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La '''révolution chinoise de 1911''' fut une [[Révolution bourgeoise|révolution bourgeoise]] avortée. Dirigée par [[Sun Yat-sen|Sun Yat-sen]], elle puisait son inspiration dans les grandes révolutions bourgeoises en France et aux Etats-Unis.  
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La '''révolution chinoise de 1911''', ou '''révolution Xinhai''', fut une [[Révolution bourgeoise|révolution bourgeoise]] avortée. Dirigée par [[Sun Yat-sen|Sun Yat-sen]], elle puisait son inspiration dans les grandes révolutions bourgeoises en France et aux Etats-Unis.  
    
== Contexte  ==
 
== Contexte  ==
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Le courant moderniste et anti-impérialiste de la bourgeoisie va notamment se regrouper autour de Sun Yat-sen. Ce dernier, médecin à Canton, est un intellectuel qui a fait ses études au Japon et aux États-Unis. Son parti (informel jusqu'en 1911-1912) recrute à l'origine principalement dans la petite et moyenne bourgeoisie (officiers, intellectuels, étudiants, commerçants, entrepreneurs des grandes villes portuaires).  
 
Le courant moderniste et anti-impérialiste de la bourgeoisie va notamment se regrouper autour de Sun Yat-sen. Ce dernier, médecin à Canton, est un intellectuel qui a fait ses études au Japon et aux États-Unis. Son parti (informel jusqu'en 1911-1912) recrute à l'origine principalement dans la petite et moyenne bourgeoisie (officiers, intellectuels, étudiants, commerçants, entrepreneurs des grandes villes portuaires).  
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Sun Yat-sen popularisait ses idées de façon synthétique, et quelque peu romancée, sous la dénomination de "Trois Principes du Peuple" : démocratie, bien-être, nationalisme. Il rêvait d'une [[République|république]] démocratique, qui assurerait un développement national, nationaliserait les terres et réaliserait une [[Réforme agraire|réforme agraire]]. En revanche il n’est absolument pas révolutionnaire et s’oppose à la [[Lutte des classes|lutte des classes]]. On trouve également une composante [[racialisme|racialiste]] dans sa politique : c'est la "race Mandchoue" (l'ethnie des derniers emprereurs) qui serait responsable de la barbarie contre le "vrai peuple", la "race Han". Ces idées se répandent rapidement dans la nouvelle bourgeoisie et à l’Université, ainsi que dans l’émigration chinoise, qui le finance.  
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Sun Yat-sen popularisait ses idées de façon synthétique, et quelque peu romancée, sous la dénomination de "Trois Principes du Peuple" : démocratie, bien-être, nationalisme. Il rêvait d'une [[République|république]] démocratique, qui assurerait un développement national, nationaliserait les terres et réaliserait une [[Réforme agraire|réforme agraire]]. En revanche il n’est absolument pas révolutionnaire et s’oppose à la [[Lutte des classes|lutte des classes]]. On trouve également une composante [[Racialisme|racialiste]] dans sa politique : c'est la "race Mandchoue" (l'ethnie des derniers emprereurs) qui serait responsable de la barbarie contre le "vrai peuple", la "race Han". Ces idées se répandent rapidement dans la nouvelle bourgeoisie et à l’Université, ainsi que dans l’émigration chinoise, qui le finance.  
    
Sun commença à rassembler des soutiens politiques dans les années 1890, face à l'incapacité de la monarchie mandchoue à mettre en place des réformes [[Démocratie|démocratiques]] . Mais il ne chercha pas à construire un mouvement politique de masse : son mouvement se confina essentiellement à des activités conspirationnelles et terroristes (fondation de la société secrète Tongmenghui en août 1905). En 1905, des premier soulèvements échouent.  
 
Sun commença à rassembler des soutiens politiques dans les années 1890, face à l'incapacité de la monarchie mandchoue à mettre en place des réformes [[Démocratie|démocratiques]] . Mais il ne chercha pas à construire un mouvement politique de masse : son mouvement se confina essentiellement à des activités conspirationnelles et terroristes (fondation de la société secrète Tongmenghui en août 1905). En 1905, des premier soulèvements échouent.  
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=== Soulèvement  ===
 
