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== Contexte ==
 
== Contexte ==
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Lénine écrit ''Que faire'' en vue du congrès de fondation du [[POSDR|POSDR]]. Il vise à convaincre largement de ses idées générales concernant le parti, tant en interne que vis-à-vis des autres courants socialistes russes (''« économistes »'', ''« terroristes »''...). En polémiquant contre ces courants non marxistes, Lénine a surtout l'intention de se baser sur les autres partis de l'[[Internationale_ouvrière|Internationale ouvrière]], et particulièrement sur le [[Sozialdemokratische_Partei_Deutschlands|Parti allemand]] qui fait figure de modèle.
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Lénine écrit ''Que faire'' en vue du congrès de fondation du [[POSDR|POSDR]]. Il vise à convaincre largement de ses idées générales concernant le parti, en particulier vis-à-vis des autres courants socialistes russes (''« économistes »'', ''« terroristes »''...). En polémiquant contre ces courants non marxistes, Lénine a surtout l'intention de se baser sur les autres partis de l'[[Internationale_ouvrière|Internationale ouvrière]], et particulièrement sur le [[Sozialdemokratische_Partei_Deutschlands|Parti allemand]] qui fait figure de modèle.
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Lénine dira plus tard que cette brochure n'était «&nbsp;ni plus, ni moins»<ref name="ReorgDuParti">Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1905/11/vil19051116.html La réorganisation du parti]'', 1905</ref> qu’un résumé des politiques organisationnelles du groupe de l’Iskra de 1901-1902, c’est-à-dire qu'elle représentait la politique commune de ceux qui n'étaient pas encore divisés entre [[Mencheviks|Mencheviks]] et [[Bolcheviks|Bolcheviks]].
    
Il faut savoir notamment que la revendication de ''«&nbsp;centralisation&nbsp;»'' ne désigne pas une ''«&nbsp;hyper-centralisation&nbsp;»'', mais la création d'une organisation centralisée là où n'y en a pas. C'était le cas en Russie avant le POSDR, tout comme dans dans l'Allemagne pré-unification, morcelée en mini-Etats.
 
Il faut savoir notamment que la revendication de ''«&nbsp;centralisation&nbsp;»'' ne désigne pas une ''«&nbsp;hyper-centralisation&nbsp;»'', mais la création d'une organisation centralisée là où n'y en a pas. C'était le cas en Russie avant le POSDR, tout comme dans dans l'Allemagne pré-unification, morcelée en mini-Etats.
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Dans son deuxième chapitre, il expose ensuite ses divergences avec les économistes (représentés par les journaux ''[[Rabotchaïa_Mysl|Rabotchaïa Mysl]]'' et ''[[Rabotchéïé_Diélo|Rabotchéïé Diélo]]''), un courant politique qui réduit l'action politique prolétarienne à la seule lutte économique, c'est-à-dire les revendications concernant les salaires et les conditions de travail.&nbsp;Pour Lénine, au contraire, il faut lutter de manière organisée pour le renversement de la [[Bourgeoisie|bourgeoisie]]&nbsp;:
 
Dans son deuxième chapitre, il expose ensuite ses divergences avec les économistes (représentés par les journaux ''[[Rabotchaïa_Mysl|Rabotchaïa Mysl]]'' et ''[[Rabotchéïé_Diélo|Rabotchéïé Diélo]]''), un courant politique qui réduit l'action politique prolétarienne à la seule lutte économique, c'est-à-dire les revendications concernant les salaires et les conditions de travail.&nbsp;Pour Lénine, au contraire, il faut lutter de manière organisée pour le renversement de la [[Bourgeoisie|bourgeoisie]]&nbsp;:
 
