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Special pages :
Discussion avec Herbert Solow
Auteur·e(s) | Léon Trotski |
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Écriture | 1 juillet 1932 |
Le camarade Solow aimerait dire plusieurs choses sur la politique du Parti Communiste Américain dans la question de la guerre. La politique du PC américain est d'une façon générale la même que celle des PC d'Europe. C'est vrai aussi pour la question du congrès contre la guerre. Sur ordre de Münzenberg un certain Urivitch est arrivé de Berlin à New York avec la responsabilité de diriger l'organisation d'une campagne contre la guerre. Il était muni de recommandations pour les pacifistes américains et pour les dirigeants du PC. A une conférence préparatoire à laquelle participaient 23 personnes, y compris des membres du parti, Urivitch déclara que le mouvement contre la guerre devait reposer sur le mot d'ordre suivant : le patriotisme véritable ne signifie pas être pour la guerre, mais contre elle. Le camarade Solow aborde ensuite une question qui a été, dans la dernière période, le centre des discussions dans le PC américain comme dans l'opinion américaine dans son ensemble, à savoir la tension entre la Russie et le Japon d'un côté, l'Amérique et le Japon de l'autre, et la « communauté d'intérêts » qui en résulte entre l'Amérique et la Russie dans l'éventualité de la guerre. Il cite des exemples dont le suivant est le plus caractéristique d'un prétendu danger de tendances sociales-chauvines dans le PC américain : Trachtenberg, un des dirigeants du parti se consacre à ramasser les citations de Marx destinées à prouver qu'une guerre américaine contre le Japon serait une guerre progressive. Il y a aussi en ce moment un grand intérêt pour la question de la reconnaissance de l'Union Soviétique par l'Amérique. Le sénateur Borah s'est fait l'avocat énergique de cette reconnaissance. Ses principaux arguments sont au nombre de deux. D'abord l'Amérique doit étendre ses intérêts d'affaires, en second lieu l'Amérique ne doit pas être isolée en Extrême-Orient. Dans le conflit sino-américain, les intérêts de la Chine sont en question, comme ceux de la Russie et de l'Amérique. Solow croit que le mouvement pour la reconnaissance va progresser, parce qu'on soulignera que Staline a depuis longtemps chassé les vrais révolutionnaires de la direction.
Par rapport à ces deux problèmes Solow croit qu'il n'est plus désormais possible d'assumer la responsabilité des actions de la IIIème Internationale. « Si j'avais un groupe autour de moi, dit-il, je fonderais une IVème Internationale aujourd'hui, mais je ne suis pas un politique très expérimenté. »
Trotski
Ce que vous avez dit de l'attitude du PC américain vis-à-vis d'«alliances» entre l'Amérique et la Russie contre le Japon, exagération mise à part, ne peut à long terme être considéré comme du social-patriotisme ou du social-chauvinisme. Le social-patriotisme signifie marcher avec la bourgeoisie contre vents et marées en affirmant les « intérêts communs de la bourgeoisie et du prolétariat ».
En cas de conflit entre l'Amérique et le Japon, devons-nous mettre des obstacles sur la route de gouvernement américain ? Oui ou non ?
Le PC américain et le prolétariat américain ne peuvent nullement déclarer que les intérêts du gouvernement américain sont leurs intérêts, ne peuvent en aucun cas abandonner l'opposition au gouvernement. Ils doivent voter contre les crédits militaires et proclamer qu'ils n'ont aucune confiance que la bourgeoisie n'utilisera pas ses armes pour frapper dans le dos l'Union Soviétique, peut-être même le lendemain. Nous ne devons rien faire qui puisse nous faire apparaître responsables de lui aux yeux des masses. Les moyens de lutte contre le gouvernement sont variés. Peut-être qu'à un certain moment nous n’appellerons pas à faire grève. Quand nous serons assez forts pour prendre le pouvoir, cependant, nous devons tout de suite renverser le gouvernement et faire nous-mêmes la guerre au Japon. Mais si nous sommes si faibles que nous ne pouvons même pas diriger de petites grèves, alors la question ne se pose pas. Si nous ne sommes pas suffisamment forts pour créer des difficultés majeures, alors je suggérerais dans ce cas une politique d'opposition par tous les moyens, mais pas agressive. Si le gouvernement tourne vraiment, alors nous tournons aussi.
Solow
Est-ce à dire qu'il faut sacrifier les intérêts de la révolution américaine aux intérêts de l'état soviétique ?
Trotski
Non. Je me réfère à l'exemple de Lénine. Il parlait de l'éventualité de sacrifier l'Union Soviétique aux intérêts de la révolution allemande. De la même manière, l'état soviétique doit aujourd'hui déclarer qu'un régime de Hitler en Allemagne signifie la guerre avec l'Union Soviétique.
Il y a différentes manières de combattre sa propre bourgeoisie :
1) Dans le cas d'une guerre de la bourgeoisie américaine contre l'union soviétique
2) Dans le cas d'une guerre de la bourgeoisie américaine contre le Japon. Y a-t-il une différence entre les deux cas dans l'attitude du prolétariat américain vis-à-vis de la bourgeoisie américaine ?
