Amendements à une résolution de Rykov sur la situation économique de l'URSS

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I. Disproportion entre l'industrie et l'agriculture et problèmes de la politique économique[modifier le wikicode]

Le problème fondamental et urgent, de la Nep consistait — après le rétablissement de l'intérêt du paysan envers le développement de son économie — à assurer le progrès des forces productives à la campagne et à résoudre, sur cette base, le problème du développement de l'industrie en liaison étroite avec l'agriculture. La nouvelle politique économique contenait en soi, d'après les formes quee cette liaison prenait, sur le marché, le mot d'ordre : « Apprenez à commercer » comme celui : « Réservez chaque sou disponible pour l'industrie ». Le Parti avait tracé, en même temps, un grand plan d'électrification.

Le problème de la liaison entre le prolétariat et la paysannerie a déterminé dans cette politique son contenu économique fondamental. Le système économique de l'Etat a pour but, sur la base de l'accroissement des forces productives, d'assurer l'équilibre dynamique entre l'industrie et l'agriculture parallèlement à la prépondérance croissante des éléments socialistes sur les éléments capitalistes.

Il est évident que cet équilibre pourrait être rompu dans deux cas principaux : si l'Etat, par sa politique fiscale, budgétaire, industrielle et commerciale ou autre, soutire de l'économie nationale, pour la transmettre à l'industrie, une somme disproportionnellement considérable des accumulations annuelles ou des ressources générales : il en résulte une avance excessive de l'industrie, son détachement de la base économique nationale, avant tout de la base agraire et un arrêt devant l'insuffisance de la capacité d'achat ; ou bien, au contraire, si l'Etat, au moyen des leviers dont il dispose, retire des ressources de l'économie et de ses accroissements annuels une part insuffisante, il en résulte que l'offre de produits industriels retarde sur la demande solvable. La liaison est rompue dans un cas comme dans l'autre. L'industrie qui force outre mesure son développement en imposant au paysan un fardeau au-dessus de ses forces affaiblit l'agriculture. Mais le paysan ne perd pas moins dans le cas où l'industrie ne peut suffisamment couvrir la réalisation de la récolte, menant ainsi aux « ciseaux », à l'écart entre les prix de gros et ceux de détail.

Le XIVe Congrès du Parti a décidé, comme directive cardinale, l'industrialisation du pays. Les moyens, méthodes et rythme de la réalisation de cette directive sont décisifs non seulement, pour notre progression ultérieure vers le socialisme, mais aussi pour la domination politique de la classe ouvrière dans l'Union Soviétique.

La contradiction capitale de notre situation économique actuelle, qui est en même temps celle des relations entre la ville et la campagne, consiste en ce que l'industrie d'Etat retarde sur le développement de l'agriculture. La production industrielle ne satisfait pas la demande solvable : cela entrave la réalisation de la partie marchande de la production agricole et son exportation, et restreint l'importation dans des limites très étroites, entrave l'élargissement de l'industrie et peut même conduire à l'augmentation de la disproportion fondamentale. Toutes les données confirment que notre industrie se trouvera, lors de la récolte de 1926, sans le moindre stock de marchandises ; cela pourrait signifier une répétition des difficultés actuelles, à une plus grande échelle. Dans ces conditions, une bonne récolte, c'est-à-dire une quantité potentiellement accrue de marchandises agricoles, peut devenir un facteur qui n'accélérerait pas le développement économique dans le sens du socialisme mais qui, au contraire, désorganiserait l'économie, rendrait plus tendues les relations entre la ville et la campagne, et, à la ville même, entre les consommateurs et l'Etat.

