Modifications

Aller à la navigation Aller à la recherche
aucun résumé des modifications
Ligne 6 : Ligne 6 :  
== Contexte ==
 
== Contexte ==
   −
Entre la [[Guerre_des_paysans|Guerre des Paysans]] et le 19<sup>e</sup> siècle, pratiquement rien ne s'est produit en Allemagne qui puisse être interprété comme une révolte généralisée des opprimés. Ce qui explique sans doute pourquoi c'est la Guerre des Paysans qui sert de référence, voire de modèle, tant à Engels qu'à Lassalle pour penser la possibilité d'une révolution en Allemagne, en général, et métaphoriser l’analyse de l'échec de 1848.
+
Un des premiers moments d'expression du [[mouvement ouvrier allemand]] fut la [[révolte des tisserands de Silésie]] en 1844. Globalement dans les années 1840 (années de dépression économique), c'est surtout des mouvements d'artisans ruinés par l'essor de l'industrie auxquels on assiste. Leurs révoltes sont souvent violentes et spontanées.
 
  −
Un des premiers moments d'expression du mouvement ouvrier allemand fut la [[Révolte_des_tisserands_de_Silésie|révolte des tisserands de Silésie]] en 1844. Globalement dans les années 1840 (années de dépression économique), c'est surtout des mouvements d'artisans ruinés par l'essor de l'industrie auquels on assiste. Leurs révoltes sont souvent violentes et spontanées.
      
A l'inverse, un courant d'intellectuels révolutionnaires émerge, mais contrairement à ce qui se passera en France il restera assez coupé des révoltes. Des exilés fondent la [[Ligue_des_proscrits|Ligue des proscrits]] (1934) puis la [[Ligue_des_justes|Ligue des justes]] (1836). A part quelques étudiants, les premiers membres sont des artisans eux aussi, horlogers (Joseph Moll de Cologne), tanneurs (Simon Schmidt) ou tailleurs (Weitling). En 1836, deux partis s'affrontent dans cette ligue: le «parti des ébénistes&nbsp;» qui en tient à pour la révolution partielle et républicains, et le «&nbsp;parti des tailleurs» qui imagine une république mystique, chrétienne, où règnerait la communauté des biens. C'est ce dernier courant qui l'emportera, et qui influencera plus tard la [[Ligue_des_communistes|Ligue des communistes]] (1848).
 
A l'inverse, un courant d'intellectuels révolutionnaires émerge, mais contrairement à ce qui se passera en France il restera assez coupé des révoltes. Des exilés fondent la [[Ligue_des_proscrits|Ligue des proscrits]] (1934) puis la [[Ligue_des_justes|Ligue des justes]] (1836). A part quelques étudiants, les premiers membres sont des artisans eux aussi, horlogers (Joseph Moll de Cologne), tanneurs (Simon Schmidt) ou tailleurs (Weitling). En 1836, deux partis s'affrontent dans cette ligue: le «parti des ébénistes&nbsp;» qui en tient à pour la révolution partielle et républicains, et le «&nbsp;parti des tailleurs» qui imagine une république mystique, chrétienne, où règnerait la communauté des biens. C'est ce dernier courant qui l'emportera, et qui influencera plus tard la [[Ligue_des_communistes|Ligue des communistes]] (1848).
Ligne 14 : Ligne 12 :  
Les intellectuels révolutionnaires comme [[Marx|Marx]] et [[Engels|Engels]] connaissent eux-aussi l'exil après l'échec de la [[Révolution_allemande_de_1848|révolution allemande de 1848]]. Ils se sont ensuite intéressés davantage à la France ou à l’Angieterre qu'à leur propre pays. Cela les a conduit à développer un [[Internationalisme|internationalisme]] théorique et pratique (avec la fondation de l'[[Association_internationale_des_travailleurs|Association internationale des travailleurs]]), mais aussi à rester relativement coupés de la classe ouvrière allemande. C'était dû non seulement à leur exil, mais aussi au fait que l'agitation ouvrière allemande était, avant 1862, multiforme et difficilement saisissable.
 