=== Soulèvement  ===
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Le 10 octobre 1911, un soulèvement des partisans de Sun Yat-sen réussit à Wuchang (province de Hubei), appuyée par une insurrection des soldats contre le gouverneur général de la région. La République de Chine est proclamée. Le mouvement, qui rassemble soldats, officiers, étudiants, bourgeois et ouvriers, s’étend peu à peu dans les provinces centrales et méridionales de la Chine. <br>  
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A l'été 1911 éclatent des émeutes populaires dans le Hunan, le Hubei, le Guangdong et le Sichuan. Il s'agissait d'une lutte contre le gouvernement des Qing qui bradait les droits de la construction des chemins de fer aux impérialistes, sous prétexte de la nationalisation des chemins de fer. Cette lutte, appelée dans le Sichuan le mouvement de la défense des chemins de fer, devenait très acharnée, à tel point qu'elle se transforma au début de septembre en un soulèvement armé populaire.
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Le 10 octobre 1911, un soulèvement des partisans de Sun Yat-sen réussit à Wuchang (province de Hubei), appuyée par une insurrection des soldats contre le gouverneur général de la région. Le mouvement, qui rassemble soldats, officiers, étudiants, bourgeois et ouvriers, s’étend peu à peu dans les provinces centrales et méridionales de la Chine. Vers la fin de novembre, parmi les 24 provinces et régions que comptait la Chine, 14 se déclarèrent indépendantes. Les provinces du Jiangsu et du Zhejiang forment une armée coalisée révolutionnaire qui prend Nanjing le 2 décembre au bout de rudes combats. <br>  
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La République de Chine est proclamée à Nanjing et Sun Yat-Sen en devient le président provisoire.&nbsp;
    
Le gouvernement qui en est issu est très faible, et très lâche dans son organisation. Le mouvement populaire, inorganisé, le laisse aux mains d'un vieil appareil militaro-bureaucratique, qui refuse de donner la terre aux [[Paysannerie|paysans]], et laisse inchangés les rapports de propriété.  
 
Le gouvernement qui en est issu est très faible, et très lâche dans son organisation. Le mouvement populaire, inorganisé, le laisse aux mains d'un vieil appareil militaro-bureaucratique, qui refuse de donner la terre aux [[Paysannerie|paysans]], et laisse inchangés les rapports de propriété.  
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Sun Yat-Sen tente tous les compromis. Il s'allie à la riche bourgeoisie des assemblées provinciales et des chambres de commerce, devient président de la république le 1<sup>er</sup> janvier 1912, et cherche à obtenir la reconnaissance internationale du nouveau régime chinois. Le général Yuan Shikai pousse le jeune empereur à abdiquer le 12 février.<br>
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Sun Yat-Sen tente tous les compromis. Il s'allie à la riche bourgeoisie des assemblées provinciales et des chambres de commerce, devient président de la république le 1<sup>er</sup> janvier 1912, et cherche à obtenir la reconnaissance internationale du nouveau régime chinois. Le général Yuan Shikai pousse le jeune empereur à abdiquer le 12 février.<br>  
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=== Réaction militaire<br> ===
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=== Réaction militaire<br> ===
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Yuan Shikai est le chef de la principale armée chinoise (l'armée du Beiyang), et cela lui procure un moyen de pression colossal. Il a de plus le soutien tacite des impérialistes, qui le préfèrent de loin à Sun Yat-sen, dont le [[nationalisme|nationalisme]] met potentiellement en péril le [[Semi-colonisation de la Chine|système semi-colonial]].&nbsp;La grande bourgeoisie sur laquelle Sun s'est appuyée n'est pas révolutionnaire, et est prête à s'accomoder d'un statut de [[bourgeoisie comprador|bourgeoisie comprador]]. Sun est donc évincé par la droite, ayant renoncé à s'appuyer sur un mouvement populaire. En mars 1912, il cède la présidence à Yuan Shikai.<br>  
