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[[Flora_Tristan|Flora Tristan]] (1803-1844) fut une des premières socialistes à tenter de mener de front la lutte ouvrière avec la lutte des femmes. Elle fit un tour de france des filatures et imprimeries et s'investit dans l'organisation des ouvriers et ouvrières. Elle disait :
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[[Flora_Tristan|Flora Tristan]] (1803-1844) fut une des premières socialistes à tenter de mener de front la lutte ouvrière avec la lutte des femmes. Elle fit un tour de France des filatures et imprimeries et s'investit dans l'organisation des ouvriers et ouvrières. Elle disait :
 
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«&nbsp;L’homme le plus opprimé peut opprimer un être, qui est sa femme. Elle est le prolétaire du prolétaire même.&nbsp;»
 
«&nbsp;L’homme le plus opprimé peut opprimer un être, qui est sa femme. Elle est le prolétaire du prolétaire même.&nbsp;»
 
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[[Charles_Fourier|Charles Fourier]] prônait la construction de crèches pour "libérer la femme", espérer atteindre une harmonie des sexes dans les [[Phalanstères|phalanstères]], et considérait que la condition féminine réflète le [[Progrès_social|progrès social]]&nbsp;:
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[[Charles_Fourier|Charles Fourier]] prônait la construction de crèches pour "libérer la femme", espérer atteindre une harmonie des sexes dans les [[Phalanstères|phalanstères]], et considérait que la condition féminine reflète le [[Progrès_social|progrès social]]&nbsp;:
 
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«&nbsp;''Les progrès sociaux'' ''s’opèrent en raison des progrès des femmes vers la liberté et les décadences d’ordre social en raison du décroissement de la liberté des femmes.''&nbsp;»<ref>Charles Fourier, [http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k106139k Théorie des quatre mouvements], 1808</ref>
 
«&nbsp;''Les progrès sociaux'' ''s’opèrent en raison des progrès des femmes vers la liberté et les décadences d’ordre social en raison du décroissement de la liberté des femmes.''&nbsp;»<ref>Charles Fourier, [http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k106139k Théorie des quatre mouvements], 1808</ref>
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Toujours dans l'''Idéologie allemande'', il est indiqué que l'abolition de la propriété privée entraînera l'abolition de la famille et du mariage. Mais il n'y a pas d'indication de ce qui pourrait les remplacer. Les descriptions de l'[[Amour_libre|amour libre]] imagnées par Fourier sont qualifiées de "fantaisies". Marx et Engels écrivaient même que la famille était déjà dissolue, n'existant plus dans le prolétariat, et n'existant plus que formellement comme rapport de propriété dans la bourgeoisie (avec l'argument que les bourgeois trompaient leurs femmes). Ces idées, largement extrapolées, n'étaient pas vraiment étayées sur des faits.
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Toujours dans l'''Idéologie allemande'', il est indiqué que l'abolition de la propriété privée entraînera l'abolition de la famille et du mariage. Mais il n'y a pas d'indication de ce qui pourrait les remplacer. Les descriptions de l'[[Amour_libre|amour libre]] imaginées par Fourier sont qualifiées de "fantaisies". Marx et Engels écrivaient même que la famille était déjà dissolue, n'existant plus dans le prolétariat, et n'existant plus que formellement comme rapport de propriété dans la bourgeoisie (avec l'argument que les bourgeois trompaient leurs femmes). Ces idées, largement extrapolées, n'étaient pas vraiment étayées sur des faits.
    
Concernant la violence des maris jaloux, Marx notait dans un article de 1846 que «&nbsp;''le jaloux est avant tout un propriétaire''&nbsp;»<ref>Karl Marx, [http://revueinvariance.pagesperso-orange.fr/marxsuicide.html Peuchet : Au sujet du suicide], 1846</ref>.
 
