Modifications

Aller à la navigation Aller à la recherche
5 327 octets ajoutés ,  10 mars 2016 à 02:07
m
aucun résumé des modifications
Ligne 118 : Ligne 118 :  
Après la boucherie de la [[Première_guerre_mondiale|Première guerre mondiale]], le président des États-Unis, Woodrow Wilson, propose la création d'une [[Société_des_Nations|Société des Nations]] chargée de maintenir la paix et le commerce international. L'attitude du mouvement ouvrier fut très clivée : d'un côté les restes de la [[Deuxième_internationale|Deuxième internationale]] applaudissaient ([[Kautsky|Kautsky]] y voyant l'homme de son [[Ultra-impérialisme|ultra-impérialisme]]), de l'autre la [[Troisième_internationale|Troisième internationale]] s'en tenait nettement à l'écart :
 
Après la boucherie de la [[Première_guerre_mondiale|Première guerre mondiale]], le président des États-Unis, Woodrow Wilson, propose la création d'une [[Société_des_Nations|Société des Nations]] chargée de maintenir la paix et le commerce international. L'attitude du mouvement ouvrier fut très clivée : d'un côté les restes de la [[Deuxième_internationale|Deuxième internationale]] applaudissaient ([[Kautsky|Kautsky]] y voyant l'homme de son [[Ultra-impérialisme|ultra-impérialisme]]), de l'autre la [[Troisième_internationale|Troisième internationale]] s'en tenait nettement à l'écart :
 
<blockquote>''«&nbsp;Tandis que Kautsky, Longuet et les autres représentants de la 2e Internationale saluaient Wilson et invitaient les ouvriers à le soutenir, notre Internationale (...) déclarait que la démarche de Wilson était une tentative faite par les ploutocrates de New-York et de Chicago pour assujettir l’Europe et le monde entier&nbsp;»''<ref>Trotsky, [http://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1920/12/lt19201215.htm ''Discours prononcé au deuxième Congrès de l'Internationale Communiste''], 1920</ref></blockquote>Finalement, la Société des nations a vu le jour sans les États-Unis, car Wilson n'a pas eu le soutien du Congrès des États-Unis. Certains socialistes comme [[Albert_Einstein|Albert Einstein]] ont fondé beaucoup d’espoirs dans la SDN et la démilitarisation concertée.<ref>http://www.taurillon.org/albert-einstein-federaliste</ref> Au milieu des tensions des années 1930, la SDN vole en éclats. Trotsky commente de la façon suivante cette tendance&nbsp;:<blockquote>''«&nbsp;Tous les gouvernements ont peur de la guerre. Mais aucun n'est libre de son choix. […]&nbsp;La SDN, qui, selon son programme officiel, devait «organiser la paix», et qui était en réalité conçue pour perpétuer le système de Versailles, neutraliser l'hégémonie des Etats-Unis et constituer un bastion contre l'Orient rouge, n'a pu surmonter le choc des contradictions impérialistes.&nbsp;»''<ref>Trotsky, [http://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1934/06/34061000.htm ''La guerre et la IVe Internationale''], 1934</ref></blockquote>
 
