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« Recettes de Paix » ou lutte contre l'Impérialisme
Auteur·e(s) | Henri Kunstlinger |
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Écriture | avril 1939 |
« Tout parti désireux d'appartenir à la IIIème Internationale est tenu de dénoncer, autant que le social-patriotisme avoué, le mensonge et l'hypocrisie du social-pacîfisme ; il s'agit de démontrer systématiquement aux ouvriers que, sans te renversement révolutionnaire du capitalisme, nulle cours d'arbitrage internationale, nul débat sur la réduction des armements, nulle réorganisation "démocratique" de la Société des Nations, ne sauraient préserver l'humanité de nouvelles guerres impérialistes. » (6ème condition d'admission à l'Internationale Communiste.)
Causé par le recul international du mouvement ouvrier, un grand désarroi se manifeste, même dans l'avant-garde prolétarienne. On tend à rejeter la responsabilité des échecs sur la stérilité des théories classiques de la révolution ; on se met en quête de recettes nouvelles (en réalité, usées jusqu'à la corde) qui seront des armes plus efficaces contre l'ennemi. En particulier, le danger de guerre, et le sentiment d'impuissance du prolétariat devant la menace du conflit impérialiste, redorent le blason du vieux « social-pacifisme » qui vient, sous des parures nouvelles, prêcher le désarmement ; les conférences de paix ; la redistribution des matières premières ; le partage des colonies, etc.., etc. ; et, tantôt cyniquement, tantôt honteusement, applaudit les Münich d'hier et de demain.
Issu de la bourgeoisie ce pacifisme vient, avec l'aide des chefs réformistes, corrompre de larges couches de la classe ouvrière et pénètre même très loin dans l'avant-garde. Des mouvements comme le « Centre syndical d'action contre la guerre » ne se justifient que par lui. C'est pourquoi les marxistes doivent inlassablement le dénoncer, afin de remettre en mémoire et en honneur la seule théorie valable de lutte révolutionnaire contre la guerre ; celle que Lénine, Liebknecht et Luxembourg ont expliquée et pratiquée. Aujourd'hui encore, ce que disait Zinoviev en août 1915 demeure actuel : « Le mot d'ordre de la paix est, pour les marxistes révolutionnaires, une question beaucoup plus grande qu'on ne le croit parfois. Le débat se ramène, en réalité, à un problème de lutte contre l'influence bourgeoise dans le mouvement ouvrier, à l'intérieur du socialisme ».
LE PACIFISTE ET LE MARXISTE FACE A LA GUERRE IMPERIALISTE
Un abîme infranchissable sépare pacifisme et marxisme. En premier lieu, dans la manière même de poser les questions.
Le pacifiste est littéralement hypnotisé, par la menace de guerre. Il est incapable, même d'essayer d'en comprendre les origines et le mécanisme ; d'analyser le caractère fondamental du conflit, en fonction des intérêts des travailleurs ; d'engager contre elle une lutte efficace par une mobilisation des masses dans une lutte de classe d'envergure.
Il se contente de demander, avec des intonations pathétiques, au président du Conseil et à ses ministres d'empêcher la guerre : d'y mettre fin, de négocier, de désarmer, d'accorder à l'adversaire (l'adversaire de « son » pays, bien entendu) les concessions demandées par lui, etc... Bien entendu, le président du Conseil se montre parfaitement d'accord pour tout faire, lui aussi, afin de barrer la route à la catastrophe. En échange le pacifiste lui accorde sa confiance et si la guerre éclate néanmoins, il déclare « nous avons fait ce que nous avons pu. Mais notre adversaire n'a rien voulu savoir. Maintenant au nom de cette paix dont nous sommes les défenseurs, il ne nous reste qu'à combattre jusqu'à la victoire ».
Ainsi, 99 fois sur 100, le social pacifiste se mue en social-patriote.
Toute autre est l'attitude du marxiste. Bien sûr, il n'est pas indifférent aux souffrances effroyables qui. sont le cortège des guerres modernes. Mais c'est d'une manière générale tout le régime capitaliste qui, dans tous les domaines (aussi bien par l'oppression coloniale en temps de « paix », que par la guerre impérialiste) apporte d'innombrables souffrances aux exploités. « Si la guerre actuelle n'inspire aux socialistes chrétiens réactionnaires, aux petits bourgeois pleurnichards que de l'épouvante et de l'horreur, que du dégoût pour l'emploi des armes que de la répulsion devant le sang et ta mort, nous autres, nous avons le devoir dire : la société capitaliste a toujours été et sera toujours une HORREUR SANS FIN ». (Lénine, oct. 1916).