Pratiquement parlant, une bonne récolte — en l'absence de marchandises industrielles — peut signifier une utilisation croissante du blé pour la distillation clandestine de l'alcool et des queues plus longues devant les boutiques dans les villes. Politiquement, cela signifierait la lutte du paysan contre le monopole du commerce extérieur, c'est-à-dire contre l'industrie socialiste. Sous-estimer un tel danger pourrait avoir de graves conséquences, sinon dans un avenir proche, du moins dans le développement ultérieur des rapports des fadeurs économiques menant vers le maintien, ou vers l'abolition trop lente, de la disproportion entre l'industrie et l'agriculture. L'issue consiste à assurer une ligne essentielle correcte à la politique économique, réellement conforme à la politique d'industrialisation de notre économie fixée par le XIVe Congres.

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Les mécomptes économiques de la fin de l'année dernière et du commencement de l'année courante, qui ont suscité la réduction, entre autres, du programme d'importation et d'exportation, du développement industriel et des grandes constructions, ne peuvent être estimés exactement que par rapport à la ligne stratégique fondamentale de notre politique économique.

L'expérience des dernières années témoigne que nos programmes industriels ont été invariablement en retard sur la marche et les besoins du développement de l'économie et que, sous la pression directe du marché, ces programmes se remaniaient en cours d'exécution, souvent plusieurs fois dans la même année financière et presque toujours dans le sens de l'augmentation. Alors que régnait, par rapport à l'industrie, le mot d'ordre hérité de la période initiale de la Nep : « ne pas aller trop vite pour ne pas se détacher de l'économie rurale », l'industrie restait, de fait, invariablement en retard sur les ressources, demandes et possibilités réelles de l'économie ; cet état de choses exigeait de profondes transformations des programmes industriels.

Notre parti doit conclure, de l'étude de ces programmes, que leur vice fondamental réside dans l'évaluation insuffisante des possibilités générales du développement économique et, en premier lieu, de l'industrie d'Etat comme facteur dominant. Il suffit de rappeler que le niveau prévu pour 1930 a été atteint en 1925 dans deux branches importantes de l'industrie : transports et industrie métallurgique. Les vues trop restreintes dans les questions industrielles sont la cause principale de l'acuité exceptionnelle de l'actuelle famine de marchandises.

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La résolution du XIVe Congrès, donnant au Parti des directives fermes d'industrialisation, a indiqué en même temps les limites que l'industrie ne pourra ni ne devra dépasser à tel ou tel moment. Elle indique ces limites, à savoir : la capacité réelle du marché et les moyens financiers de l'Etat. Tout en limitant, à des moments donnés, le développement industriel, ces deux facteurs ne sont naturellement pas des grandeurs invariables ou indépendantes de notre politique. Il est évident que les ressources financières de l'Etat se déterminent par la totalité des mesures administratives, fiscales, budgétaires, productrices et commerciales à l'aide desquelles s'effectue la répartition des accumulations de l'économie entre l'économie d'Etat et l'économie privée. Une situation comme celle d'un pays en état permanent de famine industrielle et commerciale est une preuve évidente et incontestable du fait que la répartition des ressources et accumulations de l'économie entre l'industrie d'Etat et le reste de l'économie n'a non seulement pas atteint la proportion nécessaire, mais qu'elle menace, surtout en période de bonne récolte, de s'en éloigner encore davantage.

Si dans la seconde moitié de l'année passée les programmes de l'industrie et de l'importation ont été peu conformes aux disponibilités du Trésor, ce fait, qui a nécessité l'introduction de correctifs correspondants, n'est nullement en faveur du ralentissement du rythme de développement industriel ; il exige, au contraire, des mesures de politique économique grâce auxquelles les subsides de l'Etat à l'industrie seraient une part des ressources nationales, et spécialement de leur accumulation annuelle, plus importante que jusqu'ici. En d'autres termes, les calculs erronés en vue de l'importation et de l'exportation et du programme industriel étaient le reflet et le résultat épisodique de prévisions trop modestes sur les possibilités et buts de l'industrie d'Etat, nuisibles également à l'industrie et à l'agriculture. Les paysans perdent au profit du capital privé, grâce à la famine de marchandises et, en particulier, aux prix de détail, des sommes incomparablement plus fortes qu'ils ne gagnent par la diminution de l'impôt agricole.

