Intervention au congrès de la SFIO

De Marxists-fr
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Camarades, je viens défendre devant vous la résolution dite de la Bataille socialiste, sur la prise du pouvoir. Je n’ai pas l’intention de faire un exposé d’ensemble de cette résolution. Mais je voudrais dissiper un certain nombre d’équivoques, un certain nombre de malentendus pour aboutir, je ne dis pas à emporter la conviction de tout le Congrès, mais pour arriver néanmoins au maximum de clarification entre nous.

Il faut que je dise tout de suite que, contrairement à ce que l’on a avancé, nous ne prétendons nullement que les moyens légaux, que les moyens de la démocratie bourgeoise, que les moyens constitutionnels sont des moyens à mettre au rebut à l’heure actuelle. Nous ne l’avons pas dit, et nous avons même écrit le contraire. Nous voulons utiliser au maximum ce que mon ami Marceau Pivert, avec lequel je suis pleinement et totalement solidaire, nous voulons utiliser au maximum toutes les réserves résiduelles de la démocratie bourgeoise, tous les moyens légaux qui sont à notre disposition, tout le mécanisme des institutions démocratiques que nous pouvons conserver.

On nous a fait dire que nous voulions rejeter ces moyens de la démocratie bourgeoise, que nous étions des putschistes, des insurrectionnalistes, des blanquistes ; je tiens encore une fois à m’élever nettement contre ces critiques, qu’on nous a adressé l’année dernière, qui sont complètement fausses, qui sont même, à un certain degré, diffamatoires ! (Applaudissements.)

Mais, avec la même netteté que nous disons que nous voulons utiliser au maximum tous les moyens légaux, tous les moyens de la démocratie bourgeoise, nous disons qu’à l’heure actuelle, ces moyens, même utilisés à plein, sont absolument insuffisants pour conduire le Parti socialiste à la prise du pouvoir, à la marche au socialisme, à la construction de l’édification socialiste. (Applaudissements.)

Comme le disait Jules Guesde, tous les moyens y compris les moyens légaux, mais les moyens légaux sont insuffisants pour conduire le prolétariat à la victoire totale et à la prise du pouvoir ! Ils sont insuffisants parce que même si nous considérons la démocratie avec toute sa substance, même si nous considérons la démocratie perfectible, même si nous nous plaçons dans le cadre d’un capitalisme stabilisé, et dans le cadre d’une démocratie ascendante, comme on pouvait avoir le droit de se placer avant la guerre mondiale, et avant la grande crise terminale de l’économie capitaliste, même à ce moment-là les hommes les plus représentatifs du socialisme n’ont jamais cru que cette démocratie en progression pouvait exclusivement conduire le prolétariat à la victoire. Et alors, camarades, ce serait, au moment où nous sommes entrés dans ce que j’ai appelé la « crise terminale de l’économie capitaliste », c’est au moment où nous voyons, sous l’influence de cette crise terminale, les contradictions internes de la démocratie bourgeoise éclater, au moment où nous voyons non seulement la démocratie ne plus être en situation ascendante, mais dans certains pays, être mutilée et complètement annihilée, et dans les autres vidée progressivement de sa substance, c’est à ce moment historique que le socialisme oublierait et renierait tout son fonds révolutionnaire, et croirait pouvoir atteindre ses objectifs par le développement normal, légal, traditionnel de la démocratie bourgeoise ? par l’usage exclusif de cette légalité bourgeoise pourtant limitée dans son objet et dans son essence ? (Applaudissements.) Vous voyez, camarades, quelle contradiction ! quel reniement et quel abandon de toute la notion même du socialisme révolutionnaire !

On dit que nous sommes des putschistes, des blanquistes ! On dit que nous sommes de ceux qui ont renié la tradition marxiste ; au contraire, nous renierions la tradition marxiste, nous renierions le socialisme révolutionnaire, si à l’heure où la crise du capitalisme est si formidable, à l’heure où les contradictions du capitalisme s’accusent si fortement, nous disions que pour aboutir au socialisme révolutionnaire, à la prise du pouvoir, point de départ de l’édification du socialisme, nous pourrions arriver par le mécanisme normal et légal d’une démocratie bourgeoise de plus en plus insuffisante, vidée dans sa substance vivifiante ! (Applaudissements.) Nous cesserions d’être marxistes, d’être des socialistes, nous cesserions d’être révolutionnaires si, à l’heure actuelle, même, nous donnions quelque importance à cette éventualité dont parle le rapport de nos camarades Paul Faure et Séverac, à cette éventualité de l’accession au socialisme par le jeu normal de la croissance électorale et de la croissance parlementaire.

