partis communistes, car cela signifierait que le trotskisme représente je ne sais quelle déviation « de gauche » à côté de laquelle il existerait des déviations de droite. C’est précisément maintenant que les diverses indications du Ve congrès qui a caractérisé le trotskisme comme une déviation petite bourgeoise et socialdémocrate se sont avérées exactes. Presque dans chaque pays, l’axe de l’opposition trotskiste se trouve dans les déviations de droite. Il n’y a manifestement qu’une seule exception, l’Allemagne. Les camarades qui représentent la tendance de droite au sein du P.C.A. ne marchent pas avec les trotskistes, mais ils mènent une lutte contre eux. Pourtant, cela ne signifie pas que le groupe Maslow, qui s’en tient en général à la ligne de Trotski incarne des tendances de gauche. Certains représentants de la déviation de « gauche » qui nous ont critiqués de « gauche » se sont transformés depuis longtemps dans la pratique en représentants d’un état d’esprit de droite qui se montrent déjà, à l’exemple de Tranmael, devenu dans le mouvement ouvrier norvégien l’incarnation du ministérialisme. Il en est de même aussi de Maslow.

Finalement, soulignons encore la nécessité de la lutte contre les déviations de droite au sein des partis communistes. En même temps que nous corrigeons nos fautes, nous ne devons aucunement avoir peur de l’autocritique la plus impitoyable. Il en est de même aussi de la question du soulèvement de Canton qui fut un exploit héroïque du prolétariat chinois, mais au cours duquel des fautes ont été commises. Dans notre autocritique nous ne devons pas avoir peur que l’opposition l’utilise : il faut parler ouvertement de nos lacunes et de nos fautes.