Catégorie | Modèle | Formulaire |
---|---|---|
Text | Text | Text |
Author | Author | Author |
Collection | Collection | Collection |
Keywords | Keywords | Keywords |
Subpage | Subpage | Subpage |
Modèle | Formulaire |
---|---|
BrowseTexts | BrowseTexts |
BrowseAuthors | BrowseAuthors |
BrowseLetters | BrowseLetters |
Template:GalleryAuthorsPreviewSmall
Special pages :
Éléments de bonapartisme
Auteur·e(s) | Léon Trotski |
---|---|
Écriture | 15 août 1917 |
Source : « L’année 1917 », Petite collection Maspéro, 1976. Traduction de seconde main via l’anglais.
Votre petit commerçant est un homme à l’esprit posé ; il a par-dessus tout horreur de « prendre des risques ». Mais il a en même temps une imagination fertile : tout petit commençant rêve de devenir un Rothschild. Ce mélange de sobriété anémique et d’imagination vainement turbulente est l’essence même de la politique petite-bourgeoise. Il serait faux de penser, a écrit Marx, que les représentants de la petite bourgeoisie sont immanquablement des boutiquiers. Loin de là : par leur niveau mental, ils sont de loin supérieurs au pitoyable philistin. Pourtant, « Ce qui en fait les représentants de la petite bourgeoisie, c'est que leur cerveau ne peut dépasser les limites que le petit bourgeois ne dépasse pas lui-même dans sa vie, et que, par conséquent, ils sont théoriquement poussés aux mêmes problèmes et aux mêmes solutions auxquelles leur intérêt matériel et leur situation sociale poussent pratiquement les petits bourgeois.[1] ».
Sancho Pança est l’incarnation de la plus plate couardise. Pourtant, le romanesque ne lui est absolument pas étranger : sinon, il ne serait jamais devenu le compagnon de Don Quichotte. La couardise de la politique petite-bourgeoise trouve son expression la plus hardie en la personne de Dan. Tsérételli représente l’association de cette couardise au romanesque ; Tsérételli a déclaré à Martov : « Seul un fou n’a peur de rien. » La politique philistine bien intentionnée, elle, a peur de tout : peur d’exciter la colère de ses créanciers ; peur que les diplomates ne prennent se « pacifisme » au sérieux ; et surtout peur du pouvoir. Comme « un fou n’a peur de rien », la politique petite-bourgeoise juge opportun de se préserver de toute folie en jouant la couardise sur tous les fronts. Pourtant, ils n’abandonnent pas l’espoir de devenir des Rothschild : après avoir collé deux ou trois mots dans la note diplomatique de Terechtchenko, ils s’imaginent avoir fait avancer la paix ; ils espèrent faire passer dans l’esprit du prince Lvof leur propre et très impartiale médiation pour éviter la guerre civile. Mais le grand conciliateur petit-bourgeois décide de désarmer les travailleurs, sans désarmer du tout Polovtsev ou Kaledine, c’est-à-dire la contre-révolution. Et, quand toute cette politique s’effondre au premier coup sérieux, Tsérételli et Dan expliquent à tous ceux qui veulent bien les croire que l’échec de la révolution est dû non pas à l’incapacité de la petite-bourgeoisie à prendre tout le pouvoir en main, mais à l’« insurrection » du régiment de mitrailleurs.
Au cours de longues années de controverses sur le caractère de la révolution russe, les mencheviks ont soutenu que les véritables porteurs du pouvoir révolutionnaire en Russie étaient les démocrates petits-bourgeois. Nous avons toujours souligné que la démocratie petite-bourgeoise est incapable de résoudre ce problème et que le seul pouvoir qui puisse mener la révolution à son but est le prolétariat, qui tire sa force des masses populaires. Aujourd’hui, l’histoire a voulu que les mencheviks apparaissent comme les représentants politiques de la démocratie petite-bourgeoise, pour qu’ils puissent faire la preuve, dans leur propre personne, de leur complète incapacité à assumer le rôle dirigeant dans la révolution.
