De nouvelles défections

De Marxists-fr
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Après la série de purges enragées qui a décimé le personnel soviétique à l’étranger, quatre agents importants du Kremlin ont décidé de ne pas rentrer : Ignace Reiss, Alexandre Barmine, Walter Krivitsky et enfin Fedor Boutenko. Si l’on prend en compte la préparation qu’il faut subir pour accéder à ses postes, la sélection, les contrôles et surtout le système des otages, il faut admettre que le pourcentage est très élevé. Il témoigne de la puissance des forces centrifuges qui déchirent la bureaucratie elle-même. Ce fait est encore mieux mis en lumière par l’étude des orientations politiques de ceux qui ont fait défection.

Ignace Reiss s’est immédiatement placé sous le drapeau des bolcheviks-léninistes. Cela indique clairement sa grandeur politique et morale. Seul un révolutionnaire authentique pouvait décider de franchir ce cap dans les conditions actuelles. Mais Reiss est tombé dès ses premiers pas, héros de la IVe Internationale. Il laissait une compagne et un fils qui lui étaient indissolublement attachés et restent fidèles à sa mémoire. Quand son fils sera assez grand pour relever l’étendard tombé des mains de son père, la IVe Internationale sera déjà une grande force historique.

Alexandre Barmine a quitté la bureaucratie sur sa gauche, mais n’a évidemment pas encore trouvé Savoie. Nous n’avons ni la possibilité ni le droit de le presser. Nous comprenons trop bien les difficultés et les responsabilités qu’un tel choix implique, après des années passées dans les casernes de la bureaucratie stalinienne. Espérons qu’il choisira la bonne voie !

Walter Krivitsky, si les premiers signes ne nous ont pas trompé, se dirige vers le camp de la démocratie bourgeoise. Nous ne voulons pas dire par là qu’il soit allé à droite de la bureaucratie stalinienne. Les rangs de l’appareil soviétique fourmillent de fonctionnaires à l’esprit bourgeois. Quand ils rejettent le manteau du stalinisme, ils ne font que dévoiler leur véritable nature politique. Si notre hypothèse sur Krivitsky se révèle fausse, nous serons les premiers à nous en réjouir.

Fedor Boutenko, lui, a sauté le pas jusqu’au fascisme. A-t-il eu à se renier beaucoup ? A lutter contre lui-même ? Nous ne le pensons pas. Une partie considérable – et qui prend de plus en plus d’importance – de l’appareil soviétique est formée de fascistes qui ne se sont pas encore reconnus comme tels. L’identification entre le régime soviétique dans son ensemble et le fascisme est une erreur historique à laquelle inclinent les dilettantes ultra-gauchistes qui ignorent ce qui différencie fondamentalement les bases sociales de ces deux régimes. Mais la symétrie des superstructures politiques, la similitude des méthodes totalitaires et des types psychologiques est frappante. Boutenko est un symptôme d’une très grande importance : il nous montre ce que sont à l’état naturel les carriéristes de l’école stalinienne.

S’il était possible de passer aux rayons X l’ensemble de l’appareil, nous y découvririons des bolcheviks qui se cachent, des révolutionnaires désemparés, mais honnêtes, des démocrates bourgeois et enfin des candidats au fascisme. On peut affirmer que, plus un groupe a un caractère réactionnaire, plus vite il se développe à l’intérieur de la bureaucratie.

L’énigme politique des procès de Moscou est que l’appareil qui a porté Staline au pouvoir ne veut plus continuer à le porter sur ses épaules. Les forces centrifuges à l’intérieur de la bureaucratie ne font que refléter à leur tour les profonds antagonismes de la société « sans classes » et la haine générale des masses pour la bureaucratie. La fraction de Staline elle-même est numériquement peu importante et composée de fieffées canailles comme Vychinsky et Ejov. Le bolchevisme tendait à créer un État sans bureaucratie, du « type de la Commune ». Staline a créé un État où la bureaucratie se dévore elle-même, « du type du G.P.U. ». C’est pourquoi l’agonie du stalinisme est le spectacle le plus affreux et le plus odieux de l’histoire de l’humanité !