"Survivant anti-fasciste" Les causes de la défaite du prolétariat allemand

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J'ai écrit ce livre pour que la jeunesse comprenne notre passé.
Il faut comprendre pourquoi il y a eu le fascisme en Allemagne, puis la guerre en Europe.
Il faut comprendre que cela peut se reproduire. Et que cela sera peut-être pire encore.
Il faut comprendre que si on ne veut pas retourner au moyen-âge, si on ne veut pas de la barbarie, il faut détruire le capitalisme.
Ce livre s'adresse aussi à la classe ouvrière du monde entier. L'ouvrier doit comprendre que pour lutter contre la misère il doit s'unir avec sa classe. Il n'y a pas d'autre choix. il n'y a pas de solution individuelle.
Pour qu'il n'y ait plus de misère, plus de dictature, plus de guerre, plus de capitalisme. On ne peut compter que sur la force du prolétariat. C'est une force immense.


1906 - 1918

Enfance.
1 - Première guerre mondiale.

Je suis né dans la ville de Luther à Eisleben le 13 janvier 1906. Mon père était mineur. Il avait sa propre maison. J'avais trois frères et une sœur ; j'étais le plus jeune de la famille.
A sept ans j'étais orphelin. Cette année-là, l'Empereur Guillaume II a organisé de grandes manœuvres militaires. Notre région était un nid rouge, et les mineurs ont accueilli l'armée par des jets de pierres. Les officiers prussiens ont ordonné de charger les mineurs en grève. L'année suivante commençait la première guerre mondiale. En 1914 le Kaiser a lancé un appel au peuple allemand pour faire la guerre. Il disait: " Je ne connais pas de parti, mais je connais les Allemands". Tous les députés, même ceux du Parti Social-démocrate ont voté les crédits de guerre. Une seule voix s'est élevée contre la guerre. Celle de Karl Liebknecht, fils du prolétariat allemand et du prolétariat international.
Dans les gares les soldats partaient pour le front la fleur au fusil. Et ils chantaient des hymnes patriotiques. Mais cette guerre criminelle a duré quatre années. Elle a permis aux nobles et aux bourgeois d'accroître leurs richesses sur le dos des ouvriers et des paysans qui mouraient sur le front, et de leurs familles qui vivaient dans la misère et mouraient de faim. En 1918 les soldats allemands ne chantaient plus. Au contraire. Ils criaient : plus jamais la guerre ! (Nie wieder Krieg)

2 - A l'orphelinat.

Comme mon père était un ancien combattant, on m’a envoyé dans un "orphelinat à Römhild en Saxe. Mon tuteur m'a présenté au directeur. En entrant, tout de suite j'ai ressenti le climat militaire. Là on ne trouvait pas l'amour maternel, il n'y avait que les ordres qu'il fallait respecter. Trois appels par jour – matin, midi et soir. Appel pour l'habillement, appel pour les souliers, appel pour les chaussettes.
Le règlement était très sévère. A la moindre faute, on était envoyé au cachot sans nourriture. C'était la guerre, la nourriture était rationnée. Mais les dirigeants de cette maison vivaient très bien.
Leur table était garnie de pain, de beurre et de confiture. De l'endroit où elle était, ils pouvaient surveiller toute la grande salle qui servait de réfectoire. Une cloche donnait le signal pour la prière! Nous n'avions qu'une légère soupe de farine à l'eau et notre estomac gargouillait à cause de la faim.
Des officiers, qui avaient vécu là et qui revenaient du front couverts de médailles, nous étaient présenté comme des héros, et nous devions leur chanter des hymnes patriotiques .
Tout était militaire. Au lever il fallait faire son lit suivant le règlement, et s'il était mal fait nous avions droit au cachot et il fallait le recommencer. Pour nous endurcir, nous devions rester cinq minutes sous une douche froide, même si dehors il gelait. Puis il fallait courir dehors en slip pendant une demi-heure, même quand il neigeait. A l'école, pour nous punir, nous étions frappés avec un bambou sur les mains ou sur les fesses, et nous avions en plus droit au cachot sans nourriture. C'était le règlement. Tous les jours nous faisions vingt-cinq kilomètres avec un fusil en bois et un sac à dos rempli de sable ou de linge. Nous partions en musique. Et nous étions toujours affamés.
De cette maison je n'ai que de tristes souvenirs. J'y suis devenu dur. Leurs punitions, cela m'étaient égal. Je voulais fuir.
C'est ici que j'ai rejeté la religion. Il fallait toujours prier mais nous n'avions jamais rien à manger.
Je ne pouvais plus supporter leur discipline, les injustices et la faim. J'étais prêt à tout, même à me suicider. C'est cette école qui a fait de moi un révolutionnaire.

3 - Survivre.

Finalement je me suis évadé. J'ai pris le train pour Eisleben, sans papier, sans argent. Je suis retourné chez ma sœur.
La guerre n’était pas terminée et c'était ici la même misère. Son mari était arrivé la veille du front. Il avait la "grippe espagnole", en fait le typhus. Ma sœur avait deux filles. Son mari et l’une de ses filles sont morts une même nuit.
Nous avions des cartes de rationnement. Le rationnement se faisait par gramme : 50 gr. de beurre, 50 gr. de confiture et 100 gr. de pain. Le pain était noir comme du charbon. Ce que nous avions pour une semaine ne suffisait même pas pour un repas. Les hommes mouraient comme des mouches.
Le marché noir était florissant pour les riches. Il leur permettait d'avoir tout ce qu'ils voulaient. Mais les pauvres ne pouvaient rien acheter, les prix étaient trop élevés.
Pour survivre, ma sœur et moi, nous faisions des paniers de bambou qui servaient à transporter les obus sur le front. Ce n'était pas payé cher et les bambous nous coupaient les mains comme des rasoirs .
Les grands propriétaires terriens, les seigneurs, avaient de grands domaines où ils vivaient en grande pompes, faisant travailler des étrangers principalement des polonais, qui acceptaient des salaires très bas. Ces grands propriétaires étaient principalement des officiers de l'armée. Ils avaient tous les droits. Leurs contremaîtres à cheval frappaient les ouvriers avec leurs cravaches. A la fin des récoltes, ils envoyaient leurs chiens et ils faisaient matraquer les gens affamés venus ramasser des restes de blé ou de pomme-de-terre.
C'était cela la "Patrie" allemande. Mon beau-frère et mon frère sont morts pour elle, mais nous n'avions droit qu'à la misère et aux matraques. Ils sont morts pour les riches. Ça ne valait pas le coup de faire la guerre pour ces gens là.
Toute ma vie j'ai expliqué qu'il ne fallait pas refaire la même erreur. Il ne faut pas faire la guerre pour le capitalisme. Au contraire il faut le détruire. Et pour cela la classe ouvrière, si elle est organisée et unie, est une force immense.

1918 - 1925

4 - La révolution allemande.

En octobre 1918 la flotte s'est révoltée contre de nouvelles offensives et pour obtenir la paix. La grève a gagné ensuite la classe ouvrière, et s'est généralisée à toute l’Allemagne.
Sur les bateaux, comme dans les usines, à l'exemple des Soviets , on a élu des Comités d'ouvriers et de soldats. Dans les gares, ces comités, munis de brassards rouges, attendaient les trains pour désarmer les officiers arrivant du front.
En novembre 1918, le Kaiser a été contraint de capituler. Il a pu quitter l'Allemagne sans être inquiété. Il avait des milliers de morts sur la conscience, mais personne ne l'a attaqué en procès.
La République a été proclamée. Friedrich Ebert, le président du Parti Social-démocrate, a été nommé Président de la République.
En janvier 1919 la grève était générale. Mais la classe ouvrière a été écrasée.
Le social-démocrate Noske contrôlait l'armée. Avec Ie général Maercker il a fait appel aux Corps Francs, la Reichswehr Noire, pour réprimer le mouvement ouvrier. Il y eut de durs combats à Berlin, à Brème, dans la Ruhr et en Saxe. Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg furent assassinés.


5 - La République de Weimar.

Dès novembre 1918, les social-démocrates dirigeaient la République.
Le peuple était enthousiaste, il ne voulait plus la guerre.
Mais rien n'a changé sinon le drapeau allemand. La police et l'armée sont restées en place. Il n'y avait que leurs casques, portant l'emblème de la République Ia cocarde noir-rouge et or, qui avaient changé.
La bureaucratie réactionnaire était toujours là. Les tribunaux condamnaient souvent les combattants ouvriers et leurs dirigeants.
Les riches restaient riches. Les dirigeants du SPD et les hauts fonctionnaires vivaient très bien. Mais pour la classe ouvrière la République de Weimar c'était toujours la misère et le chômage.
C’est pour cela qu'il y eut tant de révoltes en Allemagne à cette époque.

6 - 1921 : Soulèvement en Allemagne centrale.

En Allemagne centrale et dans l'industrie de la région de Mansfeld, à Eisleben, à Hettstent et dans les usines Leuna, il y eut de violents combats contre la police. J'étais un enfant mais j'ai entendu parler de la construction d'un train blindé aux usines Leuna, véritable ville de quarante mille ouvriers où on produisait de l'essence synthétique.
Le mouvement révolutionnaire était dirigé par Max Hölz. Les ouvriers ont pris les armes et ils se sont battus pendant huit jours contre les schupos, la police socialiste.
Pendant les combats, mon frère a été blessé au genou par une balle de mitrailleuse. Il a été arrêté, mais il a toujours déclaré avoir été blessé en rentrant chez lui. Tous les blessés étaient conduits à l'hôpital sous surveillance policière. Il n'était pas possible d'aller les voir. Il n'y avait aucune autorisation, même pour la famille.
Max Hölz a été arrêté et condamné aux travaux forcés à vie. A la suite de grandes manifestations il a été libéré et échangé par l'Union Soviétique. En URSS il a disparu. On ne l'a jamais revu.