Les difficultés économiques fondamentales proviennent, par conséquent, du fait que le volume de l'industrie est trop petit tant par rapport à l'agriculture (besoins personnels et productifs des paysans) que par rapport à l'accroissement des besoins de la classe ouvrière. Cette disproportion doit être abolie non en ralentissant la croissance de l'agriculture ou celle des besoins de la classe ouvrière, mais en donnant au développement industriel un rythme permettant, en un nombre relativement restreint d'années, de supprimer cette disproportion.

Un tel besoin est d'autant plus impératif que l'industrie — dans son état actuel — ne peut nen plus résoudre d'autres problèmes vitaux, en premier lieu ceux de la production des moyens do production pour l'industrie elle-même, du développement des transports et de la défense du pays.

En conséquence, le Comité central charge le Bureau politique :

d'élaborer un programme concret de développement industriel et de nouvelles constructions industrielles pour la prochaine période économique (5-8 ans) en relation étroite avec les perspectives d'accroissement de l'agriculture ;

d'élaborer des directives pour les programmes et plans de l'année 1926-27 garantissant les possibilités de réaliser, en 1926-27 même, un progrès considérable vers la liquidation des disproportions intérieures de notre économie.

Le plan de perspective doit prendre comme base l'hypothèse pratique d'une liquidation de la disproportion fondamentale dans une période par exemple de 5 années (ou autre échéance), afin qu'on puisse fixer, conditionnellement, à l'année 1931 l'équilibre relatif entre la demande et l'offre de produits industriels dans des conditions d'une politique invariable de baisse des prix. Un tel programme, sans naturellement prétendre être exact et définitif, serait néanmoins la boussole de toute notre politique économique.

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Dans ces buts, les programmes et plans pour l'année 1926-27 doivent découler des considérations suivantes :

  1. L'impôt agricole, dont la paysannerie riche devra porter la charge principale, doit, être un des leviers les plus importants dans la répartition plus adéquate des accumulations de l'économie ; en conséquence, l'augmentation de l'impôt agricole doit correspondre à la croissance réelle de l'agriculture et à sa différentiation intérieure sous l'angle de la garantie financière nécessaire à la conception directrice de l'industrie.
  2. Ne pas permettre la hausse des prix de détail ; au contraire, lutter par tous les moyens pour leur baisse ; quant aux prix de gros, avoir une politique plus souple et plus spécialisée pour les différentes branches industrielles de façon à ce qu'une part des bénéfices plus grande que jusqu'ici aille à l'Etat et aux Coopératives.
  3. Le budget de 1926-27 doit être élaboré de manière qu'une somme suffisamment importante soit, attribuée à l'industrie en sus des fonds qui ne sont réellement que la redistribution des moyens de l'industrie elle-même par l'intermédiaire du budget. Le surplus net en faveur de l'industrie ne doit, en aucun cas, être au-dessous de 150 à 200 millions ; tous les efforts doivent tendre vers une augmentation de ce surplus.

