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Caïn-Djougachvili va jusqu’au bout
La bassesse de la dernière mise en scène judiciaire est éclipsée par sa stupidité. Staline croit toujours qu’il va réussir, avec un truc inventé par Iagoda et lui, à duper l’humanité tout entière. Toute l’idée du procès-spectacle, les plans politiques imaginaires des « conspirateurs », la distribution des rôles entre eux, tout cela est grossier et bas, même sous l’angle du faux judiciaire. De derrière le « grand » Staline, c’est le petit-bourgeois de Tbilissi, Caïn-Djougachvili, roublard médiocre et inculte qui considère l’humanité. Le mécanisme de la réaction l’a armé d’un pouvoir politique illimité. Personne n’ose le critiquer ni même lui donner un conseil. Ses collaborateurs, Ejov et Vychinsky, des nullités pourries jusqu’à la moelle, ne sont pas arrivés par hasard aux postes élevés qu’ils occupent dans le système du despotisme totalitaire et de la corruption. Les inculpés qui, dans leur majorité, dépassent leurs accusateurs de v plusieurs têtes, s’attribuent des projets et des idées qui relèveraient du génie d’un Kretchinsky contemporain et pourraient être inventés par une bande de gangsters. Entraînés par la logique de la capitulation et de la déchéance, écrasés moralement et physiquement, terrorisés par la peur au sujet du sort des leurs, hypnotisés par l’impasse politique où la réaction les a conduits, Boukharine, Rykov, Rakovsky, Krestinsky et les autres jouent les rôles horribles et pitoyables qui leur ont été assignés par les collaborateurs illettrés d’Ejov. En coulisse, Caïn-Djougachvili se frotte les mains et ricane lugubrement : quel beau truc n’a-t-il pas inventé là pour tromper le système solaire tout entier?
Mais Staline pourra-t-il continuer à ricaner derrière sa voilure? Un renversement imprévu ne va-t-il pas couper le vent dans ses voiles ? C’est vrai qu’il est retranché du monde par un mur d’ignorance et de servilité. C’est vrai qu’il est habitué à penser que l’opinion publique n’est rien et que le G.P.U. est tout. Mais les indices menaçants s’accumulent, visibles même par lui. Les Troianovsky, Maisky, Souritz – et les agents d’Ejov chargés de les surveiller – peuvent de moins en moins fréquemment rapporter de l’étranger au Kremlin des nouvelles réconfortantes. Les masses laborieuses du monde entier sont étreintes par une inquiétude grandissante. Les rats dits « amis », de plus en plus souvent et de plus en plus nombreux, quittent la navire en détresse. Les nuages internationaux grossissent. Le fascisme remporte victoire sur victoire et son meilleur allié, celui qui lui fraie la voie dans le monde entier, c’est le stalinisme. De terribles menaces de guerre frappent à toutes les portes de l’Union soviétique. Et pendant ce temps Staline détruit l’armée et foule le pays aux pieds. Caïn est obligé d’aller jusqu’au bout. Il a hâte de s’asperger les mains du sang de Boukharine et de Rykov. Il peut aujourd’hui encore se permettre ce luxe. Mais il peut de moins en moins goûter la « douceur » de la vengeance. Le vieux renard de Tbilissi, jeté par la vague historique trouble sur le trône de Thermidor, a de plus en plus de difficultés à rire. La haine s’accumule autour de lui, implacable, et une vengeance terrible est suspendue au-dessus de sa tête.
Un attentat? Il est possible que ce régime qui, sous prétexte de lutte contre le terrorisme, a exterminé toutes les meilleures têtes du pays, encourage finalement contre lui la terreur individuelle. On peut même dire plus : il serait contraire aux lois de l’Histoire que les gangsters au pouvoir ne suscitent pas contre eux-mêmes la vengeance de terroristes désespérés. Mais la IVe Internationale, le parti de la révolution mondiale, n’a rien à voir avec le désespoir, et la vengeance individuelle est trop bornée pour nous. Quelle satisfaction politique ou morale le meurtre de Caïn-Djougachvili apporterait-il au prolétariat, quand il peut être remplacé par n’importe quel autre « génie » bureaucratique ? Pour autant que le sort personnel de Staline nous intéresse, nous ne pouvons qu’espérer qu’il vivra assez longtemps pour voir s’écrouler son système. Il n’aura pas trop à attendre. Les travailleurs victorieux les sortiront, lui et ses gangsters, de sous les décombres de l’abomination totalitaire, et leur feront rendre compte des crimes qu’ils ont commis, devant un véritable tribunal. Au moment du jugement, la langue des hommes ne trouvera pas de mots à prononcer en faveur de la plus sinistre des histoires de Caïn. Les monuments qu’il s’est construits seront détruits ou mis dans les musées du gangstérisme totalitaire. Mais la classe ouvrière verra clair dans les procès, publics et secrets, et édifiera, sur les places de l’Union soviétique libérée, des monuments aux malheureuses victimes du système stalinien de bassesse et de déshonneur.