Discours contre l’opposition à la XVe Conférence du PCUS

De Marxists-fr
Aller à la navigation Aller à la recherche


(non daté, sans doute entre le 1er et le 3 novembre 1926)

Camarades,

Les discours des représentants du bloc de l’opposition qui se sont présentés ici, méritent quelques observations. Tout d’abord, un événement grave a fait sur moi une impression affreuse. Les camarades Kamenev, Trotski, Zinoviev ont défilé les uns après les autres, et se sont comportés tout simplement comme si rien de particulier n’était arrivé (Cris : « Tout à fait tranquillement »), comme s’il n’y avait eu que quelques petites divergences d’opinions. Celles-ci ce sont même évanouies presque entièrement d’après Kamenev, lorsque les chefs de l’opposition ont eu fait leur déclaration à une certaine date et un point c’est tout. Cependant, il faut se souvenir surtout du passé et avec quel système d’opinion les camarades précités sont intervenus et ce que ce système d’opinions a causé à l’intérieur de notre parti à l’intérieur de l’I. C. De tout cela, du fait principal, fondamental, de ce qui est un décisif en fin de compte, ils n’ont rien dit. Je crois, pour ma part, que c’est là-dessus qu’il faut d’abord attirer l’attention.

Les déclarations de l’opposition. — Hier et aujourd’hui[modifier le wikicode]

On sait qu’on nous a accusés de diriger notre parti sur la voie de « Thermidor ». A-t-on dit, aujourd’hui, un seul mot de cela ? Non, rien n’a été dit. A-t-on retiré ici ce qu’on avait dit, à savoir qu’il y a chez nous « une époque thermidorienne » ? Ils n’en ont rien dit, comme si cela n’avait pas été.

A-t-on parlé des « Cavaignac » ? A-t-on dit que nous étranglions le prolétariat ? Ceci a-til été dit ou non ? Cela a-t-il été dit par Radek, par Sapronov aussi ? Préobrajenski y a fait allusion et cette histoire a fait tout le tour du parti.

Les représentants de l’opposition ont-ils reconnu leurs fautes, ont-ils stigmatisé cette phraséologie qui, du point de vue du Parti, était criminelle ? (Applaudissements.). Pas un mot à ce sujet, pas un seul. Le camarade Trotski a-t-il dit que quelques représentants de notre Parti étaient les fossoyeurs de la Révolution ; l’a-t-il dit ou non ? Cela a été dit (Cris : « Honte ! ») Maintenant on n’en parle plus. Ce sont des choses futiles que de dire que le C. C., Staline et les autres sont les fossoyeurs de la révolution. Tout ceci est sans doute une bagatelle ! Mais tout ceci, y compris les fossoyeurs de la Révolution, a été dit à la cellule « Aviopribor ». (Cris : « Il faut les rappeler à l’ordre. »)

A-t-on dit, ou non, que notre Parti sortait de la voie de là Révolution prolétarienne ? On l’a dit. Et ils se sont présentés ici comme si rien ne s’était passé.

A-t-on dit ou non à la session du Plénum du C. C. que la politique de notre Parti s’écartait des intérêts des larges masses ouvrières ? Cela a été dit par Kamenev, il l’a dit et écrit mais il n’a pas le courage de le répéter.

Le camarade Trotski a-t-il dit « qu’il s’en fallait de beaucoup que notre Etat soit un Etat prolétarien ? » Il l’a dit. Trotski n’a essayé qu’après de rectifier et de corriger le sténogramme, pour tromper le Parti, et il vient ici et il n’en parle pas et il n’exprime pas le regret d’avoir commis une énorme faute. Tout ceci sont des bagatelles, sans doute !

A-t-on dit ou non qu’il y avait à la tête de notre Parti une dégénérescence bureaucratique ; qu’il s’était formé une caste de gens qui se sont détachés des masses et que les couches inférieures de notre appareil d’Etat ont été submergées par les éléments paysans, dont on a fait plus tard des koulaks ? Et après avoir dit cela, le même Kamenev dit que celui qui mêle indifféremment le koulak avec le paysan est un criminel. En parlant ainsi, il se condamne lui-même.

Tout cela a-t-il été dit ? Oui. Et ces gens viennent et ne disent plus rien de tout cela. A-ton dit ou non que notre Parti suivait une ligne favorable aux koulaks ? On l’a dit et ceux qui l’ont dit gardent ici le silence. A-t-on, dans la déclaration au Plénum du C. C., dit quelque chose sur le régime de notre Parti ? Le camarade Trotski a-t-il dit à cette tribune que l’appareil du Parti et les cercles dirigeants du Parti ont saisi au collet tout le Parti ? Et cela a été dit ! Mais après que le Parti a eu pris à la gorge notre opposition, ils ont fermé les yeux, comme s’il ne s’était absolument rien passé. (Applaudissements.)

L’opposition a diffusé un tract extraordinairement violent sous le titre : « La question ouvrière » dans lequel on compte entre autres une terminologie qui ne se distingue pas de la terminologie menchéviste et où on dit que maintenant les méthodes de bon plaisir qui régnaient avant la guerre dans nos fabriques y ont été réintroduites. Ceci a été écrit. Maintenant ils ne s’en soucient plus. Dans la session du Bureau politique relativement aux discussions sur la question anglaise, il a été répété que nous nous rapprochions de la IIe Internationale, que nous poursuivions une politique social-démocrate. Maintenant on n’en parle plus du tout.

C’est un côté de la chose. Mais, d’autre part, il me semble que le camarade Larine avait pleinement raison d’affirmer hier soir, dans son discours, que les camarades dont nous parlons, venaient ici en littérateurs et non en hommes politiques. Mais où est votre ligne politique encore une fois ? Où est votre ligne politique ? Le camarade vient et essaie de parler d’un milliard. Votre avez tous vu comme c’était pauvre et pitoyable. Qu’il s’agisse de 300 millions, de 700 millions eu d’un milliard peu importe à Zinoviev. — Il ne fait aucune différence entre ces chiffres. — Notre Parti est assez .grand pour pouvoir, un crayon à la main, calculer aussi exactement que possible chaque chiffre, mais soudain un des chefs responsables de l’opposition paraît et dit : « Bien, si ce n’est pas un milliard, c’est 700 millions ou 300 millions. » II n’y a point de différence dans ces chiffres pour lui. La deuxième question est celle des prix. Chaque camarade comprend très bien que maintenant la surface principale des frictions, entre la classe ouvrière et la paysannerie, est la question des prix. Nous avons entendu dire que Kamenev n’était pas d’accord avec Piatakov, que Piatakov n’était pas d’accord avec Kamenev, ni Trotski, que Trotski n’était pas d’accord avec Zinoviev, mais ce ne sont que des bruits et nous ne pouvons pas nous y fier. Mais nous savons que l’élévation des prix de vente est un coup contre la classe ouvrière, parce que c’est surtout la classe ouvrière qui souffre de la vie chère. Nous savons que cette ligne apporte une aide immédiate au koulak ; parce qu’avec des prix élevés le koulak peut acheter, mais non pas le paysan pauvre

Qu’est devenue maintenant cette ligne ? Qu’ont-ils dit à ce sujet ? Que le Parti doit réfléchir à cette question cardinale ? Des futilités, ce sont des futilités. Ils ont cependant combattu pour une amélioration dans le sens de classe et quand on insiste sur ces questions principales ils se taisent.

Pourquoi ne sont-ils pas intervenus dans ces questions économiques ?

Parce que leur point le plus faible c’est la politique économique, bien qu’ils aient fait beaucoup de bruit sur les questions économiques. En vérité dans la question fondamentale des prix ils se sont complètement fourvoyés. Ils se taisent ici parce que leur ligne est en fin de compte la ligne du trotskisme dont je ne sais si elle a été acceptée ou imposée au prix d’un accord ou de demi-concession, mais qui est en tout cas la ligne de l’ensemble de l’opposition. Et le parti a tout à fait raison de poser cet argument principal dans la plate-forme économique de l’opposition. Là-dessus rien n’a été dit, absolument rien. C’est la même chose en ce qui concerne les ressources à prendre dans le commerce ; la même chose pour toutes les questions principales de notre politique économique.

La « théorie » des discours « qui ont échappé »[modifier le wikicode]

Pour donner a toutes ces choses quelque apparence de justification, le camarade Kamenev a « bien voulu » hier établir une théorie très amusante, que j’ai entendue pour la première fois dans une Conférence du Parti. Il a dit : « Ça n’a pas beaucoup d’importance ce que Zinoviev dit, cela a peu d’importance ce que celui-ci ou celui-là dit à l’Académie communiste cela n’a pas beaucoup d’importance, ce qu’a dit Préobrajenski. Il nous arrive de laisser « échapper » un mot, une phrase, un discours même. Voyez-vous ce chef politique remarquable de l’opposition, qui à une nature si impulsive qu’il peut même laisser échapper tout un discours. (Cris. Hilarité.) On n’a qu’à prolonger cette démonstration. Il a « échappé », par exemple, au camarade Zinoviev tout un livre. (Applaudissements. Rires.) Mais le camarade Zinoviev, pour l’amour du bloc avec Trotski, a enlevé de son livre qui lui a « échappé », un grand nombre de pages qui étaient dirigées contre Trotski. (Rires.)