    Cela peut être réalisé par une compression sévère ou, tout au moins, par un refus d'accroître à l'avenir les dépenses non productrices, sans oublier que nous ne sommes pas sortis de l'époque d'accumulation socialiste primitive.
  4. Il est nécessaire de réviser la question de l'eau-de-vie (vodka), en nous basant sur l'expérience acquise prouvant que la vente de la vodka par l'Etat joue un rôle très insignifiant dans le courant des ressources que le village donne à la grosse industrie (tel était le but visé), mais en revanche fait un trou sérieux dans le salaire de l'ouvrier.
  5. La possibilité d'un élargissement sensible du crédit à long terme pour les nouvelles constructions industrielles devra être assurée dès 1926-27. Au fonds de crédit à long terme doivent être remis :
    1. 25 % au moins des défalcations d'amortissement ;
    2. 50 % des capitaux de réserve en libérant l'industrie de l'obligation de placer ces capitaux en emprunts obligataires d'Etat ;
    3. 10 % du bénéfice net ;
    4. 50 % des recettes de la vente des fonds non-liquides.
  6. Il faut établir un système de défalcations d'amortissement de façon à ce que l'industrie, puiisse automatiquement avoir la possibilité de garder sa puissance productrice au niveau atteint, employant toutes les ressources supplémentaires à son élargissement ultérieur.
  7. Le plan d'exportation et d'importation pour 1926-27 doit être élaboré de façon à assurer l'accroissement de la puissance productrice de l'industrie et un rééquipement technique important, ceci comprenant aussi la construction de nouvelles usines.
  8. Toute la politique économique doit être établie de façon à assurer dans l'année 1926-27 la réalisation du programme de constructions capitales pour une somme de 1 milliard de roubles, contre 820 millions en 1925-26 (c'est-à-dire en augmentation d'au moins 20 %).
  9. Les ressources de la Banque Industrielle doivent être renforcées afin d'affermir la réserve industrielle centrale assurant le développement régulier du roulement de l'industrie.
  10. Elaborer et préparer pratiquement dès aujourd'hui un système de mesures capables de réaliser la prochaine récolte, — en premier lieu par l'importation supplémentaire de matières premières (coton, laine, caoutchouc, cuir, métaux) afin d'augmenter les ressources en marchandises destinées en automne aux paysans, en deuxième lieu par la préparation d'une intervention pouvant devenir inévitable sur le marché, fondée sur le principe d'un crédit à l'étranger répondant à notre chiffre d'affaires à l'intérieur du pays et strictement correspondant aux intérêts et possibilités de l'industrie d'Etat.
  11. Assurer à un rythme aussi énergique que possible l'exécution du plan d'électrification du pays.

II. La question du rythme[modifier le wikicode]

L'expropriation des classes non productives (aristocratie, bourgeoisie, clergé et bureaucratie privilégiée), la nationalisation du sol, l'annulation des rentes, la concentration des dettes de l'industrie, des transports et de tout le système de crédit dans les mains de l'Etat ont assuré, comme l'expérience des années écoulées l'a incontestablement prouvé, une prépondérance indubitable des éléments socialistes sur les éléments capitalistes dans notre économie.

Mais ce sont précisément les plus grands succès de notre économie, s'introduisant de plus en plus dans la chaîne du marché mondial, qui mettent les succès futurs et, en première ligne, le rythme de notre industrialisation, sous le contrôle relatif de l'économie capitaliste mondiale. Il serait radicalement faux de croire que le socialisme pourrait, dans un encerclement capitaliste, progresser à un rythme arbitraire. L'avance vers le socialisme ne serait assurée que si la distance séparant notre industrie de l'industrie capitaliste perfectionnée — la masse de production, son prix de revient, sa qualité — diminue de façon palpable, évidente, au lieu d'augmenter. Ce n'est qu'à cette condition seulement que nos forces armées recevront la base technique capable de protéger le développement socialiste du pays.

III. Le rôle directeur de l'industrie, et l'agriculture[modifier le wikicode]

La résolution du XIVe Congrès indique clairement et catégoriquement le rôle directeur de l'industrie d'Etat dans l'économie générale. Le devoir du Parti est de saisir clairement toute la signification de cette directive et d'en tirer les conclusions pratiques. Le développement de l'agriculture en période d'attardement de l'industrie d'Etat sous le monopole du commerce extérieur se heurte inévitablement à des difficultés insurmontables. Le rôle directeur de l'industrie d'Etat consiste précisément en ce que son développement futur est le facteur principal aussi bien du relèvement général de l'agriculture que de la réorganisation de ses formes techniques et sociales. Le développement de l'industrie textile est un levier puissant de relèvement des régions cotonnières, une condition préalable à l'industrialisation graduelle et à la socialisation de l'industrie cotonnière. De même l'industrie du sucre a une grande importance pour la culture de la betterave, celle du drap pour l'élevage du mouton, celle du lissage de lin pour la culture du lin, celle des conserves pour la culture maraîchère, l'élevage des bestiaux, la pêche et, enfin, l'industrie tout entière pour l'agriculture tout entière qui fournit non seulement des matières premières à l'industrie mais aussi les produits alimentaires aux ouvriers et employés industriels.

