Discours au Vème congrès du POSDR (1)

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Camarades ! Le Comité Central du parti social-démocrate d' Allemagne, ayant appris mon intention de participer au congrès de votre parti, a décidé de profiter de cette occasion et m'a chargée de vous transmettre son salut fraternel et ses meilleurs voeux de succès.


Le prolétariat conscient d' Allemagne, fort de millions de personne, suit avec la plus vive sympathie et la plus grande attention la lutte révolutionnaire de ses frères russes, et la social-démocratie allemande a déjà prouvé en pratique qu'elle était prête à tirer pour elle-même de fructueuses leçons du riche trésor de l'expérience de la social-démocratie russe. Au début de 1905, quand éclata à Saint-Pétersbourg le premier coup de tonnerre de l'orage révolutionnaire, après la manifestation du prolétariat le 9 janvier, les rangs de la social-démocratie allemande commencèrent à s'animer. Cela aboutit à de vifs débats à propos de la tactique, et la résolution du congrès du parti à Iéna sur la grève générale fut le premier résultat important que notre parti tira de la lutte du prolétariat russe. Il est vrai que cette décision n'a pas encore eu d'application pratique et qu'il est peu probable qu'elle soit mise en pratique dans un avenir très proche, mais son importance de principe est incontestable. Jusqu'en 1905, il régnait dans les rangs de la social-démocratie allemande une attitude tout à fait négative envers la grève générale ; elle était considérée comme un slogan exclusivement anarchiste et donc comme une utopie réactionnaire et néfaste. Mais dès que le prolétariat allemand a vu dans la grève générale des ouvriers russes une nouvelle forme de lutte, utilisée non pas en opposition à la lutte politique, mais comme instrument de cette lutte, non pas comme un moyen miraculeux de faire un saut soudain dans l'ordre socialiste, mais comme un moyen de la lutte de classe pour conquérir les libertés les plus élémentaires dans le présent Etat de classes, il s'est empressé de changer radicalement son attitude à l'égard de la grève générale, en la reconnaissant comme applicable sous certaines conditions également en Allemagne. Camarades ! Je considère qu'il est nécessaire ici d'attirer votre attention sur le fait que, au grand honneur du prolétariat allemand, il n'a pas du tout modifié son attitude envers la question de la grève générale sur la base des impressions faites par des succès extérieurs de cette méthode de lutte, qui peuvent impressionner même les politiciens bourgeois. La résolution du parti d'Iéna a été adoptée plus d'un mois avant la première et, jusqu'à présent, seule grande victoire de la révolution, avant les mémorables journées d'octobre et les premières concessions constitutionnelles arrachées à l'absolutisme sous la forme du Manifeste du 17 octobre. En Russie, la lutte révolutionnaire n'a apporté que des blessures, mais le prolétariat allemand, avec son fidèle instinct de classe, a senti que derrière ces blessures extérieures se cachait une montée sans précédent de la force prolétarienne, un gage certain de la victoire future. Il n'en reste pas moins qu'avant même les succès extérieurs de la révolution de Russie, le prolétariat allemand s'est empressé de rendre hommage à son expérience en ajoutant à ses anciennes formes de lutte un nouveau mot d'ordre tactique, conçu non plus pour un mode d'action parlementaire, mais pour l'action directe des masses prolétariennes les plus larges.


Les événements ultérieurs en Russie - les journées d'octobre et de novembre et surtout le point culminant auquel la vague révolutionnaire s'était élevée en Russie - la crise de décembre à Moscou - se traduisirent en Allemagne par un enthousiasme encore plus grand et par une forte effervescence dans les rangs de la social-démocratie. En décembre et janvier, après les grandes manifestations en Autriche sur le suffrage universel, un débat animé s'engagea en Allemagne sur la question de savoir s'il n'était pas temps de procéder directement à l'application sous une forme ou une autre de la décision sur la grève générale dans le cadre de la lutte pour le suffrage universel dans les Landtags de Prusse, de Saxe et de Hambourg. La question fut résolue par la négative, l'idée d'appeler artificiellement à un grand mouvement de masse fut rejetée. Le 17 janvier 1906, cependant, la première expérience fut faite - une grève générale démonstrative d'une demi-journée à Hambourg, qui fut brillamment menée et qui, à son tour, augmenta la vigueur et la conscience de la force dans les rangs des masses ouvrières du plus grand centre de la social-démocratie allemande.