Concernant la violence des maris jaloux, Marx notait dans un article de 1846 que «&nbsp;''le jaloux est avant tout un propriétaire''&nbsp;»<ref>Karl Marx, [http://revueinvariance.pagesperso-orange.fr/marxsuicide.html Peuchet : Au sujet du suicide], 1846</ref>.
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Le [[Manifeste_communiste|Manifeste communiste]] (1847) reprend ces thèses. Il se moque aussi des bourgeois qui accusent les communistes de vouloir la "collectivisation des femmes". Il répond que ce sont les bourgeois qui collectivisent les femmes par la [[Prostitution|prostitution]], et que le communisme y mettra fin<ref>Voir aussi : Engels, [https://www.marxists.org/francais/marx/47-pdc.htm Principes du communisme], 1847</ref>.
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Le [[Manifeste_communiste|''Manifeste communiste'']] (1847) reprend ces thèses. Il se moque aussi des bourgeois qui accusent les communistes de vouloir la "[[collectivisation des femmes]]". Il répond que ce sont les bourgeois qui collectivisent les femmes par la [[Prostitution|prostitution]], et que le communisme y mettra fin<ref>Voir aussi : Engels, [https://www.marxists.org/francais/marx/47-pdc.htm Principes du communisme], 1847</ref>.
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En 1850, Marx critiquait le [[Naturalisme|naturalisme]] [[Réactionnaire|réactionnaire]] d'un certain Daumer qui prétendait défendre la cause des femmes en les "divinisant" et les essentialisant au passage dans un rôle de mère nourricière<ref>Dans un article de 1850 paru dans La Nouvelle Gazette Rhénane. Voir à ce sujet [http://danielbensaid.org/Marx-productivisme-et-ecologie cet article].</ref>. On trouve cependant des expressions imagées réflétant les conceptions sexistes omniprésentes, comme ce passage du Capital associant père-actif-fécondeur et mère-passive-féconde&nbsp;: ''«&nbsp;Le travail n'est donc pas l'unique source des valeurs d'usage qu'il produit, de la richesse matérielle. Il en est le père, et la terre, la mère&nbsp;»<ref>Karl Marx, ''[https://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-I/kmcapI-I-2.htm Le Capital - Livre premier]'', 1867</ref>''
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En 1850, Marx critiquait le [[Naturalisme|naturalisme]] [[Réactionnaire|réactionnaire]] d'un certain Daumer qui prétendait défendre la cause des femmes en les "divinisant" et les essentialisant au passage dans un rôle de mère nourricière<ref>Dans un article de 1850 paru dans La Nouvelle Gazette Rhénane. Voir à ce sujet [http://danielbensaid.org/Marx-productivisme-et-ecologie cet article].</ref>. On trouve cependant des expressions imagées reflétant les conceptions sexistes omniprésentes, comme ce passage du Capital associant père-actif-fécondeur et mère-passive-féconde&nbsp;: ''«&nbsp;Le travail n'est donc pas l'unique source des valeurs d'usage qu'il produit, de la richesse matérielle. Il en est le père, et la terre, la mère&nbsp;»<ref>Karl Marx, ''[https://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-I/kmcapI-I-2.htm Le Capital - Livre premier]'', 1867</ref>''
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Marx défendait aussi une législation spéficique du travail pour protéger les "femmes et les enfants", par exemple dans [[Le_Capital|''Le Capital'']], ou au sein de la [[Première_internationale|Première internationale]] (voir ci-dessous). Le programme de Gotha du Parti ouvrier allemand (1875)<ref>[https://www.marxists.org/francais/inter_soc/spd/18750500.htm Programme de Gotha du parti social-démocrate allemand], 1875</ref> réclamait l'interdiction "''du travail des enfants, ainsi que du travail des femmes, qui porte préjudice à la santé et à la moralité.''" Dans la critique que Marx fait de ce programme<ref>Karl Marx, [https://www.marxists.org/francais/marx/works/1875/05/18750500d.htm Gloses marginales au programme du Parti Ouvrier allemand], 1875</ref>, il évoque la limitation de la journée de travail pour les femmes, voire des interdictions pour "''branches d'industrie qui sont particulièrement préjudiciables à leur santé physique où contraires à la morale au point de vue du sexe''", mais indique que les femmes doivent être intégrées à la production.
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Marx défendait aussi une législation spécifique du travail pour protéger les "femmes et les enfants", par exemple dans [[Le_Capital|''Le Capital'']], ou au sein de la [[Première_internationale|Première internationale]] (voir ci-dessous). Le programme de Gotha du Parti ouvrier allemand (1875)<ref>[https://www.marxists.org/francais/inter_soc/spd/18750500.htm Programme de Gotha du parti social-démocrate allemand], 1875</ref> réclamait l'interdiction "''du travail des enfants, ainsi que du travail des femmes, qui porte préjudice à la santé et à la moralité.''" Dans la critique que Marx fait de ce programme<ref>Karl Marx, [https://www.marxists.org/francais/marx/works/1875/05/18750500d.htm Gloses marginales au programme du Parti Ouvrier allemand], 1875</ref>, il évoque la limitation de la journée de travail pour les femmes, voire des interdictions pour "''branches d'industrie qui sont particulièrement préjudiciables à leur santé physique où contraires à la morale au point de vue du sexe''", mais indique que les femmes doivent être intégrées à la production.
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Dans [[L'origine_de_la_famille|L'origine de la famille]] (1884), Engels fait une analyse historique des rapports familiaux sur la base des connaissances de l'époque (aujourd'hui largement dépassées). Une de ses idées est que l'oppression des femmes est une conséquence de l'apparition de la [[Propriété_privée|propriété privée]]. Concernant la lutte présente des femmes, il rappelle que l'égalité des droits ne suffira pas à établir l'égalité réelle, tant qu'il y aura une inégalité économique (hommes salariés, femmes au foyer). Ce qui inspire à Engels une analogie célèbre&nbsp;:
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Dans [[L'origine_de_la_famille|''L'origine de la famille'']] (1884), Engels fait une analyse historique des rapports familiaux sur la base des connaissances de l'époque (aujourd'hui largement dépassées). Une de ses idées est que l'oppression des femmes est une conséquence de l'apparition de la [[Propriété_privée|propriété privée]]. Concernant la lutte présente des femmes, il rappelle que l'égalité des droits ne suffira pas à établir l'égalité réelle, tant qu'il y aura une inégalité économique (hommes salariés, femmes au foyer). Ce qui inspire à Engels une analogie célèbre&nbsp;:
 
