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De nouveaux développements étranges
Le 28 février, j’émettais la suggestion que, après l’expérience des procès antérieurs, le procès actuel serait mieux préparé et mis en scène. Cette supposition s’est révélée sans fondement. Déjà de courtes dépêches attestent le fait que le procès actuel n’abonde pas moins que les précédents en contradictions et absurdités. Cela s’explique dans une large mesure par le fait que les organisateurs de l’imposture ne pouvaient commencer leur travail créateur sur une page blanche ; ils étaient obligés de ravauder des trous, de recoudre des déchirures dans le tissu, de concilier des contradictions, et, en même temps, de s’occuper d’inventer des sensations toujours plus grandes, en augmentant le nombre des victimes et les dimensions du crime dans l’espace.
1. Krestinsky déclare qu’il reçut de moi une lettre datée du 19 décembre 1936 – soit dix ans après que j’aie rompu toutes relations avec lui – dans laquelle je lui recommandais de créer « une vaste organisation militaire ». Cette prétendue lettre, qui soulignait obligeamment Y ampleur du complot, cherchait, de toute évidence, à justifier l’extermination des meilleurs officiers de l’Armée rouge, qui a commencé l’année dernière, mais qui est encore loin d’être achevée aujourd’hui. Bien entendu, Krestinsky « brûla » ma lettre, suivant l’exemple de Radek, et ne présenta au tribunal autre chose que ses souvenirs confus.
A cette époque, en décembre 1936, ma femme et moi étions internés par le gouvernement norvégien à la demande de Moscou et toute ma correspondance passait par les mains de la police norvégienne. Si l’on admet la possibilité que j’ai écrit mes « instructions » à l’encre sympathique, il reste encore la question de l’enveloppe et de l’adresse à laquelle elle fut envoyée. Tout le courrier, à l’arrivée et au départ, était enregistré à ce qu’on appelle le « bureau des passeports » à Oslo : une vérification judiciaire ne présenterait aucune difficulté.
Je veux ajouter que j’ai écrit à l’époque une lettre formelle à mon avocat norvégien Puntervold, lui demandant d’observer la plus grande prudence avec les visiteurs inconnus qui pourraient à l’avenir figurer dans de nouveaux procès comme des intermédiaires entre moi, mes avocats et les « terroristes » de Moscou. Tous les documents nécessaires là-dessus sont entre les mains de Mademoiselle Suzanne LaFoIlette, secrétaire de la commission d’enquête à New York.
2. Le même Krestinsky déclare que je lui ai prétendument écrit une autre lettre, du Mexique déjà, dans laquelle j’exprimais mon « indignation » devant le témoignage révélateur de Piatakov. Le but de cette prétendue lettre est clair : étayer par mon « indignation » le témoignage de Piatakov, discrédité sans espoir par son célèbre vol de Berlin à Oslo en décembre 1935, alors que, selon le témoignage des autorités officielles d’Oslo, aucun avion n’a atterri dans cette ville au cours de ce mois.
Une telle lettre aurait pu aider Vychinsky, mais pouvait-elle m’aider moi ? Le procès de Piatakov était déjà fini et Piatakov avait déjà été exécuté. Exprimer une indignation purement platonique dans une lettre conspirative qui devait franchir plusieurs frontières, aurait été le sommet de la folie, surtout si on prend en considération la personnalité de son destinataire. La conduite de Krestinsky au procès porte la marque d’un hystérique accompli. Si mon prétendu ami Piatakov m’a « trahi », on pouvait supposer avec une plus grande probabilité que Krestinsky me trahirait aussi. Quel sens y avait-il donc à envoyer une lettre à Krestinsky, sans profit pour moi, laquelle, si elle tombait aux mains du G.P.U., se révélerait une arme plus puissante contre moi que tous les aveux des accusés tous ensemble ? Mais cette lettre n’est tombée aux mains de personne. Elle a été, bien entendu, « brûlée » : dans la mesure où une lettre qui n’a pas été écrite peut être brûlée.
3. L’accusation assigne à Boukharine le plan d’assassinat de Lénine, Staline et Sverdlov en 1918, quand Boukharine et son groupe combattaient la signature du traité de Brest-Litovsk. Quiconque connaît ces hommes et leurs rapports comprendra sans difficulté toute l’absurdité de l’accusation. Boukharine était aussi attaché à Lénine qu’en enfant à sa mère. En ce qui concerne Staline, en 1918, il était un personnage tellement de second plan qu’il ne pouvait entrer dans la tête du « terroriste » le plus terrible l’idée de le choisir pour victime. Cette partie du procès avait pour tâche d’étendre au passé l’actuelle « grandeur » bureaucratique de Staline.
4. En relation avec l’accusation contre Boukharine, quelques membres de son groupe de 1918, Ossinsky, lakovleva, Mantsev, ont comparu comme témoins, c’est-à-dire accusés de demain. Mais les noms de deux personnes qui jouaient un rôle important dans le groupe des adversaires du traité de Brest-Litovsk sont absents, à savoir Kouibytchev et Iaroslavsky. Il est vrai que Kouibytchev, ancien chef du Gosplan, est maintenant présenté comme ayant été empoisonné par les médecins du Kremlin. Mais cela ne change pas la question. En 1918, ce même Kouibytchev cherchait évidemment, en tant qu’ami de Boukharine, à empoisonner Lénine, Staline, et Sverdlov. Quant à Iaroslavsky, non seulement il est vivant et en bonne santé, mais il participe activement à toutes les purges contre l’Opposition. Évidemment, c’est précisément pourquoi Iaroslavsky, le boukharinien de 1918, a été amnistié. Cela va-t-il durer longtemps? Si Iagoda lui-même, hier chef du G.P.U., est aujourd’hui au banc des accusés, personne ne peut répondre du destin d’Iaroslavsky. Que de basse bouffonnerie dans cette terrible tragédie !