Des amis qui vous causent du tort

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Chère Raïssa Timofélevna,[1]

Il y a bien longtemps que je ne vous ai écrit, et une éternité aussi que je n'ai pas reçu de vos nouvelles. J'en conclus que l'opposition communiste de gauche en Autriche est dans un état comateux.

Je vous envoie le manuscrit d'une courte brochure, contre Urbahns. Il fait partie de ce genre d'amis qui peuvent nous causer plus de tort que nos ennemis. Il faut à tout prix l'amener à rompre avec cette politique des équivoques et des ambiguïtés.

Vous verrez que dans cette brochure j'exprime mon accord avec un article déjà ancien de Frey. Je suis convaincu que Frey a au correctement poser le problème de Thermidor avant beaucoup d'autres groupes étrangers. Il serait injuste de ne pas le souligner, indépendamment du fait que les relations avec lui sont très difficiles, ainsi que j'ai eu personnellement l'occasion de le constater récemment.

Il est à tous égards extrêmement urgent de diffuser cette brochure. Je serais très heureux que vous puissiez aider à la traduction, en vous chargeant ne serait-ce que des neuf dernières pages. J'ai envoyé une copie du texte à Madame Pfemfert[2] et à Landau pour que les trente-cinq premières pages soient traduites à Berlin. La partie qui vous reviendrait commence p. 36, par ces mots : "La défense de l'U.R.S.S. signifie-t-elle qu'on passe un compromis avec le centrisme ?" Si vous faites ce travail, envoyez le manuscrit de la traduction à Madame Pfemfert, à l'adresse suivante : […]

Si pour une raison quelconque vous n'aviez pas en ce moment la possibilité de le faire, faites le tout de suite savoir à la même adresse.

Ecrivez-moi, je vous prie, pour me donner des nouvelles d'Autriche,
et d'Isa[3] en particulier: son roman avec Brandler est-il terminé ? Ma prochaine brochure sera précisément écrite contre Brandler.

J'ai enfin achevé mon autobiographie ; je termine actuellement la relecture de la traduction allemande. Ce sera un livre de 600 pages environ, et cher par conséquent. Mais l'éditeur s'engage, lorsque que la première édition sera épuisée, à publier une édition "populaire".

En tout cas, ceci étant terminé, je peux passer à des problèmes plus intéressants et plus immédiats.

Ici, nous venons d'avoir de très fortes chaleurs, mais hier le temps a brusquement changé : froid, vent , pluie. Les gens du pays assurent cependant que le mois de septembre sera encore beau.

  1. Raïssa Timofeievna Epstein, épouse Adler (1873-1962), née à Moscou, avait fait des études à Vienne, épousé le psychanalyste Alfred Adler et était devenue une amie de Trotsky. En liaison avec Trotsky depuis le début de son exil, elle venait d'être exclue du P.C. autrichien.
  2. Sfera Chaja, dite Aleksandra Ilyichna Ramm, épouse Pfemfert (1883-1963), russe d'origine, avait épousé l'écrivain expressionniste allemand Franz Pfemfert. Elle traduisait Trotsky en allemand.
  3. Isa von Schwarzkoppen, épouse Strasser ( 1891-1970), qui avait fait partie du "vieux" parti communiste autrichien groupé autour de Ruth Fischer, était, elle aussi exclue du P.C. autrichien. Elle était la femme de Josef Strasser (*)