La théorie des choses échappées est une théorie particulière de la tactique de l’opposition. Tout ceci ce ne sont que des futilités. Peut-on se justifier avec cela ? Il est impossible de poser la question ainsi. Car de cette façon on peut se défendre contre n’importe quoi. Il est impossible de vous en tirer en disant que le mot « Cavaignac » vous a échappé, que le mot « Thermidor » vous a échappé, que l’expression « les fossoyeurs » vous a échappé, que la « déviation favorable aux koulaks » vous a échappé. N’y a-t-il pas déjà trop de choses qui vous aient échappé ? (Tempête d’applaudissements. Rires.)

Et même si tout ceci avait échappé dans une telle situation, la somme totale de toutes ces, choses qui vous ont échappé forme une ligne politique définie, et l’axe de cette ligne politique, c’est d’estimer notre situation comme si nous avions dégénéré politiquement et économiquement.

Les causes de la capitulation de l’opposition[modifier le wikicode]

C’est pourquoi le Parti à été obligé de poser la question principale de la Révolution et de dire fermement et nettement à tous les ouvriers organisés dans notre Parti, comme a ceux qui sont derrière notre Parti et marchent avec lui :

« Oui ou non, nous trompons-nous ? Sommes-nous dans la ligne juste de classe ou non ? »

De là le développement des questions principales de la Révolution ? Ce n’est pas du tout notre faute, c’est la faute de ceux qui ont mené l’offensive contre le parti avec le mot d’ordre de ‘Thermidor » et qui ont accusé notre Parti ne dégénérescence « thermidorienne ». A cette position politique, à cette ligne correspondait une lutte de fraction caractérisée. Lorsque le camarade Trotski a achevé le tableau hier en disant que si tout cela avait été juste il aurait fallu recourir aux méthodes de construction d’un nouveau Parti il avait tout à fait raison. Mais, permettez, ne vous êtes-vous pas efforcés de construire un nouveau Parti dans les rangs de notre Parti ?

N’est-ce pas seulement après que le Parti vous eut fait toucher les épaules que vous avez renoncé à cette attaque ? Et que vous avez envoyé Ossowski pour présenter ce système de deux ou plusieurs Partis ? Oui, vous l’avez envoyé. Kamenev et Trotski ne se sont-ils pas prononcés contre l’exclusion d’Ossowski ? Oui ils ont voté contre. N’avez-vous pas sacrifié l’enseignement de l’organisation léniniste, pour la liberté des fractions et des groupes ? Vous l’avez sacrifié suivant une logique nettement définie. N’aviez-vous pas compris que vous vous écartiez des fondements du léninisme ? Vous l’avez très bien compris. Et pour essayer de vous justifier vous avez dit que vous construisiez contre le Parti de Thermidor, un Parti juste et que pour construire ce Parti juste, il vous fallait détruire l’ancien Parti. C’est pour cela que vous avez commencé à parler de la liberté des fractions et des groupes ; de ce point de vue il est tout à fait naturel qu’il vous fallait détruire toutes les normes à l’intérieur du Parti. Vous vous êtes rassemblés pour diriger vos coups contre le Parti.

Comme ce numéro n’avait pas eu de succès comme cette tactique qui dérivait complètement de votre orientation politique fut repoussée (C’est inexact, comme l’a dit Trotski que nous avions tous frappé plus fort que les moyens et les buts ne le justifiaient), quand les ouvriers vous ont mis sur la bonne route et quand ils vous eurent montré que vous vous heurtiez au mur de notre Parti, c’est seulement alors que vous avez battu en retraite. Et même alors, vous avez fait encore une tentative : le voyage de Zinoviev à Leningrad, comme on le sait, pour voit son petit papa malade, qui se trouva être un ouvrier de la fabrique Poutilov. Ce fut la dernière tentative entreprise pour extérioriser le sentiment des masses ! Et lorsque vous avez vu à Leningrad, que tous comme une digue protégeaient le Parti, c’est alors seulement que vous avez commencé à penser : peut-être ne sont-ils pas si dégénérés qu’ils nous paraissaient.

Vous pouviez faire ce redressement de votre conscience, mais vous auriez dû ensuite venir dire ici, que les ouvriers vous ont obligés à réfléchir. Mais vous n’avez rien dit ; comme il résulte des discours des représentants de l’opposition — aussi bien de Kamenev que de Zinoviev et surtout de Trotski. Vous restez absolument sur votre première position. (Cris : « C’est juste ! ») et c’est le sens de votre discours.

Aujourd’hui vous affirmez avoir battu en retraite parce que vous avez eu peur d’une catastrophe. La catastrophe, dites-le carrément, était-ce la scission du Parti ? Trois hommes éliminés du Parti voilà en quoi consistait toute la scission ! (Hilarité.)

Actuellement il ne peut y avoir de scission, parce que tout le Parti est entièrement uni et toutes les considérations qui, hier, présageaient la ruine en rapport avec la catastrophe, tous ces cris et grincements, c’est la crainte du camarade Zinoviev avec sa vanité désemparée, parce que vous voyez le sol même se dérober sous vos pieds. C’est une catastrophe, mais c’est une catastrophe pour quelques chefs politiques et non une catastrophe pour notre Parti.

(Applaudissements.)

Qui s’appuie sur l’autre dans le bloc d’opposition ?[modifier le wikicode]

Maintenant, camarades, nous voyons avec quelle position et quelles pensées les camarades de l’opposition se présentent. Je dois vous dire que dans ces derniers temps, ceuxci, et surtout le camarade Trotski connu par sa suffisance, soutiennent cette pensée remarquable que c’est dans leurs poches qu’on trouve le bagage idéologique le plus important tandis que le Comité central sous ce rapport est comme le pauvre d’esprit de l’Evangile.

(Hilarité.)

Quel est donc ce bagage idéologique que l’opposition propose comme une chose nécessaire à l’étude du Parti ?

Camarades, j’en viens immédiatement à ce qu’a développé le camarade Trotski.

Une seule remarque préalable, tout ceci, actuellement a cessé d’être une tragédie, c’est devenu une farce. (Cris : « C’est juste! »)

Si le camarade Kamenev vient dire sur les questions où il est d’accord avec le trotskisme : « Moi, Kamenev, je m’unis aujourd’hui à Trotski, comme Lénine s’est uni à Trotski et s’est appuyé sur lui ! » On ne peut répondre que par un éclat de rire homérique.

Regardez, regardez, quel nouveau Lénine. Ce que vous voyez, et ce que nous voyons tous très bien, c’est que les camarades Kamenev et Zinoviev s’appuient d’étrange manière sur Trotski. (Longue hilarité, applaudissements.)

Et le camarade Kamenev, du fond de l’hégémonie idéologique de Trotski, crie d’une voix un peu enrouée : « Je m’appuie sur Trotski (Hilarité) tout à fait comme Lénine. » (Hilarité.) Quelle remarquable prétention ! Vraiment n’est-ce pas une farce que tout ceci ? N’est-ce pas une comédie ? Evidemment, c’en est une, une vraie comédie, à laquelle personne ne donne créance.

La signification actuelle de la théorie de la Révolution permanente[modifier le wikicode]

Permettez-moi, camarades, de passer aux conceptions du camarade Trotski. Le Parti a déjà depuis longtemps, sous une forme où sous une autre, discuté la question de la Révolution permanente. Entre autres, en 1923, avec l’aide, le soutien direct et même sur la demande des camarades Zinoviev et Kamenev. Chacun sait que toutes nos questions politiques et économiques, qui sont décisives et se rapportent aux principes, s’appuient sur la question des forces de classes dans notre pays. Or le camarade Trotski vient nous dire : La question de la révolution permanente n’a rien de commun avec cette chose. La théorie de la révolution permanente ne présuppose-t-elle pas en premier lieu une estimation déterminée des rapports de classes dans notre pays ? Et notre camarade Trotski, dans sa lettre au camarade Olminski, n’a-t-il pas écrit que son estimation a été généralement confirmée. Les camarades Zinoviev et Kamenev ne se sont-ils pas trompés lorsqu’ils ont établi une corrélation entre la discussion de la question de la révolution permanente et la discussion des questions de notre politique économique, de la réforme de l’argent, de la politique des prix, etc. ?

Si vous vous êtes trompés, veuillez avoir la bonté de venir et de nous dire : Nous nous sommes trompés, la révolution permanente n’a rien à faire avec ces questions. Mais vous vous êtes tu. Voilà « la hauteur de vos principes », voilà « votre grandiose bagage théorique et idéologique » ! Quant au camarade Trotski, il dit carrément : Cela n’a rien à faire avec nos querelles. Mais si, cela a tout à fait directement à faire avec elles !

Vous pouviez vous plaindre, écrire au C. C. Analysez toutes ces grandes questions fondamentales. Vous auriez pu prendre cette position si vous n’aviez pas lancé l’accusation de « Thermidor », mais, comme vous nous avez accusés de déviation thermidorienne, nous regrettons beaucoup, mais nous ne pouvons pas oublier.

Lénine a déjà dit du camarade Trotski qu’il prend chez l’un ou chez l’autre, sans qu’on s’y reconnaisse, ce qui lui plaît, et qu’il s’efforce de prendre ce qu’on ne doit pas prendre. Le camarade Trotski a dit hier : « La théorie de la Révolution avec tous ses traits exacts et inexacts ». Permettez, qu’est-ce qu’il faut entendre par « inexact » ? A qui le camarade Trotski a-t-il fait savoir cela ? Quand avons-nous entendu dire par Trotski ce qu’il trouve exact et ce qu’il trouve inexact ? Jamais, pas une seule fois, nous ne l’avons entendu. Si Trotski avait bien voulu nous dire n’importe quand ce qu’il considère comme exact et ce qu’il considère comme inexact ! Mais ses dernières œuvres disent que c’est le bolchévisme qui a beaucoup appris, que c’est le bolchévisme, qui, d’après Trotski, est venu au trotskisme, à la théorie de la révolution permanente, et nous ne savons rien de plus. Nous ne sommes pas obligés de savoir ce que le camarade Trotski va nous communiquer.