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«&nbsp;Dans la famille, l'homme est le bourgeois&nbsp;; la femme joue le rôle du prolétariat.&nbsp;»
 
«&nbsp;Dans la famille, l'homme est le bourgeois&nbsp;; la femme joue le rôle du prolétariat.&nbsp;»
 
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Concernant l'avenir de la famille, Engels reste prudent, mais envisage deux possibilités&nbsp;: soit la monogamie disaparaît, soit "''elle devient enfin réalité, en s'appliquant aussi à l'homme''". Engels disait aussi que l'égalité femmes-hommes implique d'en finir avec la gallanterie<ref>Voir Engels, Lettre à Sorge, 12 janvier 1889</ref>.
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Concernant l'avenir de la famille, Engels reste prudent, mais envisage deux possibilités&nbsp;: soit la monogamie disparaît, soit "''elle devient enfin réalité, en s'appliquant aussi à l'homme''". Engels disait aussi que l'égalité femmes-hommes implique d'en finir avec la galanterie<ref>Voir Engels, Lettre à Sorge, 12 janvier 1889</ref>.
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Engels fut également marqué par la pièce ''Une maison de poupée'' du norvégien Henrik Ibsen, qui montrait l'attitude infantilisante d'un mari envers sa femme, qui à la fin de l'oeuvre claque la porte. Engels commença même à apprendre le norvégien à plus de 70 ans pour lire le texte original<ref>F. Lessner, in Reminiscences of Marx and Engels</ref>. Certains intellectuels de l'époque parlait utilisaient le terme ''ibsenisme'' pour parler de la question des femmes. [[Eleanor_Marx|Eleanor Marx]] fut une des premières traductrices des oeuvres d'Ibsen.
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Engels fut également marqué par la pièce ''Une maison de poupée'' du norvégien Henrik Ibsen, qui montrait l'attitude infantilisante d'un mari envers sa femme, qui à la fin de l’œuvre claque la porte. Engels commença même à apprendre le norvégien à plus de 70 ans pour lire le texte original<ref>F. Lessner, in Reminiscences of Marx and Engels</ref>. Certains intellectuels de l'époque parlait utilisaient le terme ''ibsenisme'' pour parler de la question des femmes. [[Eleanor_Marx|Eleanor Marx]] fut une des premières traductrices des œuvres d'Ibsen.
    
===Première Internationale (1864-1871)===
 
===Première Internationale (1864-1871)===
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Après l'écrasement de la Commune de Paris, le mouvement ouvrier entame en France une traversée du désert. Les ex-Communardes, souvent renommées et adulées, n’apporteront aucun appui, se désintéressant du féminisme organisé (Louise Michel) ou ne le découvrant que tardivement ([[Paule_Mink|Paule Mink]]).
 