<blockquote>Du moment qu'il ne saurait être question d'une idéologie indépendante, élaborée par les masses ouvrières elles-mêmes au cours de leur mouvement, le problème se pose uniquement ainsi&nbsp;: idéologie bourgeoise ou idéologie socialiste. Il n'y a pas de milieu ([...] dans une société déchirée par les antagonismes de classes, il ne saurait jamais exister d'idéologie en dehors ou au dessus des classes). C'est pourquoi tout rapetissement de l'idéologie socialiste, tout éloignement vis-à-vis de cette dernière implique un renforcement de l'idéologie bourgeoise. On parle de spontanéité. Mais le développement spontané du mouvement ouvrier aboutit justement à le subordonner à l'idéologie bourgeoise, Il s'effectue justement selon le programme du Credo, car le mouvement ouvrier spontané, c'est le trade-unionisme, la Nur-Gewerkschaftlerei; or le trade-unionisme, c'est justement l'asservissement idéologique des ouvriers par la bourgeoisie. C'est pourquoi notre tâche, celle de la social-démocratie est de combattre la spontanéité, de détourner le mouvement ouvrier de cette tendance spontanée qu'a le trade-unionisme à se réfugier sous l'aile de la bourgeoisie, et de l'attirer sous l'aile de la social-démocratie révolutionnaire.</blockquote>  
 
<blockquote>Du moment qu'il ne saurait être question d'une idéologie indépendante, élaborée par les masses ouvrières elles-mêmes au cours de leur mouvement, le problème se pose uniquement ainsi&nbsp;: idéologie bourgeoise ou idéologie socialiste. Il n'y a pas de milieu ([...] dans une société déchirée par les antagonismes de classes, il ne saurait jamais exister d'idéologie en dehors ou au dessus des classes). C'est pourquoi tout rapetissement de l'idéologie socialiste, tout éloignement vis-à-vis de cette dernière implique un renforcement de l'idéologie bourgeoise. On parle de spontanéité. Mais le développement spontané du mouvement ouvrier aboutit justement à le subordonner à l'idéologie bourgeoise, Il s'effectue justement selon le programme du Credo, car le mouvement ouvrier spontané, c'est le trade-unionisme, la Nur-Gewerkschaftlerei; or le trade-unionisme, c'est justement l'asservissement idéologique des ouvriers par la bourgeoisie. C'est pourquoi notre tâche, celle de la social-démocratie est de combattre la spontanéité, de détourner le mouvement ouvrier de cette tendance spontanée qu'a le trade-unionisme à se réfugier sous l'aile de la bourgeoisie, et de l'attirer sous l'aile de la social-démocratie révolutionnaire.</blockquote>  
Pour appuyer la nécessité de cette intervention politique, Lénine cite [[Kautsky|Kautsky]], qui venait d'écrire dans [[Neue_Zeit|''Neue Zeit'']] que la classe ouvrière ne pouvait parvenir spontanément qu'à une conscience de type syndical (''«&nbsp;trade-unioniste&nbsp;»''), et que la [[conscience_révolutionnaire|conscience révolutionnaire]] (''«&nbsp;social-démocrate&nbsp;»'') devait être apportée de l'extérieur par des [[intellectuels|intellectuels]] bourgeois. Kautsky polémiquait alors contre [[Eduard_Bernstein|Bernstein]], qui disait que ''«&nbsp;le mouvement est tout, le but n'est rien&nbsp;»''. Alors que beaucoup opposent les réformistes (supposés démocrates) et les bolchéviks, cette idée bolchévique vient en réalité de Kautsky.
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Pour appuyer la nécessité de cette intervention politique, Lénine cite [[Kautsky|Kautsky]], qui venait d'écrire dans [[Neue_Zeit|''Neue Zeit'']] que la classe ouvrière ne pouvait parvenir spontanément qu'à une conscience de type syndical (''«&nbsp;trade-unioniste&nbsp;»''), et que la [[Conscience_révolutionnaire|conscience révolutionnaire]] (''«&nbsp;social-démocrate&nbsp;»'') devait être apportée de l'extérieur par des [[Intellectuels|intellectuels]] bourgeois. Kautsky polémiquait alors contre [[Eduard_Bernstein|Bernstein]], qui disait que ''«&nbsp;le mouvement est tout, le but n'est rien&nbsp;»''. Alors que beaucoup opposent les réformistes (supposés démocrates) et les bolchéviks, cette idée bolchévique vient en réalité de Kautsky.
    