En réalité, camarades – et c’est cela l’idée essentielle, c’est cela l’idée directrice de notre résolution, et c’est sur ce point que nous serons intransigeants à la Commission des résolutions, je le déclare tout de suite ! – la marche au socialisme, la marche au pouvoir, je ne dis pas, encore une fois, à l’accession au gouvernement… - et l’attitude que j’ai prise cet après-midi, en ce qui concerne la constitution possible des gouvernements de front populaire démontre le contraire… - mais en ce qui concerne la conquête du pouvoir, c’est-à-dire la prise du pouvoir pour le prolétariat, pour le démantèlement de l’Etat capitaliste et pour la construction socialiste, cela se fera nécessairement, cela se fera obligatoirement par la révolution prolétarienne : en dehors du déclenchement de la force révolutionnaire de masse du prolétariat, pas véritablement de prise de pouvoir pour le Parti socialiste de la classe ouvrière ! (Applaudissements.)

Que nous le voulions ou non, camarades, malgré que nous ne sommes pas pour la violence systématique, quoique nous souhaitions une révolution s’accomplissant dans la joie, dans le calme et dans la paix, nous savons, à l’heure actuelle, que nous ne pouvons pas faire l’économie de la révolution prolétarienne ! (Applaudissements.) Nous ne pouvons pas éviter la guerre des classes, les classes possédantes n’ont jamais fait volontairement leur nuit du 4 août ! Les classes possédantes se défendent et contre-attaquent ! Elles ont les moyens de coercition, et des moyens de domination, et c’est en définitive par la guerre, par la guerre des classes, par la guerre civile du prolétariat contre la bourgeoisie, que nous arriverons au socialisme ! (Applaudissements.)

Nous n’avons pas le droit de taire ces choses ; nous n’avons même pas le droit de considérer comme possible, à l’heure actuelle, d’autre éventualité ! Ce n’est pas par le développement normal et régulier de la démocratie bourgeoise que nous triompherons ! La démocratie bourgeoise, les moyens de la démocratie politique, cela sert à rendre les partis socialistes puissants, cela sert à les rendre nombreux, cohérents, disciplinés. Cela augmente la capacité d’émancipation de la classe ouvrière, cela intensifie la force de revendication et de combat du prolétariat, mais cela n’est pas suffisant pour les conduire à la victoire ! Nous ne ferons pas, je répète, l’économie de la révolution prolétarienne, et la révolution prolétarienne, qu’est-ce que c’est ? C’est, en dehors des cadres mêmes de la légalité bourgeoise, le déclenchement de la force de masse du prolétariat !

Et ici, je veux dissiper une autre équivoque, et un autre malentendu. Nous serions des blanquistes ? Nous serions des putschistes ? Qu’est-ce que le blanquisme ? camarades. Qu’est-ce que le putschisme ? C’est cette conception qui fait que l’on pense conquérir le pouvoir à la suite d’un coup de force, à la suite d’un coup de main, opéré par une petite avant-garde peu nombreuse et entraînée du prolétariat, mais une avant-garde séparée de l’ensemble de la classe ouvrière.

Jamais, à aucun moment, nous n’avons dit, et nous n’avons écrit de pareilles choses, qui, évidemment, nous couperaient de la tradition marxiste ! Pour nous, la révolution prolétarienne, c’est la révolution de toute une classe, c’est le déclenchement de la force de masse, sur le plan politique et sur le plan économique conjugués de toute la classe ouvrière.

La grève générale pour nous, ce n’est pas exclusivement la grève des bras croisés. Non, camarades, le prolétariat, pour être victorieux, n’a pas seulement besoin de rester immobile pour être formidable ; il faut qu’il soit actif, et pour nous, la grève générale, la grève générale révolutionnaire, ne se conçoit pas exclusivement dans la cessation du travail. Elle s’accompagne de l’utilisation d’un certain nombre de techniques révolutionnaires qui doivent être adaptées au développement industriel lui-même.

