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| En mai le pouvoir interdit ''Bourevestnik'', ''Anarkhia'', ''[[Goloss Trouda|Goloss Trouda]]'', et d'autres journaux anarchistes importants. | | En mai le pouvoir interdit ''Bourevestnik'', ''Anarkhia'', ''[[Goloss Trouda|Goloss Trouda]]'', et d'autres journaux anarchistes importants. |
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− | Du 21 août au 1<sup>er</sup> septembre 1918 a lieu la première Conférence pan-russe des anarcho-syndicalistes, à Moscou. La résolution sur la situation dans l'industrie accusait le gouvernement d'avoir trahi la classe ouvrière en supprimant le contrôle ouvrier au profit de méthodes capitalistes comme la « direction d'un seul », la « discipline dans le travail » et l'emploi d'ingénieurs et de techniciens « bourgeois ». En abandonnant les Comités d'usine, « fils bien-aimés de la grande révolution ouvrière » pour « ces organisations mortes », les syndicats, les dirigeants bolcheviks étaient en train de créer un monstre, un « capitalisme d'État » bureaucratique déguisé en socialisme. | + | Du 21 août au 1<sup>er</sup> septembre 1918 a lieu la '''première Conférence pan-russe des anarcho-syndicalistes''', à Moscou. La résolution sur la situation dans l'industrie accusait le gouvernement d'avoir trahi la classe ouvrière en supprimant le contrôle ouvrier au profit de méthodes capitalistes comme la « direction d'un seul », la « discipline dans le travail » et l'emploi d'ingénieurs et de techniciens « bourgeois ». En abandonnant les Comités d'usine, « fils bien-aimés de la grande révolution ouvrière » pour « ces organisations mortes », les syndicats, les dirigeants bolcheviks étaient en train de créer un monstre, un « capitalisme d'État » bureaucratique déguisé en socialisme. |
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− | Volny Goloss Trouda [La Voix Libre du Travail] avait pris la succession de Goloss Trouda. Le nouveau journal fut lui aussi interdit après la parution de son quatrième numéro (le 16 septembre 1918). Il contenait un article de « M. Sergven » (probablement Maximov) intitulé « Les Chemins de la Révolution », qui refusait de présenter les partisans de Lénine comme des cyniques assoiffés de pouvoir, mais développait sa critique sur le fait que la division de la société en administrateurs et en travailleurs ne pouvait que ruiner l'émancipation du prolétariat. Dans le même numéro du journal Maximov s'en prenait aux « Manilov »<ref>Manilov, propriétaire foncier rêveur, est un personnage des Âmes mortes de Gogol.</ref> du camp anarchiste, aux « visionnaires romantiques, ayant la nostalgie des utopies pastorales, qui oublient la complexité des forces à l'œuvre dans le monde moderne ». Il était temps de cesser de rêver à l'Âge d'or. Il fallait maintenant « s'organiser et agir ». Maximov et les anarcho-syndicalistes furent férocement accusés d'être des « Judas anarcho-bureaucratiques » par d'autres tendances du mouvement anarchiste.<ref>Paul Avrich, ''The Russian Anarchists'', Princeton, 1967,</ref> | + | '''Volny Goloss Trouda''' [La Voix Libre du Travail] avait pris la succession de Goloss Trouda. Le nouveau journal fut lui aussi interdit après la parution de son quatrième numéro (le 16 septembre 1918). Il contenait un article de « M. Sergven » (probablement Maximov) intitulé « Les Chemins de la Révolution », qui refusait de présenter les partisans de Lénine comme des cyniques assoiffés de pouvoir, mais développait sa critique sur le fait que la division de la société en administrateurs et en travailleurs ne pouvait que ruiner l'émancipation du prolétariat. Dans le même numéro du journal Maximov s'en prenait aux « Manilov »<ref>Manilov, propriétaire foncier rêveur, est un personnage des Âmes mortes de Gogol.</ref> du camp anarchiste, aux « visionnaires romantiques, ayant la nostalgie des utopies pastorales, qui oublient la complexité des forces à l'œuvre dans le monde moderne ». Il était temps de cesser de rêver à l'Âge d'or. Il fallait maintenant « s'organiser et agir ». Maximov et les anarcho-syndicalistes furent férocement accusés d'être des « Judas anarcho-bureaucratiques » par d'autres tendances du mouvement anarchiste.<ref>Paul Avrich, ''The Russian Anarchists'', Princeton, 1967,</ref> |
