Intervention au congrès du SPD à Magdebourg 1910 (2)

De Marxists-fr
Aller à la navigation Aller à la recherche

Protokoll p. 181-183 (résolution)[modifier le wikicode]

Le congrès du parti déclare, en accord total avec le dernier congrès de Prusse, dont l'opinion a été pleinement confirmée par les enseignements tirés des luttes pour le droit de vote de ce printemps, que la lutte pour le droit de vote en Prusse ne peut aboutir à la victoire que par une action massive et déterminée du peuple travailleur, tous les moyens, y compris la grève politique de masse, devant être utilisés si nécessaire. Compte tenu de cela, le congrès du parti déclare nécessaire, en vue de la reprise future de la campagne pour le droit de vote, d'engager la discussion et la propagande sur la grève générale dans la presse du parti et dans les réunions, afin d'aiguiser le sentiment de leur propre puissance et la conscience politique des couches les plus larges du prolétariat, afin que les masses soient à la hauteur des grandes tâches lorsque la situation l'exigera.


R. Luxemburg, Haenisch, Westkamp, Schöbel, Frau Lex, Grütz, Faure, Henke, Pannekoek, Wellmann, Reitze, Rauch, Elfriede Gewehr, Dröner, Schulten, Focke, Albrecht, Liebknecht, Staab, Minna Wiese, Marie Milow, Rudolph, Limbertz, Grenz, Emmel, Keil-Reichenbach, Fleißner, Graupe, Heinrich Schulz, Rohleder, Leutert, Hengsbach, Hennig, Reiwand, Oertel, Rosenfeld, Frank-Berlin VI, Fauth, Wagner, Antrick, Wassermann-Schöningen, Martin, Bromme, Neukirch, Scholich, Hoffmann, Hörsing, Dietrich, Westmeyer, Schumacher, Haug, Böhme, Castan, Ulm, Dittmann, Dißmann, Dobrohlaw, Hackelbusch, Bühler, Muth, Witzke, Arendsee.

Protokoll p. 430-426[modifier le wikicode]

Un certain nombre de délégués qui n'ont pas signé notre motion ont déclaré qu'ils étaient tout à fait d'accord avec son contenu, mais qu'ils craignaient qu'un mot de notre motion puisse prêter à confusion dans certains cercles du parti, à savoir le mot « propagande ». Nous acceptons que ce mot soit supprimé de la motion. Nous avons présenté notre motion comme un complément nécessaire à la résolution du comité directeur du parti.


La résolution du comité directeur aborde la question du droit de vote en Prusse d'un point de vue général. Nous souhaitons mettre davantage l'accent sur l'aspect actuel, à savoir les lignes directrices politiques pour la lutte. C'est ce qui nous manque dans la résolution du comité directeur, car malgré tout ce qu'elle dit de juste, elle ne rend pas suffisamment compte du fait que depuis le congrès du parti en Prusse, nous avons fait un énorme bond en avant dans notre lutte pour le droit de vote en Prusse. Depuis lors, nous avons assisté à la farce du projet de loi de Bethmann Hollweg et à son échec total à la Chambre des députés prussienne. D'autre part, nous avons assisté à des manifestations de rue comme l'Allemagne et la Prusse n'en avaient encore jamais vu. Ce résultat, d'une part l'effondrement de l'action parlementaire du gouvernement et des partis bourgeois, d'autre part la montée en puissance de l'action des masses, a non seulement confirmé de manière éclatante l'opinion du congrès du parti prussien, mais il a également donné aux slogans formulés lors du congrès une signification actuelle beaucoup plus concrète qu'à Noël. Cela concerne notamment le mot d'ordre de la grève politique de masse. Le congrès du parti prussien l'avait déjà recommandé à l'unanimité comme un moyen à utiliser éventuellement. Cela a également été souligné avec insistance dans le rapport et dans les discours. Mais ce sont les événements eux-mêmes qui ont donné vie et signification pratique à ce mot d'ordre.

