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Héros et martyrs du communisme. Vladimir Ossipovitch Lichtenstadt (Mazine)
Auteur·e(s) | Victor Serge |
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Écriture | octobre 1921 |
I
Les révolutions sont surtout faites par les élites audacieuses et généreuses. Soutenue par les masses, une minorité d'initiative va de l'avant, prodigue les sacrifices, assume les responsabilités, ouvre les voies nouvelles. Pour vaincre, il faut qu'elle soit nombreuse ; il faut qu'elle groupe tout ce qu'il y a de beau et de fort dans une génération montante. Parmi les dizaines de milliers d'hommes — et souvent de héros — qui la composent, quelques-uns, aux heures mémorables de l'histoire, émergent au-dessus de la foule, soit qu'ils aient du génie, soit — bien plus souvent sans doute — qu'une circonstance leur en tienne lieu. Les noms de ceux-là demeurent seuls à jamais gravés dans les fastes de l'humanité. Et ce serait parfois la plus grande injustice, si nous ne savions tous, au fond, que les plus humbles et les plus inconnus sont souvent les meilleurs, les plus grands, les plus beaux...
Pour comprendre la révolution russe, il faudra plus tard étudier les hommes qui l'ont faite, non seulement les Illustres, les « chefs », dont les statues vont désormais dominer les carrefours de l'histoire, mais les innombrables vaillants qui n'auront pas laissé de noms. On se demandera comment ils ont pensé, voulu, vécu, lutté et comment ils sont morts. Des érudits s'efforceront à reconstituer l'histoire de leurs idées. On déplorera qu'ils ne nous aient presque rien laissé : une poignée de lettres et de souvenirs. Car, seuls, ils pourront faire comprendre la puissante race révolutionnaire qui triomphe et disparaît aujourd'hui en Russie. Etait-elle très nombreuse ? Non, certes, par rapport à l'immense peuple russe qu'elle a entraîné vers l'avenir. Il est possible d'établir des statistiques approximatives du nombre de militants des différentes organisations à la veille de la révolution. Il ne dépasse pas quelques dizaines de milliers d'hommes. Depuis la victoire de la révolution, ce nombre n'a pas augmenté, bien qu'une génération nouvelle, très différente de la précédente et, a certains égards, d'une trempe révolutionnaire bien moindre, ait remplacé tous ceux qui sont tombés. Il y a maintenant plus de 600 000 communistes en Russie ; mais nul des membres éclairés du parti n'ignore que moins du sixième de cet effectif total est composé de communistes réellement convaincus et éprouvés. La grande masse ouvrière vient d'instinct au parti de la révolution et a besoin d'un grand travail d'éducation. Si peu nombreuse qu'elle soit, notre race révolutionnaire a fait de grandes choses : deux révolutions, celle de Mars, politique, contre l'autocratie ; celle de Novembre, sociale, contre le capital ; puis, des années de guerre à l'intérieur contre la réaction sournoise, contre la faim, la ruine, l'ignorance, les hérédités mauvaises — redoutable coalition ! — à l'extérieur, contre les grandes puissances de réaction... Or, elle a vaincu. Car elle peut disparaître après cet effort prodigieux : le vieux monde est ébranlé tout entier par sa victoire morale indiscutablement acquise.
Voici un homme de cette race. J'aurais voulu consacrer à sa mémoire une monographie complète. D'autres la feront peut-être bientôt : l'homme était de valeur et vaut d'être connu. Ne sachant de sa vie et de sa pensée que les grandes lignes, je ne puis que tracer de lui un portrait — ou plutôt l'esquisse d'un portrait. Ce sera quand même utile. Le révolutionnaire était en lui typique. Il avait passé par toutes les rudes écoles de sa génération, parcouru les stades d'une longue évolution psychologique avant de devenir un communiste. Communiste, il l'a été sans réserves, jusqu'au don absolu de soi-même La formation et le caractère de tels hommes sont pleins d'enseignements. Et leur exemple doit rester, — et c'est un devoir chez ceux qui leur survivent de ne laisser perdre ni l'enseignement, ni l'exemple, ni simplement et pieusement, le souvenir.
II
Pour honorer lui-même une semblable mémoire, Vladimir Ossipovitch Lichtenstadt[1] avait adopté, depuis sa sortie de la forteresse de Schlüsselbourg, le pseudonyme de Mazine. Le véritable Mazine, Anton Mazine, il l'avait connu à la forteresse de Schlüsselbourg. C'était un homme de volonté puissante que la prison n'avait pu briser. Vladimir Ossipovitch Lichtenstadt nous a laissé de celui dont il devait porter le nom et répéter le sacrifice volontaire, un portrait en vingt lignes. Et la parenté spirituelle m'apparait saisissante entre ces deux révolutionnaires : le « forgeron corpulent, sanguin, de manières rudes, qui était la volonté même... qui savait apprendre dans toutes les circonstances et tous les milieux, toujours apprendre ; qui, s'il n'était pas grand théoricien, avait l'instinct et le tempérament prolétarien le plus sûr, et qui devait, dès 1918, se faire tuer à Rostov au premier rang des communistes... » — et l'intellectuel, d'esprit souple et délié, venu au prolétariat pour se donner tout entier. Il y a donc derrière la mémoire de Vladimir Ossipovitch Mazine la grande silhouette d'un prédécesseur, de cet Anton Mazine dont on ne sait guère plus que ce que je viens d'en dire : qu'il fut un héros avec simplicité. Figure effacée, discrète, un peu mystérieuse dans la pénombre d'une destinée, mais qui complète un symbole : la continuité du dévouement et de la volonté chez des hommes appartenant à la même race spirituelle.
III
Comme son nom l'indique, Vladimir Ossipovitch Lichtenstadt (Mazine) était juif, fils d'intellectuels. Sa mère lui a survécu. Il semble que régnait[2] autour d'elle, dans sa pauvre demeure dévastée, l'atmosphère intime, de culture, de travail, de probité où l'enfant grandit et se fit une âme forte. Marina Lvovna Lichtenstadt connaît quatre ou cinq langues ; elle a écrit et traduit des essais, des critiques, des ouvrages littéraires. Son logis étroit — deux ou trois pièces exiguës — ne contient en somme qu'un piano, des livres, des portraits : ceux de son fils, naturellement, et des auteurs préférés de son fils, un Nietzsche[3], un Gœthe[4]. Ce pauvre logis où la vieille femme casse elle-même, péniblement, son bois — quand il y en a — est encore visité de quelques femmes, veuves ou esseulées, qui survivent à toute une pléiade d'intellectuels ; la fille du grand écrivain Gleb Ouspensky[5], la compagne du socialiste-révolutionnaire Tchernov et quelquefois la femme de Kerensky. Ces intellectuels ne sont plus. Après avoir magnifiquement lutté, ils ont commis d'impardonnables fautes et quelques-uns d'entre eux ont fini par tourner leurs armes contre la révolution. Toujours est-il qu'il y a vingt ou trente ans, le petit milieu très fermé où vivait Marina Lvovna et son fils était bien celui qu'il fallait pour orienter l'esprit, d'un enfant, puis d'un adolescent, vers l'idéalisme révolutionnaire. On ne s'y préoccupait ni de carrières, ni d'affaires, ni d'intrigues. On y pensait à la Constitution, au socialisme, à la révolution. On lisait les poètes et les philosophes. Le garçonnet pensif dut connaître dès sa douzième année les tragiques poèmes de Nekrassov[6] sur la grande misère du peuple russe, et grandit en lisant Dostoïevsky[7], Tolstoï[8], Tchekhov[9]. Austère école pour un esprit en formation — et que nous voilà loin des romans d'aventures et des journaux sportifs ! Il entrevoyait autour de sa mère des hommes qui sortaient de prison, qui revenaient d'exil, qui se cachaient, qui étaient illégaux, qui disparaissaient soudainement, emmurés dans les geôles du tsar, ou bannis, ou perdus on ne savait comme.