Il s'agit donc, non d'une lutte limitée contre la guerre, mais d'une mobilisation de tous les exploités, contre tout le régime ; en temps de paix comme en temps de guerre, afin de le renverser, lui et ses horreurs. Et c'est là, en fin de compte, la seule lutte efficace contre la guerre.
C'est pourquoi, faire en quoi que ce soit, de quelque manière que ce soit, et si peu que ce soit, confiance aux impérialistes pour empêcher la guerre ; les supplier de négocier, désarmer, se mettre d'accord, c'est proprement jouer les Gribouilles de la lutte pour la paix ; se plonger dans l'eau jusque par-dessus la tête pour éviter la pluie.
VÉRITABLE ROLE DU PACIFISME
Si, les prédications pacifistes étaient seulement inopérantes, le mal ne serait pas grand ; muais elles détournent les masses des luttes efficaces, dissimulent les données véritables du problème et par là, rendent un service insigne aux impérialistes. C'est pourquoi, Luxembourg et Liebknecht, Lénine et Zinoviev, en pleine guerre, frappaient indistinctement social-chauvins et pacifistes. Lénine les met dans le même sac : « En cela réside le caractère tragi-comique des manifestations de Turati et Kautsky qu'ils ne comprennent pas le rôle qu'ils jouent réellement en politique : un rôle de curés consolant les peuples au lieu de les entraîner à la révolution ; un rôle d'avocats bourgeois dont les phrases ronflantes sur de belles choses en général et sur la paix démocratique en particulier, dissimulent, déguisent l'affreuse laideur d'une paix impérialiste qui mettra les peuples à l'encan et servira au démembrement des nations.
[tout cela conviendrait aussi assez bien à la paix de Münich, n'est-ce pas ?]
En cela réside l'unité de principe des social-chauvins (Plekhanov et Scheidmann) et des social-pacifistes, (Turati et Kautsky) que les uns et les autres, objectivement parlant, sont les serviteurs de l'impérialisme : les uns le "servent" en présentant la guerre impérialiste comme la "défense de la patrie" ; les autres servent le même impérialisme en déguisant par des phrases sur la paix démocratique, la paix impérialiste qui s'annonce aujourd'hui ». (Lénine, 31 janvier 1917)
NÉGOCIEZ VIVIANI, NEGOCIEZ DALADIER
Demander aux chefs des gouvernements impérialistes de négocier, cela signifie clairement : nous croyons — et nous voulons faire croire à la classe ouvrière — que Clémenceau, Lloyd George et Hindenburg ; que Daladier, Chamberlain, Hitler peuvent, par des conversations, arriver à des solutions pacifiques et équitables ; que les impérialismes ne sont pas nécessairement amenés à la guerre ; et que la simple revendication par le prolétariat de négociations entre ces messieurs suffit à assurer la paix. En réalité, une analyse de l'impérialisme montre que ce régime conduit inéluctablement les nations de proies à se jeter sur les plus faibles, puis à se heurter et se déchirer entre elles. Bien sûr, certains conflits peuvent se régler pacifiquement par des négociations. Mais de quoi dépend le caractère pacifique ou, au contraire, belliqueux du réglement des antagonismes internationaux ? Est-ce du fait que les représentants ouvriers seront venus, chapeaux bas, conseiller plutôt la paix, ou plutôt la guerre ? Non ! Mais seulement, d'une part, de l'appréciation des forces impérialistes en présence dans chaque camp et d'autre part, de la pression exercée, sur chaque gouvernement par la lutte de classe ; pression d'autant plus insignifiante que les chefs ouvriers, au lieu de conduire les masses à la lutte, se contentent de gémir, d'implorer et de se pendre aux basques des ministres (qu'ils se nomment Viviani ou G. Bonnet).
Et, en tout cas, les traités ainsi conclus entre brigands impérialistes ne peuvent en aucun cas comporter la complicité de la classe ouvrière car « les groupes capitalistes qui ont répandu tant de sang pour enlever des territoires, des marchés et des concessions déterminées, ne peuvent conclure une paix honorable. Ils ne peuvent conclure qu'une paix honteuse, une paix pour le partage de leur butin. » (Lénine, 25 mars 1917) Leur réclamer une paix qui serait autre chose que cela, « c'est perdre son temps, exactement comme si l'on prêchait la vertu aux tenanciers de maisons publiques ».