Dans la Rabotchaia Gazeta, cet organe du « marxisme » contrefait, mutilé et mutilant, on essaie de nous coller l’étiquette d’« hommes du 16 juin[2] ». Nous avons toutes les raisons d’affirmer que, dans le mouvement du 16 juillet, toutes nos sympathies allaient aux travailleurs et aux soldats, non aux cadets militaires, aux Polovtsev, aux Lieber et aux « renifleurs[3] ».
Nous ne mériterions que mépris s’il en était autrement. Mais que les banqueroutiers de la Rabotchaia Gazeta n’invoquent pas trop bruyamment le 16 juillet, car ce fut le jour de leur autodestruction politique. L’étiquette d’« hommes du 16 juillet », pour employer une métaphore très confuse, peut leur être retournée comme une arme à double tranchant, car le 16 juillet les cliques rapaces de la Russie tsariste ont accompli un coup d’État[4] ayant pour but de mettre tout l’autorité entre leurs mains. Le 16 juillet 1917, lors de la crise la plus grave de la révolution, les démocrates petit-bourgeois ont bruyamment affirmé qu’ils étaient incapables d’assumer le pouvoir. En tournant haineusement le dos aux travailleurs et aux soldats révolutionnaires, qui exigeaient d’eux l’accomplissement de leur devoir révolutionnaire le plus élémentaire, les « hommes du 16 juillet » ont conclu une alliance avec les « hommes du 16 juin », pour réprimer, désarmer et emprisonner les ouvriers et soldats socialistes. La trahison de la démocratie petite-bourgeoise, sa capitulation honteuse devant la bourgeoisie contre-révolutionnaire, c’est cela qui a empêché un changement de pouvoir, et ce n’est pas la première fois que cela se produit dans l’histoire de la révolution.
C’est dans ces circonstances qu’a été créé le dernier ministère, qu’on a baptisé « gouvernement de Kérensky[5] »
Sous le nom de « double pouvoir » se déroulait une lutte entre deux tendances de classe inconciliables : la république impérialiste et la démocratie des travailleurs. Tant que l’issue de cette lutte est demeurée indécise, elle a paralysé la révolution et produit d’inévitables symptômes d’« anarchie ». Dirigé par des politiciens qui ont peur de tout, le soviet n’a pas osé assumer le pouvoir. Les représentants de toutes les cliques possédantes, c’est-à-dire le parti cadet, ne pouvait pas encore assumer le pouvoir. Il fallait un grand conciliateur, un médiateur, un arbitre impartial.
Déjà à la mi-mai, à un meeting du soviet de Petrograd, Kérensky avait été qualifié comme « le point mathématique du bonapartisme russe ». Cette caractérisation montre d’emblée que ce n’est pas Kérensky qui importe, mais plutôt sa fonction historique. Il pourrait paraître un peu superficiel de déclarer que Kérensky est de la même étoffe que le premier Bonaparte : le moins qu’on puisse dire est que ce n’est pas prouvé. Pourtant, sa popularité ne semble pas être un simple accident. Kérensky semble plus proche de la mentalité de tous les philistins panrusses. Défenseur des prisonniers politiques « social-révolutionnaire » à la tête des travaillistes, radical sans aucune liaison avec une quelconque école socialiste, Kérensky reflétait le plus complètement possible la première phase de la révolution, son imprécision « nationale », l’idéalisme séduisant de ses espoirs et de ses attentes. Il parlait de terre et de liberté, d’ordre, de paix entre les nations, de défense de la patrie, de l’héroïsme de Liebknecht, disait que la révolution russe étonnerait le monde par sa grandeur d’âme, le tout en agitant un mouchoir de soie rouge. Le philistin à demi éveillé s’extasiait à ces discours : il lui semblait être lui-même à la tribune. L’armée saluait en Kérensky celui qui l’avait délivrée de Goutchkov. Les paysans entendaient dire que c’était un travailliste, un délégué des moujiks. L’extrême modération de ses vues, sous le radicalisme confus de son expression, suffisait pour duper les libéraux. Seuls les travailleurs les plus éclairés gardaient leurs distances. Mais leurs soviets se dissolvaient en une « démocratie révolutionnaire ».