<blockquote>''«&nbsp;Tandis que Kautsky, Longuet et les autres représentants de la 2e Internationale saluaient Wilson et invitaient les ouvriers à le soutenir, notre Internationale (...) déclarait que la démarche de Wilson était une tentative faite par les ploutocrates de New-York et de Chicago pour assujettir l’Europe et le monde entier&nbsp;»''<ref>Trotsky, [http://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1920/12/lt19201215.htm ''Discours prononcé au deuxième Congrès de l'Internationale Communiste''], 1920</ref></blockquote>Finalement, la Société des nations a vu le jour sans les États-Unis, car Wilson n'a pas eu le soutien du Congrès des États-Unis. Certains socialistes comme [[Albert_Einstein|Albert Einstein]] ont fondé beaucoup d’espoirs dans la SDN et la démilitarisation concertée.<ref>http://www.taurillon.org/albert-einstein-federaliste</ref> Au milieu des tensions des années 1930, la SDN vole en éclats. Trotsky commente de la façon suivante cette tendance&nbsp;:<blockquote>''«&nbsp;Tous les gouvernements ont peur de la guerre. Mais aucun n'est libre de son choix. […]&nbsp;La SDN, qui, selon son programme officiel, devait «organiser la paix», et qui était en réalité conçue pour perpétuer le système de Versailles, neutraliser l'hégémonie des Etats-Unis et constituer un bastion contre l'Orient rouge, n'a pu surmonter le choc des contradictions impérialistes.&nbsp;»''<ref>Trotsky, [http://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1934/06/34061000.htm ''La guerre et la IVe Internationale''], 1934</ref></blockquote>
== La Seconde guerre mondiale ==
+
== Les années 1930 et la guerre de 1939-1945 ==
   −
Pendant les années 1930, avec la nouvelle marche à la guerre, la question de défaitisme révolutionnaire redevient un sujet de débats parmi les trotskistes.
+
Pendant les années 1930, avec la nouvelle marche à la guerre, de nouveaux débats émergent, notamment parmi les [[Trotskistes|trotskistes]].
    
=== Le camp du fascisme et le camp de la démocratie&nbsp;? ===
 
=== Le camp du fascisme et le camp de la démocratie&nbsp;? ===
Ligne 131 : Ligne 131 :     
Alors au contact de ses partisans aux États-Unis, il combattait le pacifisme bourgeois et l’union sacrée «&nbsp;contre le fascisme&nbsp;», tout en partant de ces sentiments&nbsp;:
 
Alors au contact de ses partisans aux États-Unis, il combattait le pacifisme bourgeois et l’union sacrée «&nbsp;contre le fascisme&nbsp;», tout en partant de ces sentiments&nbsp;:
<blockquote>''«&nbsp;Il est, bien sûr, important d'expliquer aux ouvriers avancés que le véritable combat contre le fascisme est la révolution socialiste. Mais il est plus urgent, plus impératif, d'expliquer aux millions d'ouvriers américains que la défense de leur “&nbsp;démocratie&nbsp;” ne peut être confiée à un maréchal Pétain américain&nbsp;»''<ref>Trotsky, [http://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1940/08/lt19400813.htm ''Combattre le pacifisme''], 13 août 1940</ref></blockquote><blockquote>''«&nbsp;Je crois qu'il nous faut aussi examiner le mot d'ordre suivant lequel nous ne sommes évidemment pas opposés à une guerre contre des agresseurs, mais qu'elle doit être menée par une armée d'ouvriers et de fermiers, sous le contrôle de syndicats, sous un gouvernement d'ouvriers et de fermiers.&nbsp;»''<ref>Trotsky, [https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1938/03/ldt19380322.htm ''Discussion sur la lutte contre la guerre et l'amendement Ludlow''], 22 mars 1938</ref><br/></blockquote>
+
<blockquote>''«&nbsp;Il est, bien sûr, important d'expliquer aux ouvriers avancés que le véritable combat contre le fascisme est la révolution socialiste. Mais il est plus urgent, plus impératif, d'expliquer aux millions d'ouvriers américains que la défense de leur “&nbsp;démocratie&nbsp;” ne peut être confiée à un maréchal Pétain américain&nbsp;»''<ref>Trotsky, [http://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1940/08/lt19400813.htm ''Combattre le pacifisme''], 13 août 1940</ref><br/></blockquote><blockquote>''«&nbsp;Je crois qu'il nous faut aussi examiner le mot d'ordre suivant lequel nous ne sommes évidemment pas opposés à une guerre contre des agresseurs, mais qu'elle doit être menée par une armée d'ouvriers et de fermiers, sous le contrôle de syndicats, sous un gouvernement d'ouvriers et de fermiers.&nbsp;»''<ref>Trotsky, [https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1938/03/ldt19380322.htm ''Discussion sur la lutte contre la guerre et l'amendement Ludlow''], 22 mars 1938</ref><br/></blockquote>
 
