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| == Social-démocrates, bolchéviks et anarchistes == | | == Social-démocrates, bolchéviks et anarchistes == |
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− | Dans la [[Première_internationale|Première internationale]], ceux qui allaient devenir les [[anarchistes|anarchistes]] et les [[socialistes|socialistes]] cohabitaient encore. Lors de la fondation de la [[Deuxième_internationale|Deuxième internationale]] (1889), en revanche, le mouvement est d'emblée séparé. Les social-démocrates reprochent aux anarchistes de ne pas avoir de méthode d'analyse politique ([[marxisme|marxisme]]) et de verser dans le [[romantisme_révolutionnaire|romantisme révolutionnaire]]. | + | Dans la [[Première_internationale|Première internationale]], ceux qui allaient devenir les [[Anarchistes|anarchistes]] et les [[Socialistes|socialistes]] cohabitaient encore. Lors de la fondation de la [[Deuxième_internationale|Deuxième internationale]] (1889), en revanche, le mouvement est d'emblée séparé. Les social-démocrates reprochent aux anarchistes de ne pas avoir de méthode d'analyse politique ([[Marxisme|marxisme]]) et de verser dans le [[Romantisme_révolutionnaire|romantisme révolutionnaire]]. |
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− | Au sein du mouvement socialiste, les courants de gauche vont régulièrement être traités d'anarchistes. Ainsi, tout comme la droite du [[SPD|SPD]] taxe [[Luxemburg|Luxemburg]] d'anarchisme, les [[menchéviks|menchéviks]] vont renvoyer cette accusation aux [[bolchéviks|bolchéviks]]. Par exemple, au congrès de 1907 du [[POSDR|POSDR]], [[Plékhanov|Plékhanov]] déclare : | + | Au sein du mouvement socialiste, les courants de gauche vont régulièrement être traités d'anarchistes. Ainsi, tout comme la droite du [[SPD|SPD]] taxe [[Luxemburg|Luxemburg]] d'anarchisme, les [[Menchéviks|menchéviks]] vont renvoyer cette accusation aux [[Bolchéviks|bolchéviks]]. Par exemple, au congrès de 1907 du [[POSDR|POSDR]], [[Plékhanov|Plékhanov]] déclare : |
− | <blockquote> | + | <blockquote>''« Nos 'bolcheviks' considèrent la loi avec les yeux des anarchistes » ; « les bolcheviks cheminent sur la voie de l'aventurisme révolutionnaire [...] la voie de l'anarcho-socialisme. »''</blockquote> |
− | ''« Nos 'bolcheviks' considèrent la loi avec les yeux des anarchistes » ; « les bolcheviks cheminent sur la voie de l'aventurisme révolutionnaire [...] la voie de l'anarcho-socialisme. »'' | |
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| Les bolchéviks ont en commun avec les [[Anarchistes_russes|anarchistes]] certaines actions, comme les ''« [[Expropriations_(braquages)|expropriations]] »'' (nom donné aux braquages de banques d'Etat servant à financer les activités révolutionnaires), dénoncées par les menchéviks - et certains bolchéviks. | | Les bolchéviks ont en commun avec les [[Anarchistes_russes|anarchistes]] certaines actions, comme les ''« [[Expropriations_(braquages)|expropriations]] »'' (nom donné aux braquages de banques d'Etat servant à financer les activités révolutionnaires), dénoncées par les menchéviks - et certains bolchéviks. |
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− | Dans [[L'Etat_et_la_Révolution|''L'Etat et la Révolution'']], écrit au coeur de la [[Révolution_de_1917|Révolution de 1917]], Lénine fera un retour critique sur la ligne politique [[réformiste|réformiste]] qui gangrène la [[Deuxième_internationale|''Deuxième internationale'']]. Il revendique un retour à la politique révolutionnaire de [[Marx|Marx]] et [[Engels|Engels]], positionnant le bolchévisme entre la [[social-démocratie|social-démocratie]] et l'[[anarchisme|anarchisme]]. Contrairement aux anarchistes, il réaffirme qu'il est impossible d'[[Abolition_de_l'Etat|abolir l'Etat]] soudainement et qu'il faut un [[Etat_ouvrier|Etat ouvrier]], mais contrairement à la droite social-démocrate, il réaffirme que l'Etat ouvrier ne peut être construit que par une [[Révolution_socialiste|révolution]] qui détruit l'[[Etat_bourgeois|Etat bourgeois]]. Le nouvel Etat ouvrier est ''« du type de la Commune de Paris »'', du type [[soviet|soviétique]]. Ce livre sera evidemment dénoncé comme