Je ne sais rien de plus de son enfance. L'adolescent fut sérieux et, de bonne heure, travailleur. Ce qu'il y a d'exubérance dans toute sa jeunesse se dépensa chez lui en lyrisme. Il admira les poètes et, probablement, fut quelque peu poète lui-même. Parmi ses premiers travaux personnels furent des essais d'esthétique et une traduction en russe, d'un style remarquablement soigné, des Paradis artificiels, de Baudelaire.
Comment devint-il révolutionnaire ? En Russie cette question fait sourire. Ne pas être révolutionnaire dans ce milieu, à cette époque eût été très surprenant. Toute la jeunesse des écoles était social-démocrate, socialiste-révolutionnaire, anarchiste. Dans les quartiers ouvriers, dans les universités, la révolution fermentait déjà. Ses idées hantaient tous les cerveaux. En dehors d'elles il n'y avait ni vie publique, ni aspirations d'aucune sorte. L'art même était rigoureusement social. Presque tous les poètes russes ont connu l'exil, tous les romanciers ont été des pionniers de la révolution dans les mœurs et dans les cerveaux, des accusateurs de l'ancien régime.
Vers 1904 ou 1905, Vladimir Ossipovitch, alors âgé de 22-23 ans, revenait d'Allemagne en Russie. Il avait complété ses études à l'Université de Leipzig ; son esprit grave et curieux s'était passionné pour les recherches nouvelles d'Avenarius[10] et d'Ernst Mach[11], — qu'il devait plus tard relire si longuement à la forteresse de Schlüsselbourg. Mais sans doute la prochaine révolution posait-elle déjà devant lui son redoutable point d'interrogation. Comment n'eût-il pas été conquis par toutes les fibres de son être à la révolution qui venait parmi des souffrances sans nom, — et quelles espérances, et quels héroïsmes ! — à la révolution nécessaire ? La jeunesse du moment ne vivait que pour elle. C'était l'époque des luttes épiques de l'organisation de combat socialiste-révolutionnaire. L'étudiant Stépan Balmachov[12] exécutait le ministre de l'Intérieur Sipiaguine[13]. Des attentats contre le vieil homme d'Etat Pobiedonostsev[14], contre le policier Kleigels[15], contre le gouverneur de Kharkov, Obolensky[16], — l'exécution de Bogdanovitch[17] à Oufa, multiplient les gestes audacieux et les sacrifices. Grégor Guerchouni[18] dirigeait, contre les grands dignitaires de l'autocratie, les coups de la vindicte révolutionnaire. En 1904, Egor Sazonov[19] jetait sa bombe sous le carosse de von Plehve[20].
En 1903, Vladimir Ossipovitch Lichtenstadt, revenu des paisibles cités savantes d'Allemagne où peut-être il avait rêvé de consacrer sa vie pensive aux recherches scientifiques, se trouvait un dimanche de neige dans la rue de Saint-Petersbourg. On était le 22 janvier. Le grand cri des misères montait enfin des faubourgs ouvriers, irrésistiblement ; et, ce jour-là, deux prêtres, deux popes, aimés des humbles vers lesquels ils allaient, devaient conduire la foule grise des travailleurs au tsar, chef de la chrétienté orthodoxe, père de son peuple. Les pauvres gens des usines et des ateliers, les hommes, les femmes, les enfants misérables, s'en allaient par les rues, vers le Palais d'Hiver, conduits par Serge et Gapone qui portaient, comme une icône, le portrait de Nicolas II. Sous les fenêtres du palais la troupe les attendait. « Si le peuple n'est pas séditieux aurait dit le tsar, traitez-le comme s'il l'était ! » Et : « N'épargnez personne ! » Des feux de salve accueillirent les pétitionnaires. La neige fut horriblement rougie. Dans les rues avoisinant la place du Palais, les cosaques en démence poursuivirent la foule affolée. De telles scènes se produisirent qu'on s'en souvient encore à Petrograd. L'étudiant Lichtenstadt était dans la foule ce jour-là. Il entendit siffler les balles, râler les agonisants. Qu'il était loin désormais des laboratoires et des bibliothèques de Leipzig ! On raconte qu'il erra toute la journée, dans les rues, désespéré, exaspéré, plein d'une terrible colère... Il passa les journées suivantes à polycopier des manifestes commentant les événements. Cette propagande clandestine, dangereuse, où il fallait tout faire soi-même, avec un outillage de fortune allait l'absorber de plus en plus complètement.
Les événements se précipitaient. On était en pleine tourmente. La flotte de la mer Noire se mutinait. Le Kniaz Potemkine arborait le drapeau rouge et, stoïque, le lieutenant Schmidt[21] se laissait fusiller. La terreur se généralisait. Chaque jour les journaux publiaient une liste des attentats. La bombe de Kaliaev[22] déchiquetait à Moscou le grand-duc Serge[23] ; et la pendaison du terroriste ajoutait un nom à ceux des martyrs... La grève générale semblait enfin abattre l'autocratie dont le manifeste du 17 octobre signifiait l'abdication. Aux jours d'angoisse et de fureur succédaient les jours de liberté, le 15 octobre on censurait encore Tolstoï, les poètes, les vaudevillistes, les astronomes et les médecins (il y avait des éditions clandestines de Résurrection contenant des pages interdites), les bouches étaient muettes, les partis illégaux. Le 20 octobre les journaux socialistes et anarchistes de vingt nuances paraissaient partout : clubs, sociétés, partis, naissaient au grand jour dans une joyeuse exaltation. Cela ne devait pas durer longtemps : le temps pour l'autocratie de procéder à un regroupement de forces, de prendre quelques mesures de police, — et la réaction démasquait ses batteries. A la dissolution de la première Douma, répondaient les soulèvements de Cronstadt et de Sveaborg. A Helsingfors les premières gardes rouges se formaient. — Vladimir Ossipovitch Lichfenstadt adhérait alors au groupe socialiste-révolutionnaire maximaliste.