Par ailleurs, dans la [[Guerre_civile_espagnole|guerre_civile_espagnole]], Trotsky ne renvoyait pas dos-à-dos le camp républicain et le camp fasciste. Il était pour que les communistes du monde entier fassent leur possible pour aider militairement le camp républicain, et pour saboter les renforts destinés au camp fasciste. Y avait-il une contradiction entre cette position de parti-pris et la neutralité dans un cas de guerre mondiale&nbsp;? Trotsky argumentait de la façon suivante&nbsp;:
 
Par ailleurs, dans la [[Guerre_civile_espagnole|guerre_civile_espagnole]], Trotsky ne renvoyait pas dos-à-dos le camp républicain et le camp fasciste. Il était pour que les communistes du monde entier fassent leur possible pour aider militairement le camp républicain, et pour saboter les renforts destinés au camp fasciste. Y avait-il une contradiction entre cette position de parti-pris et la neutralité dans un cas de guerre mondiale&nbsp;? Trotsky argumentait de la façon suivante&nbsp;:
 
<blockquote>''«&nbsp;On peut nous objecter ceci&nbsp;: pendant une guerre entre deux Etats bourgeois, le prolétariat, quel que soit, dans son pays, le régime politique, doit adopter la position selon laquelle «la défaite de notre propre gouvernement est le moindre mal&nbsp;». Cette règle n'est-elle pas également applicable à une guerre civile dans laquelle s'affrontent deux gouvemements bourgeois&nbsp;? Elle ne l'est pas. Dans une guerre entre deux Etats bourgeois, l'objectif en jeu est une conquête imperialiste, non la lutte entre democratie et fascisme. Dans la guerre civile espagnole, la question est&nbsp;: démocratie ou fascisme.&nbsp;»''<ref>Trotsky, ''Contre le « défaitisme » en Espagne'', 14 septembre 1937</ref></blockquote>
 