Notre camarade Jules Moch, dans une brochure récente, pleine d’aperçus extrêmement intéressants, a indiqué selon lui que les techniques révolutionnaires de la grève générale devaient faire l’objet d’études préalables et approfondies, afin de tirer de cet instrument le maximum d’efficacité révolutionnaire. Mais, camarades, la grève générale et révolutionnaire, même accompagnée de l’ensemble des techniques révolutionnaires, ne suffit pas. Nous considérons que la révolution prolétarienne, c’est la conjugaison de la grève générale avec les grands mouvements de masses politiques. Mais nous voulons ici dissiper une autre équivoque : après avoir dissipé l’équivoque du coup de force insurrectionnel tenté par une petite minorité audacieuse, je veux en dissiper une troisième : celle qui a trait à l’armement général du peuple.

Oui, nous considérons que l’armement du prolétariat, l’armement du peuple, la lutte à main armée, est la phase ultime de la guerre de classes, pour la prise du pouvoir, et pour la construction du socialisme. Seulement, l’armement du prolétariat, camarades, nous ne le concevons pas sous cette forme véritablement sommaire et un peu puérile, qui consisterait à ouvrir les souscriptions publiques pour doter nos camarades d’un pistolet automatique et même de quelques mitrailleuses. L’armement du prolétariat, camarades, c’est bien autre chose, et c’est tout autre chose, et ça ne consiste pas simplement à se munir de bâtons, de musettes ou de bidons ! Cela consiste (applaudissements) à avoir les armes de la bourgeoisie, cela consiste à avoir les canons de la bourgeoisie, à être maîtres des canons et des dépôts d’armes pour armer le prolétariat ! (Applaudissements.)

Camarades, cela, c’est ce que nous appelons, dans notre résolution, l’action des prolétaires grévistes, maîtres de la rue, maîtres des usines, utilisant leurs capacités de production par la grève générale, et l’utilisant à plein, avec les prolétaires soldats, maîtres des casernes, maîtres des arsenaux et maîtres des navires ! Voilà sous quel angle nous considérons l’armement général du peuple !

Camarades, nous, qu’on accuse d’être des putschistes, qu’on accuse d’être des aventuriers, nous considérons qu’il ne suffit pas même de le faire voter dans un Congrès. Il faut préparer cette situation par une propagande de masse et intensive, dans tous les milieux, et il faut la préparer par une politique de pénétration systématique, dans tous les milieux où règne la force coercitive de la bourgeoisie ! Il faut créer cette situation par une propagande systématique, et il faut également que le Parti socialiste développe partout ses liaisons nécessaires pour que le moment venu, il puisse véritablement utiliser pour lui l’armement de la bourgeoisie qui deviendra l’armement du prolétariat ! (Applaudissements.)

Nous sommes des blanquistes, des putschistes, des insurrectionnalistes ou des aventuristes ? Les véritables aventuristes, voyez-vous, ce sont ceux qui croient, comme le disait tout à l’heure mon camarade Séverac, que tout cela pourrait se produire de façon spontanée. Non ! La révolution se prépare, l’action révolutionnaire se prépare (applaudissements), l’action révolutionnaire s’étudie ; autrement, oui, c’est du putschisme et de l’aventurisme ! Les putschistes, les aventuristes, c’est vous, ce n’est pas nous, qui sommes fidèles au marxisme révolutionnaire ! (Applaudissements.)

Maintenant que nous avons indiqué la perspective révolutionnaire, maintenant que nous savons que la prise du pouvoir, que la conquête du pouvoir, passera obligatoirement par cette phase de lutte économique, politique, et à main armée, maintenant que nous savons que le socialisme ne pourra pas s’instaurer par le développement normal de la démocratie parlementaire, est-ce que nous ne devons pas utiliser les leçons de l’expérience de la social-démocratie allemande et de la social-démocratie autrichienne ?

Ah ! camarades, ces partis, ils étaient beaucoup mieux organisés que les nôtres ! Ils étaient plus nombreux, ils avaient une armature organique plus solide, ils avaient des effectifs électoraux, des effectifs parlementaires, des institutions municipales, auprès desquels les nôtres ne sont rien !

