Concernant notre expulsion

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Cher camarade (Albert Glotzer), nous avons été très heureux de recevoir votre lettre, et d'entendre votre réaction contre notre expulsion, et votre souhait de recevoir plus d'informations et de conseils sur ce que nous devons faire. On a déjà reçu suffisamment de ces lettres pour voir clairement que la tentative de régler les questions de principe que nous avons soulevées par le simple expédient mécanique de notre expulsion du parti rencontre la résistance des ouvriers communistes du rang.

Votre déclaration selon laquelle notre expulsion vous a pris par surprise, et que les camarades à vos côtés veulent en savoir plus qu'ils ne peuvent en apprendre des communications officielles est également reprise dans d'autres lettres, et c’est tout naturel. Une autre lettre, envoyée aujourd'hui par un mineur de charbon communiste, dit : « Au début, j'ai été extrêmement surpris. Toute cette affaire m'a tellement frappé que je ne sais pas si je me trouve sur terre ou non. » Les gens qui jouent avec le mouvement prolétarien considèrent l'expulsion de combattants loyaux du parti comme une intelligente astuce, une solution rapide et facile à des questions gênantes. Les militants de base et les révolutionnaires sérieux qui ont construit le mouvement et l'ont fidèlement soutenu dans ses jours les plus durs adopteront un autre point de vue, dans une proportion exactement contraire, lorsqu'ils apprendront les faits, et comprendront les conséquences perturbatrices de cet acte criminel. Notre tâche principale est de faire connaître ces faits au parti, et nous nous efforcerons de le faire à tout prix.

La soudaineté avec laquelle toute la question a éclaté dans le parti était inévitable de notre point de vue. La majorité du comité politique nous a déclarés expulsés du parti pour nos position, sans même attendre le plénum du Comité central exécutif, avant que les membres du parti aient la moindre idée de la situation, et avant que nous ayons eu l'occasion de les informer. Leur objectif était de confronter les membres du parti à notre expulsion comme un fait accompli, puis de les terroriser pour qu'ils l'approuvent, avant qu’ils n’aient la moindre information à leur disposition.

Ils nous ont expulsés, comme ils ont déjà expulsé de nombreux bons communistes, afin de nous priver de la possibilité de parler au parti en tant que membres du parti. Ensuite, ils disent au parti qu'il n'a pas le droit de nous écouter, parce que nous ne sommes pas membres du parti. Une telle supercherie superficielle ne peut être fondée que sur le mépris le plus profond pour l'intelligence de la base du parti. Permettre à de telles méthodes de réussir reviendrait à donner la possibilité de se perpétuer à toute clique susceptible de prendre le contrôle de l'appareil, et à réduire le principe du centralisme démocratique à une fiction.

Grâce à une telle procédure, l’expulsion règle la question. Mais en l'absence de toute discussion préliminaire, le parti ne peut trancher la question sagement et de manière responsable que s'il sait pourquoi l'expulsion a eu lieu, et ce que les membres expulsés ont à dire. Un membre du parti qui n'exige pas ce droit, qui se tait ou qui vote pour approuver cet acte de perturbation bureaucratique, par peur de l'expulsion, n'agit pas comme un communiste honnête dont le vote signifie la compréhension et la conviction.

« Comment se fait-il que vous soyez devenu un partisan de l'Opposition russe et que vous insistiez si catégoriquement sur le droit de la défendre, même jusqu'à l'expulsion temporaire du parti ? » ; Telle est la question posée par de nombreux camarades, ainsi que par vous. « La question a cinq ans, Trotski est expulsé et les questions sont réglées - pourquoi la soulever à nouveau ? » ; Eh bien, il est vrai que la question est ancienne, mais elle n'est en aucun cas réglée, et ne peut pas être réglée actuellement. Telle est la réponse. Nous tardons à apprendre la vérité, nous tardons dans l'accomplissement de notre devoir international, mais ce n'est en aucun cas entièrement, ni même principalement, de notre faute. Il ne nous a été possible d'obtenir des informations adéquates, et de juger par nous-mêmes, que récemment.