7 - 1923: L'inflation.

L'inflation de 1923 ce fut pour la classe ouvrière allemande des mois de misère et de tristesse. On comptait avec des millions et des billions de marks, mais avec un billion on ne pouvait acheter qu'une cigarette. Si l'ouvrier travaillait une semaine, il gagnait tellement d'argent qu'il devait aller chercher sa paie avec une brouette. L'argent n'avait aucune valeur. Personne ne voulait de papier monnaie.
Le marché noir était florissant. Il fallait bien se nourrir. Mon beau-père avait une truie qui lui a donné treize petites. Avec ces cochons, il a pu acheter à un paysan une maison !
En échange de beurre, de blé, de farine ou de patates, les paysans pouvaient obtenir des briques, du ciment, des souliers ou de l'habillement... Ils ont pu ainsi s'enrichir, moderniser leurs bâtiments et leurs installations.
Par contre de nombreux petits entrepreneurs ont fait faillite parce que pour se nourrir ils ont dû céder leurs stocks.
Malgré la misère, la classe ouvrière a peu bougé. Les socialistes au gouvernement ont pu la contenir parce qu'ils contrôlaient les syndicats. Ils ont organisé des coopératives ouvrières qui permettaient aux syndiqués d'acheter pour moins cher. Ce qui a diminué le mécontentement. Mais ils n'ont rien tait pour organiser ou unifier les luttes ouvrières contre la misère.
En 1923 il y a eu cependant de durs combats.
En Ruhr, la classe ouvrière s'est opposée à l'occupation de cette région par la France, pour "dommage de guerre", par la résistance passive, c'est-à-dire par la grève générale. Les bourgeois allemands ont eu peur et ils ont fait appel à la France pour rétablir l'ordre.
En Saxe, à Leipzig, il y a eu un gouvernement communiste dirigé par Zeigner. Il n'a pas duré longtemps.
Il y a eu aussi des combats à Hambourg et à Berlin, et ça allait mal partout. Mais tous ces mouvements sont restés isolés et ils se sont tous terminés par la mise au pas de la classe ouvrière.

8 - Jeunesse ouvrière.

A seize ans j'ai commencé ma vie active dans les mines de cuivre de Mansfeld. Je n’étais alors dans aucun parti mais c'est ici que j'ai commencé à lutter.
Nous les jeunes, nous n'avions pas droit à la parole et nous n'étions pas écoutés. A mille mètres sous terre, il fallait tirer à plat ventre les chariots de minerais. C'était un travail de mercenaire, peu payé .
Nous étions misérables.
J'ai travaillé ensuite dans les mines de fer de Harzbruk en Thuringe.
Là aussi on ne gagnait pas grand chose. Pour celui qui était chez ses parents, ça allait. Mais mon salaire ne suffisait pas pour payer mon logement et pour me nourrir.
Je suis allé dans les briqueteries de Prusse orientale. Ici aussi, c’était un travail de force difficile et mal payé. Nous étions toujours affamés. Après la première paie, avec des copains, nous nous sommes mis en grève. Mais le patron n'a rien cédé et nous sommes partis. Ces usines étaient de grands domaines où travaillaient des Polonais qui acceptaient des salaires très bas. Au bout d'une quinzaine notre salaire ne suffisait même pas pour acheter la nourriture et il fallait emprunter .
Ce n'était pas la peine de travailler pour ces gens là. C’étaient tous des exploiteurs. Et le gouvernement socialiste de Weimar ne faisait rien contre eux. Absolument rien. Oui, c’était triste l'Allemagne !
C'est en 1925, à Wietz, dans la région de Hanovre que j'ai adhéré au Parti Communiste.
Là, je travaillais dans les mines de pétrole. J'étais trempé jusqu'aux os tous les jours. Il fallait se laver avec du pétrole pour enlever la graisse. Toutes nos chemises devenaient jaunes. C'était un travail de bagnard. J'y suis resté plusieurs mois. Mais j'ai dû partir parce je demandais toujours des augmentations pour les jeunes et de meilleures conditions de travail.
J'ai travaillé dans les hauts fourneaux de la Ruhr à Verne an der Lippe. Et j'ai été débauché parce que je distribuais des tracts et vendais des journaux du Parti Communiste.
Je suis retourné en Allemagne centrale en 1927. Là, dans la Altmark où j’étais secrétaire du Parti, j'ai cassé des cailloux sur la route pour les ponts et chaussée. C’était un travail occasionnel. J’étais alors embauché par l'Etat comme beaucoup d'autres chômeurs.
Notre chef était mon beau-père, parce qu'il était conseiller socialiste dans la municipalité. Il m'a par la suite embauché dans son entreprise de drainage. Je travaillais chez les paysans , dans les champs. C'était bien payé.
Mais il était socialiste, et il n'a pas pu me supporter à cause de mes activités communistes. Nous étions toujours en conflit.
Il ne voulait plus me voir et j'ai dû quitter son logement, cette maison qui lui avait coûté une truie et ses treize petits.

1925 - 1933

9 - Secrétaire fédéral du KPD.

Toute ma jeunesse, j'ai connu la faim et la misère. Le Parti Social-démocrate était au gouvernement depuis 1918, mais pour l'ouvrier cela ne changeait rien.
Tous les fonctionnaires réactionnaires étaient encore en place. Les organisations fascistes comme les Stahlhelm, les Wehr-Wolf, les nazis, pouvaient manifester ou terroriser les ouvriers, la police laissait faire.
Par contre, pour la classe ouvrière, il était souvent interdit de manifester, en particulier le 1er mai. Les révoltes étaient réprimées et les dirigeants arrêtés, surtout s'ils étaient communistes.
A cause de la misère et de la répression, mais aussi parce que les sociale-démocrates ne faisaient rien contre les fascistes qui nous terrorisaient, j'ai adhéré en 1925 au Parti Communiste (KPD).
Je suis devenu un militant actif luttant contre la faim, contre les guerres, pour la paix et la liberté, contre le fascisme et le capitalisme.
Dans les grosses villes comme Magdeburg, le Parti était bien organisé. Dans le Altmark, jamais il n'avait pris pied. Dans cette région‚ c’était un nid de fascistes - et où il n’était pas possible de tenir, il fallait des révolutionnaires qui n'aient pas peur. C'est là que le Parti m'a envoyé.
J'ai organisé le Parti à Bismark, puis à Calbe an der Milde, à Glö. Dans chaque village je faisais des meetings en plein air. Les communistes ne pouvaient pas avoir de salle. Il m’était permis de parler durant un quart d'heure. La police était là pour nous surveiller.
Le dimanche je parcourais la campagne à bicyclette avec des journaux et des tracts. J'étais attaqué par les nazis parce que j’étais un orateur et leur ennemi. Ils m'ont envoyé des lettres anonymes me menaçant de mort si je ne quittais pas Bismark. Mais j'ai continué la lutte.
En 1927 je me suis marié. J'ai travaillé chez mon beau-père. J’étais logé par lui jusqu'à ce qu'il ne puisse plus supporter qu'un communiste habite sa maison.
Je me suis installé dans un petit logement de deux pièces chez un paysan. Une nuit les nazis y ont mis le feu. J'ai eu le réflexe de sortir par la fenêtre. Tout a brûlé.
J'ai fait appel à mes camarades. Nous avons reconstruit la maison et nous avons titré dans notre journal local: "Détruit par les nazis, reconstruit par les communistes !".
Mais, parce que j'étais le fondateur du Parti Communiste et à cause de la terreur nazie, je ne pouvais plus avoir de logement à Bismark.
Hermann Matern, qui était le secrétaire du District de Magdeburg et donc mon supérieur dans le Parti, m'a ordonné d'aller à Stendal. Là, j'ai été élu secrétaire du KPD pour toute la région de Stendal et Altmark.
A Stendal j'ai formé le "Kampfbund gegen Faschismus", une organisation de combat contre le fascisme.
Avec le groupe de combat antifasciste de Magdeburg et le mien de Stendal nous avons organisé un convoi de vingt à trente camions, appelé le "convoi des étoiles". Nous allions de village en village. Nos commandos distribuaient des tracts et vendaient des brochures et des journaux tandis que moi je prenais la parole avec un haut-parleur, pendant un quart d'heure.
Depuis 1927 j'expliquais que si Hitler arrivait au pouvoir ce serait la catastrophe et la guerre dans toute l'Europe. Mais aussi que le Parti Social-démocrate était à la solde du grand capital et qu'il ne fallait pas compter sur lui pour défendre la classe ouvrière.
Ce que je proposais était de faire front contre le fascisme. Pour lutter contre le fascisme, il fallait l'unité de la base, des socialistes, des communistes et des sans-parti.
Mais ce n’était pas la politique des dirigeants du Parti Matern à cette époque était contre le "Front populaire", mais après la seconde guerre mondiale, alors qu'il était vice-président de DDR (Allemagne de l'Est), il était pour s'allier avec les socialistes et même avec d’anciens nazis. Pour les dirigeants communistes, l'unité contre le fascisme c'était que les socialistes entrent au Parti Communiste.
Les nazis provoquaient des affrontements, même pendant nos meetings. La police arrivait toujours après. Elle arrivait "pour notre sécurité" et nous désignait toujours comme les responsables des bagarres.
A Colbec j'ai été arrêté par des nazis et battu jusqu'au sang. Les gendarmes étaient là. Ils ont regardé. Ensuite ils m'ont arrêté et amené à Osterburg, puis à Stendal.
Au tribunal, j'ai été condamné à quinze mois d'emprisonnement dans la forteresse de Torgau an der Elbe parce que j'avais distribué des tracts illégaux. Dans ces tracts nous dénoncions le ministre de l'Intérieur, Severing, et la République de Weimar, qui ne faisaient rien contre la terreur et qui protégeaient même SS et SA.
Les prisons allemandes étaient pleines de combattants antifascistes.
Pour obtenir notre libération, il y a eu de grandes manifestations politiques du prolétariat dans toutes les villes d'Allemagne. Suite à une amnistie, j'ai été libéré, après six à sept mois d'emprisonnement.
Pour venir en aide aux camarades blessés par les nazis, emprisonnés ou sans travail, nous avons organisé la Rote Hilfe, une organisation d'aide comme la Croix Rouge, composée de communistes, de socialistes et de sans-parti.
J'étais secondé par le camarade Perger. Il organisait la Rote Hilfe et notre Théâtre. Mais on m’a dit, beaucoup plus tard, qu'il serait .entré dans les rangs nazis.
Pour financer la Rote Hilfe nous organisions des pièces de théâtre et nous faisions de la publicité dans notre journal.
Nos pièces étaient jouées par des amateurs. On racontait ce qui se passait en Allemagne. Des SS en uniforme terrorisaient et arrêtaient des gens dans leur maison. C'était pas mal. Les spectateurs non communistes étaient nombreux.
Nous avions un journal local, die Rote Fahne. Pour le financer et pour aider nos camarades en difficulté, j'allais chez les commerçants et leur demandais d'y faire de la publicité expliquant que les ouvriers étaient leurs clients et qu'ils vivaient grâce à eux. A nos meetings, je demandais aux camarades d'acheter chez ceux qui nous soutenaient.
Mais le nazisme progressait. Les commerçants commençaient à avoir peur, ils tournaient l'œil vers les nazis. Certains continuaient à nous soutenir mais ils refusaient la publicité de notre journal. Bientôt nous n’avions plus de ressource.
Même les commerçants juifs préféraient soutenir les nazis plutôt que les communistes. Ils espéraient ainsi ne pas être inquiétés. Ils croyaient que, parce qu'ils avaient des médailles et qu'ils étaient d'anciens combattants de 14-18, les nazis les laisseraient tranquilles. Ils se sont trompés.