Je ne veux pas, à l’heure actuelle, adresser des paroles de reproche à des hommes qui sont vaincus, et à des hommes qui ont eu le courage de reprendre la lutte dans des conditions infiniment plus difficiles, et infiniment plus héroïques que celles que nous traversons aujourd’hui ; mais enfin, nous avons bien le droit et le devoir de profiter des leçons de l’expérience ? Voyez-vous, l’erreur tragique des grands partis de la deuxième Internationale est d’avoir cru que par la croissance électorale, par la croissance parlementaire, par le développement des institutions ouvrières municipales et syndicales, ils pourraient, graduellement, accéder au socialisme. Ca a été une lourde faute, et une lourde erreur, car au fur et à mesure que la croissance prolétarienne se développait, le terrain de la démocratie sur lequel il s’appuyait allait en se rétrécissant, et ce qu’il y a eu de plus tragique dans l’expérience de la social-démocratie autrichienne, c’est que la démocratie ne leur a pas été enlevée brutalement. Quand on enlève brutalement certains avantages, on peut se réveiller. Non, ils ont été grignotés progressivement, et lorsqu’il ont voulu recourir à la grève générale, à l’insurrection à main armée, le terrain de la démocratie leur était déjà enlevé, la combativité révolutionnaire était éteinte, et dans ce pays de discipline prolétarienne, admirable, on a vu les cinq mille hommes du Schussbund mourir héroïquement, tandis que les centaines de mille de prolétaires viennois ne répondaient pas à l’ordre de la grève générale !

Eh bien camarades , nous avons le devoir de nous en souvenir : nous le disions dès 1927 au Congrès de Lyon, une action révolutionnaire telle que je viens de la définir, sur le plan politique et économique, doit être préparée et étudiée par le Parti socialiste. Ne pas faire cela, fermer les yeux à cela, se complaire à une sorte de fatalisme, dire que cela arrivera fatalement un jour, cela c’est préparer les conditions de la défaite. Nous voulons préparer les conditions de la victoire ! (Applaudissements.)

Camarades, la perspective révolutionnaire, savoir la discerner, c’est bien. Mais une fois qu’on l’a discernée, il faut que le Parti soit adapté aux nécessités révolutionnaires de lutte. Je ne crains pas de le dire, pour moi le conservatisme statutaire n’est pas une preuve de fidélité marxiste. La structure actuelle du Parti ne répond pas à ces nécessités révolutionnaires de lutte. Je ne veux pas la bouleverser, je ne veux pas la changer inconsidérément, je sais comment, en 1905, les statuts du Parti ont été élaborés. Mais ce que je sais, c’est que toute notre organisation, toute notre activité est calquée et moulée pour ainsi dire, sur les circonscriptions électorales, groupes de quartiers, sections de communes, comités d’arrondissement, fédérations départementales. Cela n’est pas bon, cela n’est pas bien pour l’activité révolutionnaire.

L’organisation fédérative de notre Parti peut répondre à un certain nombre de besoins ; elle peut répondre à l’utilisation d’un certain nombre de moyens légaux ; mais comme, ainsi que je vous ai dit tout à l’heure, les moyens révolutionnaires ne peuvent pas être évités et qu’il faudra bien les employer, il faut également que la structure de notre Parti soit adaptée à ces nécessités révolutionnaires de la lutte. Et je ne crois pas du tout que l’organisation fédérative de notre Parti réponde à ces besoins. Je crains même que l’organisation fédérative de notre Parti ne réponde pas à cette nécessité d’homogénéité et d’action totale, car voyez-vous, avec l’organisation fédérale du Parti, et avec l’habitude que l’on a de reconnaître aux fédérations une autonomie trop grande, trop souvent l’action du Parti se reflète dans le miroir brisé de 90 fédérations.

Je souhaite pour mon Parti une autorité centralisée. Je ne souhaite pas du tout que l’on revienne sur les principes de démocratie intérieure, pour l’élaboration de l’orientation générale de l’action. C’est le Parti lui-même dans ses Congrès, ses Assemblées nationales, qui souverainement doit prendre les décisions. Mais une fois que les décisions sont prises, une fois que l’action est délimitée, une fois que l’action est orientée, alors centralisation dans la direction pour l’homogénéité d’action totale. (Applaudissements.)

Et puis, également, pour tout ce travail de préparation révolutionnaire, pour tout ce travail de pénétration dans les milieux bourgeois, je crois qu’il faut créer un certain nombre de branches d’activités reliées entre elles. Je crois, également, qu’il faut que les fédérations départementales qui, isolées, ne sont pas assez puissantes pour la plupart, doivent être reliées entre elles, non seulement pour la propagande, mais également pour l’autodéfense du Parti. Et ici, je veux apporter un certain nombre de précisions.