Son absence de tout bagage doctrinal encombrant permit à Kérensky d’être le premier des « socialistes » à entrer dans le gouvernement bourgeois. Il fut le premier à qualifier d’« anarchie » les exigences sociales de plus en plus insistances des masses : déjà en mai, il avait menacé les Finnois des représailles les plus sévères et prononcé la phrase pompeuse sur les « esclaves mutinés » qui mit du baume au cœur de tous les propriétaires lésés. En ce sens, sa popularité impliquait rapidement un véritable fouillis de contradictions, reflétant ainsi parfaitement l’imprécision de la première étape de la révolution et l’impasse totale de la seconde. Et, quand l’histoire dut remplir le poste d’arbitre devenu vacant, elle ne trouva pas homme plus approprié que Kérensky.
La « séance de nuit historique » du palais d’Hiver[6] ne fut qu’une répétition de l’humiliation politique que la démocratie « révolutionnaire » s’était préparée à la conférence de Moscou. Dans ces transactions, les cadets avaient en main tous les atouts ; la démocratie S.R. et menchevique, qui obtenait des succès dans toutes les élections démocratiques sans exception, et qui avait une peur mortelle de ces succès, demande humblement aux libéraux privilégiés leur collaboration au gouvernement ! Comme les cadets n’avaient pas craint le 16 juillet d’imposer le pouvoir aux soviets, et comme, d’un côté, les libéraux n’avaient pas peur d’assumer entièrement le pouvoir, il est clair qu’ils étaient les maîtres de la d-situation.
Si Kérensky était le dernier mot de l’hégémonie impuissante du soviet, il lui devenait nécessaire d’apparaître comme le premier mot de l’affranchissement de cette hégémonie. Pour le moment, nous prendre Kérensky, mais seulement à la condition que vous coupiez le cordon ombilical qui le rattache au soviet : tel fut l’ultimatum de la bourgeoisie.
« Malheureusement, le débat au palais d’Hiver n’a été que du bavardage, et du bavardage inintéressant par-dessus le marché », s’est lamenté Dan dans son rapport au soviet.
Il est difficile d’apprécier pleinement la profondeur de ces plaintes émises par le parlementarisme de la démocratie « révolutionnaire », qui a quitté le palais de Tauride[7] dans la soirée encore détentrice du pouvoir, et qui est revenue le lendemain matin les mains vides. Les leaders des S.R. et des mencheviks ont déposé respectueusement leur part de pouvoir aux pieds de Kérensky. Les cadets ont accepté ce cadeau de bonne grâce : ils considéraient de toute façon Kérensky non comme un grand arbitre impartial mais comme un simple agent intermédiaire. Prendre tout le pouvoir immédiatement aurait été trop dangereux, à cause de l’inévitable résistance révolutionnaire des masses. Il valait beaucoup mieux confier à Kérensky, jusqu’à présent « indépendant », avec la collaboration des Avksentiev, des Savinkov et autres S.R. modérés, la tâche d’ouvrir la voie à un gouvernement purement bourgeois, à l’aide d’un système de répression plus féroce.