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Yuan Shikai est le chef de la principale armée chinoise (l'armée du Beiyang), et cela lui procure un moyen de pression colossal. Il a de plus le soutien tacite des impérialistes, qui le préfèrent de loin à Sun Yat-sen, dont le [[Nationalisme|nationalisme]] met potentiellement en péril le [[Semi-colonisation de la Chine|système semi-colonial]].&nbsp;La grande bourgeoisie sur laquelle Sun s'est appuyée n'est pas révolutionnaire, et est prête à s'accomoder d'un statut de [[Bourgeoisie comprador|bourgeoisie comprador]]. Sun est donc évincé par la droite, ayant renoncé à s'appuyer sur un mouvement populaire. En mars 1912, il cède la présidence à Yuan Shikai.<br>  
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En mars, une constitution provisoire est déclarée, et en août et septembre, une assemblée de députés créée. Le 25 août 1912, Sun Yat-sen fonde le [[Kuomintang|Kuomintang]] (littéralement "parti nationaliste") qui est d'emblée une force politique majeure du pays, et remporte notamment les élections à l'Assemblée. Mais l'éxécutif est aux mains de la [[réaction|réaction]], qui très vite montre son intention de continuité avec l'ancien régime. Il projette notamment d'importants emprunts à l'étranger, ce qui provoque la colère du Kuomintang.
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En mars, une constitution provisoire est déclarée, et en août et septembre, une assemblée de députés créée. Le 25 août 1912, Sun Yat-sen fonde le [[Kuomintang|Kuomintang]] (littéralement "parti nationaliste") qui est d'emblée une force politique majeure du pays, et remporte notamment les élections à l'Assemblée. Mais l'éxécutif est aux mains de la [[Réaction|réaction]], qui très vite montre son intention de continuité avec l'ancien régime. Il projette notamment d'importants emprunts à l'étranger, ce qui provoque la colère du Kuomintang.  
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Dès la fin de 1912, une répression sournoise est orchestrée contre les militants du parti nationaliste. En novembre 1913, Yuan Shikai déchire brutalement le voile [[démocratique|démocratique]] de l'[[Etat|Etat]] et interdit le Kuomintang ainsi que tout journal d'opposition. [[Sun Yat-sen|Sun Yat-sen]] fuit au Japon et appelle à une deuxième révolution. En 1914, Yuan Shikai dissout ce qui reste du parlement, nomme des parlementaires à sa solde, des gouverneurs militaires à la place des gouverneurs civils, et remplace la constitution de 1912 par un texte lui accordant plus de pouvoir... <br>
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Dès la fin de 1912, une répression sournoise est orchestrée contre les militants du parti nationaliste. En novembre 1913, Yuan Shikai déchire brutalement le voile [[Démocratique|démocratique]] de l'[[Etat|Etat]] et interdit le Kuomintang ainsi que tout journal d'opposition. [[Sun Yat-sen|Sun Yat-sen]] fuit au Japon et appelle à une deuxième révolution. En 1914, Yuan Shikai dissout ce qui reste du parlement, nomme des parlementaires à sa solde, des gouverneurs militaires à la place des gouverneurs civils, et remplace la constitution de 1912 par un texte lui accordant plus de pouvoir... <br>  
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La réaction est à son comble lorsque Yuan Shikai s'autoproclame Empereur en 1915.
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La réaction est à son comble lorsque Yuan Shikai s'autoproclame Empereur en 1915.  
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== Suites ==
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== Suites ==
    