Les maximalistes constituent la gauche — et une gauche extrême — du Parti socialiste-révolutionnaire. Par leur énergie, par leurs procédés — terrorisme agraire ou politique, expropriations, mode d'organisation accordant une très grande autonomie aux groupes — ils se rapprochaient des anarchistes avec lesquels il leur arriva maintes fois de collaborer. Réagissant contre la centralisation du Parti S.-R., contre son idéologie officielle et modérée, ils préconisaient la réalisation immédiate, par la révolution sociale, du programme maximaliste : expropriation des terres et de l'industrie ; ils s'affirmaient radicalement antiparlementaires et comptaient sur la faculté créatrice des masses. Deux hommes, extraordinaires d'énergie et d'audace, de ceux dont la biographie est faite d'aventures épiques, dirigeaient l'action de cette minorité « maximaliste », où n'entraient que des esprits libres et des tempéraments résolus : Sokolov[24] (« l'Ours » pendu en 1906) et Salomon Ryss[25] (« Mortimer »). Ce dernier, pour mieux préparer ses coups, était entré en contact avec la police ; il réussit à se jouer du directeur de la Sûreté. Agissant avec le consentement de militants éprouvés, il égara sciemment les recherches et assura l'immunité de son. organisation. C'est dans ce milieu que vécut Vladimir Osipovitch Lichtenstadt, entre vingt-trois et vingt-cinq ans. Quel rôle fut exactement le sien ? Je sais seulement qu'il participa aux deux plus fameuses entreprise de l'organisation de combat maximaliste. Le 12 août 1906, trois de ses membres se rendaient pendant une fête à la villa Stolypine — île des Apothicaires — et la faisaient sauter. L'explosion, qui leur coûtait la vie, tuait 62 personnes et en blessait 22 autres. Le 14 octobre suivant, un groupe nombreux de militants dévalisait en plein jour, au centre de Pétersbourg, la voiture d'un fonctionnaire de l'Etat. Poursuivis de rue en rue, les maximalistes se défendirent à coups de revolver. Dix étaient néanmoins arrêtés. De ces dix, sept furent pendus. Vladimir Ossipovitch Lichtenstadt, d'abord condamné à mort, vit sa peine commuée en réclusion perpétuelle (Expropriation du Fonarny péréoulok). Notons ici que ces « expropriations » — pour employer le terme russe — accomplies au nom d'un groupement révolutionnaire, avaient uniquement pour but d'alimenter la caisse des organisations, et que nul militant ne pouvait, sous peine d'exclusion immédiate ou de mort, distraire à son profit personnel quoi que ce soit des sommes prises.
IV
A vingt-quatre ans, Vladimir Ossipovitch Litchtcnsladt, condamné à mort, vécut les longues heures d'angoisse de l'attente... On exécutait beaucoup en 1906. La pensée, la science, l'art, l'action, la révolution, tout était donc fini ! La vie semblait n'être plus qu'un rêve à l'homme enfermé dans une cellule du fameux bastion Troubetzkoï, à Pierre-et-Paul, et qui pensait n'en sortir que pour aller à la potence. À vingt-cinq ans, gracié sans avoir demandé sa grâce — car les révolutionnaires ne demandaient jamais rien à l'autocrate — il était, au bagne de Schlüsselbourg, forçat, condamné à perpétuité.
« Mais leur perpétuité ne nous effrayait pas, me disait-il plus tard. Nous savions que les jours de l'autocratie étaient comptés. Nous attendions la révolution d'année en année... » Et cette génération d'enfermés de Schlüsselbourg, plus heureuse que les précédentes, dont seule la mort ou la folie brisa le ferme espoir, ne devait pas être déçue.
La bastille de Schlüsselbourg est bâtie sur une petite île du lac Ladoga, à quelque cinquante verstes au nord de Pétrograd. Elle a une sinistre réputation. Dans sa vieille prison, 69 révolutionnaires se sont succédé depuis 1884, date à laquelle fut supprimée la prison secrète du tsar, le ravelin Alexis (forteresse de Pierre-et-Paul) de tragique mémoire. De ces soixante-neuf, quinze ont été exécutés dans ses murs, quatre se sont suicidés[26] en cours de peine et trois après leur libération, trois sont sortis fous. Quatorze sont morts de tuberculose, de scorbut ou des conséquences de l'aliénation mentale ; treize seulement sont sortis pour être déportés après avoir subi des peines variant entre quinze et vingt ans de réclusion... La nouvelle prison où fut enfermé Lichtenstadt était moins terrible — bien qu'on y mourût aussi. Les nombreux révolutionnaires qui y étaient enfermés n'étaient soumis à l'isolement que dans des cas exceptionnels. De haute lutte ils avaient conquis des droits, imposé un certain respect de leur dignité ! Ils avaient des livres. Lichtenstadt fut leur bibliothécaire. Le milieu de Schlüsselbourg était sain. Les traditions de l'ancienne bastille imposaient aux nouvelles générations d'enfermés toutes les obligations d'une noblesse — qu'il fallait du reste défendre tous les jours contre une administration pénitentiaire hargneuse, tatillonne, méchante parfois jusqu'au crime.
C'est, là que Lichtenstadt acheva de former son caractère et ses idées. Il fut de toutes les protestations, de tous les conflits avec les autorités, au premier rang de ceux qui engageaient le fer, et souvent au cachot, mais sans une défaillance Parmi les enfermés, tant politiques que « droits communs », il acquit une grande influence, due autant à son caractère ferme et doux qu'à son esprit souple, droit et très ouvert. Enfin, il travailla énormément. Ses « Lettres de prison », que l'on doit publier, constituent un journal, réticent et incomplet sans doute, mais d'un puissant intérêt psychologique. Entre autres travaux, il se livra à l'étude approfondie de l'œuvre de Goethe, auquel il consacra un fort volume d'analyse critique[27]. C'est ici le lieu de noter que, très fréquemment, la prison fournissait aux révolutionnaires des loisirs précieux pour parfaire une instruction que l'action eût, en d'autres circonstances, toujours empêché d'achever.
A Schlüsselbourg, Lichtenstadt devint marxiste. Cette modification dans ses idées, dont il disait lui-même qu'elle avait été une évolution du dilettantisme intellectuel à une conception scientifique et rationnelle de la vie. fut le fruit d'un intense labeur.
La Révolution de mars 1917 libéra les forçats de Schlüsselbourg. Lichtenstadt avait été enfermé pendant dix ans.
V
Aussitôt libéré, il était élu président du Soviet ouvrier de Schlüsselbourg. C'étaient des jours de fièvre. Le miracle espéré, attendu depuis plus d'un demi-siècle par plusieurs générations de sacrifiés, s'accomplissait tout à coup. Les murailles des bastilles s'effondraient. Geôliers, magistrats, gendarmes disparaissaient instantanément, balayés, avec les insignes et les ordures de l'ancien régime, par l'ouragan révolutionnaire. On avait peine à croire que ce fût vrai. Hier, on était des forçats, — on tournait sans fin dans le cercle infernal de la vie de la prison, refaisant chaque jour les mêmes gestes, concentrant avec acharnement tout ce qu'on avait d'énergie à ne vivre que de rêves et de pensées. On savait bien que la révolution viendrait, on l'attendait : mais on était condamné à dix ans, à vingt ans, à perpétuité, et l'on gardait pieusement le souvenir de tant d'autres qui étaient morts dans ces murs... Et voici que le premier soleil du printemps semait son or léger sous les drapeaux rouges, dans toutes les rues ; voici que des foules, portant des rubans rouges et chantant l'Internationale, venaient, comme en pèlerinage, déposer dans le petit cimetière de Schlüsselbourg des couronnes sur les tombes des martyrs... Ceux qui ont vécu de telles heures ont beaucoup vécu.