D'autre part, dans la mesure où l'agriculture s'est rapprochée du niveau d'avant-guerre sur les vieilles bases de technique primitive, un relèvement sérieux ultérieur de l'économie rurale n'est possible que par une industrialisation graduelle, c'est-à-dire par un développement puissant de la fabrication de machines agricoles, d'engrais artificiels, de l'électrification, etc. L'aide la plus efficace de. l'Etat à l'économie paysanne peut prendre la forme d'un écoulement considérable d'instruments agricoles nécessaires produits par l'industrie d'Etat à des conditions avantageuses de crédit, ce qui suppose, à son tour, un développement puissant de la fabrication de machines agricoles en étroite liaison avec les particularités des principales régions.

IV. Le plan : Ses nouvelles tâches et méthodes[modifier le wikicode]

L'importance du plan s'est manifestée aussi bien dans les plus grands succès de notre édification économique que dans ses échecs et ses erreurs. Ce serait une faute grossière que de considérer ces dernières comme un argument contre le principe du plan. Au contraire, la possibilité même de les découvrir à temps et de les corriger tant soit peu est obtenue par le système centralisé de la gestion économique, inconcevable sans évaluation d'ensemble de ses facteurs fondamentaux, tant administratifs que concernant le marché.

La croissance de notre économie exige non seulement un renforcement général du principe de plan, mais suscite sur ce terrain de nouveaux problèmes d'ordre qualitatif. Jusqu'ici, l'élaboration de plans consistait surtout en tentatives de prévoir le mouvement des éléments économiques essentiels pour l'année suivante, et de les accorder par différentes manœuvres, conformément aux fonctions définies dans la résolution du XIIe Congrès. Une telle élaboration de plans de manœuvres, dans les limites d'opérations courantes, pouvait être suffisante dans la période dite de restauration, quand l'industrie se développait sur les bases techniques héritées du passé. Aujourd'hui que cette période est dépassée, la nécessité de renouveler et d'élargir le capital fondamental de l'industrie et des transports place devant le Parti et l'Etat, parallèlement aux anciens problèmes, d'autres tout nouveaux dans l'ordre de la direction selon un plan.

Si, jusqu'à ces derniers temps, l'industrie disposant de réserves considérables d'outillage neuf avait pu, grâce aux exigences du marché, élever rapidement sa production au-dessus des évaluations des plans, ses possibilités dans cette direction seront déterminées désormais par les dépenses capitales que l'industrie pourra faire annuellement. Les dimensions et l'emploi de ces dépenses devront être systématisés aussi strictement et, sérieusement que possible par l'Etat. L'érection de nouvelles usines, la construction de stations génératrices, de chemins de fer, l'amélioration de vastes régions, l'éducation, d'une main-d'œuvre qualifiée de toutes catégories, la liaison entre cette nouvelle édification et l'économie actuelle ainsi qu'avec les plans économiques en général, — tout cela ne peut être réalisé en une seule année. Il s'agit de projeter bâtiments et travaux très importants, calculés pour nombre d'années et dont les conséquences économiques se feront sentir longtemps. Le plan annuel doit être partie intégrante du plan d'orientation quinquennal. D'une part, ce plan annuel doit, pour sa part, réaliser les tâches indiquées dans le plan quinquennal ; d'autre part, ce dernier doit être annuellement rectifié selon les changements introduits dans le plan d'opérations en cours.

Il est évident que les plans de longue haleine, tenant à nature même de l'économie socialiste, ne peuvent être établis comme une évaluation préliminaire achevée de la dynamique de tous les éléments de l'économie durant cinq à dix ans. La question est de poser des problèmes pratiques et de leur donner une concordance créatrice en période de projet comme en voie de réalisation pratique.