Le nouveau ministère de coalition – le « gouvernement Kérensky » – était formé. A première vue, il ne différait en rien de l’autre gouvernement de coalition, qui s’était effondré si indignement le 16 juillet. Chingariev partait, Kolochkine arrivait ; Tsérételli sortait, Avskentiev entrait. Toutes les pertes dans le personnel ne faisaient que souligner le fait que les deux camps considéraient le cabinet comme un simple marchepied. Mais beaucoup plus important était le changement radical dans la signification des deux groupes. Auparavant (du moins « en théorie »), les ministres socialistes avaient été considérés comme les représentants des soviets, contrôlés par eux ; les ministres bourgeois faisaient office d’écran entre les Alliés et les capitalistes. Mais maintenant les ministres bourgeois entrent, en tant que groupe secondaire, dans le personnel du bloc ouvertement contre-révolutionnaire des classes possédantes (parti cadet, dirigeants du commerce et de l’industrie, ligue des propriétaires, comité provisoire de la Douma[8], cercle cosaque, état-major général, diplomatie alliée), et les ministres « socialistes » font office d’écran contre les masses populaires. Face au silence du comité exécutif des soviets, Kérensky réussit à se faire applaudir en promettant de ne pas tolérer la restauration de la monarchie… Tant les exigences des démocrates philistins étaient tombées bas ! Avskentiev exhorta tout le monde aux « sacrifices » et se répandit en radotage moitié kantien, moitié évangélique (sa grande spécialité) ; et, comme il convient à un idéaliste au pouvoir, dans cet impératif catégorique il amenait continuellement les cosaques et les militaires cadets. Surpris, les délégués paysans promenaient partout des regards étonnés, en se disant que, avant qu’ils aient une chance de confisquer la terre aux propriétaires, quelque chose était en train de confisquer leur influence sur le pouvoir.
Les états-majors contre-révolutionnaires supplantaient partout les comités de soldats et les utilisaient en même temps largement pour les représailles contre les masses : ils sapaient ainsi l »’autorité des organisations de soldats et préparaient leur chute. La contre-révolution bourgeoise dispose à cette même fin de ses ministres « socialistes », mais ces derniers entraînent avec eux dans leur chute vertigineuse les soviets dont ils sont maintenant indépendants, mais qui sont, quant à eux, encore dépendant des ministres, comme auparavant. Ayant renoncé au pouvoir, les organisations démocratiques auraient dû liquider aussi leur autorité. C’est ainsi que tous sont prêts pour l’arrivée de Milioukov. Et derrière lui, le général Gourko attend son heure.
La conférence de Moscou tire toute son importance de cette tendance générale du mouvement politique dans les hautes sphères.
Ces derniers jours, l’attitude des cadets à l’égard de cette réunion était non seulement le manque d’enthousiasme, mais encore une totale défiance. L’hostilité mal dissimulée envers le pèlerinage de Moscou caractérisait aussi le Dielo Naroda, organe du parti représenté au gouvernement par les Kérensky, Avskentiev, Savinkov, Tchernov et Lebediev. « S’il faut y aller, nous irons », a écrit la Rabotchaia Gazeta avec un soupir, comme un perroquet qu’un chat tirerait par la queue. Les discours des Riaboutchinski, des Alexeiev, des Kaledine, etc., et de la « bande de charlatans au pouvoir » n’indiquaient pas le moins du monde la disposition à faire le sacrifice d’une accolade avec Avskentiev. Et finalement le gouvernement, à ce que disent les journaux, n’attachait pas une importance décisive à la conférence de Moscou. Alors, quid prodest[9] ? Dans l’intérêt de qui, et dans quel but a été convoquée cette conférence ?
Il est clair comme le jour qu’elle est directement dirigée contre les soviets. Ceux-ci ne vont pas à la conférence : on les y traîne au bout d’une corde. Les classes contre-révolutionnaires ont besoin de la réunion pour les aider à liquider définitivement les soviets. Alors, pourquoi les organes responsables de la bourgeoisie ont-ils une attitude si réservée à l’égard de la conférence ? Parce qu’il faut avant tout établir la position « au-dessus des classes » de l’arbitre suprême et impartial. Milioukov a peur que Kérensky ne quitte la conférence avec des positions trop solidement établies, ce qui aurait pour conséquence de prolonger trop désagréablement le congé politique de Milioukov. C’est ainsi que chaque patriote défend la patrie à sa manière.