Camarades du parti ! Depuis les puissantes manifestations de masse pour le droit de vote prussien au printemps dernier, le mot d'ordre de la grève générale est, en quelque sorte, devenu le centre d'intérêt de nos masses prolétariennes. Tout comme en janvier 1906, les camarades du parti de Hambourg avaient déjà lancé avec succès une première tentative d'utilisation de la grève générale comme manifestation politique[2], cette année, les camarades de Kie1[3], les camarades de Francfort et de Hanau[4] ont organisé avec brio des grèves générales de démonstration, et dans plusieurs autres villes, à Breslau, à Halle, dans la région d'agitation de Hesse-Nassau, en Rhénanie, à Brême, les camarades du parti se sont intéressés de manière très vivante à l'idée de la grève de masse, ce qui s'est également traduit par un débat animé dans la presse de notre parti au printemps. C'est tout à fait naturel et il ne pouvait en être autrement. Dès que nous mobilisons des masses considérables dans la lutte pour le droit de vote, dès que nous organisons des manifestations puissantes, la question se pose très vite au sein même des masses : que ferons-nous ensuite ? Personne ne peut nier que nous n'atteindrons très probablement pas l'objectif de notre lutte pour le droit de vote par de simples manifestations. Il est hautement improbable que les réactionnaires au pouvoir en Prusse-Allemagne renoncent volontairement à leur bastion le plus solide sous la simple pression des manifestations de la volonté des masses prolétariennes, et la question se pose naturellement parmi les masses de prolétaires qui manifestent : disposons-nous d'autres armes plus efficaces si l'arme de la grève de démonstration s'avère insuffisante ? (« Bravo ! ») Avons-nous encore des moyens pour donner plus de poids, plus d'efficacité à notre volonté ? Il est de notre devoir évident de donner une réponse claire à cette question aux masses : oui, vous disposez encore d'un moyen plus efficace que vous pouvez mettre en œuvre si nécessaire, et ce moyen est le refus de travailler, c'est-à-dire la grève générale. Et il y a autre chose : dès que nous organisons des manifestations de masse, dès que celles-ci prennent de l'ampleur et deviennent de plus en plus puissantes, une situation se crée dans laquelle l'issue de la lutte pour le droit de vote ne dépend plus seulement de nous, mais d'autres facteurs entrent en jeu, à savoir le comportement de nos adversaires. Nous savons tous comment la réaction dominante a réagi à nos premières manifestations de masse, nous avons encore en mémoire toutes les attaques au sabre, toutes les provocations de la police, nous savons tous que l'information publiée par le Berliner Tageblatt, selon laquelle lors de la grande manifestation du 6 mars[1] dans le Tiergarten, la caserne du 1er régiment d'artillerie de campagne avait été transformée en camp militaire, n'a toujours pas été démentie, que l'on guettait seulement un prétexte pour étouffer dans leur propre sang les masses qui manifestaient pacifiquement et calmement. Nous avons jusqu'à présent réussi à rendre ces menaces inefficaces. Nous avons obtenu que la police range ses sabres dans leurs fourreaux. Mais qui nous garantit que nous n'aurons pas à faire face à de nouvelles provocations à l'avenir, lorsque nous appellerons à nouveau les masses à descendre dans la rue ? Au contraire, toute l'imprévisibilité, l'irrationalité et l'excentricité du système politique dominant en Allemagne nous obligent, en tant que politiciens sérieux, à nous préparer à toutes les éventualités dans la lutte électorale prussienne. (« Tout à fait vrai ! ») Et nous devons d'emblée donner aux masses que nous appelons à manifester dans la rue une assurance claire et sereine : vous n'êtes pas sans défense face aux provocations frivoles de la réaction sabre au clair, nous avons un moyen de répondre à la provocation dans les cas extrêmes, et ce moyen est à nouveau le refus de travailler, la grève politique de masse. Camarades du parti ! Nous connaissons actuellement une pause dans la lutte pour le droit de vote, c'est pourquoi l'actualité de toutes ces questions, de tous ces slogans, a quelque peu reculé. Mais j'espère que nous assisterons bientôt à une puissante résurgence de la lutte prussienne pour le droit de vote. J'espère et j'attends de notre orateur qu'il lance dans sa conclusion l'appel puissant qui m'a manqué jusqu'à présent dans son exposé[1], et que la lutte pour le droit de vote en Prusse reprendra de plus belle à la première occasion. Dès que cela sera fait, toutes ces questions se poseront à nous avec autant d'acuité qu'au printemps dernier. Nous savons tous qu'il existe, dans les cercles dirigeants de notre parti et notamment de nos syndicats, une forte réticence à débattre publiquement de la question de la grève générale, en particulier pendant la campagne pour le droit de vote. Ces craintes découlent de l'idée qu'il suffirait de parler de grève générale dans les réunions et dans la presse pour qu'une grève générale éclate du jour au lendemain, qu'elle soit opportune ou non. Cette idée revient à considérer que discuter de la question de la grève générale, faire de la propagande en faveur de la grève générale, revient en quelque sorte à jouer avec le feu. Camarades du parti, il est nécessaire, il est grand temps que nous prenions tous conscience que cette conception de la grève générale est totalement erronée, et l'un des objectifs de notre motion est de clarifier cette conception, d'éliminer les craintes selon lesquelles le simple fait de discuter de la question de la grève générale pourrait provoquer artificiellement – à un moment opportun ou inopportun – une grève générale. Nous devons dépasser cette conception, tout comme la conception anarchiste de la grève générale, qui correspond à celle-ci, est depuis longtemps enterrée. Une grève politique de masse n'est pas un phénomène que l'on peut provoquer artificiellement en en parlant ou en faisant la propagande de cette arme. Une grève politique de masse ne peut naître que de conditions historiques ; la maturité de la situation politique et économique peut donner lieu à une grève de masse, et si quelque chose vous prouve qu'on peut parler indéfiniment de grève de masse sans le moindre succès pratique, lorsque les conditions de sa réalisation font défaut, c'est bien l'histoire de l'idée de grève générale elle-même. Vous savez que les anarchistes du genre de Domela Nieuwenhuis[1] ont vanté pendant des décennies la grève générale comme un remède miracle contre tous les maux de l'ordre social existant et contre la guerre, comme un moyen de provoquer la révolution sociale en 24 heures. Et aujourd'hui, qui parle plus de la grève générale que les syndicalistes français d'obédience anarchiste ? La promotion de l'idée de grève générale par Nieuwenhuis n'a pas eu le moindre succès, personne ne s'en est soucié. Et le pays où la grève générale a le moins été mise en pratique est aujourd'hui la France, où les syndicalistes en parlent sans cesse.