Mais ce qu’il nous a fait savoir hier est très intéressant. Il a commencé à nous dire qu’un essor de l’économie socialiste est impossible chez nous sans une aide étatique de l’extérieur. Je considère cela comme une affirmation très importante. En effet, les camarades Trotski,

Kamenev et un grand nombre d’autres se représentent la chose — et en ceci ils ont raison — comme devant nécessairement progresser à une allure de plus en plus rigide, de plus en plus fébrile et dans la résolution du C. C., on dit qu’il faut que nous rattrapions et qu’ensuite nous dépassions l’économie mondiale et le niveau de l’économie mondiale.

Mais permettez-moi de poser la question suivante. Si l’essor de l’économie socialiste est impossible sans aide d’Etats extérieurs, comment, mes chers amis, rattraperez- vous sans cette aide des Etats, l’Europe et les autres pays ? Venez ici et dites-nous : « Tant que la révolution internationale n’aura pas vaincu, on ne pourra rien dire sur l’allure dont il est question dans la résolution du. P. C. » Essayez de venir dire cela ! Prouvez cela ! Qu’est-ce que les ouvriers vont en dire ? Vous savez bien que c’est impossible. Aussi, n’avons-nous pas écrit des balivernes de ce genre, à la Zinoviev — 700 millions, un milliard — dans notre résolution — rien d’insensé, mais nous avons écrit que nous considérons ce rythme de développement comme possible.

Nous sommes d’avis que les forces internes et les sources matérielles internes de notre pays permettent cette allure. Je ne veux pas traiter à fond cette question, je ne fais que la développer.

Et pourtant, vous dites que la question de la révolution permanente n’a rien à faire avec cette question. Oh ! Pardon, elle a beaucoup à faire avec elle.

Des forces internes de notre révolution[modifier le wikicode]

Je prends maintenant, camarades, la deuxième question. C’est la question dont le camarade Trotski a parlé (il en a parlé de façon plus heureuse que les autres avec un très grand élan ; il est vrai que ce n’est pas l’élan de l’économie socialiste, mais de son propre esprit). L’argumentation la plus importante du camarade Trotski est dirigée contre la notre dans la question de l’édification du socialisme dans un seul pays. Nous prétendons qu’il est nécessaire de faire une distinction entre la question de l’estimation de nos forces internes (il s’agit ici d’une autre façon de formuler la question, du caractère de notre révolution) et la question de l’intervention. Le camarade Trotski est arrivé ici, il s’est moqué énormément en disant que lorsqu’on écrit sur cette question, c’est qu’on est l’incarnation typique « d’un esprit métaphysique », qu’on n’a pas du tout le droit de poser ainsi la question, qu’on n’a pas du tout le droit de séparer l’intervention des questions intérieures et, qu’en général, les choses intérieures et extérieures s’interpénètrent.

Bien, nous reparlerons de cette interprétation. Mais je vais me permettre d’abord de faire une seule citation de Lénine. Voici ce que Lénine disait dans son article : « L’économie et la politique à l’époque de la dictature du prolétariat ». Il dit d’abord que le rassemblement de céréales marche de l’avant, que nous avons fait quelques progrès, etc. Je vous prie, camarades, d’écouter avec toute l’attention nécessaire cette citation tout à fait remarquable.

Lénine écrit :

« Que les bourgeois de tous les pays et leurs suppôts directs et indirects (les socialistes de la IIe Internationale) mentent et calomnient à leur guise, une chose est hors de doute : du point de vue du problème économique principal, la victoire est assurée chez nous à la dictature du prolétariat, la victoire du communisme sur le capitalisme. Aussi la bourgeoisie du monde entier se déchaîne-t-elle contre le bolchévisme, organise des campagnes, des conspirations contre les bolcheviks, parce qu’elle comprend très bien l’inéluctabilité de notre victoire dans la transformation de l’économie collective si l’on ne nous écrase pas par la violence militaire et parce qu’elle sait qu’elle ne réussira pas si facilement que cela à nous écraser. »

Lénine sépare-t-il ici l’intervention du développement interne de notre situation économique ? Sans aucun doute, il les sépare. Comment pose-t-il la question ? Il la pose exactement, trait pour trait, comme nous la posons : si la bourgeoisie ne réussit pas à nous écraser par la violence, on peut, du point de vue de la situation intérieure des forces économiques dans notre pays, régler d’une façon tout à fait positive et jusqu’au succès définitif la question de l’édification socialiste. C’est une façon claire, définie de poser la question. Que le camarade Trotski vienne à la tribune dire : « Lénine est connu comme un métaphysicien, car on ne peut pas séparer l’intervention des questions de l’édification interne, on ne peut pas séparer les ressources économiques du danger de guerre. » Tout ceci convient à Lénine comme mon poing sur votre œil. Ce fut toujours la pensée de Trotski, ce fut le centre de ses observations, ce fut la flèche principale qu’il lança contre ceux qui défendent le point de vue de la C. C., mais cette flèche, était une flèche de Parthe, elle est revenue contre Trotski lui-même, parce qu’on n’a pas le droit de se référer à Lénine quand on soutient la théorie de la révolution permanente. La théorie de la révolution permanente n’est pas une théorie léniniste.

Le camarade Trotski a dit qu’il y a chez Lénine une citation concernant la collaboration active du prolétariat d’autres pays avec le prolétariat de notre pays et que la victoire définitive dans notre pays est impossible sans cette collaboration. C’est tout à fait juste, mais il ne s’agit pas de cela. Répondez à cette question : Etant données les ressources économiques internes de notre pays, étant donnée la dynamique des forces, est-il possible de mener jusqu’au bout l’édification du socialisme, si l’intervention ne nous en empêche pas ? Est-ce possible, oui ou non ? C’est ainsi que Lénine a posé la question. Soutenez-vous cette citation, de Lénine, oui ou non ? Vous solidarisez-vous avec lui ou non ? Oui ou non, nous voulons une réponse claire.

Il faut que vous sachiez, camarades, que la citation faite dernièrement par le camarade Zinoviev se retourne complètement contre lui. Lorsque Lénine dit que nous avons tout ce qui est nécessaire et suffisant pour l’édification du socialisme, à condition que des complications internationales n’y fassent pas obstacle. Lénine distingue justement les facteurs internes et les facteurs externes et il les sépare dans son analyse.

Sur ce point, Trotski a imaginé l’exemple suivant : que si l’on se promène tout nu au mois de janvier sur le trottoir, on aura de la peine à faire abstraction de la température. Je suis d’accord avec lui sur ce point, c’est difficilement possible. Mais qu’il y ait des individus ou des membres du parti ou de l’opposition qui posaient la question de savoir si cet individu qui est obligé d’aller nu, a des pieds et s’ils se mettaient à douter de l’existence de ses pieds, on peut aussi poser la question de la façon suivante. Comme cet individu n’a pas de pieds, il ne pourrait pas, quelle que soit la température, se promener. Pour marcher, il faut d’abord avoir des pieds. Vous voyez bien que l’analogie qui s’appuie sur l’esprit n’a pas de valeur. Posons la question ainsi : Si ce jeune homme avait des pieds, on ne lui aurait pas volé ses pieds. La déviation en faveur du koulak ne lui aurait pas scié les pieds. Si l’on pose la question de cette façon, nous sommes tout à fait en droit de faire abstraction pour un moment de la température afin d’examiner la question encore plus importante des pieds. Bien que les pieds soient en corrélation avec la température, il n’en faut pas moins distinguer d’une part les pieds et d’autre part la température. (Applaudissements.)

Le camarade Trotski brouille les choses de la même façon lorsqu’il fait cette observation étrange : Eh bien quoi ! la guerre est la guerre, vous vous effrayez, l’intervention est la guerre, mais la guerre est la suite de la politique par d’autres moyens, mais la politique est de l’économie concentrée. Quelle divergence d’opinions y a-t-il là ? Est-ce que ce n’est pas la même chose, qu’il y ait guerre ou non ? Regardez-moi ce dialecticien spirituel. Mais il a fait une confusion tout à fait inadmissible. C’est une chose que deux choses en corrélation, mais c’en est une autre que l’identité de ces choses. Si l’on part de la question telle que l’a posée le camarade Trotski, on peut en tirer la conclusion directe que c’est la même chose, ou de faire du commerce avec les puissances étrangères ou de faire la guerre contre elles. (Hilarité, applaudissements.)

Naturellement, lorsque des puissances .étrangères font du commerce avec nous, elles s’efforcent de nous faire tout le mal possible, autant qu’elles le peuvent. Quand elles font la guerre, elles poursuivent la même politique mais avec d’autres moyens plus acérés. Il en est de même de notre commerce intérieur et extérieur et de nos guerres lorsque nous en faisons. Mais on ne peut pas en tirer la conclusion à rebours comme le fait le camarade Trotski qui n’aime pas parler de choses métaphysiques et qui croit que parce qu’il n’existe rien de métaphysique, on peut tout mettre dans le même sac, comme Trotski, Zinoviev, Chliapnikov et Medvedev l’ont fait dans leur bloc unifié. Il faut pourtant distinguer certaines choses là aussi.