10 - Les milices anti-fascistes

Depuis 1930, jour et nuit, il y avait des combats de rue. Les nazis étaient organisés en commandos et ils faisaient régner la terreur dans les milieux ouvriers. Aux portes des usines, ils nous obligeaient à prendre leurs tracts et ils nous attaquaient même pendant nos meetings.
Face à cette terreur, la politique des partis ouvriers ne convenait pas.
Ils organisaient des manifestations de masse, mais elles se terminaient toujours par des blessés ou des morts et cela n’arrêtait pas la terreur. Ils avaient des organisations de combat, la Bannière d'Empire pour le SPD (Reichsbanner) et le Front Rouge pour le KPD (Roter Front Kampferbund), mais elles ne servaient qu'à parader.
Le SPD était au gouvernement mais il ne faisait rien contre les nazis et la police protégeait les fascistes.
Nous ne pouvions compter que sur nos propres forces. C'est pourquoi j’ai organisé le Kampfbund gegen Fascismus, une milice ouvrière antifasciste.
Mon éducation militaire à l'orphelinat m’a été utile pour cela.
Le Kampfbund gegen Faschismus (les "Antifascistes") était une organisation nationale dirigée à Berlin par un communiste - Léon / André. Pour combattre le fascisme il fallait être uni. C’est pourquoi nos commandos, qui étaient dirigés par des communistes étaient composés d'ouvriers sociale-démocrates, communistes et sans-parti.
Ce n'était pas des commandos communistes. Notre emblème était le poing levé mais notre mot d'ordre n'était pas " Rot Front" mais " sturm bereit" (prêts à combattre).
Ce n'était pas des commandos de parade mais des commandos de combat.
Quand nous agissions, le KPD n'appréciait pas et il nous traitait de provocateurs.
Nous portions des uniformes: bottes et pantalons noirs, chemises bleues, et cravates rouges, casquettes bleues marines. Ce qui nous différenciait des nazis au cours des combats.
La Reichsbanner, devenue le Front de Fer, et le Front Rouge avaient aussi leurs uniformes. Mais face à la menace nazie ces organisations n’ont rien fait, sinon manifester. Les syndicats n’ont pas bougé non plus. SPD et KPD refusé le combat.
Nos commandos antifascistes n'ont pas été suffisants pour lutter contre Hitler. Nous avons lutté les armes à la main, mais nous étions de moins en moins nombreux tandis que les nazis augmentaient leurs rangs sans cesse.
En 1933 Hitler est arrivé au pouvoir : toutes les organisations ouvrières ont été détruites.

11 - Politique du SPD.

En 1932 le SPD a appelé à voter pour Hindenburg, un maréchal réactionnaire qui, une fois élu, a remis le pouvoir à Hitler en janvier 1933.
Les sociale-démocrates avaient alors tous les syndicats en main, des syndicats qui étaient présents dans toutes les entreprises. Contre le régime de terreur de Hitler, ils auraient pu organiser la résistance de la classe ouvrière.
En 1920. Kapp avait essayé de prendre le pouvoir mais une grève générale immédiate paralysant Berlin l'avait contraint à s’enfuir. En Allemagne un régime ne pouvait résister à une grève générale.
Malheureusement les sociale-démocrates n’ont rien fait contre le pouvoir de Hitler.
Depuis longtemps le SPD ne défendait plus les travailleurs. Avant la première guerre mondiale, il avait un langage révolutionnaire, plus révolutionnaire encore que celui du KPD. Mais il a voté les crédits de guerre et trahi le prolétariat.
Il était devenu un parti bourgeois à la solde du capital, et depuis 1918 il était au gouvernement. Il parlait toujours de socialisme mais il brisait les révoltes ouvrières.
Ce parti ne pouvait pas organiser le combat contre Hitler parce qu'il espérait gouverner avec lui. Il espérait faire une coalition et écarter les communistes. Mais la pègre hitlérienne au pouvoir n'avait pas besoin de lui.
Tous les partis ont été interdits, SPD compris.

12 - Politique du KPD.

J'étais communiste par idéal. Mais les dirigeants communistes avaient plusieurs langages et ils ont conduit le prolétariat à une défaite totale.
Dans les journaux et dans les tracts nos dirigeants parlaient toujours « d'Action », Mais quand les militants de base agissaient, ils étaient critiqués accusés d'être des provocateurs au service de la police ou des contre-révolutionnaires.
Ils parlaient d'actions mais ils ne voulaient rien faire qui les contraignît à agir illégalement. Il fallait respecter la légalité.
Si un camarade était arrêté par la police, il était critiqué par le Parti qui considérait que c'était sa faute.
Dans une réunion publique en présence de dirigeants du Comité Central, j'ai dénoncé la police qui ne faisait rien pour empê
pêcher la terreur nazie dans les milieux ouvriers. J'ai annoncé que si cela continuait, je prendrais la responsabilité d'organiser l'auto-défense du prolétariat.
Le Parti m’a alors coupé la parole, m’accusant de provocation, et fait expulsé du meeting. Je suis sorti. Toute la salle m’a suivi. Et nous avons organisé le Kampfbund.
La ligne du Parti était très critiquée par les masses. Mais la discussion n'était pas possible dans le parti.
Chaque réunion était programmée. Si un camarade prenait la parole et critiquait, il était interrompu : - "Tu n'as pas la parole camarade !" C'était comme cela dans le Parti.
Celui qui ne suivait pas la ligne était méprisé et contraint à quitter le KPD. Certains sont allés chez les nazis parce qu'on les traitait de traîtres ou d'ennemis à chaque fois qu'ils n'étaient pas d'accord avec ligne.
J'étais moi-même accusé d’être un provocateur. Mais on ne pouvait pas faire grand chose contre moi, j'étais trop populaire.
On ne me faisait pas confiance. J'étais secrétaire fédéral mais on m’avait entièrement fouillé avant d'entrer dans la Karl Liebknecht Haus, le siège du KPD, un jour où j'assistais à une conférence à Berlin. Et pour les élections législatives, le Parti n'a pas accepté ma candidature.
Certains camarades ont été envoyés en stage en Union Soviétique parce qu'ils ne suivaient pas la ligne. Ils ne sont jamais revenus.
D'autres ont été exclus comme Talheimer et Brandler.
Les dirigeants communistes ont refusé l’illégalité. Ils se trouvaient bien dans leurs bureaux et ils avaient peur de perdre leurs places.
Ils craignaient de se retrouver dans la misère.
C'est pourquoi ils parlaient bien mais condamnaient tout ce qui pouvait être prétexte à interdire le Parti.
Ils condamnaient les sociaux-démocrates parce qu'ils espéraient, grâce à l'appui des masses, les écarter et gouverner à leur place.
Cela n'aurait rien changé pour l'ouvrier. Cela aurait même été pire parce qu'il n'y aurait plus eu de démocratie dans les syndicats.
Grève et manifestations auraient été interdites.
Dans les années trente le KPD défendait dans certaines brochures des mots d'ordre nationalistes comme "Libération nationale et socialiste pour l'Allemagne" (National Social Befreihung Deutschland) . Les dirigeants obéissaient alors à Moscou, suivaient ses directives nationalistes.
L'Union Soviétique était le pays de la dictature du prolétariat. Mais dans ce pays, une clique d'intellectuels a pris le pouvoir en main. La base était complètement paralysée par cette dictature devenue personnelle.
Staline avait peur du prolétariat allemand. Plus instruit et mieux organisé que le prolétariat russe, il menaçait le pouvoir du dictateur.
Or, l'Internationale Communiste (le Komintern) et la Guépéou contrôlaient le KPD. Staline et les bureaucrates russes, qui ne voulaient pas de révolution en Allemagne, ont pu imposer au Parti Communiste Allemand une politique désastreuse pour le prolétariat.
Cette politique consistait à combattre davantage les socialistes que les fascistes. Elle a lié les mains du prolétariat allemand et elle a permis la victoire d’Hitler.
En 1939 Staline, le "père du peuple russe", le Grand Staline vénéré par les dirigeants du KPD, trahit définitivement la classe ouvrière, en signant un pacte avec Hitler, le plus grand ennemi des communistes et des ouvriers, alors que des milliers de combattants communistes mouraient dans les camps nazis, torturés par la Gestapo.
C'est alors que j'ai quitté le KPD. Je n'ai adhéré à aucun autre parti. Je suis resté un communiste et un révolutionnaire. Ce n'est pas moi qui ai changé, mais nos dirigeants qui nous ont trahis.