Par ailleurs, Lénine ajoute après la citation de Kautsky ses propres nuances&nbsp;:
 
Par ailleurs, Lénine ajoute après la citation de Kautsky ses propres nuances&nbsp;:
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=== Les intellectuels et la conscience socialiste ===
 
=== Les intellectuels et la conscience socialiste ===
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L'idée que la conscience socialiste ne peut venir que des [[Intellectuels|intellectuels]] bourgeois n'est pas présente dans les autres écrits de Lénine, avant ou après ''Que faire''. Elle vient d'une citation de Kautsky, que Lénine nuance dans ''Que faire'', et nuance dans ses interventions lors du congrès de 1903 :
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L'idée que la conscience socialiste ne peut venir que des [[Intellectuels|intellectuels]] bourgeois n'est pas présente dans les autres écrits de Lénine, avant ou après ''Que faire''. Elle vient d'une citation de Kautsky, que Lénine nuance dans ''Que faire'', et nuance dans ses interventions lors du congrès de 1903&nbsp;:
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<blockquote>''«&nbsp;On dit&nbsp;: Lénine affirme dans l’absolu, sans mentionner aucune tendance opposée, que le mouvement ouvrier "va" toujours vers la soumission à l’idéologie bourgeoise. Vraiment&nbsp;? Est-ce que je ne dis pas plutôt que le mouvement ouvrier est attiré vers l’idéologie bourgeoise avec le concours bienveillant des Schulze-Delitsch et consorts? Et qui est désigné ici par “consorts”? Personne d’autre que les économistes...&nbsp;&nbsp;»''<ref>Lénine, «Discours sur la question du programme du parti. 22 Juillet (4 Août)», Œuvres, t. 6, janvier 1902-août 1903, Paris/Moscou, Éditions Sociales/Éditions du progrès, 1966, p. 514</ref></blockquote>  
''«&nbsp;On dit : Lénine affirme dans l’absolu, sans mentionner aucune tendance opposée, que le mouvement ouvrier "va" toujours vers la soumission à l’idéologie bourgeoise. Vraiment ? Est-ce que je ne dis pas plutôt que le mouvement ouvrier est attiré vers l’idéologie bourgeoise avec le concours bienveillant des Schulze-Delitsch et consorts? Et qui est désigné ici par “consorts”? Personne d’autre que les économistes...&nbsp; »''<ref>Lénine, «Discours sur la question du programme du parti. 22 Juillet (4 Août)», Œuvres, t. 6, janvier 1902-août 1903, Paris/Moscou, Éditions Sociales/Éditions du progrès, 1966, p. 514</ref>
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Ou encore&nbsp;:
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<blockquote>''«&nbsp;Lénine ne prête nullement attention au fait que les ouvriers, eux aussi, prennent part à l’élaboration de l’idéologie. Vraiment&nbsp;? Ne trouve-t-on pas cent fois dans mes écrits que le plus grand défaut de notre mouvement, c’était précisément le manque d’ouvriers pleinement conscients, d’ouvriers dirigeants, d’ouvriers révolutionnaires&nbsp;? N’y est-il pas montré l’importance qu’il y a à développer le mouvement syndical et à le fournir en publications appropriées&nbsp;?&nbsp;»''</blockquote>  
Ou encore :
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Par ailleurs, il faut distinguer l'importance historique des intellectuels bourgeois pour [[Origine_des_idées_socialistes|l'élaboration des idées socialistes]], et la question du rôle que doivent avoir (ou pas) les intellectuels dans le [[Parti_ouvrier|parti ouvrier]]. [[Marx|Marx]] (puis avec Engels par la suite) avait déjà conclu que le mouvement ouvrier devait sérieusement se méfier de l’influence des intellectuels bourgeois à l’intérieur du parti. Lénine lui-même a très régulièrement dénoncé avec virulence les travers des intellectuels dans l'organisation, et il n'a jamais revendiqué de donner un poids plus important voire prédominant aux intellectuels. Au contraire, précisément dans la polémique qui l'opposera aux menchéviks au 2<sup>e</sup> congrès du [[POSDR|POSDR]], Lénine cherchait à rendre plus difficile l'accès du parti à des intellectuels seulement sympathisants. Et quand les conditions les permettront, il se réjouira au contraire de la perspective de voir le parti se prolétariser largement&nbsp;:
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<blockquote>''«&nbsp;Au IIIe congrès du parti, j’ai exprimé le souhait qu’il y ait dans les comités du parti environ 8 ouvriers pour 2 intellectuels. Combien ce vœu est périmé&nbsp;! À présent, on doit souhaiter qu’il y ait dans les nouvelles organisa­tions du parti quelques centaines d’ouvriers social-démocrates pour un intellectuel.&nbsp;»''<ref name="ReorgDuParti" /></blockquote>
''«&nbsp;Lénine ne prête nullement attention au fait que les ouvriers, eux aussi, prennent part à l’élaboration de l’idéologie. Vraiment ? Ne trouve-t-on pas cent fois dans mes écrits que le plus grand défaut de notre mouvement, c’était précisément le manque d’ouvriers pleinement conscients, d’ouvriers dirigeants, d’ouvriers révolutionnaires ? N’y est-il pas montré l’importance qu’il y a à développer le mouvement syndical et à le fournir en publications appropriées ? »''
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En 1905, lorsque des libertés publiques sont accordées sous l'effet de la révolution, Lénine souhaite ouvrir largement le parti, sans craindre une ''«&nbsp;adhésion fulgurante et massive de personnes qui ne sont pas des so­cial-démocrates&nbsp;»''<ref name="ReorgDuParti">Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1905/11/vil19051116.html La réorganisation du parti]'', 1905</ref>. Il ajoute&nbsp;: ''«&nbsp;Instinctivement, spontanément, la classe ouvrière est social-démocrate, et plus de dix années d’activité de la social-démocratie ont fait bien des choses pour convertir cette spontanéité en conscience.&nbsp;»''
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Par ailleurs, il faut distinguer l'importance historique des intellectuels bourgeois pour [[Origine_des_idées_socialistes|l'élaboration des idées socialistes]], et la question du rôle que doivent avoir (ou pas) les intellectuels dans le [[Parti_ouvrier|parti ouvrier]]. [[Marx|Marx]] (puis avec Engels par la suite) avait déjà conclu que le mouvement ouvrier devait sérieusement se méfier de l’influence des intellectuels bourgeois à l’intérieur du parti. Lénine lui-même a très régulièrement dénoncé avec virulence les travers des intellectuels dans l'organisation, et il n'a jamais revendiqué de donner un poids plus important voire prédominant aux intellectuels. Au contraire, précisément dans la polémique qui l'opposera aux menchéviks au 2<sup>e</sup> congrès du [[POSDR|POSDR]], Lénine cherchait à rendre plus difficile l'accès du parti à des intellectuels seulement sympathisants.
      