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− | Enfin, la [[Révolte_de_Kronstadt|Révolte de Kronstadt]] en mars 1921 fut un des moments qui ébranla le plus le pouvoir soviétique, car elle se produisait aux portes de [[Pétrograd|Pétrograd]]. Le mouvement était politiquement hétérogène mais une forte composante anarchiste y était présente. | + | La '''deuxième''' '''Conférence pan-russe des anarcho-syndicalistes''' se tient à Moscou entre le 25 novembre et le 1<sup>er</sup> décembre 1918. |
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| + | Enfin, la [[Révolte_de_Kronstadt|'''Révolte de Kronstadt''']] en mars 1921 fut un des moments qui ébranla le plus le pouvoir soviétique, car elle se produisait aux portes de [[Pétrograd|Pétrograd]]. Le mouvement était politiquement hétérogène mais une forte composante anarchiste y était présente. |
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| En 1920, les anarchistes [[Emma_Goldman|Emma Goldman]] et [[Alexander_Berkman|Alexander Berkman]], réprimés aux Etats-Unis alors en pleine ''« [[Peur_rouge|peur rouge]] »'', visitent la [[Russie_soviétique|Russie soviétique]] avec grand enthousiasme initial. [[Angelica_Balabanoff|Angelica Balabanoff]], qui les accueille, raconte qu'elle avait des préjugés parce que ''« la plupart des anarchistes [qu'elle avait] rencontrés durant [s]es activités en Europe occidentale [lui] avaient toujours paru se complaire dans une attitude idéaliste et hyper-critique, sans aucun souci des circonstances ni des conditions objectives »<ref>Angelica Balabanoff, ''Ma vie de rebelle'', 1938</ref>''. Cependant, les deux militants lui sont recommandés par [[John_Reed|John Reed]] et elle est impressionnée en lisant les pamphlets [[Antimilitaristes|antimilitaristes]] qu'ils avaient écrits pendant la guerre. Ils confient cependant à Balabanoff leur déception face à la répression des opposants et aux progrès de la [[Bureaucratisation_soviétique|bureaucratisation]]. Balabanoff leur arrange un entretien avec Lénine, qui les accueille chaleureusement et soutient qu'aucun anarchiste n'est emprisonné pour cause de ses opinions, et que les soviets s'étaient seulement débarrassés des ''« bandits »'' et des partisans de [[Makhno|Makhno]]. Ils acceptèrent néanmoins quelques temps de travailler pour le jeune État (on les avait chargés de superviser la transformation de certains anciens hôtels particuliers de Petrograd en maisons de repos pour les ouvriers) avant de le quitter en opposants. | | En 1920, les anarchistes [[Emma_Goldman|Emma Goldman]] et [[Alexander_Berkman|Alexander Berkman]], réprimés aux Etats-Unis alors en pleine ''« [[Peur_rouge|peur rouge]] »'', visitent la [[Russie_soviétique|Russie soviétique]] avec grand enthousiasme initial. [[Angelica_Balabanoff|Angelica Balabanoff]], qui les accueille, raconte qu'elle avait des préjugés parce que ''« la plupart des anarchistes [qu'elle avait] rencontrés durant [s]es activités en Europe occidentale [lui] avaient toujours paru se complaire dans une attitude idéaliste et hyper-critique, sans aucun souci des circonstances ni des conditions objectives »<ref>Angelica Balabanoff, ''Ma vie de rebelle'', 1938</ref>''. Cependant, les deux militants lui sont recommandés par [[John_Reed|John Reed]] et elle est impressionnée en lisant les pamphlets [[Antimilitaristes|antimilitaristes]] qu'ils avaient écrits pendant la guerre. Ils confient cependant à Balabanoff leur déception face à la répression des opposants et aux progrès de la [[Bureaucratisation_soviétique|bureaucratisation]]. Balabanoff leur arrange un entretien avec Lénine, qui les accueille chaleureusement et soutient qu'aucun anarchiste n'est emprisonné pour cause de ses opinions, et que les soviets s'étaient seulement débarrassés des ''« bandits »'' et des partisans de [[Makhno|Makhno]]. Ils acceptèrent néanmoins quelques temps de travailler pour le jeune État (on les avait chargés de superviser la transformation de certains anciens hôtels particuliers de Petrograd en maisons de repos pour les ouvriers) avant de le quitter en opposants. |