13 - Le SPD et le KPD sont les responsables de la défaite du Prolétariat allemand.

L’histoire des partis sociale-démocrates et communistes nous montre que tant que ces partis étaient minoritaires, ils avaient un caractère révolutionnaire.
En devenant des organisations de masses ils se sont transformés.
Ils sont devenus des partis parlementaires ou dictatoriaux. ils avaient plusieurs langages et ils ont trahi le prolétariat. Ils lui ont fait faire fausse route et c’est le grand capital qui en a profité.
Pour faire face à la menace nazie, il fallait l’unité de la classe ouvrière.
Les dirigeants du SPD et ceux du KPD auraient pu avoir des divergences politiques et s’unir malgré tout contre le fascisme. C'était nécessaire. S’ils avaient fait l'unité, la classe ouvrière aurait battu le fascisme.
Mais ils ne défendaient pas les intérêts de la classe ouvrière. Par égoïsme, ils tenaient à leurs places. Ils espéraient garder leurs sièges même avec Hitler au pouvoir et ils ont refusé le combat.
Pire même, ces dirigeants ont divisé socialistes et communistes en ennemis.
Les dirigeants sociale-démocrates, à la solde du capital, combattaient les communistes. Les dirigeants communistes, obéissant aux ordres de Moscou, combattaient les socialistes.
Et ils ont même aidé Hitler. Les sociale-démocrates au gouvernement interdisaient les meetings ouvriers tandis qu’ils autorisaient les rassemblements de droite. La police de Severing arrêtait les ouvriers alors qu'elle fermait les yeux sur la terreur Nazie. Au Reichstag, les députés communistes marchaient avec les Nazis contre les socialistes. Le KPD a même organisé des grèves avec eux.
Cette Politique des partis Ouvriers a été désastreuse pour le prolétariat. Les nazis, qui se disaient socialistes et révolutionnaires, sont devenus populaires; et la classe ouvrière s'est mise à haïr le SPD et le KPD.
En Allemagne, dans les années trente, il y avait sept millions de chômeurs.
La crise était catastrophique. Or le Parti Social-Démocrate, au gouvernement, ne faisait rien contre Ia misère et le Parti Communiste lui ne proposait rien de valable.
Hitler affirmait qu’il luttait pour un vrai socialisme, pour un socialisme national. Bien sûr sa propagande était le nationalisme, mais pour tromper les ouvriers peu instruits, cette propagande imitait celle des communistes.
Les affiches nazies parlaient de socialisme et utilisaient un verbiage prolétarien très radical. Les nazis ont copié nos méthodes de propagande mais aussi nos méthodes de lutte - ils ont même organisé des grèves - et même nos chants révolutionnaires !
Pour devenir populaires et arriver au pouvoir, les nazis comptaient sur les sept millions de chômeurs. Alors ils ont installé des cuisines roulantes et servi des soupes populaires. Ils pouvaient faire cela parce que les grands propriétaires terriens leur fournissaient les légumes et la viande. Et ils ont promis du travail.
A cause de la misère et parce qu’on leur promettait quelque chose, donc par égoïsme, les chômeurs sont entrés en masse dans les rangs nazis.
Ils ne comprenaient pas alors qu’ils seraient utilisés dans une prochaine guerre comme chair à canon pour accroître les richesses des capitalistes.
Finalement les masses combattantes contre le fascisme ont progressivement diminué et Hitler est arrivé au pouvoir sans qu’il n’y ait quasiment de résistance.

14 - Dans le SPD comme dans le KPD,

Les militants n'acceptaient pas LA POLITIQUE de division de leurs dirigeants.
Les ouvriers sociale-démocrates qui se détachaient de leur parti ne voulaient pas entrer dans le KPD parce que ce parti combattait plus les socialistes que les fascistes. Ils ont formé un nouveau parti qui a eu quelques députés, le SAP : Parti Socialiste Ouvrier.
Dans le KPD les opposants, les communistes de gauche -Links kommuniste- s'organisaient en fraction ou quittaient le Parti. De nombreux camarades qui ne suivaient pas la ligne ont été exclus.
Certains défendaient la politique de Trotsky. Les trotskistes n’étaient pas populaires. C'étaient essentiellement des intellectuels. Pouvant lire et comprendre, ils étaient moins influencés par la propagande de Staline contre Trotsky. Les ouvriers ne s'occupaient pas des dirigeants et ils ne savaient pas que Trotsky était l'organisateur de l'Armée Rouge.
Les trotskistes luttaient dans le parti pour rester avec les masses. Mais quand ils étaient découverts, ils étaient écartés. C'est ce qui est arrivé à un de mes camarades, un ingénieur qui était orateur dans le Parti et qui allait souvent à Paris prendre contact avec d'autres militants trotskistes.
J'étais aussi opposé à la politique du KPD mais toutes ces fractions n'existaient pas à la campagne.
J’étais un homme d'action. J'ai organisé le Parti là où il n'avait jamais existé avant. J'ai vu le combat au jour le jour. Cela ne correspondait pas aux vues du Bureau Politique.
Je n’étais pas d'accord avec le comportement bureaucratique des dirigeants et parce que je n’étais pas d'accord, au cours des discussions, on me traitait toujours de provocateur ou de contrerévolutionnaire
En 1930 je voulais fonder un nouveau parti. Il y avait des combats de rue mais le gros de la classe ouvrière ne bougeait pas. On luttait mais le Parti freinait. Le Parti parlait d'action mais dès qu’on agissait on était des provocateurs.
Je n’étais pas d'accord avec ces dirigeants qui organisaient des manifestations de parade mais refusaient de combattre, qui avaient peur de faire interdire le Parti et qui suivaient la politique de Moscou. Cela ne convenait pas.
Je n'étais pas le seul à être opposé à ces dirigeants qui restaient inactifs face à la terreur. Mais nous n'étions pas nombreux. Nous avons pensé qu'il valait mieux rester dans le Parti et y travailler.
Mais je constate aujourd'hui que notre lutte n'a servi à rien. Les politiques réformistes des partis social-démocrate et communiste ont conduit le prolétariat au désastre.

15 - Élections présidentielles

Au début de 1932 ont eu lieu les élections pour la présidence du Reich. Hindenburg se présentait. Le SPD a fait campagne pour ce maréchal réactionnaire. Le parti Nazi présentait Hitler. Thälmann représentait le KPD.
Le mot d'ordre du Parti Communiste était « Thälmann ou Hindenburg ». Il ne fallait pas voter pour Hindenburg mais pour Thälmann.
Je n'étais pas d'accord avec ce mot d ordre. A la surprise du KPD nous avons recouvert tout le Altmark d'affiches disant « Thälmann »" ou « Hitler ». Ce mot d'ordre ne convenait pas au Parti mais il fallait dire la vérité.
J'ai organisé des meetings et je suis entré illégalement dans les usines pour expliquer que Hindenburg servirait de marchepied pour Hitler. Il ne fallait pas voter pour Hindenburg parce que s'il était élu il mettrait Hitler au pouvoir. Hindenburg ne comptait plus.
Le 10 avril 1932 Hindenburg a été élu. Moins d'un an après, en janvier 1933, il a remis le pouvoir à Hitler.

16 - Terreur nazie.

Entre 1927 et 1929 à Bismark, les nazis faisaient régner la terreur. Pourtant, il fallait continuer la propagande. Même dans leurs rangs .
C'est pourquoi j'allais dans les meetings, avec ou sans gardes du corps. L'orateur nazi prenait la parole, puis il la donnait aux contradicteurs. Je parlais à mon tour pour expliquer que l'arrivée de Hitler au pouvoir ce serait la catastrophe et la guerre pour toute l'Europe.
On me laissait parler. Puis toute le salle se levait, faisait le salut nazi et chantait. Il m'est arrivé d'être le seul à rester assis. Au cours d'un de ces meetings, Gœbbels, l'orateur au pied de cheval, ordonna à la salle de ne pas me toucher. Il espérait faire de moi un de ses cadres. Mais il s'est trompé. Je suis toujours resté fidèle à mes idées communistes !
A la sortie des meetings, on ne me touchait pas. Quand leurs chefs n'étaient plus là, les nazis n'avaient plus aucun respect pour notre bravoure. C'était Ia terreur et ils nous combattaient jour et nuit. Pour me faire quitter Bismark, ils m'ont menacé de mort et ils ont mis le feu à mon logement.
A StendaI, juste avant l'arrivée des nazis au pouvoir, Hitler et Gœbbels ont été accueillis par vingt-cinq mille personnes. Je voulais distribuer un tract où nous disions "Vive le KPD, vive la Révolution", pour montrer que le Parti Communiste vivait encore. Mais aucun camarade ne voulait le distribuer. Les nazis imposaient un régime de terreur. Pour distribuer nos tracts dans les quartiers ouvriers nous devions nous déguiser en femme et utiliser des landeaux. Peu d'entre nous le faisaient. Pour accueillir Hitler j'ai eu l'idée d'utiliser une cheminée d'usine. Dans le four j'ai mis des fagots, puis du papier journal et enfin par dessus Ies tracts qui se sont envolés avec la fumée.
Le lendemain les journaux expliquaient que des avions russes avaient lancé des tracts sur la ville. Mais les nazis ont rapidement appris ce qui s’était passé. Je crois que c'est ma femme qui leur a dit. Elle ne pouvait pas me contacter et ne savait pas où me joindre. Mais un camarade lui a probablement révélé ce que j'avais fait, sans se douter des conséquences.
Deux jours après j'ai été arrêté par les nazis. Ils m'ont trouvé parce que j’ai été trahi. Je suis retourné à Torgau. Il y avait tellement de prisonniers politiques que j'ai été à nouveau amnistié, au bout de trois mois.