Il me semble qu’il faut régler trois sortes de questions quand on examine le problème de l’édification du socialisme dans un seul pays. La première, c’est la question des ressources internes et de la liaison interne des forces, c’est essentiellement la question de caractère de notre Révolution. La deuxième, c’est la question de l’intervention et du danger d’un écrasement par les armes de la part de la bourgeoisie et, enfin la troisième, c’est la question de la pression de l’économie mondiale sur nous. Je crois qu’il faut répondre ainsi à ces questions. La liaison interne de nos forces et nos ressources internes suffit pour édifier complètement la société socialiste. Une garantie contre la guerre ne peut être fournie que par une Révolution internationale victorieuse. La pression de l’économie mondiale est une difficulté énorme pour nous, mais une difficulté qui n’est pas insurmontable. C’est ainsi qu’il faut poser la question. C’est ainsi qu’il faut répondre aux questions qui sont posées ici.

Il y a encore une autre argumentation du camarade Trotski qui a prétendu que la question disparaît si la révolution internationale est victorieuse. Il raisonne comme si nous étions d’avis qu’une victoire de la Révolution internationale est impossible dans la décade qui vient. C’est une façon calomnieuse de poser la question, c’est une déformation calomnieuse de nos conceptions.

Qui a dit, et quand ayons-nous dit que nous écartions, pour des dizaines d’années, l’idée d’une révolution internationale ? Où cela a-t-il été dit. Qui l’a dit ?

Si quelqu’un l’a jamais dit, c’est l’ex-communiste Maslov qui agit maintenant, la main dans la main, avec le camarade Zinoviev. C’est lui qui l’a dit, nous ne l’avons jamais dit nulle part. On ne nous a jamais lu sur ce point une seule phrase, une seule citation, un seul mot. Evidemment, on peut dire que la vie qui fait disparaître toute sorte de questions fait disparaître également les questions qui sont l’objet de divergences d’opinions. C’est tout à fait exact, mais renoncer seulement parce que ces questions disparaîtront dans l’avenir, à les discuter dans le présent, il n’y a que Trotski qui soit assez habile à poser ainsi la question.

Le camarade Trotski a déclaré que ce qu’il a écrit en 1922, il l’a fait sous l’angle de vision de I925, mais cela signifie seulement qu’il veut s’en tirer avec des tours de prestidigitateur. C’est un tour de prestidigitation. Mais nous, nous voulons fixer les perspectives de notre développement et répondre à cette question : Pouvons-nous édifier le socialisme ou non ? Pouvons-nous partir du fait que nous pouvons compter sur la victoire ? Cette question n’est pas du tout superflue. Car s’il était impossible dans notre pays, par le fait de la liaison interne des forces, de mener le socialisme jusqu’à la victoire économique, il est tout à fait naturel que nous ne continuerons à vivre qu’aussi longtemps que nous continuerons à faire des concessions, et que nous battrons en retraite à cause du recul de la Révolution mondiale. Alors, il est évident que le fait de vivre en attendant la Révolution mondiale en recul, nous oblige à partir d’un certain moment à dégénérer par suite d’une modification dans notre caractère de classe. Voilà une déduction faite suivant toutes les règles de l’art.

C’est pourquoi il est tout à’ fait naturel qu’on ait fait circuler tous ces bruits de « Thermidor », de « Cavaignac », « la sortie des rails » et autres choses du même genre parce qu’on a dit que ce processus était déjà allé trop loin. On a dit qu’il n’y avait pas de conditions internes objectives pour l’édification du socialisme, que la Révolution internationale ne venait pas, que nous sommes au pouvoir, que la NEP n’est qu’une retraite, que les décisions de la XIVe Conférence du Parti ne sont qu’une retraite faite dans la huitième année de la dictature prolétarienne, que c’est dans la huitième année de la dictature prolétarienne que nous faisons une retraite sur les points les plus importants, mais qu’on ne peut pas faire tout le temps une retraite ni jeter du lest comme du haut d’un ballon et que, d’une façon comme de l’autre, la dégénérescence va commencer. C’est pourquoi on a commencé avec « Thermidor », avec

« Cavaignac ». Voyez-vous comme on a tout lié ensemble.

Je m’étonne que des gens à l’intelligence cultivée ne puissent pas comprendre pourquoi il faut dans cette situation poser la question des forces internes de la Révolution. Mais, mes chers amis, parce que si vous répondez de façon négative à cette question, les Cavaignac, pareils au diable qui sort de sa boîte, vont sortir aussi. C’est ainsi qu’il faut poser la question. Tout est lié ensemble chez nous. Ne faites donc pas les innocents ! Ne vous comportez pas comme des gens qui ne peuvent pas voir la corrélation des choses. Nous ne vous croyons pas. Vous vous êtes bien liés. Mais voilà, vous vous êtes trompés dans vos calculs bien que vous ayez su lier les choses ensemble. C’est pourquoi vous n’avez pas le droit de vous plaindre que le Parti pose la question des choses internes de notre Parti, c’est-à-dire la question des choses internes de notre Révolution.

Que fait maintenant le camarade Trotski pour continuer à justifier sa théorie ? Je crois qu’il joue un jeu absolument indigne avec Lénine. Le camarade Trotski recommence, comme au temps où il prétendait que le bolchévisme avait appris et qu’il avait mis un costume trotskiste. Le Parti ne peut pas permettre un jeu de ce genre. Il faut dire carrément tout de suite quelles sont les choses qu’on reconnaît et quelles sont les choses qu’on ne reconnaît pas. Regardez ce qu’a fait Trotski. Il est venu nous demander : Qu’est-ce qu’a écrit Lénine avant la Révolution de 1905 ? Qu’est-ce que dit Lénine au Congrès de Stockholm ? Lénine a dit et écrit qu’après la victoire de la Révolution le paysan moyen deviendra inévitablement contre-révolutionnaire et que cet élément contre-révolutionnaire nous mettra dans une situation délicate. Et alors Trotski continue : Voyez-vous les prédictions de Lénine, (je montrerai plus tard que Lénine n’est qu’un pseudonyme pour Trotski) ne coïncident-elles pas avec mes prédictions, et les luttes avec Makno et à Cronstadt et ceci et cela ?

De quoi Lénine a-t-il parlé au Congrès de Stockholm avant la Révolution de 1905 ? De la révolution bourgeoise. N’est-il pas vrai ? C’est la vérité. Qu’avons-nous alors supposé ? Que s’il n’arrive point d’aide de la part du prolétariat socialiste, un gouvernement qui réalise pour un temps la dictature du prolétariat et de la paysannerie ne pourra moins faire que de tomber, étant donnés les rapports internes des forces. Pourquoi ? Parce qu’une fois la féodalité supprimée, étant donnés les instincts capitalistes de propriété privée qu’on ne peut pas retenir et qui trouvent, au contraire, le plus grand champ d’action, la paysannerie s’engagerait complètement dans la voie de l’évolution capitaliste. Le rôle révolutionnaire progressif de la paysannerie, dans la situation du développement capitaliste deviendrait nul, le prolétaire de l’Etat bourgeois démocratique ne pourrait pas maintenir l’alliance avec la masse des petits possédants qui se développeraient dans le cadre capitaliste. On n’avait pas supposé d’autres voies.

La prédiction de Lénine, étant donnée cette situation, était-elle fausse ? Elle était absolument juste. Est-ce que la question d’aller plus loin se posait alors du moins avec une telle acuité ? Lorsque nous y avons fait allusion, il s’agissait, dans le discours de Stockholm, de la révolution bourgeoise. Lorsque Lénine a parlé du soulèvement de la paysannerie, il a supposé le type bourgeois de développement de cette paysannerie. Trotski vient maintenant nous dire :

Ces prédictions de Lénine se sont réalisées et comme j’ai dit sur la révolution socialiste presque la même chose, cela signifie que mes prédictions se sont également, en partie, justifiées. Qu’est-ce que cette tendance ? C’est une tendance théorique tout à fait indigne. (Staline : « C’est un tour de pickpocket. ») Considérons maintenant ce qui ne s’est pas confirmé. Laissons Lénine de côté, il n’a rien à faire ici, il a développé des questions tout à fait différentes et seul le camarade Trotski, de son doigt habile, a été les chercher pour les lier aux problèmes que nous examinons maintenant, mais nous allons couper ce fil parce qu’il est tout à fait artificiel. Que dit Trotski ? Qu’il parle en son propre nom et non en celui de Lénine ! Qu’il ne se présente pas sous le pseudonyme de Lénine ! Cela vaudra beaucoup mieux. Théoriquement cela sera plus honnête et plus utile pour le parti. Trotski a dit : le prolétariat se saisira du pouvoir; étant donnée la prépondérance numérique de la paysannerie qui sera inévitablement contre-révolutionnaire, le prolétariat ne maintiendra pas ce pouvoir sans l’aide étatique du prolétariat international. Il n’a pas seulement dit cela en 1905, il l’a répété en 1922. Mais il aurait fallu que cela se confirmât au cours de notre Révolution. Or, il dit que cela s’est confirmé partiellement. Je crois que c’est le contraire qui s’est confirmé, car Lénine avait parfaitement raison quand il disait que la guerre civile a raffermi l’alliance de la paysannerie et du prolétariat, mais que c’était une forme d’alliance militaire. Il y a eu des hésitations parmi les paysans moyens. C’est vrai. Il y en a eu aussi parmi les paysans pauvres. Et je dis qu’aux moments particulièrement difficiles, il y en a eu même au sein du prolétariat. Il suffit de rappeler les journées de Cronstadt, mais peut-on mettre dans le même sac les lignes fondamentales de nos forces de classe avec les hésitations de l’état d’esprit des différentes classes. La ligne générale de notre développement consiste dans le fait que nous avons lié à nous la paysannerie. Quand Trotski dit que le conflit, et par conséquent la chute est inévitable, il en ressort exactement le contraire de ce que nous avons dit et que c’est quelque chose de différent qui s’est confirmé. C’est l’alliance avec la paysannerie qui s’est réalisée. Or, Trotski vient ensuite et nous dit : Tout, beaucoup s’est confirmé. C’est une nouvelle prétention pour sortir, sous le masque de Lénine, la théorie de Trotski qui ne s’est pas confirmée au moindre degré.