<blockquote>''«&nbsp;On peut nous objecter ceci&nbsp;: pendant une guerre entre deux Etats bourgeois, le prolétariat, quel que soit, dans son pays, le régime politique, doit adopter la position selon laquelle «la défaite de notre propre gouvernement est le moindre mal&nbsp;». Cette règle n'est-elle pas également applicable à une guerre civile dans laquelle s'affrontent deux gouvemements bourgeois&nbsp;? Elle ne l'est pas. Dans une guerre entre deux Etats bourgeois, l'objectif en jeu est une conquête imperialiste, non la lutte entre democratie et fascisme. Dans la guerre civile espagnole, la question est&nbsp;: démocratie ou fascisme.&nbsp;»''<ref>Trotsky, ''Contre le « défaitisme » en Espagne'', 14 septembre 1937</ref></blockquote>
 +
=== Soutien inconditionnel aux pays dominés&nbsp;? ===
 +
 +
En cas de conflit entre pays impérialiste et pays dominé, Trotsky maintenait la position classique de l'Internationale communiste :
 +
 +
*un [[défaitisme_révolutionnaire|défaitisme révolutionnaire]] pour les communistes du pays impérialistes&nbsp;: la défaite d'une bourgeoisie impérialiste l'affaiblit aussi dans ses rapports avec la classe ouvrière de la métropole, et favorise la lutte révolutionnaire
 +
*un défensisme révolutionnaire pour les communistes du pays dominé&nbsp;: faire un front politico-militaire avec les forces anti-impérialistes, tout en conservant l'indépendance politique et les objectifs communistes, utiliser la situation créée par la lutte de libération nationale pour la pousser jusqu'à une lutte révolutionnaire communiste, devant ensuite s'étendre au monde entier ([[Révolution_permanente|révolution permanente]])
 +
 +
C'est en quelque sorte un prolongement militaire du [[Front_unique_anti-impérialiste|front unique anti-impérialiste]].
 +
 +
Pour Trotsky, ce principe reste systématiquement valable, et les autres facteurs (quel est le premier pays qui a attaqué, quel type de régime est à la tête du pays dominé ou du pays impérialiste...) ne doivent pas entrer en ligne de compte pour lui. Il insistait là dessus, par exemple à l'occasion du soutien à l'Ethiopie agressée par l'Italie de Mussolini&nbsp;:
 +
<blockquote>''«&nbsp;Bien entendu, nous sommes pour la défaite de l’Italie et pour la victoire de l’Éthiopie, et nous devons donc faire tout notre possible pour empêcher, par tous les moyens en notre pouvoir, que d’autres puissances impérialistes soutiennent l’impérialisme italien et en même temps faciliter du mieux que nous pouvons la livraison d’armes, etc. à l’Éthiopie. Néanmoins, nous devons faire valoir que cette lutte n’est pas dirigée contre le'' fascisme,''mais contre'' l’impérialisme.''Quand c’est de guerre qu’il s’agit, il n’est pas question pour nous de savoir qui est "le meilleur", du Négus [le monarque éthiopien] ou de Mussolini, mais d’un rapport de forces et du combat d’une nation sous-développée pour sa défense contre l’impérialisme.&nbsp;»'' <ref>[http://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1935/07/lt19350717.htm Le conflit italo-éthiopien »], 17 juillet 1935</ref><br/></blockquote>
 +
Il peut paraître plus intuitif que l'on peut "plus facilement" s'allier à un régime démocratique bourgeois qu'à un régime autoritaire. Mais ce n'est pas du tout sur ce critère que se base le front unique anti-impérialiste. L'enjeu prioritaire est de lutter contre le renforcement des impérialistes&nbsp;: leur victoire signifie le renforcement d'une puissante bourgeoisie (donc y compris face aux prolétaires des pays impérialistes), et au contraire leur défaite donne de l'espoir à tous les peuples opprimés.
 +
<blockquote>''«&nbsp;Si Mussolini l’emporte, cela signifiera le renforcement du fascisme, la consolidation de l’impérialisme et le découragement des peuples coloniaux en Afrique et ailleurs. La victoire du Négus, en revanche, constituerait un coup terrible pour l’impérialisme dans son ensemble et donnerait un élan puissant aux forces rebelles des peuples opprimés. Il faut vraiment être complètement aveugle pour ne pas le voir.&nbsp;»'' <ref>[http://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1936/04/lt19360422.htm À propos des dictateurs des hauteurs d’Oslo], 22 avril 1936</ref></blockquote>
 +
Par ailleurs, il ne faut avoir aucune illusion sur les prétextes démocratiques qu'utilisent les gouvernements impérialistes&nbsp;: dans la réalité ils ne veulent pas des droits démocratiques dans les pays qu'ils dominent, car cela n'a que pour résultat de menacer leurs intérêts.
 +
<blockquote>''«&nbsp;il règne aujourd’hui au Brésil un régime semi-fasciste qu’aucun révolutionnaire ne peut considérer sans haine. Supposons cependant que, demain, l’Angleterre entre dans un conflit militaire avec le Brésil. Je vous le demande&nbsp;: de quel côté sera la classe ouvrière&nbsp;? Je répondrai pour ma part que, dans ce cas, je serait du côté du Brésil "fasciste contre l’Angleterre "démocratique". Pourquoi&nbsp;? Parce que, dans le conflit qui les opposerait, ce n’est pas de démocratie ou de fascisme qu’il s’agirait. Si l’Angleterre gagnait, elle installerait à Rio de Janeiro un autre fasciste, en enchaînerait doublement le Brésil. Si au contraire le Brésil l’emportait, cela pourrait donner un élan considérable à la conscience démocratique et nationale de ce pays et conduire au renversement de la dictature de Vargas. La défaite de l’Angleterre porterait en même temps un coup à l’impérialisme britannique et donnerait un élan au mouvement révolutionnaire du prolétariat anglais. Réellement, il faut n’avoir rien dans la tête pour réduire les antagonismes mondiaux et les conflits militaires à la lutte contre fascisme et démocratie. Il faut apprendre à distinguer sous tous leurs masques, les exploiteurs, les esclavagistes et les voleurs&nbsp;!&nbsp;»<ref>Trotsky, [http://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1938/09/lt19380923.htm La lutte anti-impérialiste], 23 septembre 1938</ref>''</blockquote>
 