Il faut noter aussi que la proportion d’intellectuels bourgeois était plus élevée chez les [[Mencheviks|mencheviks]] que chez les [[Bolcheviks|bolcheviks]], et plus importante encore chez les [[Socialistes-Révolutionnaires|Socialistes-Révolutionnaires]].<ref>Oliver Henry Radkey, ''The Sickle Under the Hammer: The Russian Socialist Revolutionaries in the Early Months of Soviet Rule'', Columbia University Press, New-York, 1964</ref>
 
Il faut noter aussi que la proportion d’intellectuels bourgeois était plus élevée chez les [[Mencheviks|mencheviks]] que chez les [[Bolcheviks|bolcheviks]], et plus importante encore chez les [[Socialistes-Révolutionnaires|Socialistes-Révolutionnaires]].<ref>Oliver Henry Radkey, ''The Sickle Under the Hammer: The Russian Socialist Revolutionaries in the Early Months of Soviet Rule'', Columbia University Press, New-York, 1964</ref>
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Ensuite, Lénine était bien conscient que seul un noyau de militants pouvaient correspondre à ce profil. Il soutenait seulement que plus leur nombre était grand, plus l'organisation serait efficace. C'est en particulier la répression tsariste et la clandestinité qui rendait nécessaire d'insister sur cet aspect, comme Lénine le dit par exemple dans une lettre de septembre 1902.<ref>Lénine, [https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1902/09/vil19030900.htm ''Lettre à un camarade sur nos tâches d’organisation''], Septembre 1902</ref>
 