Dans le premier cas, il nous faut tout jouer sur une seule carte. Sommes-nous tenus d'agir ainsi dans le second ? Non. Dans ce cas nous pouvons prendre une attitude qui consiste à « attendre et voir », bien qu'active. Cette guerre aura le mécontentement comme sous-produit, comme toute autre guerre. Le PC doit être prêt à prendre le pouvoir, mais il aura une approche tactique immédiate différente du premier cas.
Solow
Faut-il renoncer aux grèves en général ?
Trotski
Bien sûr la lutte de classe ne s'arrête pas. Nous ferons tout notre possible pour augmenter les salaires, etc. grèves y compris – bien que dans les usines travaillant pour l'union soviétique nous essaierons de régler ces questions sans grève. Mais ce sont là des questions tactiques qu'on réglera conformément à la situation concrète. La principale est celle de la stratégie – à savoir si la politique du PC est identique si l'Amérique combat l'Union soviétique ou si elle combat l'un de ses ennemis. La ligne stratégique demeure la même – la lutte pour préparer la prise du pouvoir par le prolétariat. Ce qui change cependant, c'est la ligne tactique et ces changements peuvent aller fort loin. Une chose reste certaine : nous ne devons rien entreprendre qui puisse nous rendre responsables pour la bourgeoisie américaine, pour les motifs, objectifs et méthodes de sa politique.
Solow
Quelques camarades américains disent qu'il faut maintenant sacrifier la révolution allemande pour le salut de la révolution russe.
Trotski
Les staliniens le disent aussi, mais ce n'est pas pour le salut de la révolution russe, mais pour celui de la bureaucratie.
Solow
Quel critère utilisons-nous pour estimer qu'il n'y a plus en Russie une dictature du prolétariat ?
Trotski
[répond en exposant les idées qu'il a exposées complètement dans sa brochure contre Urbahns : « La défense de l'Union soviétique et l'Opposition ».] Il continue :
La question de la IIIème ou de la IVème Internationale est en réalité étroitement liée à la destinée de l'Etat prolétarien avec lequel la IIIème Internationale est étroitement liée – par ses traditions, ses cadres, l'influence morale et matérielle. L'effondrement de l'Union soviétique serait en même temps celui de l'Internationale communiste et mettrait à l'ordre du jour la fondation d'une IVème Internationale. Si l'Union soviétique trouvait le chemin d'une révolution internationale (qui signifierait le remplacement de la bureaucratie stalinienne et un regroupement dans le parti), alors les dangers extérieurs et intérieurs contre l'Union soviétique seraient balayés et la IIIème Internationale demeurerait intacte. Peut-être y aurait-il aussi avec ces regroupements internes de très importants scissions dans les divers partis.
La IIème et la IIIème Internationale sont séparées l'une de l'autre par un abîme profond. En ce sens la continuité a réellement été brisée. Nous avons néanmoins déjà vu comment, après la scission en France, par exemple, les partisans de la IIIème Internationale n'ont pas immédiatement mené la scission jusqu'au bout, mais au contraire lutté pour gagner la majorité, les journaux, etc. à l'intérieur du vieux parti. Aussi voyons-nous qu'aucune prophétie d'aucun ordre ne peut être faite sur les questions d'organisation.
Un résultat du fait qu'il existe encore une IIème Internationale est que jusqu'à présent seuls les éléments les plus révolutionnaires sont réunis dans la IIIème Internationale, bien qu'ils soient confus et partiellement corrompus. Aussi, pour opposer une IVème à la IIIème Internationale, faudrait-il être certain qu'elle ferait mieux que la IIIème. Mais avons-nous réellement les cadres pour cela ? S'est-il déjà produit des événements suffisamment cruciaux pour y éprouver nos cadres et conquérir de larges couches ? La IIIème Internationale a été fondée formellement après la révolution d'Octobre, et même alors Eberlein, au 1er congrès, était-il opposé à sa fondation immédiate.
Les cadres pour une IVème internationale doivent d'abord s'éprouver, se tremper et gagner de l'expérience à l'intérieur de la IIIème Internationale.
Nous avons déjà eu une IVème internationale sous Görter. C'était une fausse-couche. Nous devons avoir la grande perspective historique de lier l'Union Soviétique à la révolution, mais nous devons voir aussi la possibilité de la mort de l'Union Soviétique.
Si nous nous considérons comme appartenant à la IIIème Internationale, ce n'est pas par crétinisme organisationnel mais parce que des millions de travailleurs voient encore leur salut dans la IIIème Internationale. Une « nouvelle fondation » aujourd'hui serait tout-à-fait erronée. Elle nous ferait paraître stupides aux ouvriers les plus sérieux, et paraître stupide est fatal, surtout en matière de politique révolutionnaire.
En ce concerne les bouffonneries de Münzenberg, il faut exposer toute l'histoire du Comité Anglo-Russe, qui a été utilisée par l'impérialisme anglais.
Puisque vous avez un groupe d'intellectuels, j'aimerais vous dire ce qui suit : le type d'intérêt qu'engendre un travail historique est plutôt de nature platonique-contemplative. Mais, pour faire une sélection, je pense que vous devriez suggérer la lecture d'un travail brut, par exemple les documents sur la révolution chinoise qui ont été réunis et publiés par l'opposition de gauche américaine. Ils touchent les questions controversées. Essayez de commencer une telle discussion.