L’autodéfense du Parti, des groupes d’autodéfense, cela est, à l’heure actuelle, camarades, une nécessité absolue, et personne ne le conteste. Mais, comme je l’ai dit, nous ne voyons pas en eux des instruments et des moyens d’action pour la prise révolutionnaire du pouvoir. La prise révolutionnaire du pouvoir, camarades, c’est autre chose et c’est bien autre chose ! Mais nous considérons ces équipes d’autodéfense comme absolument nécessaires au fur et à mesure que se développent les organisations paramilitaires de la bourgeoisie.

Mais nous ne les concevons pas spécialement et exclusivement comme des équipes de protection, de défense de nos réunions. Et, puisque nous sommes accusés d’être des putschistes, puisque nous sommes accusés d’être des insurrectionnalistes et des blanquistes, je veux faire appel à un certain nombre de témoignages.

Je lis le procès-verbal de la Conférence des secrétaires de secteurs qui, le 15 avril 1934, a été remise à Paris ; c’est notre camarade Léon Blum lui-même qui, avec une insistance toute particulière, disait aux secrétaires de fédérations et aux secrétaires de secteurs : « Vous savez… il faut éclaircir la discussion : ce qu’on attend des secrétaires fédéraux, ce n’est pas la défense de nos réunions, telle qu’elle est assurée depuis des années, mais une organisation beaucoup plus sérieuse et plus nouvelle. Nous sommes devant la possibilité d’un danger, et il faut aller au-delà de la constitution des groupes de défense pour la simple défense de réunions. Il faut des groupes cohérents plus importants, pour cristalliser la résistance fasciste autour d’eux. Il faut que les efforts faits dans les fédérations soient étendus là où ils sont commencés, et commencer ailleurs. » Blum indique que « c’est pour la coordination des efforts. Et il est difficile, pour le Parti, d’être en relation avec les 90 fédérations ; il faut envisager des groupements régionaux avec organisation à plusieurs étapes de façon à ce que le centre n’ait affaire qu’à huit ou dix personnes, avec lesquelles les contacts personnels seraient plus aisés ».

Et à ceux qui nous accusent d’être partisans de l’action clandestine, je suis un peu tranquille depuis les déclarations de notre camarade Lebas, qui nous a indiqué que ce qu’il allait faire dans le Nord, il ne le ferait pas dans le grand jour !

Non, camarades, l’action révolutionnaire du Parti, ne se fait pas au grand jour. Nous n’avons pas à nous étaler et à dévoiler nos plans aux hommes de la bourgeoisie. Et c’est Blum qui disait au 15 avril : Sans recourir à l’organisation secrète, il est tout de même certain qu’en période critique, il est utile que l’ensemble des données soient dans les mains d’un petit nombre. Il faut, dit Blum, arriver à quelque chose d’efficace, et nous ne l’obtiendrons qu’en réduisant le nombre des responsables.

J’ai voulu citer devant le Congrès ces paroles d’un homme dont l’autorité est incontestable et incontestée pour démontrer qu’en ce qui concerne la préparation de l’organisation et de l’action révolutionnaire, ce n’est pas véritablement en se dévoilant aux yeux de la bourgeoisie qu’on dote le Parti de son outil révolutionnaire ! (Applaudissements.)

Camarades, je n’en dis pas davantage sur notre résolution. Ce qu’elle est, c’est une résolution de perspective révolutionnaire. Encore une fois, en disant cela, nous ne voulons pas dire qu’il faut négliger les moyens de la démocratie bourgeoise, mais encore une fois, et je le répète, car sur ce point nous serons intransigeants, la marche au pouvoir ne se fera pas sans la révolution prolétarienne, telle que je viens de la définir, et telle qu’il faut la préparer.

Si vous ne dites pas cela, si même dans un but de conciliation, dans un but de synthèse qui n’en serait pas une, vous acceptiez de mettre dans le même plan l’alternative réformiste et gradualiste d’une part, l’alternative révolutionnaire d’autre part, comme on l’a fait plusieurs fois dans le programme de Linz de la social-démocratie autrichienne et au Congrès international de Vienne, je vous dirai : « Non ! l’heure n’est plus à ces jeux de motions et à ces jeux de Congrès. Il faut que le Parti voie clair et il faut qu’il dise qu’il voit clair ! » (Applaudissements.)