anarchiste par les pontes de la social-démocratie comme [[Kautsky|Kautsky]]. | + | Dans [[L'Etat_et_la_Révolution|''L'Etat et la Révolution'']], écrit au coeur de la [[Révolution_de_1917|Révolution de 1917]], Lénine fera un retour critique sur la ligne politique [[Réformiste|réformiste]] qui gangrène la [[Deuxième_internationale|''Deuxième internationale'']]. Il revendique un retour à la politique révolutionnaire de [[Marx|Marx]] et [[Engels|Engels]], positionnant le bolchévisme entre la [[Social-démocratie|social-démocratie]] et l'[[Anarchisme|anarchisme]]. Contrairement aux anarchistes, il réaffirme qu'il est impossible d'[[Abolition_de_l'Etat|abolir l'Etat]] soudainement et qu'il faut un [[Etat_ouvrier|Etat ouvrier]], mais contrairement à la droite social-démocrate, il réaffirme que l'Etat ouvrier ne peut être construit que par une [[Révolution_socialiste|révolution]] qui détruit l'[[Etat_bourgeois|Etat bourgeois]]. Le nouvel Etat ouvrier est ''« du type de la Commune de Paris »'', du type [[Soviet|soviétique]]. Ce livre sera evidemment dénoncé comme anarchiste par les pontes de la social-démocratie comme [[Kautsky|Kautsky]]. |
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| == Les anarchistes et la Révolution de 1917 == | | == Les anarchistes et la Révolution de 1917 == |
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| Les anarchistes tendaient à être en tête dans toutes les manifestations radicales de Pétrograd, y compris dans celles que les bolchéviks considéraient comme [[Gauchistes|gauchistes]] dans la situation (en particulier dans les [[Journées_de_juillet_1917|journées de juillet]]). Ils posaient très peu la question du pouvoir et de la situation politique d'ensemble. Trotsky dresse le portrait critique suivant : | | Les anarchistes tendaient à être en tête dans toutes les manifestations radicales de Pétrograd, y compris dans celles que les bolchéviks considéraient comme [[Gauchistes|gauchistes]] dans la situation (en particulier dans les [[Journées_de_juillet_1917|journées de juillet]]). Ils posaient très peu la question du pouvoir et de la situation politique d'ensemble. Trotsky dresse le portrait critique suivant : |
| <blockquote>''« Comme toujours, en présence de grands événements et de grandes masses, ils manifestaient leur inconsistance organique. Ils niaient d'autant plus facilement le pouvoir d'État qu'ils ne comprenaient pas du tout l'importance du Soviet comme organe du nouvel État. D'ailleurs, abasourdis par la révolution, ils gardaient le plus souvent le silence, tout simplement, sur la question de l'État. Ils manifestaient leur autonomie, principalement, dans le domaine d'un médiocre putschisme. L'impasse économique et l'exaspération croissante des ouvriers de Pétrograd créaient pour les anarchistes certaines positions d'appui. Incapables d'évaluer sérieusement le rapport des forces sur toute l'échelle nationale, prêts à considérer chaque poussée d'en bas comme le dernier coup de la délivrance, ils accusaient parfois les bolcheviks de pusillanimité et même de conciliation. Mais, d'ordinaire, ils se bornaient à grogner. La réaction des masses devant les manifestations des anarchistes permettait parfois aux bolcheviks de mesurer le degré de pression de la vapeur révolutionnaire. »''<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr21.htm Histoire de la révolution russe - 21. Regroupements dans les masses]'', 1930</ref></blockquote> | | <blockquote>''« Comme toujours, en présence de grands événements et de grandes masses, ils manifestaient leur inconsistance organique. Ils niaient d'autant plus facilement le pouvoir d'État qu'ils ne comprenaient pas du tout l'importance du Soviet comme organe du nouvel État. D'ailleurs, abasourdis par la révolution, ils gardaient le plus souvent le silence, tout simplement, sur la question de l'État. Ils manifestaient leur autonomie, principalement, dans le domaine d'un médiocre putschisme. L'impasse économique et l'exaspération croissante des ouvriers de Pétrograd créaient pour les anarchistes certaines positions d'appui. Incapables d'évaluer sérieusement le rapport des forces sur toute l'échelle nationale, prêts à considérer chaque poussée d'en bas comme le dernier coup de la délivrance, ils accusaient parfois les bolcheviks de pusillanimité et même de conciliation. Mais, d'ordinaire, ils se bornaient à grogner. La réaction des masses devant les manifestations des anarchistes permettait parfois aux bolcheviks de mesurer le degré de pression de la vapeur révolutionnaire. »''<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr21.htm Histoire de la révolution russe - 21. Regroupements dans les masses]'', 1930</ref></blockquote> |