Les intellectuels révolutionnaires comme [[Marx|Marx]] et [[Engels|Engels]] connaissent eux-aussi l'exil après l'échec de la [[Révolution_allemande_de_1848|révolution allemande de 1848]]. Ils se sont ensuite intéressés davantage à la France ou à l’Angieterre qu'à leur propre pays. Cela les a conduit à développer un [[Internationalisme|internationalisme]] théorique et pratique (avec la fondation de l'[[Association_internationale_des_travailleurs|Association internationale des travailleurs]]), mais aussi à rester relativement coupés de la classe ouvrière allemande. C'était dû non seulement à leur exil, mais aussi au fait que l'agitation ouvrière allemande était, avant 1862, multiforme et difficilement saisissable.
   −
Le groupe ouvrier organisé le plus important d'Allemagne se donne, en 1848, le nom de Fraternité ouvrière allemande (Allgemeine deutsche Arbeitverbrüderung, DAV). Son organisation (une fraternité) renvoie aussi bien à un idéal chrétien qu'à la Révolution française. La DAV pose à la fois, de façon confuse et mêlée, la question nationale, la question sociale et la question politique. Elle servait aussi à mettre en pratique la solidarité entre travailleurs par des caisses communes. Elle est aussi la première à utiliser le terme Arbeiter (traduction du français "ouvrier"), et à vouloir unifier les travailleurs au delà des corporations, ce qui marque une forme embryonnaire de [[Conscience_de_classe|conscience de classe]]. La DAV comptait environ 200 sections, fortes surtout à Leipzig et Berlin. Ses dirigeants principaux étaient [[Franz_Schwenniger|Franz Schwenniger]] et [[Stefan_Born|Stefan Born]]. Ce dernier avait été brièvement à la Ligue des communiste, mais globalement il n'y avait pas de lien entre les deux.
+
Le groupe ouvrier organisé le plus important d'Allemagne se donne, en 1848, le nom de [[Fraternité ouvrière allemande]] (Allgemeine deutsche Arbeitverbrüderung, DAV). Son organisation (une fraternité) renvoie aussi bien à un idéal [[Christianisme|chrétien]] qu'à la [[Révolution française]]. La DAV pose à la fois, de façon confuse et mêlée, la [[question nationale]], la [[question sociale]] et la question politique. Elle servait aussi à mettre en pratique la [[solidarité]] entre travailleurs par des caisses communes. Elle est aussi la première à utiliser le terme Arbeiter (traduction du français "ouvrier"), et à vouloir unifier les travailleurs au delà des [[corporations]], ce qui marque une forme embryonnaire de [[Conscience_de_classe|conscience de classe]]. La DAV comptait environ 200 sections, fortes surtout à Leipzig et Berlin. Ses dirigeants principaux étaient [[Franz_Schwenniger|Franz Schwenniger]] et [[Stefan_Born|Stefan Born]]. Ce dernier avait été brièvement à la [[Ligue des communistes]], mais globalement il n'y avait pas de lien entre les deux.
    
== Histoire ==
 
== Histoire ==
    
=== Fondation ===
 
=== Fondation ===
[[Fichier:Bundesarchiv Bild 183-R66693, Ferdinand Lassalle.jpg|vignette|Ferdinand Lassalle|343x343px]]L'ADAV a été créée le 23 mai 1863 par [[Ferdinand_Lassalle|Ferdinand Lassalle]] à Leipzig, dans le royaume de Saxe. L'ADAV fut le premier parti ouvrier allemand, créé en Prusse avant l'unification allemande au sein de l'Empire allemand. Ses membres furent baptisés en Allemagne les ''Lassalliens''. L'association fut fondée par Lassalle et douze délégués des plus importantes villes allemandes&nbsp;: Brême, Dresde, Düsseldorf, Elberfeld, Francfort, Hambourg, Harburg, Cologne, Leipzig, Mayence et Solingen. Environ 600 travailleurs étaient présents, ayant emprunté la nouvelle ligne ferroviaire Dresde - Leipzig.
+
[[Fichier:Bundesarchiv Bild 183-R66693, Ferdinand Lassalle.jpg|vignette|[[Ferdinand Lassalle]]|343x343px]]L'ADAV a été créée le 23 mai 1863 à Leipzig,  par [[Ferdinand_Lassalle|Ferdinand Lassalle]] et douze délégués des plus importantes villes allemandes&nbsp;: Brême, Dresde, Düsseldorf, Elberfeld, Francfort, Hambourg, Harburg, Cologne, Leipzig, Mayence et Solingen. Environ 600 travailleurs étaient présents, ayant emprunté la nouvelle ligne ferroviaire Dresde - Leipzig. dans le royaume de Saxe.  
   −
Lassalle fut élu président pendant 5 ans, et il le fut donc jusqu'à ce qu'il soit tué en duel le 31 août 1864. Il avait espéré des milliers d'adhésions, mais en 1864 il n'y en avait que 4600. L'ADAV était en partie financée par des fonds collectés par Lassalle grâce à ses relations personnelles.
+
L'ADAV fut le premier [[parti ouvrier]] allemand, créé en Prusse avant l'[[unification allemande]] au sein de l'Empire allemand. Ses membres étaient appelés les ''lassalliens''.  
   −
Les opinions étaient tranchées au sein de l'ADAV entre les strictes adeptes du [[Socialisme|socialisme]] et de la [[Social-démocratie|social-démocratie]]. [[Wilhelm_Liebknecht|Wilhelm Liebknecht]] fut un de ses membres jusqu'en 1865, mais lorsque l'ADAV coopérât avec le gouvernement de [[Otto_von_Bismarck|Bismarck]], comme sur la question du [[Suffrage_féminin|suffrage féminin]], Liebknecht s'en détacha. Il avait écrit pour le journal de l'association ''Der Sozial-Demokrat'' mais devint en désaccord avec les positions pro-prussiennes du journal, il l'abandonna, d'abord pour créer le [[Parti_populaire_saxon|Parti populaire saxon]] avec [[August_Bebel|August Bebel]], puis en 1869 il devint le cofondateur du [[Parti_ouvrier_social-démocrate_(Allemagne)|Parti ouvrier social-démocrate]] (Sozialdemokratische Arbeiterpartei, SDAP) à Eisenach en tant que section de l'[[Association_internationale_des_travailleurs|Association internationale des travailleurs]], la Première Internationale.
+
Lassalle fut élu président pendant 5 ans. C'est en grande partie lui qui apporta des fonds au parti grâce à ses relations personnelles.
 +
 