Quelle fut exactement l'activité de Lichtenstadt entre les deux révolutions de Mars et de Novembre ? Je sais seulement qu'il ne fut pas bolchevik. Au moment de la révolution d'Octobre, il adhérait au Parti social-démocrate russe (menchevik). La victoire prolétarienne le désorienta. Certes, elle était grande. Mais pouvait-on brusquer ainsi l'évolution à coups de violence ? Instituer le communisme prévu par la pensée socialiste comme devant être le fruit du développement le plus haut de la technique et de la concentration capitaliste dans un pays économiquement et politiquement arriéré, où l'immense majorité de la population est agricole, où les grands centres industriels sont de création récente, où l'éducation politique des masses n'a pas été faite par la démocratie bourgeoise ? L'entreprise révolutionnaire paraissait aux mencheviks follement audacieuse et contraire à la saine doctrine. Au doctrinarisme étroit, à la vision trop exclusive des dangers et des difficultés, se mêlait chez certains intellectuels de haute culture une sorte de répulsion instinctive devant le recours à la force, l'effusion de sang, toutes les dures, les mauvaises, les terribles petites réalités de la guerre civile. Un Lichtenstadt pensif et scrupuleux, sorti quelques mois auparavant des geôles du tsar avec l'espoir involontaire que ce serait enfin fini, fini à tout jamais, des geôles, des potences, des polices, — pouvait-il, sans un haut-le-cœur, consentir à faire de ses mains toutes les besognes de la guerre civile ? — à enfermer à son tour, parfois dans la geôle même dont il était lui-même sorti la veille, le bourgeois, le democrate ententophile, le camarade de naguère, devenu droitier, agent des Alliés, complice de Kornilov ? Or, il fallait aussi fusiller, réquisitionner, confisquer, briser des résistances sans regarder aux moyens, être volontaire, âpre, implacable, marcher à travers tout... L'impossibilité psychologique de certaines natures d'intellectuels, particulièrement affinés, à s'adapter aux exigences sévères de la guerre civile, contient toute une explication du menchevisme — et de bien des fautes.
Toujours est-il que Vladimir Ossipovitch Lichtenstadt traversa une crise intérieure. Il finit par se retirer à peu près complètement de l'action. Ne voulant pas cependant rester oisif ni nuire a la nouvelle révolution, il prit sur lui d'organiser à Péterhof, dans l'ancienne maison de plaisance d'un grand dignitaire de l'autocratie, une colonie d'enfants. A servir les enfants, on peut être sûr, sous tous les régimes et quel que soit le cours des révolutions, de faire une œuvre utile. L'ancien terroriste se consacra à loger, vêtir, nourrir, instruire une centaine d'enfants. Lourde tâche. Tout était à organiser. Tout était à faire soi-même. Le bois manquait — et il faisait froid. Le ravitaillement n'existait pas. Le personnel enseignant était en grève. Les villas où l'on s'installait avaient été pillées ; d'ailleurs, elles étaient meublées pour loger un grand seigneur et sa valetaille, non certes pour les communautés d'enfants. Lichtenstadt réussit si bien dans cette tâche que les enfants de Peterhof en ont gardé à sa mémoire une vénération reconnaissante.
VI
L'évolution qui l'amena à adhérer au Parti Communiste fut relativement longue (quelques mois, en temps de révolution, comptent pour des années dans la vie d'un militant) et douloureuse. La Russie rouge tenait dans des conditions effroyablement difficiles, sur huit immenses fronts. Elle était bloquée, affamée, isolée, trahie, haïe, diffamée. A l'intérieur, les complots succédaient aux complots Des haines rampaient sordidement de toutes parts ; et, par grande infortune, tels « révolutionnaires » de la veille, menchevistes ou socialistes-révolutionaires, n'étaient jamais les derniers à souhaiter qu'un cataclysme nouveau engloutit la révolution. Souvent, la situation parut désespérée. Ce n'était pas le moment, pour un militant même dissident, de s'isoler, fût-ce dans la plus utile des œuvres d'éducation, ni de faire des réserves et de marchander son concours au nom de principes absolus, ni de critiquer les fautes présentes ou passées en ajoutant : « Nous l'avions prédit ! » Une impérieuse voix intérieure criait, au contraire, au révolutionnaire, qu'il fût anarchiste ou marxiste dissident : « Tu dois être avec ceux qui font la révolution, même s'ils se sont trompés et se trompent — à ton avis — en bien des cas. A cette heure où les meilleurs enfants de la Révolution prodiguent leur vie sans compter, tu dois savoir sacrifier, s'il le faut, quelque chose de tes idées personnelles. La Révolution est en danger de mort, et les communistes, seuls, ont le sang-froid, la volonté, l'organisation, la claire conscience des buts qu'il faut pour la sauver. » Ces raisons détermineront sans doute plus d'une adhésion au Parti Communiste. Elles agirent puissamment sur Lichtenstadt, mais sa transformation intérieure fut beaucoup plus profonde. Il adhéra au Parti Communiste en qualité de marxiste, après s'être pleinement rallié à sa doctrine.
VII
Je rencontrai Vladimir Ossipovitch a Smolny vers le 15 avril 1919 ; c'est dans les bureaux des éditions du Soviet de Petrograd qu'il m'apparut pour la première fois, tel que je l'ai bien connu depuis. Vêtu ce jour-là d'une vareuse bleue, boutonnée jusqu'au, cou, très simple, d'une simplicité frisant parfois l'oubli de soi-même, il avait à ce moment, dans ses regards toujours réfléchis et, semblait-il, un peu distraits, comme un joyeux sourire. Son visage me frappa de suite à cause de ce regard d'intelligence sérieuse et bonne, à cause du front allongé qui dominait ses traits, à cause de son teint pâli de vieil enfermé. Je ne m'étonnai pas d'apprendre ses dix années de Schlüsselbourg, car on apercevait en lui, dès le premier coup d'œil, l'idéalisme et la force concentrée, éprouvée, des hommes qui ont préparé la révolution et qui ont su tout subir pour elle. Et on sentait aussi en lui cette gravité, ce détachement des petites choses que confèrent les très grandes épreuves. Mais, ce Jour-là, Vladimir Ossipovitch était heureux. Il s'agissait de travailler ! De travailler ! La Troisième Internationale s'était enfin constituée a Moscou, en mars. Elle devait avoir son organe, ses éditions de propagande et d'information. Vaste entreprise, à l'heure où la révolution sociale déferle de Vladivostok à Cologne et mûrit dans le monde, les presses de la nouvelle Internationale doivent constituer une arme précieuse. Cette arme, à Pétrograd, n'existait pas encore. Il s'agissait de la forger. Et, d'abord, de faire paraître, pour le 1er mai, le premier numéro de l'Internationale Communiste — en trois ou quatre langues....
Vladimir Ossipovitch venait d'être chargé par le camarade Zinoviev de diriger l'exécution de ce travail. Et tout en feuilletant les livres et les brochures qu'il prenait au hasard parmi les innombrables volumes de la librairie du Soviet — car il ne lui était guère possible de passer à côté d'un livre sans le palper, l'ouvrir, le parcourir en quelques instants — il expliquait, avec son enthousiasme si simple, sans nulle emphase, immédiatement, qu'il s'agissait de se donner complètement et immédiatement à ce travail. La tache immédiate n'était d'ailleurs pas facile. Editer une revue en moins de quinze jours, cela signifiait créer sur-le-champ tout un appareil technique, plutôt compliqué. Et il eût été vraiment fâcheux de « rater » le premier mai. Vladimir Ossipovitch, disait tranquillement — et toujours ce sourire de ses yeux ! — « On travaillera nuit et jour. Ce n'est rien. En Russie on peut tout faire quand on veut ».
Il parlait ainsi parce qu'il savait vouloir. L'action commençait chez lui dès la minute où elle était décidée, voulue. C'est pourquoi il aimait les commencements. Les moindres entreprises dans un pays en proie à la guerre civile, où tous les domaines de l'activité humaine sont à la fois dévastés et radicalement transformés, les commencements de chaque œuvre exigent d'immenses efforts, du dévouement, de l'esprit d'initiative, de la ténacité. Vladimir Ossipovitch cette fois encore devait se révéler « l'homme des commencements ».