La solution correcte de tels problèmes ne peut être obtenue que si l'on se rend compte de la puissance de l'industrie moderne, de ses forces renouvelées, que si l'on abolit le lésinage et la routine dans les questions éconmiqies, que si l'on assimile réellement les directives fondamentales du XIVe Congrès sur l'industrialisation.

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Le système actuel des plans doit être radicalement modifié en vue de les simplifier et de concentrer l'attention des organes économiques supérieurs, en premier lieu du Plan d'Etat (Gosplan) sur les grands projets. En conséquence :

  1. Il faut placer, au centre de travail du plan, un développement rationnel des éléments fondamentaux de l'édification économique, en particulier des constructions nouvelles en accord avec les problèmes et les possibilités accrues de l'Etat.
  2. Renoncer au contrôle méticuleux, par les organes supérieurs, des besognes techniques des organes inférieurs afin de concentrer l'attention des premiers sur des problèmes de plus haute portée, en laissant aux derniers une plus grande responsabilité dans leur travail.
  3. Diminuer considérablement la minutie des plans par rapport au programme d'exploitation, en concen trant ce travail et la responsabilité qu'il implique dans les organes d'exécution et en ne laissant aux organes supérieurs que la liaison des plans entre eux et la progression de l'économie générale.

Ce n'est que par une simplification radicale des méthodes de planification que l'on pourra perfectionner les plans établis, leur réalisation, et concentrer effectivement les organes directeurs dans le travail essentiel d'élaboration de grands projets économiques et d'édification socialiste.

V. Les salaires[modifier le wikicode]

Les difficultés économiques ne permettent pas actuellement d'entreprendre une augmentation marquée des salaires. Reconnaissant que le niveau des salaires est insuffisant, le Parti doit s'assigner les tâches suivantes :

  1. ne pas admettre, dans l'avenir proche, la diminution du salaire réel ;
  2. créer les conditions matérielles d'une augmentation ultérieure des salaires, c'est-à-dire ;
    1. un accroissement suffisant du volume de l'industrie en 1926-27 afin que le salaire en monnaie ait une garantie suffisante de marchandises (40 à 45 % du budget de l'ouvrier étant couverts par les produits industriels) ;
    2. un rééquipement technique opiniâtre et systématique de l'industrie, seul à même d'assurer un accroissement systématique et ininterrompu du niveau de vie de l'ouvrier.

Appendice. La question des réserves[modifier le wikicode]

(A titre non d'amendement, mais de document annexe)

La question des réserves doit être considérée plus concrètement qu'elle ne l'a été jusqu'ici. Du point de vue de la destination des réserves, on peut fixer les catégories suivantes :

  1. Les réserves d'assurances, dans le sens large du mot, dont la nécessité est conditionnée par l'énorme importance, dans l'ensemble de notre économie, de la production agricole et par sa dépendance de phénomènes naturels. Ce sont, en premier lieu :
    1. Les réserves en blé ;
    2. dans la mesure où notre exportation est surtout déterminée par l'instabilité de la production agricole, les réserves-devises garantissant nos droits sur la production mondiale.
  2. Les réserves productrices de notre économie, pour le cas où telle ou telle branche industrielle nécessiterait un développement urgent en vue duquel il serait impossible de trouver les ressources dans l'année en cours ; s'y rattachent les réserves de matières premières, d'outillage, etc.
  3. Les réserves de manœuvre, qui ne sont pas des réserves proprement dites, indiquant seulement que nous laissons, dans nos plans, des marges à remplir éventuellement selon des circonstances imprévues lors de l'élaboration du plan. La question des réserves de manœuvre ne dépend donc que du degré de rigidité de nos plans.