17 - Lutter pour un idéal.



Malgré la montée du nazisme, il fallait continuer le combat. La propagande communiste se faisait de plus en plus difficilement, mais on la faisait quand même, par tous les moyens, même dans l'armée .
Je luttais dans la clandestinité bien ayant l'arrivée d’Hitler au pouvoir. On me nommait l’invisible, j’étais partout mais on ne me trouvait nulle part. Jour et nuit, nous pouvions être trahis. Des camarades, la veille dans nos rangs, entraient dans les rangs nazis et devenaient des mouchards.
Il est difficile aujourd'hui d'imaginer comme le peuple allemand a tourné sa veste. Quand on me dit qu'ils étaient obligés‚ je ne suis pas d'accord.
Moi je n'ai pas capitulé. Parce que je croyais à mes idées j’ai continué la lutte. Mais la masse est allée du côté du plus fort. L'égoïsme a été plus fort que l'idéal. Nombreux sont ceux qui luttent pour des augmentations de salaire, mais peu font le choix d'être des révolutionnaires, par idéal , pour lutter contre le capitalisme, contre le fascisme, pour la paix, la liberté et la justice.
De nombreux camarades ont tourné le dos à cet idéal et sont entrés dans les rangs nazis. Dans les procès ils prenaient parti contre nous parce qu'ils espéraient ainsi gagner une place ou autre chose.
Notre lutte est devenue très difficile. Nous pouvions à tout moment perdre la vie. Mais je ne voulais pas la sauver en allant du côté du plus fort.
Je savais que Hitler au pouvoir, c'était la guerre en Europe pour bientôt. Je ne voulais pas mourir au front pour le capital.
Et puis je savais que cette guerre serait atroce et qu'il y aurait des millions d’hommes prêts à lutter pour la liberté, contre Hitler.
Alors j'ai continué le combat.
J'ai perdu mon pays, mais Hitler est mort. Moi je vis encore.

1933 – 1939


18 - Les capitalistes choisissent Hitler.

De 1914 à 1933, la population allemande a toujours connu la misère. Mais cette misère est devenue encore plus grande dans les années trente.
Pour se faire acclamer par les masses, le Parti Nazi expliquait que la principale cause de la misère était la défaite de 1918. Ce qu'il réclamait c’était l'abolition du traité de Versailles et le réarmement de l’Allemagne.
Pour relancer l'industrie de guerre, pour mobiliser la population pour le réarmement et pour la guerre, il était nécessaire de détruire les organisations ouvrières, et principalement le KPD.
Le Parti Nazi était illégal mais il a su montrer aux officiers et au grand capital qu’il était prêt à l'action. La politique nazie a pris la forme d'une terreur formidable contre le SPD et le KPD, la cible privilégiée étant le Parti Communiste.
Cette politique de terreur a convaincu le grand capital. Le Parti Nazi était prêt à détruire le mouvement ouvrier. C'est pourquoi Hindenburg a remis le pouvoir à Hitler en janvier 1933.
Avec Hitler au pouvoir, les capitalistes allemands ont pu s'enrichir davantage. Ils ont mis au pas leur propre peuple, ils se sont préparés à la guerre, puis ils ont pillé l'Europe. Aujourd'hui le capitalisme allemand est le plus puissant et le plus riche d'Europe.
Les capitalistes anglais voyaient aussi avec satisfaction l'arrivée d’Hitler au pouvoir. Et pour l'aider à détruire le mouvement ouvrier allemand, ils lui ont envoyé de l'armement.
En France la bourgeoisie voulait aussi détruire les organisations de la classe ouvrière. C'est pourquoi, pendant la "drôle de guerre" (1939-1940) elle a laissé faire Hitler. Après l’armistice toute la bourgeoisie française était derrière Pétain.
En 1941 Hitler a lancé ses troupes contre l'URSS. Son objectif était de faire reculer le mouvement ouvrier cent ans en arrière.
Mais l'URSS a tenu et c'est l'Allemagne qui s'est affaiblie.
Pour détruire le mouvement ouvrier et augmenter ses profits, le capital a donc remis le pouvoir à Hitler.
La jeunesse doit connaître ce qui s’est passé pour que cela ne se reproduise jamais.

19 - La dictature du troisième Reich.

L'incendie du Reichstag a servi de prétexte pour l'arrestation en masse des militants communistes, et l'interdiction du KPD. Puis tous les partis ont été interdits. Tous les livres et brochures des partis de gauche ont été brûlés dans la rue.
A leur arrivée au pouvoir les nazis ont installé leurs hommes dans l'appareil d'Etat - dans la police, l'armée, les écoles. Il fallait être nazi pour être fonctionnaire. Dans les mairies et dans les classes d'école la photo d’Hitler était devenue obligatoire. Pour saluer on ne pouvait plus dire bonjour, mais on devait dire « Heil Hitler ». C'était obligatoire.
On obligeait les ouvriers et les fonctionnaires à ne pas manger de viande deux jours par semaine. L'argent ainsi économisé devait être remis à un enquêteur des jeunesses hitlériennes. Si l'un de ces jours on était vu mangeant de la viande il fallait verser le double pour la quête. C'était pour remonter l'Allemagne et lutter contre le chômage, nous disait-on. En fait ces quêtes étaient une aide à l'industrie de guerre.
Le mouchardage était une institution. En famille il ne fallait plus parler devant les enfants parce que les instituteurs leur demandaient quelles idées avaient leurs parents.
Les nazis ont divisé les rues en blocs. Dans chaque bloc, ils avaient un homme de confiance.
La propagande était formidable. Au devant des locomotives étaient fixés de grands panneaux où on pouvait lire : " Le Führer commande. Nous suivons tous, pour la Grande Allemagne".
La plus grande victoire d’Hitler, c'est d'avoir conquis la classe ouvrière en proclamant la journée du 1er mai journée de fête nationale. A l'époque des sociaux-démocrates, les manifestations étaient interdites ce jour là et elles se terminaient toujours dans le sang pour la classe ouvrière.
Le docteur Göbbels déclarait à cette époque que le Reich durerait mille ans.
La pègre hitlérienne au pouvoir regroupait des gens prêts à tuer leurs pères, leurs mères et leurs frères. L'Allemagne est devenue un immense camp de concentration.
Je ne veux pas parler de la terreur nazie qui fit des millions de morts.
Toute l'humanité est aujourd'hui informée sur cette barbarie.
Les nazis ont développé une propagande raciste contre le peuple juif.
Toutes les misères des Allemands, l'inflation de 1923 et la crise économique des années trente, tous les échecs de la République de Weimar, tout cela était la faute des juifs. Les magasins juifs étaient pillés. Hommes, femmes et enfants étaient déportés.
Streicher était le chef de cette propagande de haine contre les juifs.
Ley était le chef de l'Arbeitsfront. Tous les ouvriers étaient contraints à adhérer à ce syndicat. La cotisation syndicale était directement prélevée sur le salaire.
Les jeunesses hitlériennes portaient des uniformes et étaient armées de poignards. Leur chef était un noble: Baldur von Schirad.
Röhm, chef des SA, a été exécuté par Hitler, ainsi que plusieurs autres chefs.
Chaque ministre avait sa police SS et la Gestapo surveillait tous Ies officiers, même les généraux.
Tous ceux qui n'étaient pas de race aryenne étaient condamnés à disparaître dans les fours crématoires ou autrement. Pour reproduire la race aryenne, des jeunes filles étaient élues par les SS. Elles devaient être ariennes aux cheveux blonds et aux yeux bleus. Elles étaient encasernées.
Les personnes nées malades, ou qui avaient des maladies héréditaires, étaient stérilisées. Les militants antifascistes aussi.
Les Polonais devaient porter un insigne sur leurs vestes pour être reconnus. Les juifs également. Pour eux, l'étoile de David attestait qu'ils étaient de race juive.
Et les communistes étaient assassinés.
C'était cela la dictature du IIIe Reich.

20 - Dans les prisons nazies.

