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[[Fichier:Philippoteaux - Lamartine in front of the Town Hall of Paris rejects the red flag.jpg|vignette|502x502px|[[w:Alphonse de Lamartine|Lamartine]] devant l'hôtel de ville de Paris, rejetant le [[drapeau rouge]]. ]]
 
[[Fichier:Philippoteaux - Lamartine in front of the Town Hall of Paris rejects the red flag.jpg|vignette|502x502px|[[w:Alphonse de Lamartine|Lamartine]] devant l'hôtel de ville de Paris, rejetant le [[drapeau rouge]]. ]]
La '''révolution française de 1848''', parfois appelée « '''révolution de Février''' », est le renversement de la [[w:Monarchie de Juillet|Monarchie de Juillet]] par un soulèvement populaire dont la bourgeoisie républicaine prend la tête. Elle met en place la [[w:Deuxième République|Deuxième République]], qui réprimera dans le sang un soulèvement ouvrier (« [[Journées de Juin]] »). Après avoir brisé  toutes les aspirations populaires, cette [[république]] bourgeoise perd tout soutien de masse et voit grandir les forces réactionnaires. Cela débouche sur le [[w:Coup d'État de Napoléon III|coup d'État de Napoléon III]] en 1851.{{AjoutDates|22/02/1848}}
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La '''révolution française de 1848''', parfois appelée « '''révolution de Février''' », est le renversement de la [[w:Monarchie de Juillet|Monarchie de Juillet]] par un soulèvement populaire dont la bourgeoisie républicaine prend la tête. Elle met en place la [[w:Deuxième République|Deuxième République]], qui réprimera dans le sang un soulèvement ouvrier (« [[Journées de Juin]] »). Après avoir brisé  toutes les aspirations populaires, cette [[république]] bourgeoise perd tout soutien de masse et voit grandir les forces réactionnaires. Cela débouche sur le [[w:Coup d'État de Napoléon III|coup d'État de Napoléon III]] en 1851.
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Cette révolution s'inscrit dans tout un mouvement révolutionnaire en Europe cette année, appelé [[Printemps des peuples]].{{AjoutDates|22/02/1848}}
    
== Contexte ==
 
== Contexte ==
 
Depuis 1830 et la [[w:Monarchie de Juillet|Monarchie de Juillet]], le pouvoir est entre les mains d'une caste autour du roi Louis-Philippe, que [[Karl Marx|Marx]] appelle l'[[Aristocratie_financière|aristocratie financière]]. Il s'agit des fractions les plus parasitaires et [[Rentier|rentières]] de la [[noblesse]] et de la [[bourgeoisie]]. Le [[Suffrage_censitaire|suffrage est censitaire]] : seuls ceux qui paient un impôt de 200 francs peuvent voter (cela représente beaucoup : sur 30 millions d’habitants, 250 000 personnes environ peuvent voter).  
 
Depuis 1830 et la [[w:Monarchie de Juillet|Monarchie de Juillet]], le pouvoir est entre les mains d'une caste autour du roi Louis-Philippe, que [[Karl Marx|Marx]] appelle l'[[Aristocratie_financière|aristocratie financière]]. Il s'agit des fractions les plus parasitaires et [[Rentier|rentières]] de la [[noblesse]] et de la [[bourgeoisie]]. Le [[Suffrage_censitaire|suffrage est censitaire]] : seuls ceux qui paient un impôt de 200 francs peuvent voter (cela représente beaucoup : sur 30 millions d’habitants, 250 000 personnes environ peuvent voter).  
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A Paris les [[Inégalités sociales|inégalités]] sont de plus en plus nettes. Une grande partie de la population est composée de boutiquiers modestes, qui composent la garde nationale, mais sont exclus du suffrage censitaire. La plupart des ouvriers sont occupés dans des ateliers œuvrant pour le luxe (la moitié des 64 000 ateliers est tenue par un patron seul ou avec un seul ouvrier). Les spécialités sont très diversifiées (plus de 325 métiers recensés) où dominent le vêtement (90 000 travailleurs) et le bâtiment (41 000). La grande [[industrie]] s'est surtout développée en périphérie, à [[w:La Villette (Seine)|la Villette]] ou aux [[w:Batignolles-Monceau|Batignolles]].
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A Paris les [[Inégalités sociales|inégalités]] sont de plus en plus nettes. Une grande partie de la population est composée de boutiquiers modestes, qui composent la garde nationale, mais sont exclus du suffrage censitaire. La plupart des ouvriers sont occupés dans des ateliers œuvrant pour le luxe (la moitié des 64 000 ateliers est tenue par un patron seul ou avec un seul ouvrier). Les spécialités sont très diversifiées (plus de 325 métiers recensés) où dominent le vêtement (90 000 travailleurs) et le bâtiment (41 000). La grande [[industrie]] s'est surtout développée en périphérie, à [[w:La Villette (Seine)|la Villette]] ou aux [[w:Batignolles-Monceau|Batignolles]]. Les  [[salaires]] y sont très faibles et les [[conditions de travail]] déplorables.
 