La nuit « historique » du palais d’Hiver a vu la naissance du régime de Kérensky, disons du bonapartisme débutant. Mais la conférence de Moscou, par ses participants et dans ses buts, est pour ainsi dire la reproduction en plein jour de cette nuit historique. Tsérételli est une fois de plus condamné à expliquer à toute la Russie que le passage du pouvoir aux mains de la démocratie révolutionnaire ferait le malheur et la ruine de la révolution. Après cet aveu solennel de leur propre faillite, les représentants de la démocratie révolutionnaire auront le privilège d’entendre un terrible réquisitoire dirigé contre eux, qui aura été préparé par Rodzianko, Riaboutchinski, Milioukov, le général Alexeïev et autres « forces vives » du pays. Notre clique impérialiste, à laquelle le gouvernement accordera la place d’honneur dans la conférence de Moscou, viendra avec le mot d’ordre : « Tout le pouvoir pour nous ! » Les leaders du soviet se trouveront face à face avec les appétits rapaces des classes de ces mêmes travailleurs et soldats que Tsérételli a désarmés avec le mot d’ordre : « Tout le pouvoir aux soviets ! » En sa qualité de président, Kérensky ne pourra tout simplement qu’enregistrer l’existence réelle d’un « désaccord » et appeler l’attention des « parties intéressées » sur le fait qu’elles ne peuvent se passer d’un arbitre impartial. Quod erat demonstrandum[10].
« Si j’étais membre du comité central exécutif, a avoué le menchevik Bogdanov à une réunion du comité exécutif du soviet, je n’aurais pas convoqué cette réunion, car le gouvernement n’atteindra pas avec elle le but qu’il vise, c’est-à-dire le renforcement et l’élargissement de sa base. » Il faut bien admettre que ces adeptes de la Realpolitik ne savent vraiment pas ce qui se prépare avec leur active collaboration. Après la désintégration de la coalition du 16 juillet, le refus du soviet d’assumer le pouvoir a exclu la possibilité de création d’un gouvernement sur une base large. Le gouvernement Kérensky, qui n’exerce aucun contrôle, est par sa nature même un gouvernement sans base sociale. Il a été construit consciemment entre deux bases possibles : les masses laborieuses et les classes impérialistes. C’est la ce qui fait son bonapartisme. La conférence de Moscou a pour but, après la mise à l’écart des partis démocratiques et des partis des privilégiés, de perpétuer la dictature personnelle qui, par un aventurisme irresponsable, sapera toutes les réalisations de la révolution.
Pour atteindre ce but, il est nécessaire d’avoir une opposition à gauche aussi bien qu’une opposition à droite. Tout ce qui importe, c’est qu’elles s’équilibrent à peu près et que la situation sociale maintienne cet équilibre. Mais c’est justement la ce qui manque.
L’ancien tsarisme s’était construit au cours d’une lutte entre classes au sein d’une société libre, mais sous toutes les factions en lutte et leur tsar il y avait une infrastructure stable de travailleurs. Le nouveau tsarisme cherche le soutien nécessaire à son existence dans l’inertie et la passivité de la paysannerie ; le principal instrument du bonapartisme consistant en une armée disciplinée. Mais, dans notre pays, aucune de ces conditions n’est encore réalisée. Notre société est traversée de part en part d’antagonismes ouverts, qui ont été portés à la plus extrême intensité. La lutte entre les travailleurs et les capitalistes, entre les paysans et les propriétaires terriens, entre les soldats et l’état-major, entre les nationalités opprimées et le pouvoir central ne donne à celui-ci aucun élément de stabilité, à moins que le gouvernement de se décide résolument à lier son sort à l’une des forces en lutte résolument à lier son sort à l’une des forces en lutte. Jusqu’à l’achèvement de la révolution agraire, les tentatives de dictature « au-dessus des classes » ne peuvent être qu’éphémères.