=== Le camp de l'URSS&nbsp;? ===
 
=== Le camp de l'URSS&nbsp;? ===
   Ligne 152 : Ligne 167 :  
== Evolutions du capitalisme et des rapports impérialistes ==
 
== Evolutions du capitalisme et des rapports impérialistes ==
   −
=== Impérialisme soviétique ? ===
+
=== Impérialisme soviétique&nbsp;? ===
    
Face aux agissements de la bureaucratie stalinienne, de nombreux marxistes (et non-marxistes) ont dénoncé dès les années 1930 un [[Impérialisme_soviétique|impérialisme soviétique]]. Trotski n'était pas absolument opposé à parler d'une certaine forme d'impérialisme, mais il ne voulait pas que soit tiré de trait d'égalité entre l'impérialisme soviétique et l'impérialisme des pays capitalistes, en raison de la [[Nature_de_l'Etat_russe|nature de l'Etat soviétique]], [[Etat_ouvrier_dégénéré|Etat ouvrier dégénéré]] selon lui et selon la majorité des trotskistes.
 
Face aux agissements de la bureaucratie stalinienne, de nombreux marxistes (et non-marxistes) ont dénoncé dès les années 1930 un [[Impérialisme_soviétique|impérialisme soviétique]]. Trotski n'était pas absolument opposé à parler d'une certaine forme d'impérialisme, mais il ne voulait pas que soit tiré de trait d'égalité entre l'impérialisme soviétique et l'impérialisme des pays capitalistes, en raison de la [[Nature_de_l'Etat_russe|nature de l'Etat soviétique]], [[Etat_ouvrier_dégénéré|Etat ouvrier dégénéré]] selon lui et selon la majorité des trotskistes.
 
<blockquote>«&nbsp;Peut-on qualifier d'impérialisme la politique d'expansion actuelle du Kremlin? Avant tout il faudrait s'entendre sur le contenu social que nous conférons à ce terme. L'histoire a connu l'impérialisme de l'Etat romain fondé sur le travail des esclaves; l'impérialisme de la propriété terrienne féodale; l'impérialisme du capital commercial et industriel; l'impérialisme de la monarchie tsariste, etc. La force motrice de la bureaucratie soviétique réside, sans aucun doute, dans sa volonté d'accroître son pouvoir, son prestige, ses revenus. C'est ce même élément d'impérialisme - pris dans le sens le plus large du terme - qui fut dans le passé la marque spécifique de toutes les monarchies, oligarchies, castes dirigeantes, classes et milieux divers. Pourtant, dans la littérature politique contemporaine, du moins dans la littérature marxiste, par "impérialisme" on entend la ''politique d'expansion du capital financier ''qui a un contenu économique bien défini. Appliquer à la politique du Kremlin le terme d'impérialisme sans expliquer en fait ce que l'on entend par-là, cela revient tout simplement à identifier la politique de la bureaucratie bonapartiste avec la politique du capitalisme monopoliste, en se fondant sur le fait que l'un et l'autre utilisent la force militaire à des fins d'expansion. Une telle identification, propre seulement à semer la confusion, convient à des démocrates petits-bourgeois plutôt qu'à des marxistes.&nbsp;»<ref name="EncoreUneFois">_</ref><br/></blockquote>
 