De la déviation social-démocrate de l’opposition[modifier le wikicode]

Une petite remarque au sujet de la question suivante. Hier le camarade Trotski s’est mis terriblement en colère parce qu’on l’avait comparé à Otto Bauer. « Permettez, comment peuton me comparer à Bauer ? » (Staline : « Est-ce que Bauer ne s’est pas mis en colère aussi ? ») Je n’ai pas de relations avec lui. (Hilarité.) Trotski a dit ensuite : « Comment peut-on me comparer à Bauer, n’ai-je pas écrit contre Kautsky et contre Bauer, n’ai-je pas fait, sur l’ordre du Parti, tel ou tel travail utile ? » C’est juste, Trotski a écrit contre Kautsky, il a écrit contre Bauer. S’il n’avait pas écrit contre Kautsky et contre Bauer, il ne se distinguerait en rien d’eux et nous n’aurions rien à dire alors au camarade Trotski.

Mais pourquoi le camarade Trotski s’est-il dérobé devant la réponse à cette question : En quoi ses conceptions se distinguent-elles des citations de Bauer qu’on a données dans la résolution ? (Interruption : « Cela ne se rapporte pas à lui. ») Peut-être que la question ne le touche pas, comme ça ne touche pas la théorie de la révolution permanente. Ce n’en est pas moins, aussi bien par la forme que par le fond, une théorie trotskiste. Otto Bauer ne dit-il pas que le prolétariat à lui seul ne se maintiendra pas au pouvoir dans un pays rural aussi rétrograde que la Russie et que sa chute est inévitable.

Exactement comme chez Trotski !

Mais Trotski a fait d’habiles tours de passe-passe. Il a pris une phrase sur le degré de civilisation des paysans et il a dit : « Permettez, que cette formule sur le degré de civilisation des paysans est d’un goût douteux ! » Mais il n’a pas dit mot de la chute. Or, le fait, c’est qu’Otto Bauer dit que, la paysannerie, éduquée partiellement par la dictature prolétarienne se donne sa propre culture suivant le degré de croissance de son esprit de classe. C’est une pensée politique. Qu’est-ce que la culture paysanne a à faire avec cela ? Mais qu’est-ce que le camarade Trotski nous a dit au sujet de la « chute » ? Pas un mot. Pas le moindre petit mot contre cette pensée politique centrale. Absolument comme s’il n’y avait rien eu.

Nous voyons là un moyen typique de prendre la tangente. Il a pris cette même culture paysanne et il s’est mis à se retrancher derrière ce petit mot. Mais en ce qui concerne la pensée politique qui y est contenue, cela ne nous regarde pas, nous ne savons rien. Que Pouchkine se débrouille là-dedans. (Hilarité.)

Il y a encore un argument : « Vous dites que nous avons une déviation socialdémocrate ? Comment cela ? Nous demandons des salaires plus élevés pour les ouvriers, une exonération d’impôts pour 40% des paysans pauvres et nous ne voulons pas entrer dans l’Internationale d’Amsterdam. Voyez, quels bonnes gens nous sommes ! » Mais je vous demande : si notre développement prenait le chemin d’Ossowski — que le Dieu communiste nous en préserve ! — et si nous avions au Congrès mondial une fraction bourgeoise purement parlementaire (Staline : « menchévik ! »), je ne parle déjà plus de menchéviks, mais même si nous avions une fraction bourgeoise, ne croyez-vous pas qu’elle se sentirait le plus grand amour pour les ouvriers ? Oui, elle se prononcerait pour la journée de 7 heures, elle dirait que nos ouvriers sont dans la pauvreté et dans la misère, qu’il faut améliorer leur situation, etc. Pourquoi le dirait- elle ? Parce qu’il lui faudrait s’appuyer sur les masses, afin de nous évincer. Mais ensuite elle briserait la journée de 7 heures. Voyez si la presse menchevique n’écrit pas que les ouvriers gagnent peu, qu’il faut faire de l’agitation, qu’il faut déclencher des grèves avec ce mot d’ordre ? Mais voilà le camarade Trotski qui dit : « Qu’y a-t-il là de social-démocrate ? » Mais cela signifie seulement que vous n’avez pas compris le mécanisme principal du développement des forces politiques. Mais qu’y a-t-il là de réellement, de foncièrement socialdémocrate ? Ce qui est réellement, foncièrement social-démocrate, c’est que un Thermidor en est l’aboutissement à peu près inévitable.

Mais le camarade Trotski s’est encore servi d’un autre argument. Il dit : « Si nous disons que tout est perdu, expliquez-nous pourquoi nous proposons de dépouiller la paysannerie ? Personne ne nous répondra : C’est déjà un argument terrible ! »

Il n’y a rien de terrible là-dedans. Ce n’est que votre façon de poser la question qui chez vous est d’une logique furieuse. Mais nous ne sommes nullement obligés de l’accepter. Nous avons vu que vous avez été logique dans toutes vos constructions idéologiques. Mais pourquoi proposez-vous de dépouiller la paysannerie ? Ce n’est évidemment qu’un geste de désespoir chez vous. Vous croyez que notre situation empirera de plus en plus, que nos difficultés croîtront d’année en année, vous supposez que l’on ne pourra s’en tirer que par un effort surhumain.

C’est la psychologie des gestes de désespoir, des efforts surhumains, d’une volonté impulsive, si caractéristique chez le camarade Trotski.

Nous, nous sommes pour un cours plus calme, pour une politique plus pondérée et plus persuasive, qui donne de meilleurs résultats. Le discours du camarade Trotski nous montre qu’il n’a abandonné aucune de ses idées principales (Staline : « Très juste ! »), qu’il a gardé tout son bagage soi-disant idéologique, sur lequel il veut coller, malheureusement avec une très mauvaise colle, une étiquette léniniste. Et que maintenant les camarades soient offensés parce que nous nous voyons dans l’obligation d’expliquer au Parti cette phraséologie, parce qu’il nous faut mener une lutte idéologique, si nous sommes obligés de le faire c’est parce que nous nous trouvons en présence de la conception trotskiste. Trotski ne veut pas apprendre, il ne veut; pas réfléchir sur le problème jusqu’au bout, il cherche à contourner le problème principal, en cachant le trotskisme sous un pavillon léniniste.

De l’esprit de la capitulation de l’opposition et de la falsification de l’histoire du Parti[modifier le wikicode]

Je passe maintenant au second héros de l’opposition, au camarade Kamenev. Il croyait au début de son exposé pouvoir nous chloroformer — ou provoquer un effet énorme, en s’écriant : « Devant qui mettons-nous bas les armes ? Mettons-nous bas les armes devant les gens de la NEP, mettons- nous bas les armes devant le monde capitaliste, mettons-nous bas les armes devant la social-démocratie ? », etc. « Comment pouvez-vous croire cela ? » Mais je vous le demande : Lorsque Lénine a caractérisé votre attitude dans les journées d’octobre en l’appelant « un pessimisme criard », devant qui avez-vous alors mis bas les armes ? Naturellement vous ne les avez pas déposées pour rendre service à la bourgeoisie, mais vous avez estimé les forces intérieures comme si tout était mauvais chez les ouvriers, et tout bon chez la bourgeoisie. Lorsqu’en ce moment la bourgeoisie vient nous dire : Regardez, dans la vieille société capitaliste on paie tant et tant l’ouvrier ; ou lorsque Smirnov, sous le pseudonyme de Meislin, écrit dans le Bolchevik que nous sommes en train de créer une armée de réserve, dépassant celle dont la bourgeoisie nous avait dotés ; ou lorsque l’opposition atténue nos succès et conquêtes, et lorsqu’elle trouve que rien, ne va bien chez les ouvriers, alors que tout va bien dans la bourgeoisie, ce n’est que du pessimisme criard. Lorsque vous prophétisez un Thermidor, une dégénérescence dans un esprit de désagrégation et que vous rassemblez autour de vous des éléments sans valeur, alors vous capitulez objectivement devant la bourgeoisie, aussi bizarre que cela puisse paraître. (Interruption : « C’est juste ! »).