Milioukov, Rodzianko et Riaboutchinski veulent que le pouvoir aboutisse entre leurs mains, c’est-à-dire se transforme en dictature contre-révolutionnaire des exploiteurs sur les travailleurs, paysans et soldats révolutionnaires. Kérensky veut faire peur à la démocratie à l’aide de la contre-révolution et faire peur à la contre-révolution à l’aide de la démocratie ; puis assurer la dictature du pouvoir personnel, dont les masses ne retireront rien de bon. Mais il compte sans son hôte. Les masses révolutionnaires n’ont pas encore dit leur dernier mot.
- ↑ Marx, Le Dix-Huit Brumaire de Louis Bonaparte.
- ↑ Le 16 juin 1907, le tsar décréta la dissolution de la Douma. Par la suite, les hommes de droite (cadets, octobristes, etc.) furent appelés « hommes du 16 juin ». Par coïncidence, le 16 juin 1917, les membres de la quatrième Douma se réunirent en conférence pour étudier la possibilité d’une nouvelle offensive et décidèrent pour étudier la possibilité d’une nouvelle offensive et décidèrent d’en exiger une auprès du gouvernement provisoire. Lénine baptisa cette réunion « conférence des taureaux sauvages » (cf. Son article du 22 juin 1917). Le 16 juillet 1917, les ouvriers et soldats manifestèrent aux cris de « tout le pouvoir aux soviets », et le jour même la droite prit la décision de désarmer les travailleurs et les soldats révolutionnaires, décision qui fut aussitôt appliquée.
- ↑ Les « renifleurs » étaient une organisation secrète créée par le gouvernement militaire de Petrograd, le colonel Polovtsev, avec la collaboration de V. Bourtsev et G. Alexinsky, auparavant actifs dans le mouvement contre le tsarisme, mais passés dans les rangs des modérés contre-révolutionnaires au cours de la révolution elle-même. Le but des « renifleurs » était l’écrasement des bolcheviks. (Note de L. C. Fraina, 1918.)
- ↑ En français dans le texte. (N.d.T.)
- ↑ Le 15 juillet 1917, les cadets démissionnèrent du gouvernement provisoire à la suite de l’affaire de l’Ukraine. Kérensky remania son cabinet et, le 4 août, devint Premier ministre. Tsérételli, ministre de l’Intérieur, fut l’auteur de la honteuse ordonnance de police en vertu de laquelle furent lancés des mandats d’arrêt contre Lénine, Trotsky et autres, et c’est lui qui baptisa la nouvelle coalition « gouvernement de salut » ! Il fut proclamé comme tel le 22 juillet. Mais la nouvelle coalition ne dura que quinze jours.
- ↑ Le siège du gouvernement provisoire fut transféré du palais Marinsky au palais d’Hiver le 31 juillet, et c’est là que se tint la « séance de nuit historique ». Histoire pour la seule raison que le nouveau gouvernement de coalition ne vécut que quinze jours…
- ↑ Construit par Potemkine sous le règne de Catherine II, il était situé entre les casernes et le quartier ouvrier. La Douma occupait l’aile droite. Quand les soviets se constituèrent, ils occupèrent l’aile gauche. En juillet 1917, ils furent transférés à Smolny, un institut destiné aux jeunes filles de la noblesse.
- ↑ La quatrième Douma, élue en 1912, fut dissoute par le tsar le 12 mars 1917, au lendemain de la constitution du soviet de Petrograd. Elle refusa de se dissoudre et élut, la nuit même, un comité provisoire dirigé par Rodzianko. Le comité provisoire à son tour força le tsar à abdiquer. La Douma continua à exister jusqu’à sa dissolution par le gouvernement provisoire après la révolte de Kornilov. (Il y avait cinq bolcheviks à la quatrième Douma, mais ils avaient été exilés en 1915 à cause de leur opposition à la guerre.)
- ↑ À qui cela profite-t-il ?
- ↑ Ce qu’il fallait démontrer.