Ensuite, Lénine était bien conscient que seul un noyau de militants pouvaient correspondre à ce profil. Il soutenait seulement que plus leur nombre était grand, plus l'organisation serait efficace. C'est en particulier la répression tsariste et la clandestinité qui rendait nécessaire d'insister sur cet aspect, comme Lénine le dit par exemple dans une lettre de septembre 1902.<ref>Lénine, [https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1902/09/vil19030900.htm ''Lettre à un camarade sur nos tâches d’organisation''], Septembre 1902</ref>
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Lénine reconnaissait tout à fait le rôle joué par la spontanéité (ce qui signifie seulement que les initiateur de telle ou telle action ne sont pas connus du parti...). Mais il polémiquait contre les courant qui [[Spontanéisme|glorifiaient la spontanéité]], pour dénigrer l'importance de l'organisation. Sur ce point, Lénine ne faisait que reprendre le point de vue marxiste dominant dans l'[[Internationale_ouvrière|Internationale ouvrière]].
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Lénine reconnaissait tout à fait le rôle joué par la spontanéité (ce qui signifie seulement que les initiateurs de telle ou telle action ne sont pas connus du parti...). Mais il polémiquait contre les courants qui [[Spontanéisme|glorifiaient la spontanéité]], pour dénigrer l'importance de l'organisation. Sur ce point, Lénine ne faisait que reprendre le point de vue marxiste dominant dans l'[[Internationale_ouvrière|Internationale ouvrière]].
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Lénine peut donner l'impression d'une sous-estimation du rôle de la spontanéité ouvrière par rapport aux [[Révolutionnaires_professionnels|révolutionnaires professionnels]]. Comme il le dit lui-même lors d'une intervention au congrès de 1903, c'était aussi sa façon de contre-balancer l'erreur des [[Économisme|économistes]]&nbsp;:
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<blockquote>''«&nbsp;Nous savons tous maintenant que les économistes ont tordu la barre dans un sens. Pour la redresser, il fallait la tordre dans l’autre sens, et c’est ce que j’ai fait.&nbsp;»''</blockquote>
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Dans un autre discours au congrès, Lénine dit explicitement&nbsp;:
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<blockquote>''«&nbsp;Il ne faut pas croire que les organisations du Parti ne doivent comprendre que des révolutionnaires professionnels. Nous avons besoin des organisations les plus diverses, de toutes sortes, de tous rangs et de toutes nuances, depuis des organisations extrêmement étroites et conspiratives jusqu’à de très larges et très libres lose Organisationen.&nbsp;»<ref>Cité dans : Lénine, [https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1904/05/vil19040500i.htm ''Un pas en avant, deux pas en arrière''], 1904</ref>''</blockquote>
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Ou encore&nbsp;:
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<blockquote>«&nbsp;Le camarade Trotski a très mal compris l’idée fondamentale de mon livre ''Que faire&nbsp;?''''quand il a dit que le parti n’était pas une organisation de conspirateurs (beaucoup d’autres m’ont fait également la même objection). Il a oublié que dans mon livre, j’envisage toute une série de divers types d’organisations, à commencer par les plus clandestines et les plus fermées, pour finir par des organisations relativement ouvertes et "libres".&nbsp;»</blockquote>
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Surtout, lorsque des libertés publiques sont accordées sous l'effet de la révolution, Lénine met fortement l'accent sur la nécessité de recruter largement, et de s'appuyer sur la spontanéité des masses ouvrières&nbsp;:
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<blockquote>''«&nbsp;Aujourd’hui, l’initiative des ouvriers eux-mêmes se manifestera sur une échelle dont nous ne pouvions même pas rêver, nous, ex-militants de la clandestinité et des petits cercles.&nbsp;»''</blockquote> <blockquote>''«&nbsp;''Nous avons tellement «&nbsp;théorisé&nbsp;» (parfois dans le vide, inutile de le dissimuler) dans l’ambiance de l’émigration que, ma foi, il n’est pas mauvais à présent de «&nbsp;forcer la note dans l’autre sens&nbsp;», un peu, rien qu’un peu, un tantinet, et de faire progresser un peu plus la pratique.''&nbsp;»''</blockquote>
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=== La démocratie dans le parti ===
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Lénine disait explicitement que son accent mis sur le noyau de révolutionnaires professionnels était lié aux conditions de l'autocratie russe. Assez logiquement, lorsque le pays connaît un assouplissement démocratique suite à la [[Révolution_de_1905|révolution_de_1905]], Lénine envisage aussitôt une adaptation du parti. Déjà en février 1905, dans une ébauche de résolution pour le troisième congrès du parti, Lénine écrivait que&nbsp;: ''«&nbsp;dans des conditions de liberté politique, notre parti peut être et sera organisé tout entier sur le principe électif. Sous l’autocratie, il est impossible à la masse de milliers d’ouvriers adhérant au parti d’appliquer ce principe.&nbsp;»'' <ref>Lénine, « Projets de résolutions du IIIe Congrès du P.O.S.D.R. », Œuvres, tome 8, p. 192</ref>
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En septembre 1905, il saluait le parti allemand comme devançant «&nbsp;tous les autres partis social-démocrates&nbsp;» quant à son «&nbsp;organisation, sa cohésion et son homogénéité&nbsp;» et il s’appuyait sur ses décisions organisationnelles qui étaient «&nbsp;très instructives pour les social-démocrates russes.&nbsp;» On voit que pour Lénine il ne s'agissait pas avec ''Que Faire'' d'établir un ''«&nbsp;parti de type nouveau&nbsp;»'' comme cela a été beaucoup écrit.
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En novembre 1905, il publie un essai important, intitulé''La Réorganisation du Parti.'' Il y appelle à un nouveau congrès du parti pour mettre toute l’organisation sur «&nbsp;une nouvelle base&nbsp;».<ref name="ReorgDuParti" /> «&nbsp;Si la liberté d’association est complète et si les droits civiques de la population sont pleinement assurés, nous devrions, de toute évidence, fonder partout des unions social-démocrates&nbsp;». «&nbsp;Chaque union, organisation, groupe élira aussitôt son bureau ou direction ou commission administrati­ve…&nbsp;»
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Lénine peut donner l'impression d'une sous-estimation du rôle de la spontanéité ouvrière par rapport aux [[révolutionnaires_professionnels|révolutionnaires professionnels]]. Comme il le dit lui-même lors d'une intervention au congrès de 1903, c'était aussi sa façon de contre-balancer l'erreur des [[Économisme|économistes]] :
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''«&nbsp;Nous savons tous maintenant que les économistes ont tordu la barre dans un sens. Pour la redresser, il fallait la tordre dans l’autre sens, et c’est ce que j’ai fait.&nbsp;»''
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Dans un autre discours au congrès, Lénine dit explicitement :
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''«&nbsp;Il ne faut pas croire que les organisations du Parti ne doivent comprendre que des révolutionnaires professionnels. Nous avons besoin des organisations les plus diverses, de toutes sortes, de tous rangs et de toutes nuances, depuis des organisations extrêmement étroites et conspiratives jusqu’à de très larges et très libres lose Organisationen.&nbsp;»<ref>Cité dans : Lénine, [https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1904/05/vil19040500i.htm ''Un pas en avant, deux pas en arrière''], 1904</ref>''
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== Postérité ==
 