[[Fichier:Les Poires cropped.jpg|vignette|215x215px|Les [[w:Poire (caricature)|caricatures de Louis-Philippe en poire]] sont devenues un véritable mème à l'époque]]
 
[[Fichier:Les Poires cropped.jpg|vignette|215x215px|Les [[w:Poire (caricature)|caricatures de Louis-Philippe en poire]] sont devenues un véritable mème à l'époque]]
 
Une des causes de la révolution est la [[crise de 1847]]. Il s'agit d'une des dernières grandes [[Crise de subsistance|crises de subsistance]] en Europe (crises dues à de mauvaises récoltes, typiques de l'[[Ancien régime]]) conjuguée à une crise économique déclenchée par une [[w:Railway mania|bulle spéculative sur les chemins de fers]] (typique du [[capitalisme]]). Cela provoque un chômage important : en 1848, près des deux tiers des ouvriers en ameublement et du bâtiment sont au chômage. Des tensions éclatent en province, par exemple à  Buzançais (Berry) où en janvier 1847, des tisserands s'opposent violemment à un transport de grains.<ref>La Nouvelle République, ''[https://www.lanouvellerepublique.fr/indre/commune/buzancais/retour-sur-les-emeutes-de-la-faim-de-1847 Retour sur les émeutes de la faim de 1847]'', 2017 </ref>
 
Une des causes de la révolution est la [[crise de 1847]]. Il s'agit d'une des dernières grandes [[Crise de subsistance|crises de subsistance]] en Europe (crises dues à de mauvaises récoltes, typiques de l'[[Ancien régime]]) conjuguée à une crise économique déclenchée par une [[w:Railway mania|bulle spéculative sur les chemins de fers]] (typique du [[capitalisme]]). Cela provoque un chômage important : en 1848, près des deux tiers des ouvriers en ameublement et du bâtiment sont au chômage. Des tensions éclatent en province, par exemple à  Buzançais (Berry) où en janvier 1847, des tisserands s'opposent violemment à un transport de grains.<ref>La Nouvelle République, ''[https://www.lanouvellerepublique.fr/indre/commune/buzancais/retour-sur-les-emeutes-de-la-faim-de-1847 Retour sur les émeutes de la faim de 1847]'', 2017 </ref>
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Le 25 février vers midi, la République n'est toujours pas proclamée. Une délégation avec [[w:François-Vincent Raspail|Raspail]] à sa tête arrive à l'Hôtel de Ville de Paris pour réclamer l'établissement d'une [[république]], donnant au gouvernement deux heures pour la proclamer, sans quoi les ouvriers parisiens reprendraient la révolte. Dès 15 heures, la [[w:IIe République|II<sup>e</sup> République]] est proclamée par Lamartine.
 
Le 25 février vers midi, la République n'est toujours pas proclamée. Une délégation avec [[w:François-Vincent Raspail|Raspail]] à sa tête arrive à l'Hôtel de Ville de Paris pour réclamer l'établissement d'une [[république]], donnant au gouvernement deux heures pour la proclamer, sans quoi les ouvriers parisiens reprendraient la révolte. Dès 15 heures, la [[w:IIe République|II<sup>e</sup> République]] est proclamée par Lamartine.
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=== Reste du pays ===
 
La nouvelle de la proclamation se répand dans Paris et en province. Les trois journées de février, du 22 au 24, ont fait 350 morts et au moins 500 blessés.<ref>« [https://www.musee-orsay.fr/fr/collections/dossier-courbet/contexte-historique.html#c19359 Musée d'Orsay: Des Trois Glorieuses à la Troisième République] », sur musee-orsay.fr</ref>
 
La nouvelle de la proclamation se répand dans Paris et en province. Les trois journées de février, du 22 au 24, ont fait 350 morts et au moins 500 blessés.<ref>« [https://www.musee-orsay.fr/fr/collections/dossier-courbet/contexte-historique.html#c19359 Musée d'Orsay: Des Trois Glorieuses à la Troisième République] », sur musee-orsay.fr</ref>
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A Lyon, le 24 février, les [[Les Voraces (Lyon)|Voraces]] (des [[Révolte des canuts|canuts]]) descendent à Lyon, s'emparent de l'hôtel de ville, proclament la  République depuis son balcon et prennent la préfecture. Le lendemain, ils prennent des forts militaires et s'emparent des armes.
    