 +
=== ''Der Social-Demokrat'' ===
 +
L'ADAV n'avait pas d'organe de presse. Lassalle était très sceptique sur l'opportunité d'en créer un.
 +
 
 +
[[Jean Baptista von Schweitzer|Johann Baptist von Schweitzer]] et [[:de:Johann_Baptist_von_Hofstetten|Johann Baptist von Hofstetten]] proposèrent de publier un journal à leurs propres frais, demandant que Lassalle le reconnaisse comme organe de l'ADAV. Il fut nommé ''[[Der Social-Demokrat]]''.
 +
 
 +
 
 +
[[Wilhelm Liebknecht]] , qui était membre de l'ADAV, contribué au journal. Les noms de [[Karl Marx|Marx]] et [[Friedrich Engels|Engels]] furent inscrits dans la liste des contributeurs.
 +
 
 +
=== Divisions politiques ===
 +
Les positions de Lassalle suscitèrent cependant rapidement des désaccords, dont le plus important fut sans doute celui sur la perspective d'[[unification de l'Allemagne]].
 +
 
 +
==== L'unité allemande ====
 +
Au 19<sup>e</sup> siècle, le cadre germanique était divisé entre la [[w:Prusse|Prusse]], l'Autriche et de nombreux petits États, et deux options sont alors défendues sur la question nationale :
 +
*La [[solution grande allemande]], qui vise à unifier l'ensemble des peuples germaniques.
 +
*La [[solution petite allemande]], qui est prête à se limiter à l'unification de la Prusse et des autres petits États, sans l'Autriche.
 +
Étant donné les rivalités entre les deux puissances que sont la Prusse et l'Autriche, la solution grande allemande ne peut être réalisée que par un mouvement populaire qui renverse les États réactionnaires. La [[Révolution de Mars|révolution de 1848]] a été une tentative dans ce sens ([[Karl Marx|Marx]] et [[Friedrich Engels|Engels]] militaient dans cet objectif de solution grande-allemande révolutionnaire), mais son échec éloignait cette perspective. En parallèle, la Prusse dirigée par le chancelier Bismarck montait en puissance, surtout après que celui-ci remporte une [[w:Guerre austro-prussienne|guerre contre l'Autriche]] en  août 1866 et fonde la [[w:Confédération de l'Allemagne du Nord|Confédération de l'Allemagne du Nord]]. Les partisans de la solution petite allemande voient alors pour solution de se ranger derrière Bismarck, malgré son caractère [[réactionnaire]].
 +
 
 +
Or c'est précisément ce que Marx et Engels reprochaient à Lassalle, de chercher le compromis avec Bismarck. Pour eux et pour leurs partisans (comme Bebel et Liebknecht), c'était inacceptable.
 +
 
 +
==== Suffrage féminin ====
 +
Il y avait également des désaccords sur la question du [[droit de vote des femmes]].
 +
 
 +
==== Organisations rivales ====
 +
Ces désaccords firent que certaines associations ouvrières restèrent en dehors de l'ADAV.
 +
 