Après l'arrivée d’Hitler au pouvoir, toutes les heures, les SS faisaient des rondes dans les quartiers ouvriers de Stendal, pour fouiller et voir si nous avions des armes, et pour arrêter les opposants. Mais nous ne nous sommes pas laissé faire et il y a eu une grande bagarre provoquée par les SS.
Le lendemain, le 5 février, j'ai été arrêté avec plusieurs camarades et transporté, menottes aux poings à le prison de Stendal. Sur la place du marché que nous traversions, il y avait de nombreux manifestants venus pour nous délivrer. Mais ils n'ont rien pu faire contre le cordon de police SS. Dans l'autobus j'ai crié " A bas Hitler, vive la Révolution !.
Mais ça m'a coûté cher. Pour me faire taire ils m'ont matraqué sauvagement.
Le 30 mars 1933. j'ai été condamné à quinze mois de prison comme ennemi d'Etat.
En prison j'étais maltraité. J'ai fait quinze jours de grève de la faim mais ils ne m'ont pas libéré pour autant. J’étais souvent interrogé et .transporté d'une prison à une autre, à Stendal, Salswedel, Altmark...
A Magdeburg j'ai été torturé par des brutes de la Gestapo qui voulaient obtenir des renseignements sur le Parti. Je suis resté alors plusieurs jours dans le coma. Des camarades qui ne m'ont pas revu ensuite ont attesté plus tard qu'ils m'avaient vu mort à Magdeburg. On m'a conduit ensuite à Torgau. Cette prison où j'avais déjà fait des ‚jours, avait de nombreux souterrains et il n'y avait aucune maison autour. On pouvait crier, personne ne pouvait entendre. On pouvait nous tuer, personne ne l'aurait su.
Je lève mon chapeau à tous ceux qui ont lutté contre le fascisme.
J'aimerais serrer la main de tous ceux qui, à cause de la torture, ont parlé. Ces camarades n’étaient ni des traîtres ni des mouchards. C'est parce qu'on les a brisés qu'ils ont parlé. Certains sont morts après la torture d'autres sont restés invalides.

Malgré les tortures qu'ils m'ont fait subir, ils n'ont pas réussi à détruire ma volonté de lutte contre le fascisme. Mon cœur était dur comme fer, et j'ai tenu.

21. – Évasion

En septembre 1934 j'ai été transporté par les SS de Torgau à Borstel, près de Stendal, dans un commando disciplinaire pour travailler à la construction d'un camp d'aviation pour la guerre. Les prisonniers politiques étaient transportés au camp en camion. Nous étions étroitement surveillés. Matin, midi et soir, nous étions contrôlés par la police. Nous n'avions aucun papier. Les ouvriers qui travaillaient là jour et nuit avaient une carte avec leur photo. Nous, nous ne travaillions pas la nuit.
Un jour de septembre, alors qu'il y avait du brouillard, je suis allé au coin et j'ai disparu. Je me suis mouillé les pieds, j'ai volé une bicyclette et, sans papier ni argent, j'ai rejoint la Sarre qui à l'époque était encore occupée par la France. Quand j'étais fatigué, je me réfugiais dans les cimetières. Les hommes de la Gestapo n'étaient pas très courageux et là ils me laissaient tranquille.
A Trève, je suis monté dans un train ouvrier. J'ai réussi à éviter le contrôle de police et à entrer en Sarre.
Mon évasion n'aurait pas été possible sans l'aide de mon jeune camarade, Willy Vendt, militant des Jeunesses Communistes, que j'avais formé et qui était resté fidèle à notre idéal. Comme il était jeune, il n'a été condamné qu'à six mois, puis libéré. Dehors il m'a fourni la bicyclette et des vivres ce qui m'a permis de fuir.
Par la suite j'ai appris qu'il était tombé sur le front en Russie. Il a risqué gros pour moi. Je garde beaucoup de respect pour ce jeune combattant contre le fascisme. Jusqu’à la mort Willy Vennt restera vivant dans mon cœur.

22 - En Sarre.

Je ne pouvais pas rester en Allemagne, on ne pouvait plus avoir confiance en personne. Je suis donc allé en Sarre.

Ma vie ne tenait qu'à un fil. Je savais ce qui m'attendait si je tombais dans les mains de la Gestapo. Devant chaque difficulté je devais rapidement prendre des décisions.
Sans papier, sans argent, je suis arrivé au château Von der Heint à Sarrebruck. Le KPD, qui occupait ce château, était déjà informé sur ma personne. Les nazis avaient signalé par tract mon arrivée. Ils avaient des espions partout. Sur ces tracts on pouvait lire: " Le chef rouge du Parti communiste de Stendal est arrivé à Sarrebrück".
Le Parti m'a donné le nom de Blücher. Aussitôt j'ai repris la propagande, contre le Ille Reich.
Nos meetings étaient très populaires. Ils rassemblaient des dizaines de milliers de personnes. Mais le 13 janvier 1935, jour du plébiscite, 90 % des voix étaient favorables à Hitler. Les gens tournent comme le vent.
Les SS et la Gestapo sont aussitôt entrés en Sarre. J’étais à nouveau obligé de partir.

23 - Réfugié en France.

J'ai réussi à me procurer une fausse carte d'identité de Sarre et je suis entré illégalement en France.
Les Croix de Feu, organisés en commandos, attendaient, partout sur la frontière, les Allemands qui fuyaient le fascisme. Heureusement pour moi les gardes mobiles étaient là pour m'arrêter. Sinon j'aurais été assassiné.
Quand les autorités françaises ont compris que je n'étais pas un réfugié sarrois, mais un réfugié politique du Reich, elles m’ont envoyé dans la caserne des gardes mobiles d'Ancenis où je suis resté jusqu'à fin 1936. C'est ici que j'ai connu Karl Roll un militant communiste qui fuyait comme moi le régime de Hitler.
Après une année d'emprisonnement, les autorités françaises m'ont mis en liberté surveillée. J'étais contraint à travailler gratuitement dans une ferme, sous la responsabilité du paysan.
J’étais déchu de la nationalité allemande, déclaré "ennemi d’Etat", et condamné à mort par le Reich et recherché par la Gestapo. On m'a permis de choisir une terre d'asile: le Canada, l'Angleterre ou la France. C'est ce dernier pays que j'ai choisi parce que je ne voulais pas fuir. Je restai en France je pouvais continuer la lutte contre le fascisme.

24 - La guerre d'Espagne.

Au début de la guerre d'Espagne j'ai reçu une carte d'identité pour étranger qui me permettait de circuler dans un département. J'ai quitté la ferme et je suis allé travailler dans une mine d'or à Saint-Pierre Montlimart entre Ancenis et Cholet. J'ai tout de suite pris une carte de la CGT.
Je militais alors clandestinement dans le Pariser Club, l'organisation émigrée à Paris du KPD. Karl Roll aussi. Ensemble nous avons formé à St Pierre Montlimart, la Brigade Thälmann.
Les nazis envoyaient en Espagne des troupes armées jusqu’aux dents, du matériel de guerre, des chars, des avions. Mais la Russie n’envoyait rien et le gouvernement socialiste de Léon Blum ne faisait rien. Comment vaincre avec des fusils de chasse ? Je voyais bien que la guerre d’Espagne était une révolution perdue d'avance.
Ulbricht qui dirigeait alors le KPD m'a demandé de partir pour l'Espagne. Je n’étais d'accord que si l'URSS garantissait qu'elle fournirait un armement valable. On m'a répondu que nous n'avions qu'à prendre les armes de l'ennemi. C'est beau à dire. On n'avait pas d'arme, on ne parlait pas la langue et on ne connaissait pas le pays.
J'ai refusé de partir et j'ai dit aux camarades de bien réfléchir, partir pour l'Espagne c'était partir pour la mort. Aucun n'est revenu.

25 – Ouvrier dans la région nantaise.

J'ai travaillé un an à St-Pierre Montlimart. Notre chef, un Italien acclamait le Duché chaque matin au casse-croûte. Le jour où on m'a expliqué que ce qu'il faisait était le salut fasciste italien et qu'il le faisait pour nous provoquer, nous qui étions des réfugiés politiques, je l'ai interrompu. Et j'ai quitté la mine.
A Nantes on construisait un tunnel pour la voie ferrée et on recherchait de bons mineurs. Je me suis présenté mais je n'ai pas été embauché parce que j'étais un réfugié politique recherché par la Gestapo.
J'ai travaillé pour l’entreprise Placy Ouest, société de charbon à Roche-Maurice. J'ai été débauché après avoir arraché le drapeau à croix gammée d'un bateau allemand.
Finalement, je suis entré aux Batignolles à Nantes en 1938, comme pontonnier. Dans cette usine on fabriquait des chars, des lance-torpilles et des obus. Après la guerre j'ai travaillé à nouveau pour cette entreprise, jusqu'à la retraite en 1968.

1939 - 1945

26 - Pacte germano-soviétique.

En signant un pacte avec le pire ennemi du prolétariat, avec ce régime nazi qui tuait des prolétaires par milliers dans les camps de concentration, Staline et Molotov ont trahi la classe ouvrière. Cette trahison m'a fait quitter le KPD.
Je ne voulais plus risquer ma vie dans un combat devenu inutile. Le Parti Communiste était devenu réformiste, nationaliste et sectaire. C'était inacceptable pour un révolutionnaire.
J'ai compris que les belles paroles des bureaucrates pour le socialisme n’étaient que du vent. Et que dans la lutte contre le fascisme, ils avaient imposé au Parti une politique désastreuse qui a fait échouer notre combat par une défaite totale.
Je suis resté un communiste, un révolutionnaire. Mais je ne suis allé dans aucun autre parti.

27 - Lutter contre le fascisme.

Il fallait pourtant continuer la lutte contre le fascisme et pour la liberté.
En 1938, la situation internationale était très difficile, la menace de guerre se précisait. Je savais qu’en cas de guerre la France serait occupée par l'Allemagne. En luttant contre Hitler, le peuple de France lutterait pour garantir sa liberté. Cette lutte serait aussi la mienne.
Or j'étais sans nationalité et recherché par la Gestapo. Il me fallait acheter mon identité, avoir un faux nom.
Pour ces deux raisons j'ai pris la décision de lutter contre le fascisme les armes à la main dans les rangs de l'armée française. C'était le seul moyen de prendre les armes contre le fascisme.
Je savais bien que c'était une guerre capitaliste. Mais la liberté était en danger dans toute l'Europe. Lutter contre l'Allemagne pour détruire le fascisme, j’étais d'accord.
Mon idée était raisonnable. Bien sûr les capitalistes ont toujours le pouvoir, en France comme en Allemagne. Mais le fascisme a été vaincu. Et aujourd'hui je suis encore vivant.
Mais je n’étais pas un mercenaire. Je n'ai pas combattu dans la Légion Etrangère mais dans le 65ème Régiment d'Infanterie de Nantes. Et je ne suis resté dans l'armée que durant la guerre.