<blockquote>«&nbsp;Peut-on qualifier d'impérialisme la politique d'expansion actuelle du Kremlin? Avant tout il faudrait s'entendre sur le contenu social que nous conférons à ce terme. L'histoire a connu l'impérialisme de l'Etat romain fondé sur le travail des esclaves; l'impérialisme de la propriété terrienne féodale; l'impérialisme du capital commercial et industriel; l'impérialisme de la monarchie tsariste, etc. La force motrice de la bureaucratie soviétique réside, sans aucun doute, dans sa volonté d'accroître son pouvoir, son prestige, ses revenus. C'est ce même élément d'impérialisme - pris dans le sens le plus large du terme - qui fut dans le passé la marque spécifique de toutes les monarchies, oligarchies, castes dirigeantes, classes et milieux divers. Pourtant, dans la littérature politique contemporaine, du moins dans la littérature marxiste, par "impérialisme" on entend la ''politique d'expansion du capital financier ''qui a un contenu économique bien défini. Appliquer à la politique du Kremlin le terme d'impérialisme sans expliquer en fait ce que l'on entend par-là, cela revient tout simplement à identifier la politique de la bureaucratie bonapartiste avec la politique du capitalisme monopoliste, en se fondant sur le fait que l'un et l'autre utilisent la force militaire à des fins d'expansion. Une telle identification, propre seulement à semer la confusion, convient à des démocrates petits-bourgeois plutôt qu'à des marxistes.&nbsp;»<ref name="EncoreUneFois">_</ref><br/></blockquote>
Ainsi, il maintenait la ligne politique de [[défense_de_l'URSS|défense de l'URSS]] face aux impérialismes capitalistes.  
+
Ainsi, il maintenait la ligne politique de [[Défense_de_l'URSS|défense de l'URSS]] face aux impérialismes capitalistes.
   −
=== Coopération pacifique entre grandes puissances ? ===
+
=== Coopération pacifique entre grandes puissances&nbsp;? ===
    
Au début du 20<sup>ème</sup> siècle, le marxiste [[Karl_Kautsky|Karl Kautsky]] défend l'idée que le capitalisme va vers un [[Super-impérialisme|super-impérialisme]], qui entre autre a pour effet d'éloigner la perspective de guerres entre puissances (ceci à la veille de la [[Première_guerre_mondiale|Première guerre mondiale]]...). [[Lénine|Lénine]] et [[Boukharine|Boukharine]] ont combattu sa théorie. D'autres thèses plus récentes reprennent des éléments similaires, comme l'Empire de Negri et Hardt.
 
Au début du 20<sup>ème</sup> siècle, le marxiste [[Karl_Kautsky|Karl Kautsky]] défend l'idée que le capitalisme va vers un [[Super-impérialisme|super-impérialisme]], qui entre autre a pour effet d'éloigner la perspective de guerres entre puissances (ceci à la veille de la [[Première_guerre_mondiale|Première guerre mondiale]]...). [[Lénine|Lénine]] et [[Boukharine|Boukharine]] ont combattu sa théorie. D'autres thèses plus récentes reprennent des éléments similaires, comme l'Empire de Negri et Hardt.
Ligne 164 : Ligne 179 :  
=== Décolonisation et néocolonialisme ===
 
=== Décolonisation et néocolonialisme ===
   −
[[File:SoldatFrIndochine.jpg|right|349x461px|SoldatFrIndochine.jpg]]Dans le sillage de la [[Décolonisation|décolonisation]], les luttes contre l'impérialisme ont été nombreuses. Elles se sont aussi inscrites dans un contexte de [[Guerre_froide|guerre froide]]&nbsp;: beaucoup de pays ont reçu le soutien intéressé de l'[[URSS|URSS]] qui tentait également de pérenniser sa sphère d'influence. C'est pourquoi de nombreux mouvements (petits-)bourgeois nationalistes ont pris le paravant idéologique du "communisme" dans l'Après-guerre ([[Castrisme|castrisme]], [[Socialisme_arabe|socialisme arabe]]...). Qu'ils aient l'intention de réaliser une [[planification|planification]] dictatoriale ou simplement un timide réformisme social, ces courants gênaient l'impérialisme, qui a bien souvent réussi à les déstabiliser.
+
[[File:SoldatFrIndochine.jpg|right|349x461px|SoldatFrIndochine.jpg]]Dans le sillage de la [[Décolonisation|décolonisation]], les luttes contre l'impérialisme ont été nombreuses. Elles se sont aussi inscrites dans un contexte de [[Guerre_froide|guerre froide]]&nbsp;: beaucoup de pays ont reçu le soutien intéressé de l'[[URSS|URSS]] qui tentait également de pérenniser sa sphère d'influence. C'est pourquoi de nombreux mouvements (petits-)bourgeois nationalistes ont pris le paravant idéologique du "communisme" dans l'Après-guerre ([[Castrisme|castrisme]], [[Socialisme_arabe|socialisme arabe]]...). Qu'ils aient l'intention de réaliser une [[Planification|planification]] dictatoriale ou simplement un timide réformisme social, ces courants gênaient l'impérialisme, qui a bien souvent réussi à les déstabiliser.
    