L'année suivante, 1906, n'a apporté à la révolution en Russie, en apparence, que des défaites. En Allemagne aussi, elle s'est terminée par une défaite apparente du parti social-démocrate. Vous savez que la social-démocratie allemande a perdu près de la moitié de ses circonscriptions électorales lors des élections du 25 janvier. Mais cette défaite parlementaire est elle aussi étroitement liée à la révolution russe. Pour celui qui connaît l'alternance des partis lors des dernières élections, il ne fait aucun doute que l'un des moments les plus importants qui ont déterminé l'issue de cette campagne a été la révolution russe. Il ne fait aucun doute que les impressions des événements révolutionnaires en Russie et la crainte qu'ils ont inspirée aux classes bourgeoises en Allemagne ont été l'un des facteurs qui ont uni et rassemblé toutes les couches et tous les partis de la société bourgeoise, à l'exception du centre, en un seul bloc réactionnaire sous un seul mot d'ordre : à bas la représentation de classe du prolétariat conscient, à bas la social-démocratie ! Jamais l'expression de Lassalle sur la bourgeoisie en tant que « masse unique et réactionnaire » ne s'est réalisée de manière aussi visible que lors de ces élections. En revanche, ce résultat des élections oblige le prolétariat allemand à tourner son regard avec une attention redoublée vers la lutte révolutionnaire de ses frères en Russie. Si l'on dresse en quelques mots le bilan politique et historique des dernières élections au Reichstag, on doit dire qu'après le 25 janvier et le 5 février 1907, l'Allemagne était le seul pays moderne où il n'y avait ni trace de libéralisme bourgeois, ni de démocratie bourgeoise au sens propre de ce mot : ils se sont définitivement et irrévocablement rangés du côté de la réaction dans la lutte contre le prolétariat révolutionnaire. C'est précisément la trahison du libéralisme qui nous a livrés, surtout lors des dernières élections, au pouvoir de la réaction Junker, et bien que les libéraux soient actuellement entrés en plus grand nombre au Reichstag, ils ne représentent maintenant que de tristes laquais de la réaction, masqués par une enseigne libérale.


Et c'est dans ce contexte qu'est apparue dans nos rangs une question qui vous préoccupe aussi, camarades russes, à un degré encore plus élevé. Pour autant que je sache, l'un des points de départ qui jouent le rôle principal dans la définition de la tactique des camarades russes est la conception selon laquelle le prolétariat en Russie se trouve devant une tâche très particulière, qui représente une certaine contradiction interne, à savoir la tâche de créer d'abord les premières conditions politiques de l'ordre bourgeois et de mener en même temps la lutte de classe contre la bourgeoisie. Cette situation semble fondamentalement différente de la situation du prolétariat chez nous en Allemagne et dans toute l'Europe occidentale.


Camarades ! Je pense qu'une telle conception est une façon purement formaliste de poser la question. Dans une certaine mesure, nous nous trouvons nous aussi dans une situation tout aussi difficile. Chez nous, en Allemagne, les dernières élections l'ont montré de manière éclatante - le prolétariat est forcément le seul combattant et le seul défenseur des formes démocratiques de l'État bourgeois.


Sans parler du fait que chez nous, en Allemagne, il n'y a pas de suffrage universel pour la majorité des parlements régionaux, que nous devons souffrir d'une foule de vestiges du féodalisme médiéval, oui, même les quelques libertés que nous possédons, comme le suffrage universel pour les élections au Reichstag, le droit de grève, de coalition et de réunion, ne sont pas vraiment garanties et sont soumises à des attaques constantes de la part de la réaction. Et dans toutes ces questions, le libéralisme bourgeois est un allié absolument peu fiable, dans tous ces cas, le prolétariat conscient est le seul soutien solide du développement démocratique en Allemagne.