28 - Dunkerque.

Un vrai massacre, quarante huit heures de combats, sans arrêt. Les stukas allemands piquaient sur nos troupes. Avec leurs sirènes ils faisaient plus de bruit que les bombes. Toutes les quarante-huit heures six cent bombardiers arrivaient. On installait nos mitrailleuses derrière les morts, on ne pouvait pas construire de tranchée.
Les chevaux qui tiraient les canons se sont noyés dans la vase. Le feu partout, les chevaux crevés; des blessés, des hommes de trente cinq ans criaient "Maman ! Maman !"; certains avaient le ventre ouvert, mais on ne pouvait rien faire pour eux. C'était terrible.
Pour que les Allemands ne récupèrent rien, on a jeté à la mer des camions neufs, et de la marchandise par milliards.
Les troupes françaises étaient consignées pour protéger l'embarquement des troupes anglaises.
C'était un vrai massacre. A la fin on ne pouvait plus se défendre, on n'avait plus de munition.

29 - Prisonnier.

J'ai été fait prisonnier sous le nom, donné par l'armée, de Cartier Guillaume, matricule 52500.
Nous marchions en colonne, surveillés des deux côtés par des chars de SS.
Ceux qui ne pouvaient pas suivre étaient achevés au pistolet.
En Belgique les Wallons mettaient dans la rue des seaux d'eau fraîche.
Mais les SS les renversaient à coup de botte.
Celui qui sortait des rangs était un homme mort.
En Hollande nous avons été embarqués dans les cales d'un bateau transportant du charbon. Nous étions noirs comme des nègres et on ne pouvait pas se laver, nous n'avions pas d'eau.
A Wiesel am Rhein en Allemagne, les nazis nous ont présentés au peuple allemand. Avec nos gueules noires ils nous traitaient de sous-hommes. Et on nous crachait à la figure. Même des ouvriers, des cheminots, le faisaient.
En 1918 le peuple allemand criait : « A bas la guerre, plus jamais la guerre ».
En 1939 ce même peuple soutenait une guerre encore plus criminelle. Il soutenait les plus grandes cruautés.

Les prisonniers étaient enfermés dans des wagons à bestiaux, plombés, sans eau, sans pain. Certains tombaient dans le coma parce qu'ils avaient faim ou soif. Beaucoup étaient obligés de boire leur propre urine.
C'était cela la civilisation du Ille Reich. Quelle monstruosité !
Je n'ai pas essayé de m’évader. Mes amis en France m'avaient prévenu que sous le régime de Pétain mon nom français ne suffisait plus, que je serais vendu à cause de mon accent par un des nombreux collaborateurs.
Je suis resté cinq ans prisonnier en Allemagne sous le nom de Cartier.
La Gestapo me cherchait en France. C'est dans les camps d'Allemagne que je vivais. Elle ne m'a pas découvert.
Ma lutte antinazie a continué pendant tout ce temps, mes camarades français en sont témoins. Après la guerre c'est par leur initiative que le Ministère de la Guerre m'a proposé la nationalité française. Je l'ai acceptée en 1947.

30 - Dans les camps de prisonniers

Dans les camps, c'était la plus grande misère. Partout il y avait des mouchards et des espions. Les chefs de camp étaient des prisonniers. Ils frappaient leurs propres camarades et étaient protégés par la Gestapo.
De jeunes officiers bretons collaborateurs des allemands, recrutaient des volontaires pour une Bretagne libre. Ils m'ont interrogé pour comprendre pourquoi je ne parlais pas le breton.
Je leur ai répondu que j'étais un breton, que mes parents habitaient Nantes et ne parlaient pas cette langue. J'ai refusé de lutter dans leurs rangs sous prétexte que j'étais républicain, ce qui m'a donné droit à huit jours.
On me changeait souvent de camp parce que je ne voulais pas travailler pour les Allemands. On ne pouvait rien faire de moi. J’étais une forte tête, toujours malade.

Je suis passé à Mülhberg an der Elbe à vingt-cinq kilomètres de Stendal où j'étais recherché par la Gestapo. Puis à Bergen-Belsen, à Hammerstein et à Stargardd en Poméranie et à Oschatz-Würtzen près de Leipzig.
A Stargardd il n'y avait pas de cabinet mais un grand fossé de cinq à six mètres de profondeur. Tous les prisonniers avaient la dysenterie. Celui qui était trop faible tombait dans la fosse. On ne pouvait plus rien pour lui. Les prisonniers fouillaient les poubelles des Allemands. C'était la famine
Dans les camps il y avait des prisonniers de toutes les nations. Les Polonais n’étaient pas bien vus car beaucoup d’entre eux étaient des mouchards. Les Russes étaient les plus malheureux, les Français les plus égoïstes.
Tous les mois je recevais un colis de la Croix Rouge, et des amis français m’en envoyaient d’autres encore. J'avais tout ce qu'il faut.
Le chocolat que je recevais, je le vendais aux Allemands pour obtenir de la farine, du canard et du poulet dans les fermes voisines. On a même mangé du dindon à Noël.
J'ai acheté des cigarettes allemandes pour les donner aux prisonniers Russes qui n'avaient rien, et tout ce que je trouvais, je leur donnais parce qu'ils étaient misérables. Certains Français ne comprenaient pas que je fasse cela. Ils préféraient détruire ce qui leur restait ou le donner à des chevaux plutôt que le donner aux prisonniers russes.
Après la conquête de l'Ukraine, des jeunes filles de quinze-seize ans ont été amenées au camp. Les Allemands voulaient des volontaires français pour désinfecter avec des pinceaux ces pauvres malheureuses qui auraient pu être leurs filles. Comme nous auparavant on les a transportées dans des wagons à bestiaux, sans eau, sans nourriture, et bien sûr elles étaient sales et couvertes de poux.
Il y eut des français volontaires. Ils n'avaient pas honte. Les pauvres filles, nues, qu'on traitait de putains, pleuraient. Les Allemands rigolaient, étaient ignobles.

Dans le camp un prisonnier russe a été attaché nu à un poteaux. Il faisait moins vingt degrés. On l'a arrosé d'eau. Il est mort comme cela. Pas tout de suite. Les autres rigolaient. Je ne peux pas pardonner cela.
Jamais je n'oublierai cette criminalité du peuple allemand. Jamais je n'oublierai toute cette horreur. J'ai une haine formidable contre l'Allemagne, qu'un peuple civilisé ait fait tout cela... J'avais honte d'être Allemand.

31 - Avec les partisans de De Gaulle.

Les Français n’étaient pas meilleurs que les Allemands. Ils portaient tous Ia francisque. J'ai manqué d’être tué par un soldat pétainiste parce que je lui avais dit que Pétain était le boucher de Verdun. Heureusement des camarades qui étaient derrière moi ont pu arrêter le couteau de ce fanatique. Les Français qui étaient hostiles à Pétain étaient partisans de De Gaulle. Bien sûr, De Gaulle était un nationaliste et un réactionnaire. Mais pour rassembler les Français contre le fascisme il fallait lutter avec ces partisans. Je n'avais pas le choix. Je croyais que la classe ouvrière française était plus instruite, mais elle ne s'intéressait que peu à la politique.

32 - Contacts avec le KPD.

Je n'avais évidemment pas le droit de sortir du camp, mais avec l'aide des camarades français cela devenait possible.
J'ai pris contact avec des militants du KPD. Mais par prudence je ne leur ai pas dit qui j'étais, ni que je n’étais pas Français. Ils m'ont fourni des vêtements civils pour voyager hors du camp. Avec eux j'ai pu continuer le combat contre le nazisme, par exemple en faisant pour les prisonniers des tracts sur la guerre.

33 - Défaite allemande.

L'armée allemande était aux portes de Moscou. Cependant j'ai déclaré à cette époque que l'armée russe entrerait dans Berlin. Mes camarades ne me comprenait pas.
Je savais cela parce que l'URSS, c'est immense. Il y fait froid et l'armée allemande n'était pas équipée pour lutter contre ce froid. Enfin le peuple russe ne pouvait accepter cette occupation. Or ils étaient des millions. J'ai appris par la suite que des soldats allemands étaient morts debout, gelés. L’Allemagne comptait affaiblir l'URSS, mais ça a été le désastre pour elle.
Cependant je croyais que les Russes seraient allés plus loin. Mais la révolution internationale ça ne les intéressait pas. Ils se sont arrêtés en Allemagne. Ce qu'ils voulaient, c'était affaiblir ce pays, le couper en deux.
La défaite pour l'Allemagne a été terrible. A cause des bombardements les ouvriers ne pouvaient plus aller à l'usine. Les usines ont alors été installées dans la rue, sous des tentes. Mais les avions anglais, les double-queues, sont passés en rase motte. Personne ne pouvait aller au travail. Les colonnes allemandes ne chantaient plus, mais elles baissaient la tête.
En cette année 1944, jour et nuit, des milliers d'avions bombardaient l’Allemagne. Ce n'était pas beau à voir.
Avant de prendre la fuite, les SS allemands ont mis le feu au camp de Gardelagen. Tous les prisonniers ont été brûlés vifs.
A Dresde, les Allemands ont mis des barbelés tout autour de la ville.
Bombardée au phosphore, c'était devenu une ville morte. Il y a eu 200 à 250 000 morts. Personne ne sait exactement. Les cadavres, entassés dans des fosses communes, ont été recouverts de chaux.
Pour l'Allemagne c'était le désastre. Cependant, malgré toutes ses défaites le peuple allemand criait encore : Victoire !

