Débat sur le cas Souvarine

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Compte Rendu Sommaire des Séances de l’Exécutif élargi

(12 Juin et 12-13 Juillet 1924)

PREMIÈRE SÉANCE (12 Juin 1924) […] au nom de la délégation française (Treint, Marrane, Tommasi ; Chasseigne étant absent), MARRANE lit la déclaration suivante :

La délégation française déclare que Souvarine ne représente nullement l’opinion du Parti français, qui s’est affirmé presque unanimement, lors du récent Conseil National, sur les thèses précédemment adoptées par le Comité Directeur.

Souvarine siège à l’Exécutif Elargi uniquement en qualité de membre du Présidium qui fut désigné par le IVe Congrès mondial.

Souvarine a commis, depuis quelques semaines, des actes répétés d’indiscipline contre son

Parti et contre l’Internationale.

Il a refusé de suivre, dans le Bulletin Communiste qu’il dirigeait, la ligne politique déterminée par le Comité Directeur du Parti.

Relevé de son poste après plusieurs rappels à l’ordre, il a lancé aux abonnés du Bulletin Communiste une circulaire dans laquelle il cherchait à discréditer la direction du Parti pour fonder de sa propre initiative une revue politique.

Il a refusé de transmettre à son successeur les matériaux nécessaires au bon fonctionnement du Bulletin Communiste et du service des éditions.

Il a déclaré dans une réunion de la Seine « qu’il y a quelque chose de pourri dans le Parti et dans l’Internationale et qu’il y faudra porter le fer rouge ».

Dans ces conditions et en attendant que le Ve Congrès mondial statue sur le cas Souvarine. la délégation française propose à l’Exécutif Elargi de décider que Souvarine, ne représentant en rien l’opinion de son Parti et ayant brisé à maintes reprises la discipline du Parti français et de l’Internationale, ne participera aux débats de l’Exécutif Elargi qu’avec voix consultative.

La délégation française ajoute que si la Direction du Parti s’est bornée jusqu’ici à prendre contre Souvarine des sanctions bénignes par rapport aux fautes qu’il a commises, c’est uniquement par déférence pour les instances internationales, Exécutif et Congrès, dont relève Souvarine en tant que membre du Présidium.

Passant outre à la volonté du Parti et foulant aux pieds la discipline, il a édité de son propre chef la brochure Le Cours Nouveau.

Il a fait précéder cette publication d’une préface tendancieuse «t susceptible de disqualifier la Direction actuelle aux yeux des membres du Parti.

Souvarine. — Pris à l’improviste, je demande qu’on m’accorde au moins une demi-heure pour réfuter ces accusations mensongères.

Radek. — La proposition contredit formellement les statuts.

Treint. — Je nie que la déclaration soit mensongère. Les mesures prises contre Souvarine ont été adoptées par la presque unanimité du Conseil National.

Zinoviev. — La proposition d’enlever à Souvarine sa voix délibérative est contraire aux statuts. Mais le présidium est d’avis que le cas de Souvarine (infraction à la discipline) soit examiné par une commission.

Remmelé. — Je suis contre l’avis de Zinoviev. Le Parti français a le droit de rappeler son représentant à l’Exécutif.

Radek. — Remmelé connaît mieux le règlement du Reichstag que les statuts de l’iInternationale. Les membres de l’Exécutif, élus par le congrès mondial, ne représentent pas leur propre parti. Le Parti français ne peut retirer à Souvarine sa voix délibérative. Mais la question a un côté politique. Le congrès commencera-t-il par la diffamation d’un camarade ? Souvarine a commis incontestablement des actes d’indiscipline sur lesquels le Parti français et l’Exécutif se sont déjà prononcés. On ne peut condamner deux fois pour les mêmes fautes.

Boukharine. — Si on propose une commission, nous accepterons cette procédure. Mais on ne petit retirer à Souvarine sa voix délibérative. L’Exécutif, corps élu par le congrès, ne représente pas des partis. Accepter la proposition française serait faire un pas en arrière.

SOUVARINE. — On me reproche des actes d’indiscipline et on exige que l’Exécutif élargi prenne des mesures comme jamais il n’en a encore pris. Il y a diverses sortes d’infractions à la discipline. Ce qui importe n’est pas l’infraction, mais son motif. Je mets en garde contre cette atmosphère de pogrom qu’on crée contre des camarades.

Il s’agit moins de mon indiscipline que d’obtenir l’unanimité ; celle-ci est devenue à la mode dans l’Internationale. Je ne veux pas détruire cette harmonie. Il est difficile d’exprimer ses opinions sans être aussitôt suspect. Je donnerai, en ce qui concerne les griefs portés contre moi, toutes les informations utiles à l’Internationale.

ZINOVIEV. — Souvarine, qui a toujours été le plus grand ennemi de lui-même, a profité singulièrement de l’occasion qui lui était donnée de faire une déclaration politique. Nous ne lui en voulons pas de quelques mots violents, mais plusieurs de ses paroles ont une allure anticommuniste. Des gens qui ont politiquement mal tourné en ont prononcé de pareilles. Est-ce si mal que l’unanimité règne dans un parti ? Afin de clore la discussion, je propose que le secrétariat forme une commission sur le cas Souvarine, qui conservera, par ailleurs, sa voix délibérative.

La délégation française accepte la manière de voir de Zinoviev