Les éditions de la 3e Internationale vécurent d'abord, en camaraderie, aux dépens de celle du Soviet de Pétrograd. En attendant qu'un local nous fût aménagé a Smolny, nous eûmes une table, quelques chaises, une très sommaire installation dans un coin... Vladimir Ossipovitch recevait là ses premiers collaborateurs, notait en hôte, sur son bloc-notes des adresses, des renseignements, des projets, mangeait un morceau entre deux conversations d'affaires, accomplissait ses premiers travaux de rédaction et d'administration. Il me semble bien que nous eûmes, ce premier jour de collaboration, à rechercher des renseignements sur l'assassinat de la camarade française Jeanne Labourbe[28] fusillée par les Alliés à Odessa. Vladimir Ossipovitch s'anima : « C'est la première communiste française qui tombe — disait-il — depuis la Commune... »
Comme il s'intéressait aux choses ! Nul détail ne lui paraissait aride, nulle tâche difficile. C'est que son nouveau labeur l'emplissait d'une joie véritable. Il en comprenait admirablement la signification. Cette joie intérieure, jointe à sa bonhomie habituelle, le rendait particulièrement avenant envers les visiteurs. Un petit personnel fut vite groupé. Vladimir Ossipovitch se montrait si accueillant, si camarade, qu'une atmosphère de saine et libre collaboration se créa tout de suite entre tous ses employés.
Et le travail commença. Secrétaire de rédaction. Vladimir Ossipovitch recevait ses directions de G. Zinoviev. qui lui transmettait les documents et les matériaux — Dieu sait ce qu'il y en avait ! — adressés par tous les partis du monde, par tous les militants de l'Internationale. Administrateur, il avait surtout à s'occuper des bureaux et de l'imprimerie. Tâche multiple, absorbante, accablante, qui ne lui laissa littéralement aucun repos pendant la première quinzaine. Ses repas, il les avalait en hâte au grand réfectoire de Smolny ; dans les tramways, en automobile, en marche, il relisait des épreuves de correction ; le soir, la nuit, il s'attardait parmi les compositeurs, s'improvisant correcteur et metteur en pages, sans que la fatigue physique, qui finissait parfois par le briser pour quelques heures, altérât jamais sa bonhomie. C'est là un des traits de son caractère : indulgent, il l'était par bonté et calme par raison, par maîtrise de soi. Les petites contrariétés si nombreuses au cours de tout travail avaient peu de prise sur lui. Donnant l'exemple, mettant la main à tout, se ménageant moins que personne, il entraînait. Tous ceux qui, à ce moment, ont subi cet entraînement, et surtout nos collaborateurs typographes, ne l'oublieront certainement pas.
Pendant huit jours, Vladimir Ossipovitch ne dormit que quelques heures par nuit, souvent sans prendre la peine de se dévêtir, étendu sur un divan dans les bureaux même de la typographie. Il y eut quelques nuits où il ne dormit pas du tout, quelques jours où il n'eut pas même le temps de se raser. Mais l'Internationale Communiste parut le 1er mai. Ainsi s'accomplissent de notre temps les moindres œuvres révolutionnaires : à force de dévouement et de volonté. Ce qui fait leur valeur, leur puissance. Vladimir Ossipovitch éprouva, d'avoir rempli cette tache, une joie d'enfant. Il dépliait les grandes feuilles sorties des presses de l'imprimerie, et derrière le cristal de ses lorgnons, on voyait pétiller dans ses yeux le même sourire qu'au premier jour de travail.
Dès lors, le travail se régularisa. Mais c'est à peine si, pour Vladimir Ossipovitch, son intensité baissa. En fait, sa tâche dépassait les forces d'un travailleur, et il ne parvint à y suffire qu'au prix d'une constante suractivité. Presque toutes les fins de mois, il fut dans les ateliers de composition et d'impression, y mangeant, y dormant — le moins possible ! — oubliant tout ce qui n'était pas le journal. Et c'est pendant ce travail que j'appris a le connaître et qu'il me devint cher.
...De lui-même et de son passé, pourtant si rempli de travaux et de luttes, il ne disait presque jamais rien. Sa réserve, son dédain complet du « paraître et de « l'effet », ont dû maintes fois le faire passer inaperçu là même où la première place lui appartenait de droit. Par contre, il parlait volontiers des idées, des œuvres, des événements ; et c'était toujours avec une sorte d'entrain sérieux, grave même. Son enthousiasme ne lui dissimulait rien des dangers ou des fautes. C'est ce qui le rendait fort et persuasif. Joindre à la clairvoyance la conviction et la volonté, c'est posséder d'intarissables ressources intérieures
Elles le rendaient singulièrement jeune, capable de mouvements tout à fait juvéniles. Une nuit, très tard, il vint frapper à ma porte. « Donnez-moi, me dit-il, je tome VII de Tchékhov... » Et ses yeux pétillaient. Une camarade étrangère s'était permise de lui dire qu'elle trouvait le grand écrivain... ennuyeux. Vladimir Ossipovitch en était indigné. Cette nuit-là, il s'attarda longuement chez notre amie à lui lire les meilleurs contes de Tchékhov. Car il lui eût été douloureux d'admettre qu'on pût ne pas comprendre ce qu'il comprenait, lui, avec tout son cœur et tout son esprit.
Au fond, cela devait provenir, chez lui, d'une nature très expansive, qui avait besoin de se donner : intellectuellement par ses œuvres, moralement par toute sa vie de combat, de propagande, de labeur — et même physiquement Ce dernier trait de caractère en faisait le travailleur remarquable que nous connaissions. Il se manifestait d'ailleurs dans les moindres choses. Je le vois encore, rieur, heureux, ramer pendant toute une longue promenade, sur les étangs de Péterhof. C'était par un beau soir d'été où les voix avaient, dans le crépuscule, de nettes et douces résonances. Pas un instant, Vladimir Ossipovitch ne consentit à lâcher les rames ; et il semblait prendre un plaisir particulier quand le passage devenait difficile parmi les herbes aquatiques. Ses mouvements souples se tendaient alors, précis, patients, doux et forts : ils exprimaient tout l'homme.
Dès cette époque, Vladimir Ossipovitch songeait à se faire envoyer au front. Pendant les journées d'anxiété de la première offensive des bandes blanches de Ioudenitch contre Pétrograd et de la trahison de Krasnaia-Gorka[29], le danger devint, pour ainsi dire palpable. Vladimir Ossipovitch souffrit de n'avoir en de telles heures qu'un travail littéraire, d'intellectuel, d'agitateur. « Ecrire, corriger des épreuves pendant que l'on se bat, disait-il, c'est trop amer ! » Et lui, qui ne demandait jamais rien, importuna sans doute quelque peu le camarade Zinoviev, à force de solliciter tout au moins « un congé à passer au front... » Finalement, il n'y tint plus. Il se fit admettre au détachement communiste du 11e rayon ; il apprit le maniement du fusil, le tir à la mitrailleuse ; afin de mieux pouvoir agir par l'exemple et la parole, il voulut demeurer dans le rang, simplement. Et pendant quelques jours, il ne vint à la rédaction de l'Internationale Communiste ou à l'imprimerie que le fusil en bandoulière ; il passait toutes ses nuits au corps de garde ou au travail, participant à toutes les tâches de son détachement. La meilleure image qui me reste de lui est peut-être celle ci. C'est au petit jour, vers trois heures du matin, pendant les nuits blanches d'ailleurs. Une petite pluie tombe par intermittence. Les rues sont désertes ; devant la cathédrale de Saint-Isaac, pas une âme, pas un bruit. Et voici venir Vladimir Ossipovitch en tenue — avec un pauvre manteau bleu qui n'était, certes, ni chaud, ni seyant ! — le fusil accroché à l'épaule, la baïonnette toute droite, dansant un peu au rythme de son pas. Entre ses mains, un livre (Herzen[30]), dont il admirait les vues profondes sur la révolution prolétarienne. Des gouttelettes die pluie avaient mouillé les pages. Le livre et le fusil : tout ce qu'il faut au révolutionnaire de ce temps-ci. Vladimir Ossipovitch m'expliqua : « Je porte partout ce livre. Je lis en route, de-ci de-là. Il faut bien que chacun de nous s'arrange de manière a vivre plusieurs vies a la fois... » Cela il le répétait souvent, comme s'il eût souhaité pouvoir multiplier ses forces, ses capacités de vivre...