Après l'écrasement de la Commune de Paris, le mouvement ouvrier entame en France une traversée du désert. Les ex-Communardes, souvent renommées et adulées, n’apporteront aucun appui, se désintéressant du féminisme organisé (Louise Michel) ou ne le découvrant que tardivement ([[Paule_Mink|Paule Mink]]).
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Le premier congrès ouvrier à se réunir, à Paris en 1876, est dominé par les conceptions très modérées des positivistes et des proudhoniens. Il affirmait notamment que l’homme devait pouvoir travailler pour pourvoir aux besoins de son foyer, ''«&nbsp;la femme ayant pour devoir d’élever ses enfants, de pourvoir à l’éducation de la famille&nbsp;»''. Le congrès de Lyon (1878) sera sensiblement sur le même ton. Au congrès du [[Parti_Ouvrier_Français|Parti Ouvrier Français]] de 1877, des travailleurs proposent de voter pour l’interdiction du travail des femmes, demande rejetée.
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Le premier congrès ouvrier à se réunir, à Paris en 1876, est dominé par les conceptions très modérées des positivistes et des proudhoniens. Il affirmait notamment que l’homme devait pouvoir travailler pour pourvoir aux besoins de son foyer, ''«&nbsp;la femme ayant pour devoir d’élever ses enfants, de pourvoir à l’éducation de la famille&nbsp;»''. Le congrès de Lyon (1878) sera sensiblement sur le même ton. Au congrès du [[Parti_Ouvrier_Français|Parti Ouvrier Français]] de 1877, des travailleurs proposent de voter pour l’interdiction du [[travail des femmes]], demande rejetée.
    
En 1876, [[Hubertine_Auclert|Hubertine Auclert]], qui est sans doute la première militante à se proclamer "[[Féministe|féministe]]", écrit que ''«&nbsp;Malgré les bienfaits de notre Révolution de 1789, deux sortes d’individus sont encore asservis&nbsp;: les prolétaires et les femmes. [...] Unissons nos efforts, associons-nous&nbsp;; l’exemple des prolétaires nous sollicite&nbsp;; sachons nous émanciper comme eux&nbsp;!&nbsp;»'' <ref>Hubertine Auclert, [http://www.marievictoirelouis.net/index.php?id=47&auteurid=43 Aux femmes], 1876</ref>A ce moment là, le mouvement féministe "officiel", naissant, refuse la revendication du droit de vote qu'elle défend. Elle espère alors beaucoup du [[Mouvement_ouvrier|mouvement ouvrier]].
 
En 1876, [[Hubertine_Auclert|Hubertine Auclert]], qui est sans doute la première militante à se proclamer "[[Féministe|féministe]]", écrit que ''«&nbsp;Malgré les bienfaits de notre Révolution de 1789, deux sortes d’individus sont encore asservis&nbsp;: les prolétaires et les femmes. [...] Unissons nos efforts, associons-nous&nbsp;; l’exemple des prolétaires nous sollicite&nbsp;; sachons nous émanciper comme eux&nbsp;!&nbsp;»'' <ref>Hubertine Auclert, [http://www.marievictoirelouis.net/index.php?id=47&auteurid=43 Aux femmes], 1876</ref>A ce moment là, le mouvement féministe "officiel", naissant, refuse la revendication du droit de vote qu'elle défend. Elle espère alors beaucoup du [[Mouvement_ouvrier|mouvement ouvrier]].
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La décennie 1910 verra une nouvelle poussée de la question féministe au sein du mouvement ouvrier, principalement sous l'effet du [[Syndicalisme|syndicalisme]] des institutrices. En 1920 le syndicat se désignera comme "''Syndicat national des institutrices et instituteurs''". [[Hélène_Brion|Hélène Brion]], institutrice syndicaliste, mit en avant la nécessité d'une [[Auto-organisation|auto-organisation]] des femmes&nbsp;:
 
La décennie 1910 verra une nouvelle poussée de la question féministe au sein du mouvement ouvrier, principalement sous l'effet du [[Syndicalisme|syndicalisme]] des institutrices. En 1920 le syndicat se désignera comme "''Syndicat national des institutrices et instituteurs''". [[Hélène_Brion|Hélène Brion]], institutrice syndicaliste, mit en avant la nécessité d'une [[Auto-organisation|auto-organisation]] des femmes&nbsp;:
 