== Postérité ==
    
Certains comme [[Martov|Martov]] ou [[Plékhanov|Plékhanov]] ont soutenu Lénine dans les polémiques jusqu'au congrès de 1903, et n'ont prétendu voir un problème dans ''Que faire'' qu'après coup, notamment suite au refus de Lénine de rendre la majorité de l'[[Iskra|Iskra]] aux menchéviks (pourtant minoritaires).
 
Certains comme [[Martov|Martov]] ou [[Plékhanov|Plékhanov]] ont soutenu Lénine dans les polémiques jusqu'au congrès de 1903, et n'ont prétendu voir un problème dans ''Que faire'' qu'après coup, notamment suite au refus de Lénine de rendre la majorité de l'[[Iskra|Iskra]] aux menchéviks (pourtant minoritaires).
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''Que faire'' est devenu pour le mouvement communiste, surtout après la mort de [[Lénine|Lénine]], la référence majeure en termes d'organisation du [[Parti_communiste|parti]]. L’ouvrage officiel du Kremlin, ''L’Histoire du Parti Communiste de l’Union Soviétique'', mentionnait par exemple centralement cet ouvrage. Mais cela a fini par produire une sorte de caricature de la vision de Lénine&nbsp;:
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En novembre 1907, Lénine publie ''En Douze Ans<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1907/09/vil19070900.htm Préface au recueil « En douze ans »]'', 1907</ref>'', un recueil de vieux articles, adressé aux nouveaux militants gagnés dans le sillage de 1905, et qui ne connaissent pas les polémiques du passé. Il y explique que ''Que faire&nbsp;?'' a été inclus dans le recueil parce que ''«&nbsp;les Mencheviks, ainsi que les littérateurs du camp libéral bourgeois (cadets, «&nbsp;sans-titre&nbsp;» du journal Tovarichtch, etc.) se réfèrent à cette brochure.&nbsp;»'' Et il fait la remarque générale&nbsp;:
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<blockquote>''«&nbsp;La principale erreur que commettent ceux qui, à l’heure actuelle, polémiquent avec Que faire&nbsp;?, c’est de vouloir absolument extraire cet ouvrage de son contexte historique et faire abstraction d’une période précise et déjà lointaine du développement de notre parti.&nbsp;Cette erreur transparaît clairement par exemple chez Parvus (pour ne pas citer un nombre considérable de mencheviks), qui parlait, plusieurs années après la parution de la brochure, des idées faus­ses et exagérées qui y étaient développées au sujet de l'or­ganisation des révolutionnaires professionnels.&nbsp;»''</blockquote>
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Lénine admettait donc des erreurs et exagérations, tout en défendant leur importance historique&nbsp;:
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<blockquote>''«&nbsp;Se lancer aujourd’hui dans des raisonnements sur le fait que l’Iskra (en 1901 et 1902&nbsp;!) surestimait l’idée de l’organisation des révolutionnaires professionnels, c’est comme si après la guerre russo japonaise on accusait les japonais d’avoir surestimé les forces armées russes, de s’être préoccupé exagérément avant la guerre de préparer leur lutte contre ces forces Pour vaincre, les japonais devaient rassembler toutes leurs forces contre la plus grande quantité possible de forces russes. Malheureusement nombreux sont ceux qui jugent notre parti de l’extérieur, sans connaître les choses, sans se rendre compte qu’aujourd’hui l’idée d’une organisation de révolutionnaires professionnels a déjà totalement triomphé. Or, cette victoire n’eût pas été possible si l’idée n’en avait pas été poussée au premier plan, si l’on ne l’avait pas «&nbsp;exagérément&nbsp;» inculquée aux gens qui en empêchaient la réalisation.&nbsp;»''</blockquote>
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Lénine considérait comme un succès le parti élargi à bien plus que les révolutionnaires professionnels, mais soulignait que l'on pouvait encore voir les signes de leur importance historique&nbsp;:
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<blockquote>''«&nbsp;Qu’est-ce qui a donc permis de donner à notre parti cette cohésion, cette solidité et cette stabilité&nbsp;? C'est l'or­ganisation des révolutionnaires professionnels, créée avant tout par les soins de l'Iskra. Quiconque connaît bien l'histoire de notre parti et a vécu lui-même sa période de for­mation, celui-là n'a besoin que d'un simple coup d’œil sur la composition de la délégation de n'importe quelle fraction du congrès de Londres, par exemple, pour s'en convaincre.&nbsp;»''</blockquote>
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Pourtant, ''Que faire'' est devenu pour le mouvement communiste, surtout après la mort de [[Lénine|Lénine]], la référence majeure en termes d'organisation du [[Parti_communiste|parti]]. L’ouvrage officiel du Kremlin, ''L’Histoire du Parti Communiste de l’Union Soviétique'', mentionnait par exemple centralement cet ouvrage. Mais cela a fini par produire une sorte de caricature de la vision de Lénine&nbsp;:
    
#un parti prolétarien dirigé par des intellectuels bourgeois révolutionnaires, les ouvriers étant incapables de s’élever par eux-mêmes à la conscience socialiste  
 
#un parti prolétarien dirigé par des intellectuels bourgeois révolutionnaires, les ouvriers étant incapables de s’élever par eux-mêmes à la conscience socialiste  

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