La plupart des pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique du Sud, qu'ils aient ou non connus des gouvernements anti-impérialistes, sont rapidement repassés sous la coupe des occidentaux dans l'Après-guerre. Même si leurs gouvernements sont formellement indépendants, ils sont en réalité sous la domination des multinationales étrangères et de leurs Etats. Ainsi, il y a une forme de domination impérialiste qui perdure, que l'on peut appeler [[Néocolonialisme|néocolonialisme]] ou [[Semi-colonisation|semi-colonisation]].
 
La plupart des pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique du Sud, qu'ils aient ou non connus des gouvernements anti-impérialistes, sont rapidement repassés sous la coupe des occidentaux dans l'Après-guerre. Même si leurs gouvernements sont formellement indépendants, ils sont en réalité sous la domination des multinationales étrangères et de leurs Etats. Ainsi, il y a une forme de domination impérialiste qui perdure, que l'on peut appeler [[Néocolonialisme|néocolonialisme]] ou [[Semi-colonisation|semi-colonisation]].
Ligne 170 : Ligne 185 :  
Le discours dominant actuel de la bourgeoisie reconnaît que chaque peuple a la droit à disposer de lui-même, que chaque Etat doit être indépendant, etc... reléguant la domination a la sphère économique. Le passé colonial est alors présenté globalement comme "une erreur regrettable". Néanmoins, la fierté du dominant est conservée par les forces d'extrême droite, et la droite tend à glisser dans ce registre. Par exemple au cours de son mandat, le président Sarkozy a affirmé "son refus de toute repentance", en clamant que la France n'avait jamais commis de crime contre l'humanité, passant sous silence la torture en Algérie, l'esclavage, le régime de Vichy, les Kanaks, les zoo humains... Même si de tels propos sont généralement condamnés comme des "excès", certains politiciens lâchent parfois des formules réactionnaires assumant un impérialisme brutal. Comme Sivlio Berlusconi&nbsp;:
 
Le discours dominant actuel de la bourgeoisie reconnaît que chaque peuple a la droit à disposer de lui-même, que chaque Etat doit être indépendant, etc... reléguant la domination a la sphère économique. Le passé colonial est alors présenté globalement comme "une erreur regrettable". Néanmoins, la fierté du dominant est conservée par les forces d'extrême droite, et la droite tend à glisser dans ce registre. Par exemple au cours de son mandat, le président Sarkozy a affirmé "son refus de toute repentance", en clamant que la France n'avait jamais commis de crime contre l'humanité, passant sous silence la torture en Algérie, l'esclavage, le régime de Vichy, les Kanaks, les zoo humains... Même si de tels propos sont généralement condamnés comme des "excès", certains politiciens lâchent parfois des formules réactionnaires assumant un impérialisme brutal. Comme Sivlio Berlusconi&nbsp;:
 
<blockquote>«&nbsp;On ne peut pas mettre sur le même plan toutes les civilisations. Il faut être conscient de notre supériorité, de la supériorité de la civilisation occidentale. L'Occident continuera à occidentaliser et à s'imposer aux peuples.&nbsp;»<ref>Silvio Berlusconi, Le Figraro, 28 septembre 2001</ref></blockquote>
 
<blockquote>«&nbsp;On ne peut pas mettre sur le même plan toutes les civilisations. Il faut être conscient de notre supériorité, de la supériorité de la civilisation occidentale. L'Occident continuera à occidentaliser et à s'imposer aux peuples.&nbsp;»<ref>Silvio Berlusconi, Le Figraro, 28 septembre 2001</ref></blockquote>
=== Basculement de certains rapports de force ? ===
+
=== Basculement de certains rapports de force&nbsp;? ===
    