Certes, il a bien su tenir le fusil, et sa mort l'a prouvé. Mais le livre eût été, davantage encore, et mieux, son arme propre. Je me souviens de quelques bonnes conversations nocturnes, après le travail, que nous eûmes sur des sujets d'histoire et de philosophie. Il m'étonna, car sa réserve habituelle pouvait laisser ignorer longtemps ce qu'il possédait de savoir et de pensée. Mais j'ai pu entrevoir, au cours de ces entretiens, la richesse de sa vie intérieure. Goethe, Maeterlinck[31], Ernst Mach, Shelley[32], Avenarius, que de noms anciens ou actuels, que de noms signifiant des univers de pensée, venaient familièrement à ses lèvres ! Je sus qu'il avait passé par de diverses expériences intellectuelles, par les recherches de l'esthétisme — il y avait de cela de longues années — par la métaphysique et par les sciences positives avant d'en arriver à se former une conviction personnelle, raisonnée, justifiée par un immense savoir, éprouvée, enfin par la vie même. Ses travaux sur le matérialisme historique avaient beaucoup contribué à l'y amener. Et, désormais, c'étaient toujours du point de vue du marxisme intransigeant qu'il envisageait les choses.
Les événements que nous traversons finissent par émousser les sensibilités. Dans notre grande bataille sociale, l'homme devient dur. Vladimir Ossipovitch disait volontiers que « la révolution est nécessairement impitoyable » ; mais je suis sûr de ne rien exagérer en affirmant que rares sont ceux qui, autant que lui, conservent devant les misères de l'heure présente une bonté personnelle active. Ce qu'elle lui valait de peines et de démarches ne se peut dire.
Nous causions souvent des événements. Vladimir Ossipovitch était « optimiste », disait-il. Non qu'il se dissimulât l'étendue des difficultés et des dangers qui à ce moment menaçaient la Russie des Soviets, mais parce qu'il exposait que, « devant l'histoire, notre cause est gagnée, et que rien ne peut plus l'empêcher de triompher plus ou moins vite dans le monde entier. Car la révolution ne peut pas s'arrêter devant telles ou telles frontières, car il n'est au pouvoir de personne de la tuer ». Jamais il n'y avait dans ces propos, dont j'ai bonne mémoire, d'allusions à notre sort personnel, chose évidemment très secondaire aux yeux de Vladimir Ossipovitch. Ainsi, les défaites, les échecs ne l'accablaient pas. Mais les succès le réjouissaient. Je le vois se retournant vers moi, dans l'automobile qui nous emportait quelque part, et m'annonçant les troubles révolutionnaires qui venaient de se produire à Constantinople. Il éclatait de rire : « Les Dardanelles aux Soviets ! Verrons-nous cela ! » Et, plus sérieux, il ajoutait « Nous avons beau être affamés, être nus, nous sommes la plus grande force morale du monde... » Cette immense force morale, il la sentait en lui. Il avait le droit d'en parler.
Le 7 août, après avoir en cinq mois organisé tout le travail des éditions de l'Internationale Communiste et assuré la parution des cinq premiers numéros de cette revue, il nous quitta plus heureux encore qu'il ne nous était venu. Il partait au front, mobilisé par le Parti Communiste. C'était, enfin, la réalisation de ses vœux. En ces cinq mois, un grand travail intérieur s'était accompli en lui. La tâche essentielle, à ses yeux, c'était désormais la défense, par les armes, des frontières de la révolution. J'ai sous les yeux une lettre intime qu'il écrivit, à la veille de partir, à quelqu'un de très cher. Sa résolution, sa foi, s'y expriment en quelques lignes admirables, auxquelles je ne me permettrai pas d'ajouter aucun commentaire : « J'entre dans une nouvelle voie, peut-être terrible, par son aspect extérieur, au jugé des âmes faibles. Mais, en moi, cette voie est la plus probe, la plus pure, la plus franche, par ces temps de cauchemar. L'amour brûle en moi plus ardemment que jamais ; et je crois fermement que j'ai raison de me battre comme j'ai raison d'aimer, — que j'ai raison malgré tout ! »
Vladimir Ossipovitch nous quitta le 7 août. Et il suivit la voie la plus probe, la plus pure, la plus franche, — jusqu'à sa dernière heure.
VIII
...Il me paraissait de ceux qui, au front, doivent être tués. Certains caractères contiennent toute une prédestination. Ce méditatif, cet intellectuel doux, dévoué, scrupuleux et, au fond, très peu pratique, ne pouvait pas être un heureux soldat. La chance est trop souvent en nous. Lichtenstadt, d'ailleurs, allait à la guerre avec la froide résolution de consentir à tout sacrifice. Il voyait dans l'épreuve des champs de bataille une sorte de rançon des responsabilités du révolutionnaire. « Puisque nous avons pris sur nous, disait-il, de tenter cette immense expérience humaine, puisque dans la lutte nous nous arrogeons parfois sur nos ennemis le droit de vie et de mort, nous devons être les premiers au danger. » C'était logique, mais d'une logique supérieure, assez contraire à celle de l'instinct de conservation. Or, pour vaincre dans les tranchées, pour en revenir, il faut sans doute beaucoup plus d'égoïsme que de dévouement, beaucoup plus de volonté de tuer que de consentement au sacrifice.
Vladimir Ossipovitch Lichtenstadt fut commissaire de la 6e division, au front d'Estonie. Secteur tranquille. Les questions de propagande parmi les soldats l'intéressèrent : il eût voulu vivre entièrement avec eux ; ne le pouvant — car la Comité du Parti ne cédait pas à ses demandes — il s'attache au moins à conserver un contact étroit avec ses hommes. La vie militaire l'absorba tout à fait ; il se passionna pour les menus détails des opérations, de l'organisation, de la préparation technique. Les troupes étaient à peu prés suffisamment nourries, mais mal vêtues et lasses, car il n'y avait pas de relèves. René Marchand, qui, vers cette époque, alla visiter le front et visita Lichtenstadt à Yambourg[33], me dit, au retour, et son admiration et son anxiété. Le front — un front de tranchées rudimentaires — tenait magnifiquement. Les hommes semblaient comprendre le pourquoi de cette guerre interminable. Toute une génération de nouveaux soldats, « commandants rouges », communistes, militants des sections politiques, prodiguait chaque jour une intarissable vaillance... Mais... Mais les forces physiques étaient à bout. Serait-il matériellement possible de résister à une poussée de l'ennemi, dans cet état de surmenage, quand on avait toujours froid par ces jours tristes d'automne, quand on avait souvent faim ? Le doute inquiétait. Or, l'armée Ioudénitch, équipée à l'anglaise, nourrie de packed beef, armée de fusils automatiques, flanquée, en outre, de quelques régiments estoniens, fonça tout à coup sur les deux divisions rouges couvrant Petrograd. Ce fut une déroute. Les rouges se battirent du mieux qu'ils purent — ceux du moins que la panique n'avait pas terrassés dès la première minute — en reculant vers Petrograd.