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«&nbsp;''Je ne fais pas du syndicalisme, même uni au socialisme, une panacée universelle pour guérir tous les maux [...] De même que l’émancipation des travailleurs doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes,&nbsp;de même, l’émancipation des femmes ne doit et en peut être que l’oeuvre des féministes eux-mêmes.''&nbsp;»<ref name="Brion1918">Hélène Brion, [http://www.marievictoirelouis.net/index.php?id=182 Les partis d’avant-garde et le féminisme], La voie féministe, 01/11/1918</ref>
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«&nbsp;''Je ne fais pas du syndicalisme, même uni au socialisme, une panacée universelle pour guérir tous les maux [...] De même que l’émancipation des travailleurs doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes,&nbsp;de même, l’émancipation des femmes ne doit et en peut être que l’œuvre des féministes eux-mêmes.''&nbsp;»<ref name="Brion1918">Hélène Brion, [http://www.marievictoirelouis.net/index.php?id=182 Les partis d’avant-garde et le féminisme], La voie féministe, 01/11/1918</ref>
 
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[[August_Bebel|August Bebel]], qui fut un théoricien majeur de la social-démocratie allemande, écrivit en 1879 ''La femme dans le passé, le présent et l'avenir'', qui eut une grande influence.<ref>Livre remanié en 1891 sous le titre [http://www.marxists.org/francais/bebel/bebel_fs.htm ''La femme et le socialisme'']</ref> Il y dénonce la [[Prostitution|prostitution]], le [[Mariage|mariage]] bourgeois (mariage d'intérêt), l'hypocrisie de l'Église et de l'État, mais aussi les préjugés des travailleurs masculins. Il défend fermement le droit de vote des femmes, le droit au divorce, le libre accès à tous les métiers... tout en affirmant que le socialisme est nécessaire pour l'émancipation des femmes (les progrès techniques feront diminuer les tâches domestiques, le mariage d'intérêt n'aura plus de raison d'être...). Bebel ne prenait pas non plus comme évidence la répartition genrée du travail d'élevage des enfants&nbsp;: «&nbsp;''la femme voudra jouir de son indépendance et non passer la moitié ou les trois quarts de ses belles années en état de grossesse ou avec un enfant au sein''&nbsp;». Bebel critique aussi la théorie des inégalités provenant d'une "faiblesse" innée des femmes.
 
[[August_Bebel|August Bebel]], qui fut un théoricien majeur de la social-démocratie allemande, écrivit en 1879 ''La femme dans le passé, le présent et l'avenir'', qui eut une grande influence.<ref>Livre remanié en 1891 sous le titre [http://www.marxists.org/francais/bebel/bebel_fs.htm ''La femme et le socialisme'']</ref> Il y dénonce la [[Prostitution|prostitution]], le [[Mariage|mariage]] bourgeois (mariage d'intérêt), l'hypocrisie de l'Église et de l'État, mais aussi les préjugés des travailleurs masculins. Il défend fermement le droit de vote des femmes, le droit au divorce, le libre accès à tous les métiers... tout en affirmant que le socialisme est nécessaire pour l'émancipation des femmes (les progrès techniques feront diminuer les tâches domestiques, le mariage d'intérêt n'aura plus de raison d'être...). Bebel ne prenait pas non plus comme évidence la répartition genrée du travail d'élevage des enfants&nbsp;: «&nbsp;''la femme voudra jouir de son indépendance et non passer la moitié ou les trois quarts de ses belles années en état de grossesse ou avec un enfant au sein''&nbsp;». Bebel critique aussi la théorie des inégalités provenant d'une "faiblesse" innée des femmes.
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Lors du congrès fondateur de la II<sup>ème</sup> Internationale, en 1889, [[Clara_Zetkin|Clara Zetkin]] fait l'un de ses premiers discours publics<ref name="Zetkin1889">Clara Zetkin, [http://www.particommuniste.be/index.php/notre-parti/29-acjj/124-la-lutte-pour-la-liberation-des-femmes ''La lutte pour la libération des femmes''], 1889</ref> où elle polémique contre les socialistes qui veulent interdire le travail des femmes. Elle y affirme aussi que ''«&nbsp;Sans l'aide des hommes et, il faut bien le dire, souvent même contre leur volonté, les femmes ont rejoint le camp socialiste.&nbsp;» ''Zetkin recrute un grand nombre de femmes à la social-démocratie et organise une structure féminine socialiste puissante mais clandestine, l'appartenance des femmes à un parti politique étant interdite à l'époque en Allemagne.
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Lors du congrès fondateur de la [[Internationale Ouvrière|II<sup>e</sup> Internationale]], en 1889, [[Clara_Zetkin|Clara Zetkin]] fait l'un de ses premiers discours publics<ref name="Zetkin1889">Clara Zetkin, [http://www.particommuniste.be/index.php/notre-parti/29-acjj/124-la-lutte-pour-la-liberation-des-femmes ''La lutte pour la libération des femmes''], 1889</ref> où elle polémique contre les socialistes qui veulent interdire le [[travail des femmes]]. Elle y affirme aussi que ''«&nbsp;Sans l'aide des hommes et, il faut bien le dire, souvent même contre leur volonté, les femmes ont rejoint le camp socialiste.&nbsp;» ''Zetkin recrute un grand nombre de femmes à la social-démocratie et organise une structure féminine socialiste puissante mais clandestine, l'appartenance des femmes à un parti politique étant interdite à l'époque en Allemagne.
    