La grande dépression des années 1930 a affaibli les métropoles occidentales, et l'accentuation de la [[Lutte_des_classes|lutte des classes]] en leur sein a contribué à rendre l'impérialisme moins agressif. Puis la [[Seconde_guerre_mondiale|seconde guerre mondiale]] a pour un temps créé un repli de l'Europe sur elle-même, tout en propulsant l'impérialisme états-unien au rang de superpuissance mondiale. Dès lors, celui-ci allait mener une politique étrangère de plus en plus agressive, qui avait déjà commencé dès la fin du 19<sup>ème</sup> (domination sur Cuba, l'annexion des Philippines...), mais qui faisait maintenant de l'Amérique Latine sa chasse gardée, et s'étendait toujours plus.
 
La grande dépression des années 1930 a affaibli les métropoles occidentales, et l'accentuation de la [[Lutte_des_classes|lutte des classes]] en leur sein a contribué à rendre l'impérialisme moins agressif. Puis la [[Seconde_guerre_mondiale|seconde guerre mondiale]] a pour un temps créé un repli de l'Europe sur elle-même, tout en propulsant l'impérialisme états-unien au rang de superpuissance mondiale. Dès lors, celui-ci allait mener une politique étrangère de plus en plus agressive, qui avait déjà commencé dès la fin du 19<sup>ème</sup> (domination sur Cuba, l'annexion des Philippines...), mais qui faisait maintenant de l'Amérique Latine sa chasse gardée, et s'étendait toujours plus.
Ligne 193 : Ligne 208 :     
Dans ''L'impérialisme'', Lénine écrit que les pays impérialistes deviennent des foyers d’[[Immigration|immigration]], car les travailleurs quittent les pays où les salaires sont les plus bas. Citant Hobson, il note que des vieux pays d’émigration comme l’Angleterre et l’Allemagne sont devenus des pays d’immigration. D’où une tendance à la différenciation sociale au sein de la [[Classe_ouvrière|classe ouvrière]]&nbsp;:
 
Dans ''L'impérialisme'', Lénine écrit que les pays impérialistes deviennent des foyers d’[[Immigration|immigration]], car les travailleurs quittent les pays où les salaires sont les plus bas. Citant Hobson, il note que des vieux pays d’émigration comme l’Angleterre et l’Allemagne sont devenus des pays d’immigration. D’où une tendance à la différenciation sociale au sein de la [[Classe_ouvrière|classe ouvrière]]&nbsp;:
<blockquote>
+
<blockquote>«&nbsp;''En France, les travailleurs de l'industrie minière sont "en grande partie" des étrangers&nbsp;: Polonais, Italiens, Espagnols. Aux Etats-Unis, les immigrants de l'Europe orientale et méridionale occupent les emplois les plus mal payés, tandis que les ouvriers américains fournissent la proportion la plus forte de contremaîtres et d'ouvriers exécutant les travaux les mieux rétribués. L’impérialisme tend à créer, également parmi les ouvriers, des catégories privilégiées et à les détacher de la grande masse du prolétariat.''&nbsp;»</blockquote>
«&nbsp;''En France, les travailleurs de l'industrie minière sont "en grande partie" des étrangers&nbsp;: Polonais, Italiens, Espagnols. Aux Etats-Unis, les immigrants de l'Europe orientale et méridionale occupent les emplois les plus mal payés, tandis que les ouvriers américains fournissent la proportion la plus forte de contremaîtres et d'ouvriers exécutant les travaux les mieux rétribués. L’impérialisme tend à créer, également parmi les ouvriers, des catégories privilégiées et à les détacher de la grande masse du prolétariat.''&nbsp;»
  −
</blockquote>
   
== Usage du terme «&nbsp;impérialisme&nbsp;» ==
 
== Usage du terme «&nbsp;impérialisme&nbsp;» ==
  

Menu de navigation