Et une fois qu’il aura dit qu’il a vu clair, il faut qu’il s’organise clairement, en fonction de cette perspective.

J’en ai terminé, camarades. Dans quelques minutes supplémentaires, dépassant peut-être un peu le sujet, le temps qui m’est imparti, je voudrais également répondre à la dernière partie de l’intervention du camarade Séverac sur l’unité d’action, et sur l’unité organique. Dans votre résolution, dans votre rapport un peu différent de la tonalité de certains articles (que nous avons vus dans le Populaire avant le Conseil national du 3 mars, n’est-ce pas ?) vous vous dites partisan sans réserve de l’unité d’action et de l’unité organique. Oh ! très bien, camarades ! Nous nous contentons d’avoir raison, simplement, et nous croyons que ce serait diminuer notre position que de vouloir, à toute force, avoir raison contre quelqu’un. Nous ne cherchons pas des victoires, nous, contre des camarades de notre Parti. (Applaudissements.) Mais dites-moi, l’unité d’action et l’unité organique ? Vous la voulez comme nous, nous en sommes convaincus. Seulement, ici, je n’oublie pas que je parle aujourd’hui mardi à la tribune de mon parti, et samedi dernier a paru dans le journal officiel du Parti communiste, dans l’Humanité, une proposition de charte, d’unité de la classe ouvrière en France, qui a été soumise par le Parti communiste à la Commission d’unification dans sa séance du 29 mai 1935.

Je suis membre de la Commission d’unification. Je n’ai pris connaissance de cette charte d’unité de la classe ouvrière en France que par le numéro de l’Humanité de samedi, en me rendant au Congrès de Mulhouse…

Plusieurs voix. – De l’Humanité !

ZYROMSKI. – Oui de l’Humanité

Quelques voix. – Tu ne l’as pas reçue ?

ZYROMSKI. – Non, je ne l’ai pas reçue. Mais je ne cherche pas à l’heure actuelle, dans un débat de ce genre, un incident subalterne. J’ai devant moi le projet proposé par le Parti communiste.

Nous voulons l’unité d’action et l’unité organique. Eh bien ! non seulement en mon nom personnel, mais au nom d’un grand nombre de mes amis, et non pas seulement de ceux qui sont signataires de notre motion, je déclare que cette charte que j’ai lue avec joie, que j’ai lue avec attention (oh ! certainement je ne l’accepte pas de la première ligne jusqu’à la dernière, il y a un certain nombre de développements qui ne me paraissent pas rentrer normalement dans la formulation d’une charte d’unité de la classe ouvrière), constitue, de la part du Parti communiste, un grand pas en avant vers la recherche de cette synthèse marxiste, base de l’unité ouvrière en France, et je suis heureux de le dire à cette tribune !

(Applaudissements.)

Nous considérons que les principes qui sont inclus ne sont nullement en contradiction avec les principes fondateurs de notre pacte d’unité, et que les leçons de l’expérience révolutionnaire tirées de la révolution russe et des dernières révolutions d’après-guerre, se trouvent exactement déterminées en ce qui concerne l’exercice de la dictature du prolétariat et en ce qui concerne aussi la conquête du pouvoir de haute lutte, pour la socialisation des moyens de production et d’échange !

Par conséquent, camarades, si nous savons avec bonne foi, avec ténacité, pour reprendre une expression du père Vaillant, vouloir l’unité avec rage, il faut reconnaître que, avec la charte d’unité telle que le Parti communiste nous le propose, des pas en avant ont de nouveau été faits, et cette recherche des points de jonction nécessaires entre le communisme soviétique et la social-démocratie s’accomplit progressivement ; si nous savons vouloir agir avec persévérance, nous sommes véritablement sur le chemin de l’unité d’organisation et alors, avec l’unité d’action élargie jusqu’à l’unité organique, avec la perspective révolutionnaire clairement discernée, avec une structure du Parti adaptée aux nécessités révolutionnaires de la lutte présente, alors oui ! nous pourrons d’un pas sûr, d’un pas ferme, les yeux clairs, aller vers notre objectif à nous : le pouvoir, pour la construction du socialisme et l’accomplissement de notre révolution ! (Applaudissements.)