Dans ce contexte, l'échec des dernières élections a remis à l'ordre du jour la question de notre relation avec la bourgeoisie libérale. Très peu de voix se sont élevées pour déplorer la disparition prématurée du libéralisme. Dans ce contexte, on nous a conseillé depuis la France de tenir compte dans notre tactique de la position faible du libéralisme bourgeois et de faire preuve d'indulgence envers ses restes, afin de l'utiliser comme allié dans la lutte contre la réaction et pour la défense des bases générales d'une évolution démocratique. Camarades ! Je peux constater que même ces voix qui se lamentent sur les résultats de l'évolution politique de l'Allemagne, que même ces conseils se sont heurtés à une résistance unanime et aiguë dans les rangs du prolétariat allemand conscient. (Applaudissements des bolcheviks et d'une partie du centre.) Je constate avec plaisir que, dans ce cas, ce n'est pas seulement une aile quelconque, mais le parti dans son ensemble qui a déclaré : « Nous pouvons déplorer les tristes résultats de l'évolution historique, mais nous ne devons pas nous écarter d'un iota de notre tactique prolétarienne de principe au nom du libéralisme.\fg{} Le prolétariat allemand conscient a tiré des conclusions inverses des dernières élections au Reichstag : Si le libéralisme bourgeois et la démocratie bourgeoise se révèlent si fragiles et chancelants qu'ils sont prêts à s'enfoncer dans l'abîme de la réaction à chaque geste plus énergique de la lutte de classe du prolétariat, il n'ont que ce qu'ils méritent ! (Applaudissements des bolcheviks et d'une partie du centre.) Sous l'influence du résultat des élections du 25 janvier, il est apparu clairement aux couches les plus larges du prolétariat allemand que, face à la décadence du libéralisme, le prolétariat devait renoncer à ses dernières illusions et à ses derniers espoirs d'être aidé dans la lutte contre la réaction et qu'il devait plus que jamais compter sur lui-même et sur lui seul dans la lutte pour ses intérêts de classe et dans la lutte contre les tentatives réactionnaires d'évolution démocratique. (Applaudissements des bolcheviks et d'une partie du centre.) A la lumière de ces mêmes élections, un aiguisement des antagonismes de classe comme on n'en avait jamais vu auparavant est apparu avec une vivacité sans précédent. Le développement interne de l'Allemagne avait atteint un degré de maturité que les plus grands optimistes n'auraient pu imaginer jusqu'alors. Les analyses de Marx sur l'évolution de la société bourgeoise ont trouvé une nouvelle fois la confirmation la plus évidente, plus bril\-lante que nous ne pouvions l'espérer. Mais en même temps, il est devenu clair pour tout le monde que cette évolution, cette aggravation des contradictions de classe, conduirait tôt ou tard, mais inévitablement, à une période de lutte politique violente en Allemagne également. Dans ce contexte, les questions relatives aux différentes formes et phases de la lutte des classes sont discutées avec un intérêt particulier.