Nous n'exigeons ni n'attendons de quiconque d'accepter notre point de vue sur nos opinions. Tout ce que nous demandons à ceux qui se sont tenus les plus proches de nous dans le passé, et aux larges cercles du parti qui sont agités d’un nouvel intérêt pour ces questions à cause de nos position et de notre expulsion, c'est qu'ils étudient la question honnêtement et objectivement, sur la base du matériel que nous vous fournirons. De l'étude honnête du matériel viendra la conviction, comme ce fut le cas avec nous. Nous ne doutons pas non plus qu’ils défendront ces convictions comme nous le faisons, quelles que soient les conséquences personnelles, car l’essence même de la question est l’importance étouffante des questions en jeu. La sagesse de notre action, en présentant une déclaration claire et directe de nos positions, a été remise en question ; mais il semble tout à fait clair que son exactitude a déjà été établie. Le parti avait besoin d'une sonnette d’alarme ; il fallait une action le réveillant de la stupeur où les intrigues factionnelles sur chaque petites questions l’avait plongé. Le parti a maintenant besoin de parler clairement avant tout. La stratégie, bien sûr, ne doit pas être exclue dans un tel combat, mais elle doit être strictement subordonnée à la tâche principale de dire la vérité et de stimuler les membres du parti pour qu’ils exigent la vérité. C'est le vrai devoir des dirigeants désormais. C'est de ce point de vue, à notre avis, que vous et les autres grands camarades devez décider de votre voie - du point de vue de vos responsabilités en tant que chefs du parti envers les camarades de rang qui ont confiance en vous, et se tournent vers vous pour obtenir des conseils.

Il est vrai que poser sur la table des questions fondamentales du bolchevisme qui ont émergées à l'échelle internationale sur une période de cinq ans fait des ravages, en éclairant les questions controversées de deuxième et dixième catégorie, et les groupe qui se préoccupe exclusivement de celles-ci. Le sort de l'opposition « loyale » à Lovestone et Pepper est en effet triste. Mais le sort de tous les groupes qui se fondent sur des questions purement locales ou nationales ne peut pas être différent lorsque des questions plus vastes sont soulevées.

Lors de la réunion de Chicago du DEC, la majorité a déjà demandé un « soutien unitaire » au CCE dans la lutte contre le « trotskysme ». Cela ne fait que confirmer ce que prédisions depuis le début. Le groupe qui veut combattre le « trotskysme » et, en même temps, veut combattre le groupe Lovestone-Pepper, qui possède déjà le copyright sur ce combat et en vit politiquement ; le groupe qui ne sait pas d'un jour à un autre où se situe le plus grand danger et où porter ses coups - démontrera naturellement et très rapidement sa faillite complète. Il n'y a pas de position d’équilibre. Son élimination de la scène découle inévitablement de toute la situation. Nous souhaitons dire quelques mots au sujet de l’attitude de ces camarades qui, sérieusement, et par leur propre connaissance et conviction, avancent la position de Trotski avant 1917 contre lui. Une telle attitude n'est nullement contraire à la nôtre. Nous savons que Trotski et Lénine avaient des différences dans la lutte prérévolutionnaire, et nous savons aussi que le bolchevisme a pris forme, et que la Comintern a été fondée, sur la base de la doctrine de Lénine, que Trotski a rejoint. Ne sait-on pas aussi que le Trotski de 1917 a combattu côte à côte avec Lénine ; et que même lorsque Trotski a différé d’avec lui par la suite, Lénine n'a jamais engagé de campagne contre lui, mais au contraire lui a conféré la plus grande confiance et l'a aidé à se placer aux postes les plus élevés ? À notre connaissance, il a pris la parole lors du quatrième congrès de la Comintern comme dirigeant exceptionnel (à côté de Lénine) et il a rédigé le rapport principal. Nous savons qu'il a eu moins de divergences avec Lénine après 1917 que n'importe lesquels des dirigeants, bien que les informations officielles actuelles essaient de cacher ce fait.

Nous n'avons pas le moindre doute, qu'après une étude de tous les documents concernant la période 1917-28 que nous avons pu obtenir, que « le trotskysme » ; comme tendance politique en conflit avec le léninisme, a été liquidée avant la révolution d'octobre. Les différends d'il y a vingt ans ne sont devenus le centre de la lutte contre Trotski ces dernières années que parce que ses opposants et diffamateurs ne sont pas en mesure de se dresser contre lui sur des bases solides dans les controverses actuelles. Quelle est la signification historique de l'action de Zinoviev et Kamenev d’unité avec Trotski en 1926, sinon une reconnaissance que la campagne contre le « trotskysme » de 1923-25 avait été factice ? Zinoviev, qui, plus que tout autre, nous a « éduqué » lors de cette campagne, l'avait pourtant dit tant de fois.

La lutte des cinq dernières années a tourné autour des problèmes brûlants de la période actuelle. Notre conviction absolue, basée sur l'étude la plus objective de tout le matériel que nous avons pu obtenir - et consolidé, face à nos préjugés précédents – est que sur toutes les questions fondamentales de notre époque, les questions autour desquelles toute la vie et l'avenir du mouvement communiste international tourne - Trotski a été le principal et le véritable défenseur du léninisme.