C'est pourquoi, écrit Lénine, « notre programme de paix » doit consister à expliquer que les puissances impérialistes et la bourgeoisie impérialiste ne peuvent donner une paix démocratique, il faut chercher cette paix et l'obtenir, mais non sur des positions en arrière, dans l'utopie d'un capitalisme qui ne serait pas impérialiste, ou de nations égales en droit sous le capitalisme, mais en avant dans la révolution socialiste du prolétariat. Pas une revendication radicale de la démocratie n'est réalisable avec ampleur et solidité dans les Etats impérialistes les plus avancés autrement qu'à travers les batailles révolutionnaires menées sous les étendards du socialisme.
D'une manière peut-être plus directe encore, Rosa Luxembourg dénonce les partisans, dans le camp ouvrier, des traités de paix impérialistes. Ce texte semble tout exprès écrit contre les « munichois ». « L'action en faveur de la paix, à la manière de Stockholm, qui consiste à vouloir concilier les gouvernements belligérants, trouver des formules acceptables pour tous sur les buts de la guerre et garder l'équilibre entre les différents Etats impérialistes, n'est qu'une politique purement bourgeoise. La politique du prolétariat conscient, dans son action pour la paix, doit suivre une voie entièrement différente.
Le socialisme International n'a aucun intérêt à ce que les gouvernements impérialistes trouvent un terrain où ils fassent la paix de leur propre initiative. Ce que le prolétariat doit faire, au contraire, c'est d'empêcher que la paix se fasse de cette manière, c'est-à-dire qu'elle soit l'œuvre des gouvernements capitalistes. Le seul devoir et l'intérêt vital du socialisme international consiste pour le moment à faire que la paix soit l'œuvre du prolétariat international et le résultat de son action révolutionnaire, qu'elle soit obtenue en luttant contre les gouvernements capitalistes, qu'elle résulte de la puissance acquise par le prolétariat, et qu'elle aboutisse à un changement radical dans la situation sociale et politique des États capitalistes.
Du point de vue du prolétariat conscient, il n'y a pas d'autre moyen pour mettre fin à la tuerie impérialiste que la résistance ouverte des masses du peuple, résistance qui, en même temps, devra s'élargir et devenir une lutte pour la conquête du pouvoir politique. »
LE DESARMEMENT
La revendication du désarmement est une des plus séduisantes et des plus trompeuses parmi celles que les social-pacifistes mettent en avant. Rosa Luxembourg, comme Lénine, a dévoilé le caractère mensonger d'un tel mot d'ordre. Voici comment elle condamne ces billevesées : « L'impérialisme de tous les pays ne connaît pas de conciliation ; il ne connaît qu'un seul droit : le profit du capital ; qu'une seule langue : l'épée ; qu'un seul moyen : la violence. Et s'il parle en ce moment dans tous les pays, chez vous comme chez nous, de la "Société des Nations", du "désarmement", du "droit des petites nations", du "droit de libre disposition des peuples", ce ne sont que des phrases mensongères, dont les dirigeants sont coutumiers pour endormir la vigilance du prolétariat. »
Lénine, de son côté, met clairement en évidence, les dangers de ces mensonges :
« Lorsque Kautsky prêche le "désarmement", s'adressant aux gouvernements actuels des grandes puissances impérialistes il fait preuve du plus grossier opportunisme, d'un pacifisme bourgeois qui, en réalité, en dépit des "excellentes intentions" de nos doucereux kautskystes sert à détourner les ouvriers de la lutte révolutionnaire. En effet, par cette prédication, on inculque aux ouvriers l'idée que les gouvernements bourgeois actuels, dans les puissances impérialistes, ne sont pas entravés par les milliers de fils du capital financier, et par d'innombrables traités secrets, conclus entre eux, ayant pour fins le pillage, le brigandage, et préparant la guerre impérialiste. »
Bien entendu, ce que dit ici Lénine sur le désarmement est tout aussi valable pour les nouvelles. « solutions » visant à transformer les antagonismes fondamentaux des impérialismes en une coopération harmonieuse et pacifique : redistribution des matières premières, repartage des colonies, etc., etc...
On voit ainsi que la lutte contre la guerre impérialiste, doit être aussi une lutte contre le pacifisme, de quelque masque qu'il se revête. Il n'y a pas d'autre panacée, pas d'autre recette magique, pas d'autre « solution réaliste », que la lutte révolutionnaire de chaque prolétariat contre son propre impérialisme. Et tout le reste n'est que trompe l'œil et poudre aux yeux.