C'est pourquoi le prolétariat allemand regarde maintenant avec une attention redoublée la lutte de ses frères de Russie, comme celle de ses combattants les plus avancés, comme l'avant-garde de la classe ouvrière internationale. Ma modeste expérience de la campagne électorale me permet de dire que dans tous les meetings électoraux - et j'ai dû intervenir dans des assemblées de 2000 à 3000 personnes - des voix s'élevaient du milieu des ouvriers eux-mêmes : «Parlez-nous de la révolution russe !» Et cela montre non seulement une sympathie naturelle, issue de la solidarité de classe instinctive avec les frères combattants, mais aussi la conscience que les intérêts de la révolution russe sont sa propre affaire. La chose la plus importante que le prolétariat allemand attend du prolétariat russe, c'est l'élargissement et l'enrichissement de la tactique prolétarienne, l'application des principes de la lutte des classes dans des conditions historiques entièrement nouvelles. En effet. La tactique social-démocrate que la classe ouvrière utilise actuellement en Allemagne et à laquelle nous devons nos victoires jusqu'à présent est principalement adaptée à la lutte parlementaire, elle est calculée dans le cadre du parlementarisme bourgeois. La social-démocratie russe est la première à avoir reçu la tâche difficile mais honorable d'appliquer les bases de la doctrine de Marx, non pas dans une période de fonctionnement parlementaire correct et calme de la vie étatique, mais dans une période révolutionnaire tumultueuse. Le seul cas où le socialisme scientifique a pu être appliqué à la politique pratique dans une période révolutionnaire a été l'activité de Marx lors de la révolution de 1848. Le déroulement même de la révolution de 48 ne peut cependant pas servir d'exemple pour la révolution actuelle en Russie. On ne peut en tirer qu'une seule leçon, à savoir comment ne pas se comporter dans une révolution. Les grandes lignes de cette révolution étaient les suivantes : Le prolétariat se bat avec son héroïsme habituel, mais ne sait pas tirer parti de ses victoires ; la bourgeoisie supplante le prolétariat pour s'approprier les fruits de sa lutte ; enfin, l'absolutisme laisse tomber la bourgeoisie pour écraser à la fois le prolétariat et la révolution. La constitution du prolétariat en classe à part entière était encore à l'état de germe. Certes, il y avait déjà le Manifeste communiste, cette grande charte de la lutte des classes. Certes, Karl Marx participait déjà à cette révolution en tant que combattant pratique. Mais c'est précisément en raison de la situation historique particulière qu'il a dû jouer le rôle non pas d'un militant socialiste, mais d'un démocrate bourgeois extrême, et la « Neue Rheinische Zeitung » n'était pas tant un organe de la lutte des classes que le poste le plus à gauche du camp révolutionnaire. Il est vrai qu'à l'époque, la démocratie bourgeoise dont le porte-parole idéologique était la « Neue Rheinische Zeitung » n'existait pas vraiment en Allemagne. Mais K. Marx a justement mené cette politique avec une cohérence de fer durant la première année de la révolution. Il ne fait aucun doute que cette politique consistait à soutenir par tous les moyens la lutte de la bourgeoisie contre l'absolutisme. En quoi consistait ce soutien ? En ce qu'il fustigeait impitoyablement, du début à la fin, toute l'ambiguïté et l'inconséquence, toute la faiblesse et la lâcheté de la politique bourgeoise (Applaudissements des bolcheviks et d'une partie du centre.) ; en ce qu'il soutenait et défendait, sans la moindre hésitation, toute action des masses ouvrières - non seulement l'action qui amena la première victoire temporaire, le 18 mars, mais aussi la mémorable prise de l'arsenal de Berlin le 19 juin, dont on prétendait alors, et plus tard encore dans les rangs bourgeois, avec tant d'obstination, qu'il s'agissait d'un piège tendu au prolétariat, et les insurrections de septembre, et l'insurrection d'octobre à Vienne, ces dernières tentatives des masses ouvrières pour sauver la révolution, qui s'effondrait à cause du vacillement et de la trahison de la bourgeoisie. Il a soutenu les mouvements nationaux de 1848, les considérant comme des alliés de la révolution. La politique de Marx a consisté à pousser constamment la bourgeoisie jusqu'à l'extrême limite de la situation révolutionnaire. Oui, Marx a soutenu la bourgeoisie dans sa lutte contre l'absolutisme, mais il l'a soutenue à coups de fouet et de pied. Marx considérait comme une erreur impardonnable le fait que le prolétariat, après sa première victoire à court terme le 18 mars, ait permis la formation du ministère bourgeois responsable Camphausen-Hansemann. Mais la bourgeoisie étant parvenue au pouvoir, Marx exigea d'elle, dès le premier moment, qu'elle réalise la dictature révolutionnaire. Il déclara catégoriquement dans la « Neue Rheinische Zeitung » que la période de transition après chaque révolution exigeait une dictature très énergique. Marx ne comprenait que trop bien l'impuissance de la « Douma » allemande - l'Assemblée nationale de Francfort - mais il n'y voyait pas une circonstance atténuante pour elle, mais, au contraire, lui indiquait la seule façon de sortir de cette situation d'impuissance, et cette façon, c'était de conquérir le pouvoir réel dans une lutte ouverte contre l'ancien pouvoir, en s'appuyant sur la masse révolutionnaire du peuple.


Mais, camarades, comment s'est terminée cette politique de Marx ? Un an plus tard, Marx devait quitter ce poste de démocrate bourgeois extrême - un poste complètement isolé et sans espoir - et passer à la politique de classe prolétarienne pure. Au printemps 1849, Marx et ceux qui partageaient ses idées quittèrent l'association démocratique bourgeoise avec la décision de se lancer dans la création d'une organisation ouvrière indépendante : Ils voulaient également participer au congrès ouvrier pan-allemand prévu, l'idée de convoquer un tel congrès étant venue des rangs du prolétariat de Prusse orientale. Mais lorsque Marx voulut changer de politique, la révolution vivait déjà ses derniers jours, et la « Neue Rheinische Zeitung » disparut, victime de la réaction triomphante, avant que Marx ait pu appliquer la nouvelle tactique purement prolétarienne.