 +
Certains socialistes également, comme [[Wilhelm Liebknecht]], qui quitta l'ADAV pour créer le [[Parti populaire saxon]] avec [[August Bebel]]. Puis en 1869, Liebknecht et Bebel fondent le [[Parti_ouvrier_social-démocrate_(Allemagne)|Parti ouvrier social-démocrate]] (Sozialdemokratische Arbeiterpartei, SDAP) à Eisenach en tant que section de l'[[Association internationale des travailleurs]], la Première Internationale.
 +
 
 +
=== Mort de Lassalle ===
 +
Lassalle est tué dans un duel le 31 août 1864, pour une histoire sentimentale. Sa mort laisse l'ADAV  en difficulté.
 +
 
 +
Il avait espéré des milliers d'adhésions, mais en 1864 il n'y en avait que 4600.
 +
 
 +
[[Jean Baptista von Schweitzer|Johann Baptist von Schweitzer]] prend la tête du parti, mais n'a pas autant de talents d'organisateur, tout en étant également considéré  comme autoritaire en tant que président du parti.
 +
 
 +
En 1871, des communications secrètes entre Schweitzer et le gouvernement de Bismarck fuitent, et Schweitzer démissionne. [[Wilhelm Hasenclever]] est élu comme son successeur.
 +
 
 +
Le journal ''[[Der Social-Demokrat]]'' est remplacé par ''[[Der Agitator]]'', puis par le  [[Neuer Social-Demokrat|''Neuer Social-Demokrat'']].
    
=== Fusion avec le SDAP ===
 
=== Fusion avec le SDAP ===
  −
Après la mort de Lassalle, l'ADAV était en difficulté.
      
Liebknecht rencontra ses anciens camarades de l'ADAV, que le manque de support de leur parti convainquit de joindre leurs forces à celles du SDAP en 1875. Avec le SDAP, l'ADAV forma le nouveau Parti ouvrier socialiste d'Allemagne (''Sozialistische Arbeiterpartei Deutschlands'', SAPD) à la Conférence de l'Unité socialiste à Gotha&nbsp;: leur manifeste devint le [[Programme_de_Gotha|programme de Gotha]]. Il appelait à la reconnaissance du suffrage «&nbsp;universel, égal et direct&nbsp;», qui devint ultérieurement partie intégrante de la constitution de la République de Weimar. En 1890 le parti fut renommé ''Sozialdemokratische Partei Deutschlands'' (SPD), [[Parti_social-démocrate_d'Allemagne|Parti social-démocrate d'Allemagne]], et il existe toujours sous ce nom aujourd'hui.
 
Liebknecht rencontra ses anciens camarades de l'ADAV, que le manque de support de leur parti convainquit de joindre leurs forces à celles du SDAP en 1875. Avec le SDAP, l'ADAV forma le nouveau Parti ouvrier socialiste d'Allemagne (''Sozialistische Arbeiterpartei Deutschlands'', SAPD) à la Conférence de l'Unité socialiste à Gotha&nbsp;: leur manifeste devint le [[Programme_de_Gotha|programme de Gotha]]. Il appelait à la reconnaissance du suffrage «&nbsp;universel, égal et direct&nbsp;», qui devint ultérieurement partie intégrante de la constitution de la République de Weimar. En 1890 le parti fut renommé ''Sozialdemokratische Partei Deutschlands'' (SPD), [[Parti_social-démocrate_d'Allemagne|Parti social-démocrate d'Allemagne]], et il existe toujours sous ce nom aujourd'hui.
Ligne 33 : Ligne 67 :  
== Notes et sources ==
 
== Notes et sources ==
   −
Sonia Dayan-Herzbrun, ''[https://books.google.fr/books/about/L_invention_du_Parti_Ouvrier.html?id=hjQ8XAalYE4C&redir_esc=y&hl=fr L'Invention du parti ouvrier&nbsp;: aux origines de la social-démocratie], 1848-1864'', L'Harmattan, 1990.  
+
* Sonia Dayan-Herzbrun, ''[https://books.google.fr/books/about/L_invention_du_Parti_Ouvrier.html?id=hjQ8XAalYE4C&redir_esc=y&hl=fr L'Invention du parti ouvrier&nbsp;: aux origines de la social-démocratie], 1848-1864'', L'Harmattan, 1990.  
    
<references />
 
<references />
 
[[Catégorie:Allemagne]] [[Catégorie:Partis]]
 
[[Catégorie:Allemagne]] [[Catégorie:Partis]]

Menu de navigation