=== Morcèlement du pays  ===
 
=== Morcèlement du pays  ===
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Face à la restauration impériale de Yuan Shikai, des généraux républicains du Sud de la Chine se soulevèrent, et Yuan dut démissionner. Mais l'armée était profondément divisée en zones d'influences des différents potentats. Sun échoua à réunifier le pays, et ne contrôla plus que le Sud, où survit formellement la République de Chine. L'époque des seigneurs de guerre s'ouvrait, et bloquait la Chine pour longtemps dans des survivances de [[féodalisme|féodalisme]].
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Face à la restauration impériale de Yuan Shikai, des généraux républicains du Sud de la Chine se soulevèrent, et Yuan dut démissionner. Mais l'armée était profondément divisée en zones d'influences des différents potentats. Sun échoua à réunifier le pays, et ne contrôla plus que le Sud, où survit formellement la République de Chine. L'époque des seigneurs de guerre s'ouvrait, et bloquait la Chine pour longtemps dans des survivances de [[Féodalisme|féodalisme]].  
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=== Essor du mouvement communiste ===
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=== Essor du mouvement communiste ===
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Parallèlement à ces événements, les grandes villes de Chine connurent un fort bouillonnement intellectuel. La révolution de 1911 libère beaucoup d'esprits, notamment dans les Universités. Les ouvrages et courants de pensée occidentaux sont découverts avec passion, et les revues se multiplient.
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Parallèlement à ces événements, les grandes villes de Chine connurent un fort bouillonnement intellectuel. La révolution de 1911 libère beaucoup d'esprits, notamment dans les Universités. Les ouvrages et courants de pensée occidentaux sont découverts avec passion, et les revues se multiplient.  
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Un certain [[Chen Du Xiu|Chen Du Xiu]] est alors professeur à l'Université de Shanghai et dirige ''La Jeunesse'', journal majeur de l’avant-garde de l'époque. Mais ce n'est qu'à partir de 1917, avec le coup de tonnerre de la [[Révolution d'Octobre|Révolution d'Octobre]] du lointain voisin russe, et avec l'envoi de délégués [[bolchéviks|bolchéviks]], que le marxisme se diffusera en Chine. Chen Du Xiu cofondera le [[Parti Communiste Chinois|Parti Communiste Chinois]] en 1921 à Shanghai, et bien qu'à l'origine seulement composé d'intellectuels, ils trouvera très rapidement une forte base sociale dans les concentrations ouvrières naissantes. Les bases étaient posées pour les [[Révolution_chinoise_(1925-1927)|événements révolutionnaires de 1925-1927]].
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Un certain [[Chen Du Xiu|Chen Du Xiu]] est alors professeur à l'Université de Shanghai et dirige ''La Jeunesse'', journal majeur de l’avant-garde de l'époque. Mais ce n'est qu'à partir de 1917, avec le coup de tonnerre de la [[Révolution d'Octobre|Révolution d'Octobre]] du lointain voisin russe, et avec l'envoi de délégués [[Bolchéviks|bolchéviks]], que le marxisme se diffusera en Chine. Chen Du Xiu cofondera le [[Parti Communiste Chinois|Parti Communiste Chinois]] en 1921 à Shanghai, et bien qu'à l'origine seulement composé d'intellectuels, ils trouvera très rapidement une forte base sociale dans les concentrations ouvrières naissantes. Les bases étaient posées pour les [[Révolution chinoise (1925-1927)|événements révolutionnaires de 1925-1927]].  
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== Sources ==
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== Lénine et la révolution chinoise  ==
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[[Lénine|Lénine]] s'intéressait de près à ces événements. Même si à cette époque il n'y avait pas de [[Mouvement ouvrier|mouvement ouvrier]] autonome dans l'Empire chinois, il soutenait la révolte populaire - même dirigée par des bourgeois - contre les [[Impérialistes|impérialistes]] occidentaux et [[Impérialisme japonais|japonais]]. Il soulignait la portée mondiale de cette lutte, qui «&nbsp;apportait l'affranchissement à l'Asie, et qui ébranlait la domination de la bourgeoisie européenne&nbsp;». En 1912-1913, Lénine a écrit plusieurs articles politiques sur la Chine&nbsp;: ''La démocratie et le populisme en Chine'', ''La Chine rénovée'', ''Une grande victoire de la République chinoise'', ''L'éveil de l'Asie'', [http://www.marxists.org/francais/lenin/works/1913/05/vil19130518.htm ''L'Europe arriérée et l'Asie avancée''] et ''La lutte des partis en Chine''.
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Pour sa réflexion personnelle, on peut noter qu'avant l'expérience de la Russie en 1917, il étudiait la capacité des bourgeois libéraux à mener une révolution démocratique, ou pas. Ainsi il écrivait<ref>[http://www.sinistra.net/lib/bas/progco/qina/qinaajabof.html Le mouvement social en Chine (III)], Bibliothèque internationale de la Gauche communiste</ref>&nbsp;:
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<blockquote>«&nbsp;Les paysans réussiront-ils, sans la direction du parti du prolétariat, à conserver leur position démocratique '''contre''' les libéraux qui n'attendent que le moment opportun pour se jeter à droite? C'est ce que montrera un proche avenir». ''La Chine rénovée'', Pravda, 7 novembre 1912 </blockquote>
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Et quelques mois plus tard, après la capitulation devant la réaction de Yuan Shikai&nbsp;:
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<blockquote>«Les révolutions de l'Asie ont montré la même absence de caractère, et la même bassesse du libéralisme, la même importance exclusive d'une indépendance des masses démocratiques, la même délimitation précise entre le prolétariat et toute la bourgeoisie.&nbsp;» [http://www.marxists.org/francais/lenin/works/1913/03/vil19130301.htm ''Les destinées historiques de la doctrine de K. Marx''], 1913 </blockquote>
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== Notes et sources ==
    
*[http://tendanceclaire.npa.free.fr/contenu/autre/BrochureRevosChinoises.pdf Les révolutions chinoises], Tendance CLAIRE du [[NPA|NPA]], été 2011<br>  
 
*[http://tendanceclaire.npa.free.fr/contenu/autre/BrochureRevosChinoises.pdf Les révolutions chinoises], Tendance CLAIRE du [[NPA|NPA]], été 2011<br>  
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*[http://french.beijingreview.com.cn/zt/node_57401.htm Le centennaire de la révolution de 1911],
 
*John Chan, "La tragédie de la révolution chinoise de 1925-1927", [http://www.wsws.org/francais/hiscul/2009/avr09/chin-a16.shtml]<br>
 
*John Chan, "La tragédie de la révolution chinoise de 1925-1927", [http://www.wsws.org/francais/hiscul/2009/avr09/chin-a16.shtml]<br>
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<references />
    
[[Catégorie:Révolution]] [[Catégorie:Chine]]
 
[[Catégorie:Révolution]] [[Catégorie:Chine]]

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