Le camarade Kamenev a cru utiliser un excellent atout lorsqu’il a dit que depuis la révolution de février personne n’avait posé la question de l’estimation de notre révolution et que seul Boukharine avait soulevé cette question dans la résolution du Bureau de la région de Moscou. Il vous a donné lecture de la même résolution, que Zinoviev a reprise, grâce à la formidable unanimité dans les rangs de l’opposition. Il faut que je dise ce que tout le monde sait, que c’est moi qui ai reconnu le premier de tout le groupe des communistes de gauche mes fautes de communisme de gauche. Néanmoins je ne peux pas passer sous silence les observations du camarade Kamenev, qui de par ses fonctions mêmes doit nécessairement connaître l’histoire du Parti. Ce n’est pas moi qui ai écrit cette résolution, mais le camarade Stukov qui se trouve actuellement dans les rangs de l’opposition. Pourquoi, pour m’exprimer poliment, cette falsification du document ? Cela ne peut pas se faire. De même que le camarade Trotski l’a fait en attribuant le trotskisme à Lénine, Kamenev répète ce tour de prestidigitation, tout en sachant bien que ce n’est pas vrai. C’est le camarade Stukov qui avait pris la parole sur cette question et je le répète, le camarade Kamenev, en raison même de ses fonctions, ne peut moins faire que de connaître l’histoire du Parti. Il n’était pas nécessaire, me semble-t-il, de recourir à une falsification. Lorsque le camarade Kamenev souligne que personne n’a fait de nouvelle tentative après avril pour analyser autrement les forces de classes, je dis : Cher camarade Kamenev, vous avez tout simplement « avalé » vos fautes d’octobre. Est-ce que vous faites disparaître votre bagage d’octobre, vos fautes d’octobre ? Vous vous êtes bien appuyé sur quelque chose. Ou était-ce tout simplement un bavardage quelconque de jeune rêveur qui, pour une raison quelconque, croyait devoir se prononcer contre l’insurrection ? Pourquoi nous parlez-vous de toutes sortes de péchés et pourquoi cachez-vous ce qui s’est passé après avril, lorsque vous vous êtes efforcé de réviser la ligne de l’appréciation de notre Révolution. Mais, permettez, toutes vos fautes d’octobre viennent de là et se sont appuyées sur cette appréciation. Et maintenant, vous nous dites qu’elles n’existent pas.

Nous savons, chers camarades, que sous ce rapport il s’est formé chez vous une tradition. Dans son petit ouvrage Le léninisme, le camarade Zinoviev dit que toute sa faute d’octobre est d’avoir maintenu pendant un peu plus de deux jours la ligne de Lénine. Kamenev soutient son frère jumeau. Il souligne qu’il n’y avait rien du tout, qu’il n’y avait aucune déclaration. Mais nous nous comprenons et cela ne prendra pas non plus.

Je passe maintenant à quelques constatations principales dans le discours du camarade

Kamenev et je m’efforcerai de démontrer que dans le discours d’hier, le camarade Kamenev reprend sa fausse conception d’octobre et d’avril. (Interruptions : « Très juste ! ») Nous avons soulevé la question de l’édification socialiste dans notre pays. Est-ce cela ou non ? C’est cela. Le camarade Kamenev se présente ici à la tribune, blâme le camarade Staline et dit : « Regardez ce qu’il y a dans le Social-démocrate, dans les thèses sur notre Révolution ; on y lit qu’il y a chez nous une révolution bourgeoise-démocrate. Un point c’est tout. Mais si, par politique, le camarade Kamenev met là un point, cela signifie qu’il veut transformer Lénine de révolutionnaire prolétaire, s’appuyant sur la Révolution socialiste, en un démocrate radicalbourgeois. (Interruptions : « Très juste ! ») Il ne cherche rien d’autre que, du haut de cette tribune — avec des moyens très insuffisants, il est vrai — à cacher sa faute d’octobre, qu’il a avalée sans succès. Je crains que cet os d’octobre ne s’agrippe un peu dans le gosier du camarade Kamenev et que nous ne lui permettions pas de l’avaler complètement.

En effet, comment Lénine a-t-il posé cette question dans ses thèses ? Il a posé la question du point de départ de la Révolution, de la première étape de cette Révolution par des allusions au sujet de son développement futur, par de très légères allusions. Etait-ce juste ? C’était juste ! Dans cette phase de développement, c’était entièrement juste, mais dès que nous examinons la question de la possibilité de l’édification du socialisme, le camarade Kamenev y met un point, je le répète, par politique. C’est une énormité. Et ensuite, il se présente ici et il dit : « Je crois, qu’il faut interpréter Lénine d’une façon juste », c’est ridicule.

Le camarade Kamenev est assurément contaminé par Trotski au sujet de cette tendance.

De même: que Trotski danse autour de Lénine et s’efforce de se présenter sous le pseudonyme de Lénine, Kamenev se met aussi à justifier ses tours d’avril et d’octobre avec des thèses de Lénine. Mais cela ne réussira pas. Je prétends que vouloir mettre un point derrière cette étape bourgeoise de notre Révolution en ce moment de la discussion sur la question de l’édification socialiste dans notre pays, c’est la manifestation d’une déviation social-démocrate. Derrière votre phraséologie se cachent des oreilles social-démocrates. (Hilarité.)

La « philosophie » économique du camarade Kamenev[modifier le wikicode]

J’examine maintenant l’économie, je ne parlerai pas de ce que nous avons entendu mille fois. Mais le camarade Kamenev a exprimé une idée économique remarquable : « Regardez si votre estimation est juste, si le koulak est faible chez nous — et c’est le cas — ; si le « nepman » est faible — et c’est le cas — ; si l’accumulation du capital privé chez nous est faible, avec quoi allez-vous édifier le socialisme ? » Il a dit cela littéralement, tout le monde l’a entendu. Mais permettez-moi d’en tirer des conclusions. Il faut examiner cela ; on ne peut pas laisser passer une telle chose, car ceci est le point central de toute la plate-forme économique et je vais le prouver.

Lorsqu’on suppose que l’on ne peut édifier le socialisme que par des contributions fiscales sur le nepman et sur le koulak, ceci présume un tel degré d’accumulation capitaliste privée, que toute notre campagne suit un chemin presque entièrement capitaliste et notre commerce aussi dans une très forte mesure. C’est la négation de la possibilité de la révolution socialiste à la campagne, c’est la négation du plan coopératif de Lénine, c’est la conception que nous passerons aussi bien à la campagne qu’à la ville par une phase puissante et très développée du capitalisme d’Etat. Alors, ayez l’obligeance de le dire — ou bien il faut que vous retiriez votre déclaration.

Nous ne nous orientons nullement vers je ne sais quelle théorie fiscale de l’édification du socialisme, lorsque nous édifions le socialisme à l’aide d’impôts prélevés sur la NEP et les koulaks et que nous allons naturellement faire rentrer dans une très forte mesure. C’est un des éléments de notre accumulation, un des canaux par lequel nous allons faire rentrer ce que nous aurons pris aux éléments économiques adverses, mais ce n’est pas le plus important. Et notre ligne d’orientation ne consiste nullement à développer sans fin cette accumulation de façon à pouvoir édifier là-dessus le socialisme. Si vous commencez à poser cette question, vous êtes en train de laisser à nouveau la peur envahir votre âme et l’on voit réapparaître les deux oreilles social-démocrates.

Mais tout ceci est en corrélation avec un autre problème, avec la question du retrait de la circulation des ressources commerciales, dont le camarade Larine nous a entretenus. Comment peut-on dire qu’il faut donner au commerçant privé la possibilité d’appuyer ses deux coudes sur la table, si on doit l’écorcher ensuite avec nos impôts ? Naturellement, il nous faudra oublier ce que Lénine nous a enseigné : « Apprenez à faire du commerce ». « Cela ne fait rien, Lénine peut se tromper, faisons ainsi : Tondons le commerçant, tondons le koulak et ensuite il pourra appuyer ses coudes sur la table. » C’est une autre orientation ! Ce n’est pas la nôtre, ce n’est pas celle du Parti et permettez-moi de vous le dire, elle n’est pas communiste. (Interruptions : « Très juste ! »)

C’est le complément économique à la conception politique du camarade Kamenev concernant ce qu’il dit sur la phase bourgeoise-démocratique de notre révolution, lorsqu’il met un point et cache la question du développement futur. Cette conception politique ne se trouvet-elle pas en rapport avec ses hypothèses économiques ? Je crois que oui. .Elles ne se contredisent nullement, mais au contraire, elles se complètent. Car si chez nous le problème de la croissance des éléments socialistes se trouvait en mauvaise posture, s’il avait été nécessaire d’orienter notre ligne dans le sens du développement inévitable du capitalisme et si l’on fonde ensuite sur ce développement l’édification du socialisme, la ligne de notre Parti serait naturellement toute différente, et notre ligne politique ne mériterait plus d’être appelée communiste.

Enfin, une troisième remarque en ce qui concerne le discours du camarade Kamenev.

C’est la question de savoir dans quelle mesure se sont confirmées ou non les prophéties « remarquables » de l’opposition. Le camarade Kamenev nous a dit sans sourciller : « Les difficultés ont été même plus grandes que nous ne l’avions cru. Il y a eu un arrêt dans le développement. C’est nous qui avions raison ». Là, le camarade Kamenev n’a pas capitulé le moins du monde. Au contraire, il a fait preuve de grand courage.

Mais il me paraît que ce n’est qu’un piètre courage, car, rappelez-vous, camarades, ce que le camarade Kamenev, au cours de l’année passée, a caractérisé comme la chose la plus importante dans le domaine des difficultés économiques. Il l’a formulé de la façon suivante : « Le danger principal provient de l’accumulation par les paysans, de l’accumulation par le koulak. Celui-ci a déclenché contre nous une grève en refusant de livrer son blé ». L’a-t-il dit ? Oui ! Qu’il s’en souvienne. Appelons cela la thèse du camarade Kamenev numéro 1. Donc, dans la thèse numéro 1, le camarade Kamenev dit : Le koulak s’est montré si fort qu’il a déclenché une .grève en refusant de livrer son blé et qu’il a détruit tous nos plans.