Il est clair, camarades, que vous devez commencer actuellement en Russie non pas par ce que Marx a commencé, mais par ce avec quoi il a achevé sa politique en 1849 : une politique de classe indépendante et clairement définie du prolétariat. Aujourd'hui, le prolétariat en Russie n'est pas dans l'état de germe dans lequel il se trouvait en Allemagne en 1848, mais il constitue une force politique unie et consciente. Dans sa lutte actuelle, le prolétariat russe ne doit pas se sentir comme une armée isolée, mais comme une partie de l'armée mondiale internationale du prolétariat. Il ne doit pas oublier que sa lutte révolutionnaire actuelle n'est pas une escarmouche isolée, mais l'une des plus grandes batailles dans le déroulement global de la lutte de classe internationale. Il est également clair que si, chez nous en Allemagne, tôt ou tard, lorsque les conditions de classe seront suffisamment mûres, la lutte prolétarienne débouchera sur des affrontements de masse inévitables avec les classes dirigeantes, ce prolétariat allemand n'aura pas à appliquer l'expérience et l'exemple de la révolution bourgeoise de 1848, mais l'expérience du prolétariat de Russie dans la révolution actuelle. C'est pourquoi, camarades, vous avez des obligations envers le prolétariat international. Le prolétariat russe ne se montrera à la hauteur de ses tâches que si, dans les formes de sa lutte, dans la détermination, dans la conscience claire de son but, dans le déploiement de sa tactique, il prend en considération les résultats du développement international dans son ensemble, s'il tient compte du degré de maturité atteint par l'ensemble de la société capitaliste. Le prolétariat russe doit montrer par son action qu'entre 1848 et 1907, il s'est écoulé plus d'un demi-siècle de développement capitaliste et que, du point de vue de ce développement dans son ensemble, nous ne sommes pas au début de l'Etat bourgeois de classe, mais plutôt au début de sa fin. Il doit montrer que la révolution russe n'est pas tant le dernier acte de la série des révolutions bourgeoises du XIXe siècle que le signe avant-coureur de la nouvelle série des révolutions prolétariennes à venir, dans lesquelles le prolétariat conscient et son avant-garde, la social-démocratie, sont historiquement appelés à jouer le rôle de dirigeants. (Applaudissements.) Le prolétariat allemand attend de vous non seulement la victoire sur l'absolutisme, non seulement un nouveau point d'appui pour le mouvement de libération en Europe, mais aussi un élargissement et un approfondissement des perspectives de la tactique prolétarienne : il veut apprendre auprès de vous comment se présenter dans des périodes de lutte révolutionnaire ouverte.


Mais pour remplir son rôle avec succès, une condition importante est indispensable à la social-démocratie russe, et cette condition est l'unité du parti. Non pas une unité extérieure, purement mécanique, mais une unité et une force intérieures, qui doivent naturellement être le résultat d'une tactique claire et correcte, correspondant à l'unité intérieure de la lutte de classe du prolétariat. Vous pouvez apprendre par les propres paroles de la direction du parti allemand, et précisément par la lettre que je suis chargé de vous remettre, à quel point la social-démocratie allemande considère l'unité du parti russe comme une nécessité urgente. Après les salutations que j'ai transmises au début de mon discours et que le comité du parti envoie à tous les représentants de la social-démocratie russe, cette lettre proclame :


« La social-démocratie allemande a suivi avec enthousiasme la lutte des frères russes contre l'absolutisme ainsi que contre la ploutocratie qui veut se partager le pouvoir avec eux.


« La victoire aux élections à la Douma, obtenue malgré un système électoral mutilé, nous a remplis de joie. Elle a démontré la force spontanée et victorieuse du socialisme, que rien ne peut vaincre.


« Comme partout ailleurs, la bourgeoisie russe tente de faire la paix avec le gouvernement. Elle veut arrêter le mouvement victorieux du prolétariat russe. En Russie aussi, elle s'efforce de priver le peuple des fruits de sa lutte persévérante. C'est pourquoi la social-démocratie russe continue à jouer le rôle de dirigeant dans le mouvement de libération du peuple russe.


« L'unité et la cohésion de la social-démocratie russe sont une condition nécessaire pour mener efficacement la lutte de libération. Nous attendons des représentants de nos frères russes que les délibérations et les décisions de leur congrès répondent à nos espoirs et à nos attentes et réalisent l'unité et la cohésion de la social-démocratie russe.


« C'est dans cet esprit que nous envoyons nos salutations fraternelles à votre congrès.


Berlin, le 30 avril 1907

Le comité directeur du parti

Parti social-démocrate d'Allemagne

W. Pfannkuch