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Special pages :
Bloc, parti ou organisation de sympathisants ?
Auteur·e(s) | Andreu Nin |
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Écriture | janvier 1932 |
Dans le n° 72 de La Batalla le camarade Victor Colomé essaie de répondre à cette question, mais malheureusement son article nous laisse encore davantage dans le flou sur la nature de l'organisation. Il nous faut pourtant préciser ce point, non parce que nous serions ces "communistes pédants" qu’il prétend, mais en raison de sa grande importance pour la révolution prolétarienne. Nous suivrons ainsi l'exemple d'un autre "communiste pédant", Vladimir Illich Lénine, qui, bien que né trop tôt pour avoir profité de l'expérience importante qu’a eu en Catalogne le "large" (trop large !) BOC communiste, a su mettre sur pied un grand parti et renverser la bourgeoisie.
Le BOC, selon Colomé, est une organisation de sympathisants. Pourtant un "bloc" et une organisation de sympathisants sont deux choses différentes. Un "bloc" présuppose un pacte entre au moins deux forces politiques pour des objectifs spécifiques. C'était l'idée de départ de Maurín : former une alliance de la fédération communiste catalano-baléare (FCC-B), de "l'union paysanne" (avec Companys !) et des organisations ouvrières et coopératives qui soutenaient cette plateforme. Les membres de la FCC-B qui ont suivi la conférence de Tarrassa à l’automne 1930 ne l’ont pas nié. Le projet s'est effondré quand aucune des organisations visées ne rejoignit le BOC, qui fut en fait réduit à être une organisation de sympathisants. Colomé accepte qu’il en soit ainsi. Explique t-il pourquoi tant "d'opinions personnelles" continuent à s’élever à l'intérieur du Bloc, le rendant incapable de s’accorder sur une ligne politique ? Tandis que Colomé considère que le BOC est une organisation de sympathisants, La Batalla , son journal officiel, se réfère constamment à "notre parti" et parle de sa prise du pouvoir (où ça ? Dans la province de Lérida, son bastion ?), propose même dans des documents officiels l'unification de tous les communistes espagnols (et non les sympathisants) en les invitant à rejoindre simplement le BOC, qui est spécifiquement catalan.
Et malgré tout cela, Colomé nie toujours que le BOC encourage la confusion ! Laissons les chefs du BOC y voir clair dans ce fatras et pour notre part traitons seulement de la position de Colomé. Il demande que le FCC-B soit une organisation "de communistes chevronnés, capable d’agir de façon disciplinée et d’un tempérament combatif", et que le BOC soit une organisation de sympathisants encadrés. Ainsi est-on en contact avec les masses ; membres et sympathisants agissent "pour fixer le cap et conseiller sur les questions politique, syndicale et coopératives, et toutes les activités qui renforcent la conscience de classe et le militantisme des ouvriers".
Cette vision est diamétralement opposée aux principes d'organisation bolcheviques. Le camarade Colomé a-t-il oublié que la scission au sein de la social-démocratie russe lors du congrès de Londres en 1903 s’est faite suite à l’incompatibilité absolue des idées bloquistes de Martov et des futurs mencheviks, et celles de Lénine et des futurs bolcheviks ? Les mencheviks estimaient qu'un sympathisant qualifié pouvait être considéré comme membre du parti. Les bolcheviks ont rejeté cette conception opportuniste du parti, arguant du fait qu'il devrait constituer la minorité révolutionnaire.
Nous voyons les objections que fera Colomé : "Le BOC n'est pas un parti ! Les communistes purs, expérimentés, disciplinés etc.. sont les membres de la fédération." Cette objection ne vaut rien parce que le BOC agit comme un parti, et se présente publiquement en tant que tel, alors que la FCC-B joue un rôle de plus en plus secondaire, au point que son existence soit devenue nominale et son activité politique proche de zéro.
Colomé essaye de justifier l'existence du BOC en arguant du fait qu'il n'est pas possible de former un parti de masse. Il montre ainsi une totale incompréhension de la conception traditionnellement bolchevique du parti et de son rôle. Par parti "de masse" nous ne voulons pas dire une organisation qui inclurait la majorité des gens, mais une organisation capable de les emmener dans la lutte. Le parti russe bolchevique n'a pas eu plus de 240.000 membres à la veille de la révolution d'Octobre, pourtant il a mené la lutte victorieuse de millions d'ouvriers et de paysans. Cette minorité pouvait mener une majorité décisive d'opprimés, précisément parce qu'elle a lutté résolument contre le confusionnisme, a eu des principes idéologiques clairs et n'a fait aucune concession aux sympathisants et aux alliés. Le Parti communiste pouvait diriger tous les opprimés, en maintenant son identité de parti du prolétariat (pas des ouvriers et paysans - deux classes distinctes) qui émanciperait toutes les victimes du capitalisme. Faire autrement mène aux défaites catastrophiques comme ça s’est produit en Chine où le Parti communiste a subordonné le prolétariat au Kuomintang – un équivalent du BOC. Comme Lénine disait en 1913 : "il est absolument nécessaire que nous commencions par nous séparer et organisions le prolétariat. Ce n’est qu’après que nous pourrons inviter chacun à participer."
Ce que nous devons faire c’est construire un parti national avec des idées claires et une tactique adéquate qui s’organisera dans les usines et les organisations ouvrières, élargissant sa propagande aux paysans et son influence partout, entraînant les masses derrière elle. Les organisations comme le BOC ne peuvent que semer la confusion, rendant plus difficile l'idée d'un parti discipliné et combatif devant s’enraciner parmi les ouvriers. Ces organisations perpétuent l'idéologie petite-bourgeoise si profondément enracinée dans notre pays. Le BOC, de part sa composition sociale et son hétérogénéité, ne peut pas être un outil révolutionnaire, et tombera en morceaux au premier coup de la réaction. Le parti est une organisation de combattants, de soldats de la révolution. Ce ne peut pas être une organisation de sympathisants, qui ne veulent pas cotiser ou à peine, et qui pourraient abandonner au premier signe de danger.
Nous ne doutons pas de la sincérité communiste de certains des chefs du BOC, surtout des ouvriers qui sont dans ses rangs. Cependant, les principes mencheviks sur lesquels le BOC est fondé le mèneront inévitablement à l'opportunisme débridé, et ses dommages pour la cause communiste. Le fait que le BOC expulse systématiquement des communistes, comme ceux de l'Opposition de gauche et ceux du groupe d'Arlandis-Sesé, tandis qu'il inclut sympathisants d'Estat Català et de Nosaltres Tots , surréalistes et francs-maçons, doit ouvrir les yeux des militants honnêtes qui continuent à y voir une organisation communiste.
Le Bloque Obrero y Campesino a fait seulement ses premières pas. Il ne s'arrêtera pas là, mais suivra la route de l’opportuniste, poussée par l'afflux massif d’éléments petit-bourgeois. Avec des idées comme celles avancées par Colomé, le Bloc deviendra bientôt une extrême-gauche de la bourgeoisie, le successeur de Macià[1] sur sa gauche, et s’écroulera bruyamment, après une période de progrès rapide.
Article publié dans Comunismo n°8, janvier 1932.
- ↑ Francesc Macià (1859-1933), dirigeant du catalanisme de gauche : fonde Estat Català en 1922 puis Esquerra Republicana de Catalunya , qui gagne les élections municipales de 1931. Président de la Généralité (1931-1933).