34 – Il ne faut pas oublier.

A la radio, dans les journaux et à la télévision, journalistes et politiciens au service des capitalistes mettent tout en œuvre pour nous faire oublier ce sinistre passé .
On veut nous faire oublier le fascisme en Allemagne et la 2ème Guerre mondiale.
Et on nous cache que toute la misère et tous les morts de cette époque ont profité au grand capital.
Mais il ne faut pas oublier. Les cinquante millions de morts de cette époque barbare doivent au contraire être un avertissement pour l'avenir.
Aujourd'hui, pour défendre leurs profits, les capitalistes se préparent à une nouvelle guerre mondiale. Il faut éviter une nouvelle catastrophe comme celle-ci.
Je dis à tous :
Marx et Lénine sont morts. Trotsky, Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg aussi. Mais leurs esprits sont vivants.
Parce que des hommes détendent toujours leurs idées. On ne tue pas une idée.
Mais aussi :
Hitler, Mussolini et Franco sont morts, mais leurs esprits sont toujours vivants.
Parce que ce qui s'est passé peut se reproduire si nous ne l'empêchons pas.

1945 - 1984

35 - La situation du prolétariat aujourd'hui.

Le fascisme et la guerre ont détruit le mouvement ouvrier révolutionnaire. Les meilleurs cadres de la base ont disparu. Ceux qui restent comme moi sont vieux et malades.

La classe ouvrière d'aujourd'hui est complètement paralysée. Elle ne connaît plus la vraie lutte contre le capitalisme parce que ses dirigeants sont des politiciens à caractère nationaliste et bourgeois.
Ces politiciens arrivent parfois au gouvernement, comme en France aujourd'hui Ils sont toujours prêts à servir le grand capital.
La lutte unie du prolétariat est nécessaire. Mais ce ne sont pas les syndicats ou des partis politiques réformistes qui les conduiront dans cette voie. Ils sont beaucoup trop attachés au régime bourgeois.
Ils organisent de temps en temps des mouvements pour obtenir quelques avantages ou pour faire semblant de faire quelque chose, mais c'est parce qu'ils tiennent à leurs places.
De toute façon ces mouvements sont insuffisants. Ils ne permettent pas au prolétariat de sortir de la misère.

36 - Le désarmement.

Les démonstrations pacifistes ne sont pas des luttes naturelles du prolétariat. Elles n'ont rien de révolutionnaire.
Les réformistes et le clergé dirigent ces mouvements pour être populaire ou obtenir davantage de voix aux élections. Mais ils savent bien que ce n'est pas dangereux pour le capitalisme.
Par contre les pacifistes ont des illusions: Ils ne peuvent empêcher ni le surarmement ni la guerre.
Depuis 1918 j'ai entendu parler de désarmement. J'ai vu des manifestations pacifiques dans toutes les grandes villes d'Europe. Mais tout cela n'a rien changé. Les capitalistes et leurs gouvernements ont continué leur politique d'armement. Puis ils ont fait la guerre en 1939.
Les manifestations pacifistes ne sont pas suffisantes, mais la classe ouvrière peut arrêter l’armement et empêcher les guerres. C’est elle qui fabrique les armes, pas le capitaliste. Si elle est unie et si elle le veut elle peut arrêter de produire ces armes, armes atomiques comprises.
Bien sûr ni les syndicats ni les partis réformistes la conduiront dans cette voie. Il faudra un nouveau Parti révolutionnaire.
Le pacifisme c'est du vent. C'est une machinerie parlementaire pour obtenir plus de voix.
Les révolutionnaires doivent entrer dans ce mouvement pour le retourner contre le capitalisme et contre la guerre.

37 - Luttes ouvrières en Pologne.

En Pologne, sans le soutien de l'Eglise, les luttes ouvrières ne seraient jamais allées aussi loin. Si la révolte avait été une lutte révolutionnaire et non une lutte nationaliste et religieuse, les aides et les soutiens donnés aux Polonais n'auraient pas été les mêmes. Les partis réactionnaires de France ont soutenu la lutte des travailleurs polonais.
Si Walesa avait été un socialiste révolutionnaire, il n'aurait pas été reçu comme un prince en France et il n'aurait pas eu le prix Nobel. Les communistes comme moi ont été reçu par la police puis on les a internés. Pourtant nous luttions aussi pour la liberté, la justice et contre le fascisme.
L'armée russe n'est pas intervenue, comme en Hongrie ou en Tchécoslovaquie, parce que les bureaucrates russes avaient peur du soulèvement d'un peuple entier : 90% de la population est catholique.
Les capitalistes US. espèrent faire de la Pologne un pays indépendant du "camp socialiste" et détruire ainsi l'alliance du Pacte de Varsovie. Le gouvernement religieux du Vatican a choisi un Pape polonais dans le but de faire une brèche dans les pays de l'Est. Ce représentant du grand capital a aujourd'hui une grande autorité en Pologne.

38 - Les Pays de l'Est.

Je n'ai pris aucun contact avec l'Allemagne de l'Est et je n'ai pas voulu retourner vivre là-bas.
Comment peut-on penser que ce soit le communisme dans ce pays ? Dans toute l'Allemagne, il y avait 15% d'antifascistes. Les meilleurs communistes sont tous morts. D'où viennent tous ces nouveaux communistes. En fait, dans le gouvernement de RDA, il n'y a que des sociaux-démocrates ou d'anciens fascistes. L'URSS a fabriqué de faux communistes à partir des prisonniers de guerre. Et on a mis en place un gouvernement où il n'y avait qu'un petit nombre de survivants du KPD !
Dans les Pays de l'Est il n'y a pas le socialisme. La preuve, dans tous ces pays ce n'est pas le capitalisme qui manifeste mais la classe ouvrière qui est toujours dans la misère.

39 - Le fanatisme religieux

Je hais les religions parce qu'elles servent toujours à asservir les peuples ou à les dresser les uns contre les autres.
En Iran, en Irlande, en Israël, toutes les religions, sans oublier la religion catholique de Rome, utilisaient le nom de Dieu ou d'Allah pour commettre les pires crimes.
Les curés sont des hommes comme moi qui exercent un "métier". Ils n'ont aucun pouvoir. Même le pape a été incapable d'empêcher la guerre mondiale et d'arrêter la misère. Au contraire il a soutenu les fascistes.
La bourgeoisie utilise les formations religieuses pour calmer les revendications ouvrières et pour défendre les profits.
Jamais je ne donnerais la main au pape comme l'ont fait certains dirigeants "marxistes", alors que l’Eglise a toujours déclaré que le marxisme est le pire ennemi de Dieu ?
Dans les camps, malgré toutes leurs prières, les prisonniers croyants sont morts par milliers. Les juifs ont prié, prié, prié...Où était-il leur Dieu? Je voudrais bien le voir ce sauveur qui n'est jamais là.

Pour moi il n'y a que la nature qui existe. Le reste je n'y crois pas, je ne peux pas y croire.

40 - Fascisme, guerre mondiale... ou socialisme ?

Aujourd'hui le monde capitaliste est à nouveau en crise. Pour défendre leurs profits les capitalistes seront prêts à tout même à la guerre mondiale.
En Allemagne ce sont les chômeurs qui ont permis à Hitler d'arriver au pouvoir. Puis il y a eu la guerre.
Aujourd'hui le danger est grand : les fascistes sont encore là, et les organisations réactionnaires se renforcent parce que le chômage et la misère augmentent sans cesse.
Le danger d'une nouvelle guerre mondiale se précise. Les Etats s'arment jusqu'aux dents, les pacifistes sont bien incapables d'empêcher cela. Les capitalistes conquièrent l'espace pour y installer de nouveaux satellites militaires ou même de futures stations policières et militaires...
Alors il ne faut pas que cet avenir sombre se produise, parce que s'il y a un nouveau fascisme ou s’il y a une nouvelle guerre mondiale, cela pourra encore être pire que ce que j'ai connu.
Malheureusement la classe ouvrière d'aujourd'hui dort. Pourtant pour empêcher une nouvelle barbarie, la lutte de la classe ouvrière est nécessaire.
Il faudra qu'elle soit unie, parce que l'unité est sa force, et sa force est immense.
Il faudra se donner de nouvelles tactiques de combat.
Il faudra qu'elle déjoue les manœuvres des bourgeois et des réformistes.
Et il faudra qu'elle mette en place un régime révolutionnaire où le capitalisme sera détruit.
La classe ouvrière peut faire tout cela. Mais pour y arriver il faut de nouveaux cadres dans ses rangs. Il faut un nouveau parti communiste révolutionnaire lié à la base ouvrière.
Il faudra aussi une réorganisation complète de la classe ouvrière. On n'arrivera au socialisme que si des comités révolutionnaires d'usine dirigent l'Etat, avec le peuple.
Une armée construite par ces comités révolutionnaires sera nécessaire.
Le prolétariat doit comprendre que le vote n'a aucune valeur. Il ne peut servir qu’à prendre la température sociale, à mesurer la force du parti révolutionnaire et la force du peuple. Mais il n'a aucune valeur pour le changement.
Il doit comprendre que les partis politiques qui se présentent sous les noms de socialiste (social-démocrate) ou communiste ne sont que des partis réformistes et bureaucratiques qui n'ont rien à voir avec le socialisme.
Si le prolétariat a cette conscience alors il pourra détruire le capitalisme.
Alors dans la nouvelle société on pourra tout changer : l'école, la culture...
On aura aussi changé les fonctionnaires, l'armée, la police. On n'aura pas fait que changer le drapeau national comme l'avaient fait les sociaux-démocrates en 1918.