− | Les anarchistes avaient globalement une attitude négative vis-à-vis des soviets, et y participaient très peu, les dénonçant comme des organes de pouvoir. | + | Les anarchistes avaient globalement une attitude négative vis-à-vis des [[soviets|soviets]], et y participaient très peu, les dénonçant comme des organes de pouvoir. |
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| + | Parmi leurs arguments anti-partis, les anarchistes rappelaient que l'insurrection de Février s'était réalisée sans la direction de partis. Trotsky répond à cela : |
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| + | ''« Mais l'insurrection de Février avait des tâches toutes faites, élaborées par la lutte des générations, et, au-dessus de ce soulèvement, se dressaient la société libérale d'opposition et la démocratie patriote, héritiers désignés du pouvoir. Le mouvement de juillet, par contre, devait se frayer une voie historique toute nouvelle. Toute la société bourgeoise, y compris la démocratie soviétique, lui était irréductiblement hostile. Cette différence radicale entre les conditions d'une révolution bourgeoise et celles d'une révolution ouvrière, les anarchistes ne la voyaient pas ou ne la comprenaient pas. »<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr27.htm Histoire de la révolution russe - 27. Les bolcheviks pouvaient-ils prendre le pouvoir en Juillet?]'', 1930</ref>'' |
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| === La villa Dournovo === | | === La villa Dournovo === |
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| Goloss Trouda et la Fédération étaient assez hostiles l'une envers l'autre. Dans le ''Goloss Trouda'' du 27 janvier 1918 il est écrit que le programme anarcho-communiste est une ''« collection de phrases creuses ». ''La propagande de la Fédération était assez abstraite et grandiloquante : un tract diffusé au début de l’été 1917 appelait à la destruction immédiate de tous les gouvernements autocratiques et parlementaires, du système capitaliste, de l’armée, la police et toutes les frontières, prônant une société communale "totalement libre", sans gouvernement ni lois, où la liberté individuelle serait absolue, les paysans posséderaient la terre et les usines appartiendraient aux travailleurs. | | Goloss Trouda et la Fédération étaient assez hostiles l'une envers l'autre. Dans le ''Goloss Trouda'' du 27 janvier 1918 il est écrit que le programme anarcho-communiste est une ''« collection de phrases creuses ». ''La propagande de la Fédération était assez abstraite et grandiloquante : un tract diffusé au début de l’été 1917 appelait à la destruction immédiate de tous les gouvernements autocratiques et parlementaires, du système capitaliste, de l’armée, la police et toutes les frontières, prônant une société communale "totalement libre", sans gouvernement ni lois, où la liberté individuelle serait absolue, les paysans posséderaient la terre et les usines appartiendraient aux travailleurs. |
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| + | === Cronstadt === |
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| + | Les marins de l'île fortifiée de Cronstadt était parmi les forces vives de la révolution, et parmi les plus à gauche des révolutionnaires. Les anarchistes étaient très présents parmi eux. Le 23 juin, des délégués de la place de l'Ancre, sans l'assentiment du soviet de Cronstadt, exigeaient du ministère de la Justice la libération d'un groupe d'anarchistes pétersbourgeois, sous menace d'un raid de matelots qui attaqueraient la prison. |
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| === Répressions par les bolchéviks === | | === Répressions par les bolchéviks === |