Lichtenstadt, lui, se battit sans doute beaucoup. Il ne voulait pas reculer. Le flot l'emportait. Il tentait désespérément d'arrêter la débâcle. A la fin, il prit un fusil et ne songea probablement plus qu'à tenir le plus longtemps possible derrière chaque abri de fortune. Cela dura une quinzaine de jours. Puis il disparut.
Un militant anarchiste, membre du Conseil révolutionnaire de l'Armée, dirigeait alors la défense de Petrograd (William Chatov). Quand je l'interrogeai sur le sort de Lichtenstadt. il me répondit :
Mort, certainement. Car si même on l'avait fait prisonnier, on l'aurait tué aussitôt. Mais il y a des raisons de croire qu'il a péri en combattant... En pleine bataille, il m'avait écrit pour me demander de le relever de son poste de commissaire, certain, disait-il, d'être plus utile soldat parmi les soldats. Ce n'était pas l'heure de discuter. J'ai répondu : « Battez-vous à votre poste et nous verrons ensuite... » Il était très déprimé. Le spectacle d'une déroute ébranle même des hommes habitués à la guerre... Je me demande s'il ne s'est pas tout simplement fait sauter la cervelle dans quelque coin perdu de la forêt...
Nous n'avons rien su de plus des dernières angoisses de Lichtenstadt. Sa division décimée, en déroute, Petrograd a peu près pris, quelle navrance chavira le cœur du révolutionnaire ? Sa clairvoyante raison, à ce moment, dut lui montrer mieux qu'à tout autre l'étendue du désastre.
Et le 15 octobre 1919, non loin du village de Kipen, au sud-ouest de Gatchina, Vladimir Ossipovitch Lichtenstadt, un autre communiste dont le nom est resté inconnu, et deux ou trois soldats, faisaient face à l'ennemi, étaient cernés. Des paysans, qui le racontèrent plus tard, virent le « commissaire » épuiser ses cartouches. Peut-être se réserva-t-il la dernière balle !
IX
Dans la petite salle des fêtes de l'ex-hotel Régina, devenu la Maison des Soldats rouges, quatre hommes immobiles, en armes, veillaient autour de deux cercueils en bois blanc... Car on avait ramené de Kipen deux corps : l'un des deux devant être celui du « commissaire ». L'un des deux, mais lequel ? Par cette nuit de décembre froide et noire, si noire que la neige n'était plus sous les pieds du passant qu'une vague grisaille, nous allâmes, quelques-uns de ses amis, reconnaître la dépouille de Lichtenstadt et lui adresser un dernier adieu...
...Il faisait très froid aussi dans cette salle froide et sombre. Et ces quatre soldats — des paysans de Pskov — revenant du front, seuls avec les morts dans le clair-obscur glacial étaient tragiquement simples. Aux murs se détachait, encadré de rubans rouges, un portrait de Lénine — grand front et dur visage barré de grandes ombres.
...On ouvrit les cercueils. Les deux morts étaient tels qu'on les avait relevés dans leur fosse de terre gelée. Tous deux portaient les mêmes capotes gris de terre. L'un, soldat sans doute et paysan, à en juger par sa forte main de travailleur, gisait dans le large cercueil comme il avait dû tomber, le bras droit ramassé sur le visage en ce geste instinctif, presque enfantin, de l'homme qu'on va frapper. Sans doute avait-il esquissé cette vaine défense sous les crosses brandies. Un coup terrible lui avait emporté la moitié du front, tout le haut du crâne... L'autre dormait plus calme, les bras en croix, sans blessure apparente. La terre avait déjà mordu sur ces chairs émaciées, momifiées, desséchées — où rien ne rappelait la vie. Mais les dents étaient soignées, les mains fines, les ongles allongés. A cela seul nous le reconnûmes...
Puis, un dimanche matin, ces cercueils se couvrirent de branches de sapin et de couronnes. Une femme en deuil, très grave et qui semblait très âgée — mais qui ne pleurait pas — vint là pour les funérailles de son fils. Quelques hommes, jeunes encore, bolcheviks, anarchistes et mencheviks devenus frères à Schlüsselbourg, se groupèrent autour d'elle, ne sachant comment dire leur ancienne affection à cette vaillante Marina Lvovna qui, pendant des années, les assista tous au bagne... Quelques soldats de sa division, quelques ouvriers de sa typographie, vinrent aussi. On plaça le cercueil sur l'affût d'un canon, et le cortège s'en alla par le Nevsky... Quelques centaines de soldats faisaient la haie... Funérailles militaires, funérailles révolutionnaires, comme il y en eut tant avant et depuis ! Car on meurt, on meurt — les meilleurs, les plus vaillants meurent... Elle coûte cher la révolution à ceux qui l'ont faite.
Il dort au Champ de Mars, parmi les Sacrifiés de la Révolution : victimes des journées de Mars, de Juillet, de Novembre 1917, Ouritsky, Volodarsky, Nakhimson[34], et de plus récents dont j'ai suivi les dépouilles : Nikolaev[35], « général rouge », Semion Voskov[36], Solodoukhine[37], les huit communistes finlandais assassinés en août dernier. De massifs remparts de granit rosé encadrent la grande tombe fraternelle. Aucun signe ne marque l'endroit où repose Lichtenstadt. Mais, à quelques pas de là, j'ai lu cette inscription gravée dans le granit :
Ne sachant pas les noms
de tous les héros tombés pour la liberté,
L'Humanité
honore les inconnus qui ont versé leur sang.
En leur mémoire,
Cette pierre a été posée pour de longues années.