Il est nécessaire, en outre, d'indiquer une forme fausse de réserves. Ce sont celles qu'on appelle les réserves monétaires pour opérations à l'intérieur du pays. Cette question ne se réduit pas à un aspect étroitement technique d'accumulation de réserves de monnaie-papier, elle signifie alors une politique de circulation monétaire grâce à laquelle, nous augmentons, à des périodes déterminées, la capacité d'achat et le cours de notre rouble pour pouvoir, à un autre moment, par une politique fiduciaire plus libérale, l'abaisser de nouveau à son niveau primitif. Si nous sommes — et cela n'est pas contestable — sur le terrain d'une monnaie stable, il est inadmissible de faire usage à titre de réserve de la hausse de notre monnaie au moyen d'une baisse ultérieure. Le système de la monnaie stable signifie que notre politique monétaire ne doit admettre aucune baisse. Et cela implique qu'il ne peut être question, dans ce cas, de réserves.

Concrètement, prenant en considération la situation économique actuelle :

  1. La réserve de blé qui n'est, en grande partie, que la compensation des réserves dépensées l'année précédente à récolte mauvaise, se fait chez les paysans. Ceci explique pour une bonne part les prix élevés du blé. Mais c'est aussi un obstacle à la concentration de ces réserves dans les mains de l'Etat. Etant donnée la situation désavantageuse de notre exportation de blé (le Sud-Est seul maintient encore les prix à un niveau correspondant approximativement aux prix mondiaux), le problème d'approvisionnement en blé pour constituer les réserves d'Etat a haussé davantage encore les prix et affaibli notre exportation, c'est-à-dire nos ressources monétaires. Ce problème ne peut donc être soulevé que l'année prochaine en cas de récolte satisfaisante.
  2. La réserve de devises étrangères, aussi désirable qu'elle soit, ne peut aussi — vu l'épuisement de notre fonds de devises — être envisagée durant l'année en cours. Elle serait peut être partiellement réalfsable, mais à condition de forcer notre exporta tion.
  3. Réserves productrices : vu la famine de marchandises qui sévit et la faiblesse de nos ressources pour le renforcement de l'industrie, deux lignes de conduite — celle du rétrécissement de l'industrie afin de pouvoir créer des réserves, aussi bien que celle de dépenses supplémentaires afin d'obtenir des réserves complémentaires — seraient également fausses. La question ne pourrait être posée que s'il y avait diminution de la demande sur le marché : nous pourrions alors, au lieu de travailler pour la consommation, travailler pour les réserves. La seule chose dont on puisse parler — c'est d'une certaine rationalisation de la production (renouvellement des outils et machines) grâce à quoi une quantité relative des provisions de matières premières, de combustible, etc., nécessaires à la marche régulière de la production serait réduite et pourrait, par conséquent, servir à former un fonds de réserve.
  4. Réserves de manœuvre : le degré de rigidité de nos plans ne peut d'aucune façon être considéré comme exagéré, et toute pression dans ce sens signifierait généralement la minimalisation de nos plans, surtout dans le domaine de l'industrie — ce qui, dans la situation actuelle, serait une tendance nuisible.

En général, la question des réserves est étroitement liée à celle de l'accumulation dans notre économie en général et dans ses différentes branches en particulier. Leur augmentation n'est concrètement possible qu'à la condition do renforcer l'accumulation ce qui exige, répétons-le, un niveau plus élevé de la technique de production. Ainsi, le problème fondamental actuel consiste à créer les conditions préliminaires à la création des réserves. Ceci ne signifie pas, naturellement, qu'il y faut surseoir pour une période indéterminée. En particulier, dans la mesure où l'agriculture possède, à l'heure actuelle, ua excédent relatif, l'accumulation de réserves devient, dans ce cas, possible dans un avenir proche, particulièrement l'année prochaine. Les réserves de ce genre sont, du reste, les plus importantes, car elles nous garantissent contre des circonstances indépendantes de notre volonté. L'accumulation de réserves de blé et de devises dans les proportions nécessaires et dans des conditions tant soit peu favorables sera une des tâches essentielles de l'année prochaine.

12 avril 1926. L. Trotski.