Concernant notre expulsion, et l'expulsion d’autres, qui est déjà en cours de préparation, il faut dire quelques mots. La grande importance et les conséquences illimitées de tels actes criminels, commis par le Comité politique, ne peuvent être surestimées, et aucune sorte de diplomatie ou d'expédients ne pourra minimiser une telle question. Elle apparaîtra inévitablement et freinera le parti à chaque tournant. L'expulsion, pour leurs seules opinions, de fidèles communistes, fondateurs du parti, avec des états de service honorables de quinze à vingt ans d'activité - contrairement aux louches activités de beaucoup de ceux qui nous ont expulsés - ne peut être cachée ou minimisée par aucune sorte de calomnie. Car nous sommes des révolutionnaires, qui lutterons pour notre droit d'appartenir au parti, et ne nous laisseront rien arracher. Le Comité Politique « tranche » la question en nous expulsant sommairement, mais elle se posera à nouveau immédiatement après la campagne électorale, lorsque d'autres exigeront notre réintégration, et seront également expulsés.

L'expulsion est un jeu dangereux, surtout dans un parti qui dispose de trop peu de forces du type de celles qui sont expulsées, des forces fidèles au parti et travaillant pour son avenir, qui ont contribué à la construction du parti et à l'établissement de son prestige parmi les travailleurs. À mesure que la lutte continue, et que notre matériel est mis à la disposition de plus en plus de membres du parti, le problème deviendra plus aigu. L'expulsion massive de combattants prolétariens, alors que les carriéristes et aventuriers petits-bourgeois sont attirés et poussés vers le centre - est la seule issue possible de la ligne d'expulsion initié par le Comité Politique.

Nous ne pensons pas qu'il soit possible à un camarade qui n'est pas d'accord avec une telle ligne, et qui en comprend les conséquences inévitables, d'apporter un soutien quelconque à notre expulsion. Dire qu'une protestation contre notre expulsion ne peut être faite que si l'on est d'accord avec les positions de l'opposition russe sur tous les points nous semble remettre la question à l'envers. Il serait plus juste de dire que l'expulsion ne peut être approuvée que si l'on est convaincu que ces positions sont erronées sur tous les points importants, et que nous sommes devenus des ennemis du parti, ce qu'aucun communiste formé ne croit.

Nous avons sûrement l'intention de conseiller une certaine ligne tactique à certains camarades du rang, pour éviter l'expulsion sans renier leurs principes. Mais les dirigeants sur lesquels le parti compte ont le devoir de parler clairement, et de dire au parti ce qu'ils pensent, même si ce n'est pas un soutien total à une position ou à l'autre. Qu'y a-t-il de mal à voter contre l'expulsion lorsque l’on ne connaît pas les faits et l’on n'a pas eu suffisamment l'occasion d'adopter une position définitive dans un sens ou dans l’autre ? Quel genre d'atmosphère règne au sein du parti, quelle forme de droits démocratiques existe-t-il lorsque les membres se sentent obligés de voter d'une manière ou d'une autre sans aucune connaissance réelle des débats ? Un soulèvement du parti contre tout ce système sera l'un des résultats les plus fructueux de notre combat.

Il faut s’attendre à ce que ceux qui nous ont privés de tous nos droits de défense officiels devant le parti hurlent maintenant à la mort parce que nous sommes obligés d’utiliser d’autres moyens pour faire connaître nos positions aux membres du parti. Ils pervertissent le grand principe léniniste de discipline basée sur une politique révolutionnaire correcte, en un instrument pour faire taire les membres loyal du parti et protéger leurs propres politiques opportunistes et leurs actes déloyaux de toute critique et études réelles. De telles machinations bureaucratiques n'ont rien de commun avec les principes d'organisation léninistes. Nous ne mériterions pas le nom de révolutionnaires si nous permettions à nos opinions d'être écartées par des méthodes aussi sophistiquées.

Seuls les misérables bureaucrates et philistins peuvent garder le silence sur leurs positions sur des questions de principe. Les révolutionnaires doivent être clairs. Les problèmes de l'opposition russe, et leurs liens indissolubles avec nos problèmes spécifiques, seront de toute façon discutés par le parti. Et il est de notre devoir de veiller à ce qu'il ne s'agisse pas d'une discussion unilatérale, ou plutôt d'une distorsion des questions mis sur la table, mais d'une présentation de celles-ci au parti telles qu'elles sont réellement. La régénération du parti et la reconstitution de sa direction sur une base communiste prolétarienne en découleront.