Félix Dzerjinski est mort

De Marxists-fr
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C’est hier que Dzerjinski est mort. Son dernier discours enflammé l’a consumé. Il avait déversé sur tout le feu de son âme ardente... et il est mort, et il a disparu pour l’éternité. Comme il était vivant, calme, énergique, à la tribune ! Son discours n’est pas un discours, mais un cri de la raison et du cœur, un cri de volonté impétueuse et de passion créatrice. Chaque chiffre est un écho de cette passion. Chaque mot, pareil à une flèche acérée, s’enfonce dans les cerveaux des camarades. Tous sentent que c’est un homme qui s’est donné tout entier à la cause. Il n’existe pas pour lui-même. Il ne se regardait pas dans le miroir de .l’histoire. Il s’identifiait avec son travail. Et ce travail, ses défauts, ses souffrances, ses plaies ses difficultés poussent un cri perçant convaincant, appellent à l’aide, réfutent, exigent... Une rougeur étrange envahit parfois ses joues pour disparaitre bientôt. Ses yeux ont un éclat fébrile, ils brillent du feu intérieur avec en même temps une expression de souffrance. C’est le visage sévère et énergique d’un lutteur révolutionnaire, dévoué jusqu’à la mort (le visage d’un « fanatique », diraient les Philistins).

Mais que lui arrive-t-il ? Ses mains se crispent sur son cœur. Soudain, la voix qui a un son d’ordinaire si passionné, presque exalté, tombe, se réduit à un demi-murmure. De petites goûtes de sueur perlent sur son front. « C’est toujours ainsi chez lui », dit-on pour se tranquilliser. Mais une voix intérieure vous dit ; « Condamné, perdu ! » Et une douleur poignante vous transperce.

Plein de sinistres pressentiments, j’étais sorti de la séance du Plénum, tout de suite après le discours de Dzerjinski. On disait qu’il s’était trouvé mal. Mais soudain un coup de téléphone: : « Dzerjinski est mort! »

« Mort, Dzerjinski ? ». L’avez-vous connu, camarades et amis ? Nous avions beaucoup de héros, et il y a encore beaucoup d’hommes forts, dans notre « cohorte de fer ». Mais Dzerjinski était unique dans son genre, et nous n’avons plus son pareil. C’était la vraie lave bouillonnante de la Révolution ; ce n’était pas un sang humain ordinaire qui coulait et tempêtait dans ses veines. C’est étrange de se représenter Dzerjinski dormant. C’est presque impossible de se le représenter mort. Car c’était un véritable brasier révolutionnaire ; il étincelait comme une torche, il était indomptable comme un orage, il brûlait et consumait tout avec une violente passion. Qui a vu Dzejinski fatigué ? Qui l’a vu inactif ? Car il semblait qu’il travaillait, luttait, brûlait, sans répit ni cesse. Telle était sa nature. « Quand je travaille, je travaille tout entier », disait-il dans son dernier discours. Et toute sa vie est faite d’un semblable travail.

La Révolution a quitté ses victimes. Et elle s’était emparée de Dzerjinski tout entier. A peine délivré des chaînes de ses longues années de cellule, Félix se précipita dans le courant fiévreux de la grande année de 1917. Impitoyable envers les ennemis, toujours à son poste, il accomplit sa mission et d’une main ferme il repoussa toutes les attaques des ennemis. Nuits sans sommeil. Inquiétude continuelle. Activité ininterrompue. Vigilance sans défaillance, responsabilité énorme. Et en même temps pas l’ombre de pose. Jamais il ne joua au Danton ou au Marat. Il était simple, aussi simple qu’on peut l’être. Le Parti lui était plus cher que tout au monde. C’est pour lui qu’il a vécu et qu’il est mort. Aussi Dzerjinski restera un chevalier sans peur ni reproches, un chevalier du communisme, qui jamais ne sera oublié.

Dans la Tcheka comme aux Transports, dans le travail économique comme au Comité Central et parmi les masses, on savait Dzerjinski incorruptible, hardi, inflexible, pur comme le cristal et droit. Il disait toujours la vérité, sévère envers lui comme il l’était envers les autres lorsqu’il fallait l’être. Plus d’une fois, il dit la vérité comme personne n’aurait pu la dire. Et il en avait le plein droit. Ce droit, il l’avait gagné par toute sa vie de véritable lutteur de la Révolution et pour qui la Révolution était tout : la lumière comme l’air, la chaleur comme l’amour et la vie elle-même,

Ce qui l’animait, c’était une foi illimitée dans les forces créatrices des masses prolétariennes. D’une seule pièce, Dzerjinski allait son chemin avec une simplicité naturelle extraordinaire. De là son autorité, sa personnalité si captivante, l’amour qu’on lui témoignait. Une honnêteté tout à fait extraordinaire à l’égard de la cause s’alliait cher lui à un sentiment humain d’une richesse inouïe. Ce chef sévère de la Tcheka était, en réalité, une personnalité captivante, un camarade magnifique pour tous ceux qui foulaient le chemin bordé d’épines de la Révolution.

Il n’y a pas bien longtemps, il prit « un congé ». Ce « congé » consista à étudier nuit et jour la situation des usines métallurgiques du Midi. Il revint de ce « congé » plus malade. C’est qu’il souffrait littéralement de chaque échec, aussi petit fût-il. Lorsque Dzerjinski s’attelait avec la plus grande conscience à un travail quelconque, il s’oubliait tout entier. Et il brûlait, pareil à une torche qui éclaire le chemin vers le grand avenir de l’humanité.

Pour notre Parti, pour l’unité, pour la dictature de notre classe, cet homme éminent a vécu et il est mort. Son legs principal, c’est : l’unité, le travail collectif, l’action créatrice, la lutte. Il sera réalisé, la victoire sera complète. C’est [à ?] cette pensée que s’unit la figure inoubliable de notre camarade. Adieu, frère ! Adieu, notre cher lutteur !