Voyons maintenant la thèse du camarade Kamenev numéro 2 qui vient de surgir ces temps derniers. Le koulak est devenu encore plus puissant, il a accumulé encore davantage de forces, le danger de la part du koulak s’est encore accru. Voilà la seconde thèse.

Je vous demande : Est-ce que la livraison de blé s’est faite plus mal que l’an passé ? Il faudrait qu’elle eut été plus mauvaise, tandis qu’au contraire elle est meilleure. Nous demandons : Pourquoi le koulak, qui s’est si terriblement renforcé, ne nous a-t-il pas joué ce mauvais tour ? Le fait du rassemblement de notre blé, le fait du remaniement de notre budget, le fait que l’on a investi plus d’un milliard dans l’industrie de notre pays, anéantit toute la philosophie de l’édification économique, prêchée au cours de l’année passée, par l’opposition. Il n’en restera rien, parce que tout le monde comprend que la faute n’incombe pas à la restriction dans la livraison du blé, mais à la sotte politique, appliquée par ceux qui étaient alors chargés du rassemblement du blé. (Applaudissements.)

Mais si nous avions adopté toute cette philosophie et accepté qu’on fasse une plus forte pression et toutes sortes de tracassements, etc., alors nous nous serions vraiment trouvés en présence de ces difficultés et nous n’aurions pu en sortir.

Je propose à tous les camarades présents de lire le discours d’un camarade de l’opposition, du camarade Andreïev, qui a exposé devant les militants actifs du rayon de Chamovonski, de la région de Moscou, les raisons de sa sortie de l’opposition : « J’ai quitté l’opposition, lorsque ses chefs ont dit qu’ils rencontraient une attitude réactionnaire de la part des masses ouvrières et que la situation économique, n’était pas si mauvaise qu’ils l’avaient prévue ». C’est bien cela qu’il a dit. Lorsque cet ouvrier honnête eut entendu de telles plaisanteries, il a dit : « Ah ! c’est là-dessus que vous avez spéculé ! » et il a quitté l’opposition. Mais, maintenant, le camarade Kamenev dit que tout fut entièrement confirmé. Tout comme la prédiction de Trotski, concernant la paysannerie, s’est confirmée ! c’est-à-dire c’est le contraire qui est arrivé. Et cela, parce que le Parti a fait une politique juste. Voilà la situation ! Voilà, camarades, les observations que j’ai voulu présenter au sujet du camarade Kamenev. Je dirai seulement encore dans quel sens le camarade Kamenev cherche à faire dévier la question — et je suppose qu’il s’efforce de se tirer d’affaire —- il fait dévier la question en disant que le C. C. a agi dans le sens des conceptions de l’opposition et que celle-ci a ainsi accompli sa « mission historique ».

Chacun sait de quoi il s’agit. En avril, lorsqu’il y eut la discussion sur la question des salaires, quelle était la situation ? Une énorme tension des crédits, notre tchervonetz ébranlé, un resserrement des entreprises. Il fallut un formidable effort pour sortir de cette situation difficile, restreindre les crédits, etc., car personne ne nous donnait de l’argent. Lorsque la situation se modifia, lorsque, grâce à notre politique, le tchervonetz commença à remonter et l’industrie à sortir de sa situation difficile, lorsque la situation se fut améliorée sur tout le front, alors nous avons dit : maintenant, nous pouvons augmenter les salaires. Qu’y a-t-il d’étonnant à cela ? Est-ce que cela signifie que le C. C. soit passé à l’opposition ? C’est ridicule ! C’est au moment où nous pouvons quadrupler les fonds pour l’industrie, que l’opposition vient dire ! N’avons-nous pas dit que l’on peut quadrupler les fonds pour l’industrie ? Qu’y a-t-il donc d’étonnant ? Vous le pouviez et vous l’avez fait. La politique ne se fait pas dans le vide. Elle suppose certaines conditions et il faut une bonne dose de cynisme pour prétendre que l’on a dit cela à tel ou tel moment. « A ce moment », camarades, vous n’avez pas dit tout à fait la même chose !

Mais ce que vous avez dit sur tous les Thermidors, etc., on s’en souviendra, parlez-en au Parti, allez devant le Parti, ayant conscience de cette faute, et dites : Pardonnez-nous, parce que nous avons péché aussi bien contre l’esprit que contre la lettre, que contre l’essence même du léninisme! (Applaudissements.)

La double politique du camarade Zinoviev[modifier le wikicode]

Je ne voudrais dire que quelques mots concernant le camarade Zinoviev. Il me paraît que le discours du camarade Zinoviev avait au début la façon suivante : On peut interpréter ses paroles comme s’il passait à Urbahns et aux autres camarades qui se trouvent déjà avec un pied en dehors du parti, le mot d’ordre suivant : « Attendez ! La situation n’est pas encore trop mauvaise ! Nous maintenons encore nos positions ! Vous nous avez mal compris. Tenez ferme votre drapeau, en fin de compte tout ne sera pas si terrible que ça etc. »

Telle a été, me semble-t-il, l’attitude envers Urbahns et d’autres camarades. Cette attitude est tout à fait fausse. On ne pouvait pas parler ainsi à l’heure actuelle. Il aurait été absolument nécessaire de condamner énergiquement tout ce que ces groupes sont en train de discuter.

Je reviens un peu à ce que le camarade Kamenev nous a dit. Celui-ci a tenu le même langage : Est-ce que de souligner des insuffisances cela signifie un affaiblissement de la volonté du prolétariat ? Affaiblissons-nous la volonté du prolétariat, lorsque nous disons un grand nombre de vérités amères ? Mais tout cela, ce ne sont que des mots. Il ne s’agit pas de cela. Il s’agit de ce que fait l’un ou l’autre des groupements politiques. C’est l’expérience qui décidera de la question, l’expérience a déjà démontré de quoi il s’agit ici. Autour des opinions de l’opposition se sont rassemblés tous ceux qui se déchaînent contre la Russie des Soviets et contre l’I. C., voilà de quoi il s’agit.

Qui s’est réjouit de l’intervention de l’opposition ? Korsch et consorts ! Ils ont dit que nous avons dégénéré. Pouvaient-ils s’appuyer sur ce qu’a dit notre opposition ? Ils le pouvaient, parce que les expressions « Thermidor » et autres sont parties d’ici, de « notre » opposition ! (Interruption : « C’est juste ! ») Qu’est-ce qu’ils ont dit concernant notre politique actuelle ? Que nous nous élevons contre les ouvriers et Ruth Fischer, Maslov, Urbahns et autres s’en sont servis. L’opposition parle de Thermidor. Mais Korsch et Schwarz disent déjà : L’insurrection armée contre la Russie des Soviets est nécessaire. On en est déjà à cette conception.

Après avoir rassemblé autour des phrases calomniatrices de l’opposition un bouquet vraiment malodorant de tout ce qu’il y a de pourri et de contre-révolutionnaire, etc., ils se présentent ici et disent : Nous avons renforcé la foi de la classe ouvrière dans l’édification du socialisme. Mais c’est ridicule ! L’expérience démontre tout autre chose, et-ce n’est pas en vain que la bourgeoisie vous a pressés si passionnément sur son cœur, chers camarades, ce n’est pas en vain ! Voilà ce que démontre l’expérience. Le camarade Zinoviev, qui sait tout cela, dit : Tenez toujours bon, la situation n’est pas encore trop mauvaise !

On n’avait pas le droit de parler ainsi. On aurait dû venir et dire de la façon la plus sévère : Je vous défends de calomnier la Russie des Soviets ! Je vous défends de persister dans la voie réactionnaire que vous suivez ! Je vous défends de crier qu’il y a un Thermidor chez nous, de crier qu’il y a chez nous de la dégénérescence ! Dites honnêtement : Trotski s’est trompé, lorsqu’il a prétendu que l’Etat « n’était pas entièrement prolétarien ». Pourquoi n’avezvous pas ce courage élémentaire de vous présenter et de dire que c’était une faute ? Pourquoi ? Vous avez honte de dire que vous vous êtes trompé ! C’est de cela qu’il s’agit ! Le camarade Zinoviev n’a rien dit de semblable. Il nous a parlé surtout de leur bonne position et comment Lénine savait bien s’y prendre avec une opposition, sans avoir besoin d’exclure tout le monde, alors que dans une réunion syndicale il n’avait su réunir que deux voix sur sa proposition. Lénine a bien su s’y prendre. Comment pourrait-on exclure tout le monde, lorsqu’on n’a que deux voix (Hilarité.) Mais, lorsqu’on a toutes les voix avec soi et deux voix contre, et si ces deux voix crient « Thermidor », alors on peut déjà y penser. (Interruption : « C’est juste ! » Applaudissements, hilarité. — Staline : « Très bien, Boukharine, très bien. On ne parle pas, mais on tranche »)

Maintenant, camarades, il me faut parler un peu de tous ces exercices théoriques ou pseudo-théoriques du camarade Zinoviev « à travers la Nep... coulant et sans accrocs »: Qui parle de « coulant et sans accrocs ? » Ce « coulant » n’a existé que dans l’imagination du camarade Zinoviev, qui a employé aussi autrefois des citations embrouillées et fausses. Par exemple, ne s’est-il pas servi d’une citation de « l’A. B. C. du communisme » de façon à passer lui-même à côté parce que ses secrétaires ont omis le passage qui était le plus dangereux pour lui. Je le montre dans le Bolchevik, où vous pouvez le voir. Voilà le fruit du zèle des secrétaires du camarade Zinoviev. (Hilarité.) Et s’il vient maintenant nous dire en ce qui concerne la stabilisation : « C’est notre plate-forme partielle, chancelante... », « la grève anglaise a fait ressortir... », etc., n’est-ce pas également notre plateforme ?