L'histoire de cette idée prouve donc que ce n'est pas la propagande, la discussion ou la promotion de la grève générale qui peuvent provoquer artificiellement une grève générale, mais uniquement la maturité des conditions historiques et économiques. Ce n'est qu'au cours de la dernière décennie, depuis que nous avons assisté à la puissante concentration du capital en cartels, à la politique de lock-out, à l'exacerbation sans précédent des antagonismes de classe, que des grèves de masse éclatent dans un pays après l'autre, non pas parce qu'elles ont été propagées autrefois par les anarchistes, mais parce que les conditions historiques l'exigeaient.

Pour nous, dans la lutte pour le droit de vote en Prusse, le mot d'ordre de la grève générale découle du simple fait que le prolétariat ne peut compter que sur lui-même, sur sa propre force, pour remporter cette lutte. Forme la plus radicale de l'action politique indépendante du prolétariat, la grève générale est chez nous, en Prusse-Allemagne, à la fois le produit de l'exacerbation des antagonismes de classe, du déclin du libéralisme bourgeois, de la démocratie bourgeoise, de l'alliance de tous les partis bourgeois contre nous, le produit de tout le développement historique des dernières décennies.

Ainsi comprise, ainsi fondée, la discussion sur la grève générale ne signifie pas l'évocation artificielle d'une grève générale sans raison et sans conditions d'efficacité, mais elle est un excellent moyen d'éclairer les masses, un excellent moyen d'éducation politique et d'approfondissement de la conception politique des masses prolétariennes. (« Tout à fait vrai ! ») Nous ne voulons pas présenter la grève générale comme un remède miracle qu'il suffirait de sortir de notre poche pour nous assurer la victoire, ni diffuser cette idée. Au contraire, nous avons toutes les raisons de dire clairement aux masses – je suis tout à fait d'accord avec Borgmann, qui a cru devoir avancer cet argument contre notre motion – que nous ne pouvons pas remporter d'un seul coup une lutte telle que celle pour le droit de vote en Prusse. Nous devons préparer les masses à l'idée que la victoire ne peut être obtenue qu'au prix d'une longue série de luttes difficiles et coûteuses en sacrifices. Mais c'est précisément en leur montrant toute la gravité de la lutte à venir dans le cadre du débat sur la grève générale que nous accomplissons non seulement un travail d'éducation politique, mais aussi d'éducation morale et éthique envers la classe ouvrière, en faisant appel à son idéalisme le plus élevé et à sa volonté de sacrifice. Si vous prenez tout cela en considération, vous devez admettre que la propagande en faveur de la grève générale, telle qu'elle est conçue, représente une bonne partie de l'éducation des masses au socialisme. (« Tout à fait vrai ! ») Tout aussi infondée que la crainte qu'une grève générale puisse éclater prématurément simplement parce qu'on en parle, est l'opinion selon laquelle la propagande implique déjà la fixation d'une date. Qui peut déterminer quand nous devons faire une grève politique de masse en Prusse-Allemagne ? Ce n'est pas à nous seuls d'en décider. Une grève politique de masse peut être nécessaire dans un, deux ou trois ans, mais elle peut aussi s'avérer nécessaire après les prochaines manifestations pour le droit de vote, car outre notre tactique, il faut aussi tenir compte de la tactique de nos adversaires, du comportement de la réaction, de l'humeur générale et de la situation économique. Mais si tel est le cas, nous ne pouvons pas déterminer quand et comment la grève générale aura lieu, nous devons admettre qu'elle pourrait s'avérer nécessaire dans un délai très court, il en résulte donc clairement le devoir de préparer les masses à leurs tâches et de veiller à ce que, lorsque la situation sera mûre, elles ne recourent pas à la grève générale sous le coup de l'émotion et de l'amertume, mais qu'elles se lancent dans la bataille comme une armée de combattants de classe politiquement formés et réfléchis, sous la direction de la social-démocratie. (« Bravo ! ») Un phénomène historique tel que la grève politique de masse ne peut être provoqué sur commande, mais il ne peut non plus être annulé sur commande lorsque le moment est venu. (« Très vrai ! ») Si nous négligeons de préparer les masses par une discussion approfondie de la grève politique de masse dans le contexte du développement historique et politique, nous n'obtiendrons alors que les masses se précipitent dans la grève de masse non pas sous notre direction, mais dans une confusion chaotique. Ce n'est pas à nous, mais aux masses qu'il appartient de décider quand le moment sera venu, et notre devoir est de leur donner les armes intellectuelles, une vision claire de la portée de la lutte, de l'ampleur des tâches et des sacrifices qui y sont liés. Car ici, comme dans toute autre lutte politique, tout repose sur la préparation. (Applaudissements nourris.)