X
Combien sont morts déjà de ces ouvriers de la première heure qui ont préparé, voulu obstinément, lait enfin la révolution ? Tout le poids de trois années de résistance de la Russie rouge au vieux monde a reposé, en somme, sur leurs épaules. A chacune de ses victoires, de ses conquêtes, à chacun de ses revers, quelques-uns sont morts. Trop peu survivent. Dans le Parti Communiste, le nombre est infime des révolutionnaires d'avant la révolution. Et c'est là un sujet d'inquiétude pour[38]
Cette génération a fait des choses que l'on n'oubliera plus. Elle y avait été préparée par ses origines, par ses luttes, par l'effort multiple et complète de l'élite entière d'un pays, concentré depuis plus de cinquante ans dans une direction unique. Pour produire ces révolutionnaires, il a fallu les recherches intellectuelles et morales de Dostoïevsky, de Tchernichevsky[39], de Tourgueniev[40], des Nihilistes, le terrorisme épique de la Narodnaia Volia, l'apostolat du mouvement de la jeunesse « vers le peuple » : car ils sont nés dans cette atmosphère. Ils ont grandi dans les dernières années du tsarisme sous un régime asiatique, universellement exécré, au milieu de la protestation continue de tout ce qui pensait. Dès l'enfance, ils ont vu les meilleurs se dévouer à la lutte sociale, vécu le cauchemar des fusillades, des exécutions, de la guerre et de l'insurrection, étudié, travaillé avec acharnement, armé de science leur révolte et leur idéalisme. L'action illégale les a ensuite formés. La prison, sur laquelle se dressaient toujours les ombres sinistres du gibet, a fini de durcir leurs volontés. Ces innombrables facteurs psychologiques et moraux, agissant tous dans le même sens, devaient créer une race unique au monde. Si je me suis attardé à parler si longuement d'un obscur héros parmi tant d'autres, c'est précisément qu'il me semble bien réaliser l'un des types représentatifs de la race révolutionnaire. Culture intellectuelle, esprit libre et curieux enclin au dilettantisme, puis austère, rigoureux, impitoyablement logique, absolu ; incapacité de séparer la pensée de l'action ; idéalisme puissant et raisonné, sentiment très haut du devoir envers les hommes, envers l'avenir envers soi-même ; aptitude au sacrifice, volonté irréductible, mépris du confort médiocre et du bonheur bourgeois... « Voici, dirait Nietzsche, la nouvelle noblesse. »
Or, — et c'est le redoutable point d'interrogation qui se pose sur leurs tombes, — ces hommes s'en vont. La révolution les dévore. Qui les remplace ? Certes, les jeunes générations formées par la guerre, la famine, la terreur, les affres, en un mot, de ces années épiques et terribles, sont fortes. Mais, outre qu'elles sont décimées par les luttes présentes où se réalise, comme dans toutes les guerres, une lamentable sélection à rebours — les plus vaillants soldats étant ceux qui ont le plus de chances de se faire tuer — elles se forment trop hâtivement sans avoir le plus souvent ni la profonde culture intellectuelle, ni la longue, l'ineffaçable éducation du milieu illégal dans lequel les facultés de l'individu étaient si puissamment sollicitées. Tout l'avenir de la Révolution Communiste dépend cependant de la façon dont elle saura remplacer ces grands sacrifiés.
- ↑ Vladimir Ossipovitch Lichtenstadt (1882-1919).
- ↑ A la place de « régnait » dans le Bulletin communiste : « reperdu ».
- ↑ Friedrich Nietzsche (1844-1900).
- ↑ Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832).
- ↑ Gleb Ouspensky (1840-1902), romancier russe de la vie paysanne des années 1870-80.
- ↑ Nikolaï Nekrassov (1821-1877).
- ↑ Fiodor Dostoïevsky (1821-1881).
- ↑ Léon Tolstoï (1828-1910).
- ↑ Anton Tchekhov (1860-1904).
- ↑ Richard Avenarius (1843-1896), philosophe allemand, fondateur de l'empiriocriticisme.
- ↑ Ernst Mach (1838-1916), philosophe et physicien allemand
- ↑ Stepan Balmachov (1881-1902).
- ↑ Dmitri Sipiaguine (1853-1902), prédécesseur de Plehve.
- ↑ Constantin Pobiedonostsev (1827-1907).
- ↑ Nikolaï Vassilievitch Kleigels (1850-1916), chef de la police à Saint-Petersbourg (Petrograd) entre 1895 et 1904.
- ↑ Ivan Mikhaïlovitch Obolensky (1853-1910).
- ↑ Nikolaï Modestovitch Bogdanovitch (1856-1903), gouverneur d'Oufa.
- ↑ Grigori Andreïevitch Guerchouni (1870-1908).
- ↑ Egor Sazonov (ou Sozonov) (1879-1910).
- ↑ Viatcheslav (von) Plehve (1846-1904), ministre de l'intérieur de 1902 à 1904.
- ↑ Piotr Petrovitch Schmidt (1867-1906).
- ↑ Ivan Platonovitch Kaliaev (1877-1905), membre de l'organisation de combat des Socialistes-Révolutionnaires.
- ↑ Sergueï Aleksandrovitch Romanov (1857-1905).
- ↑ Mikhaïl Ivanovitch Sokolov (?-1906).
- ↑ Solomon Iankelevitch Ryss (1876-1908).
- ↑ Dont un d'une façon atroce. Gratchevsky arrosa ses vêtements de pétrole, y mit le feu et se laissa stoïquement brûler. Son acte était un geste de protestation contre l'inqualifiable régime imposé aux détenus. (Note de Victor Serge)
- ↑ Ce volume fut publié en 1920 aux Editions d'Etat (Гете. Борьба за реалистическое мировоззрение. Искания и достижения в области изучения природы и теории познания – « Goethe. Lutte pour une conception réaliste du monde. Recherches et réalisation dans le domaine des sciences de la nature et de la théorie de la connaissance ») avec une préface d'Alexandre Alexandrovitch Bogdanov.
- ↑ Jeanne Labourbe (1877-1919), née en France, émigre en Pologne, et rejoint les bolcheviks en 1905. En août 1918 elle fonde le « Groupe communiste français de Moscou ». Arrêtée à Odessa par les russes blancs alors qu'elle menait un travail de propagande pour la fraternisation entre les marins français envoyés par le gouvernement Clemenceau contre la révolution. Elle est exécutée le 2 mars 1919.
- ↑ Une partie du commandement du front de Petrograd a organisé un complot contre le gouvernement soviétique à Cronstadt, Oranienbaum, Krasnaia Gorka et Krasnoïé Sélo. Leur organisation était étroitement liée à Ioudenitch et se donnait comme objectif de capturer Pétrograd avec les troupes de l'Armée du Nord-Ouest. Les comploteurs ont établi des contacts sur deux cuirassés (le Petropavlovsk et le Pyervozvanny Andzei) et comptait sur leur soutien, ainsi que sur l'aide de la flotte britannique. Le chef de cette révolte était Neklioudov, le commandant du fort Krasnaia Gorka. Le lancement prématuré de la révolte, le fait que les équipages des cuirassés n'ont par rallié les rebelles, et l'absence de l'aide britannique a eu pour résultat que le 12 Juin 1919, seul Krasnaia Gorka était détenu par les conspirateurs. Après le bombardement de Cronstadt, Krasnaya Gorka a été repris par un détachement de marins le 16 juin. (note tirée de Léon Trotsky, How the revolution armed)
- ↑ Alexandre Herzen (1812-1870), philosophe russe.
- ↑ Maurice Maeterlinck (1862-1949), écrivain belge.
- ↑ Percy Bysshe Shelley (1792-1822), poète anglais.
- ↑ De 1922 à aujourd'hui (2012) Kinguissepp.
- ↑ Semion Mikhaïlovitch Nakhimson (1885-1918), étudiant en commerce, rejoint le Bund en 1902, plus l'Organisation Social-démocrate de Lettonie en 1904. Actif durant la révolution de 1905. Tué au début de la révolte de Iaroslavl en juin 1918, organisée par l' « Union pour la défense de la patrie et de la liberté », une organisation contre-révolutionnaire.
- ↑ Alexandre Pamphomirovitch Nikolaev (1860-1919), officier de l'armée tsariste, prend le parti des bolcheviks après al révolution d'Octobre capturé et pendu par les troupes du général blanc AP Rodzianko lors des opérations autour de Yambourg (Kinguissepp) au printemps 1919.
- ↑ Semion Petrovitch Voskov (1889-1920), né en Ukrain, vécut de 1907 à 1917 à New York. Meurt du typhus en mars 1920 alors qu'il défendait Taganrog contre les troupes de Dénikine.
- ↑ Vassili Vassilievitch Solodoukhine (1883-1919).
- ↑ La phrase est ainsi coupée dans Le bulletin communiste.
- ↑ Nikolaï Tchernichevsky (1828-1889), auteur du roman Que faire ?
- ↑ Ivan Tourgueniev (1818-1883), écrivain russe.