Mais n’avez-vous donc pas dit qu’il n’y avait pas de stabilisation partielle ? Est-ce que ceci vous a aussi échappé ? Alors dites donc : « Cela m’a échappé, je me suis trompé ». Mais vous vous taisez. Le camarade Kamenev tait la faute d’octobre, mais vous vous taisez sur la stabilisation ! Vous vous efforcez de faire un exposé théorique d’une finesse remarquable devant le Parti. Vous dites qu’il y a eu une déviation, qui s’est manifestée par de la faiblesse même à l’égard des couches aisées de la paysannerie et que vous l’auriez énergiquement combattue. Je dois dire qu’à la XIVe Conférence de Parti nous avons écarté quelques petites restrictions, qui avaient freiné le développement de l’économie des paysans aisés. Ce fut le cas pour l’affermage, le travail salarié, etc. Permettez-moi de vous le rappeler : Est-ce que les camarades Kamenev et Zinoviev ont voté pour ou contre ces mesures ? Ils ont voté pour ! Et maintenant le camarade Zinoviev se lève et dit : Lénine a dit qu’il faut limiter la NEP, alors qu’on propose de la développer jusqu’à un certain degré.

Permettez ! Etablissez-vous une corrélation avec les faits qui se sont passés à la XIVe Conférence ? Alors dites, comme vous l’avez déjà fait pour une décision de la XIVe Conférence, que ce n’était qu’une résolution de compromis, mais, alors nous ne l’apprenons qu’aujourd’hui ! Dites-vous alors aussi, en ce qui concerne ces petites restrictions économiques, que c’était une résolution de compromis ? Pourtant, nous vous avons demandé au XIVe

Congrès du Parti, si vous vouliez abolir les décisions de la XIVe Conférence de Parti ou non ? Vous avez répondu :

« Non, nous ne le voulons pas. Nous sommes entièrement d’accord ». Pourquoi faites-vous donc maintenant cette double politique et indigne ? (Interruption : « C’est de nouveau de la démagogie ! »)

Ensuite, vous avez rappelé le mot de « l’élargissement ». Je ne veux dire qu’un mot : Ce mot a été dit par Trotski, nous l’avons biffé dans un de ses articles. C’est moi personnellement qui ai prié le camarade Trotski de le biffer et c’est ainsi qu’il fut biffé dans l’article du camarade Trotski. Mais il est resté dans celui de la camarade Kroupskaïa. Et vous voulez vous décharger sur un jeune camarade, oubliant que ce sont les camarades Trotski et Kroupskaïa qui l’ont mis en circulation ! C’est vraiment trop fort ! C’est toujours la même chose, ce que le camarade Zinoviev puise dans les journaux, pour en faire des citations, il y a de quoi faire de la bouillie pour les chats. (Hilarité.)

Dans chaque réunion vous dites toujours la même chose, ne pourriez-vous pas dire quelque chose de nouveau ? O, orateurs éminents, chers camarades, servez-nous du frais !

(Applaudissements. Hilarité.)

Notre révolution forme une partie de la révolution mondiale[modifier le wikicode]

Pour finir, quelques mots sur le compromis et sur toutes les autres choses dont le camarade Zinoviev nous a entretenus. Staline est parti d’une formule très précise d’Engels, qui, sous cette forme, est fausse, et Staline avait raison, lorsqu’il critiquait cette formule. Mais Staline ne voulait nullement dire que Marx et Engels n’avaient rien dit d’autre. Dans la formule d’Engels que Staline critique, il y a la supposition suivante : la révolution est un acte unique. Ceci n’est pas du tout étonnant, car cette œuvre fut écrite autour de 1840 et n’était pas encore une œuvre de maturité. Naturellement, les social-démocrates et d’autres aussi ont contredit Engels, mais chez Marx on trouve un grand nombre d’autres formules, comme par exemple, « qu’il faudra à. la classe ouvrière, 15, 20 ou 50 ans de guerres civiles et de batailles de peuples avant d’être apte à transformer sa propre nature ».

La phrase que le camarade. Zinoviev a cité : (« L’Allemagne commencera, la France finira ». se rapporte également à une époque de longue durée. Ceci est tout a fait juste ; Mais maintenant, le camarade Zinoviev veut présenter notre situation, comme si nous voulions opposer la révolution dans notre pays à la révolution internationale. Ceci ne prendra pas non plus ! Notre révolution est une partie du grand processus de la révolution internationale, qui englobe aussi bien les guerres coloniales que les révolutions nationales, aussi bien les insurrections prolétariennes que les révolutions prolétariennes inachevées, ou que les révolutions prolétariennes victorieuses et toutes les révolutions qui éclateront, car nous sommes entrés dans une époque de guerres et de révolutions. Notre révolution est une partie de la révolution internationale et, naturellement, notre victoire définitive sera une victoire du communisme mondial. Qui sera assez naïf pour le contester ?

Nous sommes, par essence, des révolutionnaires internationaux, et la question est posée d’une façon si nette, que, théoriquement, nous admettons une attaque de la part d’une révolution victorieuse contre les pays capitalistes. Ne l’avons-nous pas dit vingt mille fois ? Qui en doute ? Est-ce que notre politique pratique témoigne d’un autre point de vue ? Non, elle confirme notre ancien point de vue. Personne n’accorde plus d’appui moral à la Chine révolutionnaire que nous, personne n’a soutenu davantage les mineurs anglais que les syndicats de l’U. R. S. S., personne ne peut contester que le Parti Communiste de l’U. R. S. S. est et sera un appui pour la révolution mondiale. Tout le monde le sait, et il est ridicule de se quereller là-dessus ! La tentative du camarade Zinoviev d’opposer notre révolution à .la révolution internationale me paraît avoir entièrement échoué.

Notre révolution est pour nous une partie du processus général révolutionnaire international qui suit une ligne en zigzag, dont toutes les colonnes ne marchent pas sur une même ligne, un processus qui, par son essence même, est composé de parties différentes. Il suffit de considérer les révolutions prolétariennes et les insurrections national-révolutionnaires, coloniales et semi-coloniales, pour se convaincre que c’est un grand processus s’étendant sur une époque immense. Mais nous ne le discutons pas, et la tentative de vouloir faire dévier l’objet de nos discussions actuelles sur cette interprétation, de vouloir rabâcher ces vérités de La Palice, qu’il nous faut être des révolutionnaires internationaux, que nous devons appliquer le mot d’ordre : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » nous semble complètement ratée, fausse et inadmissible.

Hier, il y a eu un incident pénible. C’est lorsque le camarade Trotski a constaté que la Conférence éclatait de rire, après qu’il eut dit que nous devions marcher aux côtés du prolétariat international. La Conférence n’a pas ri à cause de cela, mais parce que le camarade Trotski a rabâché une vérité de La Palice. Il faut avoir une bonne dose d’orgueil, de dédain et de méfiance envers le Parti, pour suspecter une Conférence du Parti comme le camarade

Trotski l’a suspectée. (Applaudissements. Lasian : « Il n’a jamais connu le Parti ».)

Dans notre discussion, il s’agit de rechercher si nos forces intérieures nous permettront de faire progresser en toute certitude la cause de l’édification socialiste. Nous prétendons que oui ! Nous pouvons édifier le socialisme. C’est pour cela que nous présentons la ligne de la NEP non seulement comme une retraite, mais aussi comme une attaque. Et, lorsque nous parlons de l’année économique courante, nous ressentons tous un accroissement réel et énorme de nos forces, parce que c’est une année de rénovation. Malgré les difficultés que nous rencontrons dans notre pays, cette année verra une attaque encore plus énergique contre le capital. Ceci s’exprimera par l’industrialisation, par l’élimination du commerçant privé du commerce de détail, à qui on imposera de nouveaux tarifs, par le renforcement du système de crédits et, enfin, dans le pouvoir croissant des éléments socialistes de notre économie.

Qu’y a-t-il là dedans qui ressemble à un « Thermidor » ? Il me semble que tout le Parti aurait le droit de demander instamment à tous les camarades de l’opposition : « Dites- nous, si vous insistez, sur votre décision antérieure et sur vos conceptions antérieures concernant le « Thermidor » et les condamnez-vous ? Cela nous paraît ridicule, lorsque le camarade Kamenev nous dit : il s’agit seulement de petites divergences de vue pratiques ; (Applaudissements.) Il faut dire maintenant : Répondez à ces questions principales : Allez-vous prophétiser que nous allons pourrir jusqu’à la moelle ou êtes-vous d’accord avec nous que nous progressons ? Voilà la question, la question essentielle et nous y répondons ainsi : Nous allons de l’avant, nous irons de l’avant et nous vaincrons, malgré les prophéties sur le « Thermidor » et en dépit de ces prophéties. (Applaudissements vifs et prolongés. Ovation de toute la salle.)