Au congrès d'Erfurt du SPD (1891), qui adopte un programme marxiste formel, une majorité se dégage pour l'exigence d'égalité juridique.
 
Au congrès d'Erfurt du SPD (1891), qui adopte un programme marxiste formel, une majorité se dégage pour l'exigence d'égalité juridique.
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[[Clara_Zetkin|Clara Zetkin]] lance un journal "féministe" en 1891, appelé ''Gleichheit'' (égalité), qui atteindre les 100 000 exemplaires diffusés. A partir de janvier 1892 sera aussi publié à Vienne un ''Arbeiterinnenzeitung'' (journal des travailleuses). Ces journaux, dans lesquels écrivaient [[Louise_Kautsky|Louise Kautsky]], [[Eleanor_Marx|Eleanor Marx]] ou [[Laura_Lafargue|Laura Lafargue]], se voulaient aborder la question des femmes d'un point de vue [[Marxiste|marxiste]]. Il n'y eut pas d'équivalent de ces journaux de masse en France.
 
[[Clara_Zetkin|Clara Zetkin]] lance un journal "féministe" en 1891, appelé ''Gleichheit'' (égalité), qui atteindre les 100 000 exemplaires diffusés. A partir de janvier 1892 sera aussi publié à Vienne un ''Arbeiterinnenzeitung'' (journal des travailleuses). Ces journaux, dans lesquels écrivaient [[Louise_Kautsky|Louise Kautsky]], [[Eleanor_Marx|Eleanor Marx]] ou [[Laura_Lafargue|Laura Lafargue]], se voulaient aborder la question des femmes d'un point de vue [[Marxiste|marxiste]]. Il n'y eut pas d'équivalent de ces journaux de masse en France.
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Les militant-e-s socialistes allemand-e-s rejetaient le terme de ''féminisme'', qu'elles associaient au [[Féminisme_bourgeois|féminisme bourgeois]]. Les féministes bourgeoises qui centraient leur combat sur l'égalité des droits, appelées ''Frauenrechtlerinnen'' (littéralement les "droit-des-femmistes") étaient vertement critiquées.
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Les militant·es socialistes allemand·es rejetaient le terme de ''féminisme'', qu'elles associaient au [[Féminisme_bourgeois|féminisme bourgeois]]. Les féministes bourgeoises qui centraient leur combat sur l'égalité des droits, appelées ''Frauenrechtlerinnen'' (littéralement les "droit-des-femmistes") étaient vertement critiquées.
    
Une minorité parmi les femmes socialistes, notamment derrière [[Lilly_Braun|Lilly Braun]], prônait un rapprochement avec les organisations féministes bourgeoises. [[Gertrude_Guillaume-Shack|Gertrude Guillaume-Shack]], qui fut une dirigeante féministe, rejoignit le SPD en 1885, puis dut s'exiler en Angleterre en 1886 où elle rencontre Engels. Après quelques échanges, elle rompt avec les socialistes en 1887.
 
Une minorité parmi les femmes socialistes, notamment derrière [[Lilly_Braun|Lilly Braun]], prônait un rapprochement avec les organisations féministes bourgeoises. [[Gertrude_Guillaume-Shack|Gertrude Guillaume-Shack]], qui fut une dirigeante féministe, rejoignit le SPD en 1885, puis dut s'exiler en Angleterre en 1886 où elle rencontre Engels. Après quelques échanges, elle rompt avec les socialistes en 1887.

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