=== Atmosphère post-révolutionnaire ===
 
=== Atmosphère post-révolutionnaire ===
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Partout souffle le vent de la fraternité si caractéristique des premières semaines de « l’Ère nouvelle » ouverte en février 1848. On plante des arbres de la liberté sur les places publiques, on organise des banquets fraternels. Une sensibilité romantique et un fort sentiment chrétien animent toutes ces manifestations.
 
Partout souffle le vent de la fraternité si caractéristique des premières semaines de « l’Ère nouvelle » ouverte en février 1848. On plante des arbres de la liberté sur les places publiques, on organise des banquets fraternels. Une sensibilité romantique et un fort sentiment chrétien animent toutes ces manifestations.
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Beaucoup s'attendaient à ce que le clivage républicains/monarchistes soit très fort, mais c'est une sorte d'unanimisme républicain qui apparaît. On parlait alors de ''républicains de la veille'' pour désigner ceux qui militaient pour la république depuis longtemps, malgré la censure, et de ''républicains du lendemain'' pour ceux qui acceptaient soudain la république. Et ils étaient nombreux :  des légitimistes comme le [[w:Henri de La Rochejaquelein (1805-1867)|marquis de La Rochejaquelein]] ou le [[w:Alfred de Falloux|comte de Falloux]], des [[w:Orléanistes|orléanistes]] du centre gauche et de l'[[w:Opposition dynastique|opposition dynastique]] remontés contre Guizot...  Les magistrats, les enseignants, les ministres de cultes deviennent en masse « républicains ». Les fonctionnaires d'autorité (les préfets et les maires) sont remplacés par des personnalités moins compromises avec la monarchie ou par des républicains locaux.
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Beaucoup s'attendaient à ce que le clivage républicains/monarchistes soit très fort, mais c'est une sorte d'unanimisme républicain qui apparaît. On parlait alors de ''républicains de la veille'' pour désigner ceux qui militaient pour la république depuis longtemps, malgré la censure, et de ''républicains du lendemain'' pour ceux qui acceptaient soudain la république. Et ils étaient nombreux :  des légitimistes comme le [[w:Henri de La Rochejaquelein (1805-1867)|marquis de La Rochejaquelein]] ou le [[w:Alfred de Falloux|comte de Falloux]], des [[w:Orléanistes|orléanistes]] du centre gauche et de l'[[w:Opposition dynastique|opposition dynastique]] remontés contre Guizot...  Les magistrats, les enseignants, les ministres de cultes deviennent en masse « républicains ». Les fonctionnaires d'autorité (les préfets et les maires) sont remplacés par des personnalités moins compromises avec la monarchie ou par des républicains locaux. Mais les poursuites contre le personnel politique de la [[w:Monarchie de Juillet|Monarchie de Juillet]] sont menées mollement. Le remplacement des préfets est surtout favorable aux modérés et rares sont les départements qui obtiennent un commissaire du gouvernement pris parmi les ''républicains de la veille'' (c'est le cas de [[w:Frédéric Deschamps|Frédéric Deschamps]] à Rouen, de [[w:Charles Delescluze|Charles Delescluze]] à Lille, d'[[w:Emmanuel Arago|Emmanuel Arago]] à Lyon).
    
Mais l'unanimisme masque en réalité une redéfinition des clivages en cours. Les [[Classe dominante|classes dominantes]], parmi lesquelles la [[bourgeoisie]] a désormais l'hégémonie, peuvent facilement accepter l'idée républicaine, à condition qu'elle ne soit pas trop « sociale ». Or, du côté des masses populaires, on espère que cette « Ère nouvelle » sera celle de l'égalité. Dans les villes industrielles comme Lille, Limoges, Lyon, Reims, Rouen il y a des manifestations ouvrières pour réclamer des augmentations de [[salaire]], parfois des faits de [[luddisme]] (destruction des machines). Les campagnes connaissent aussi des troubles. Dans les régions montagneuses des Alpes, du Jura ou des Pyrénées les agents des Eaux et Forêts qui restreignent les droits de pacage des chèvres et des moutons sont pris à partie. En Isère et dans le Var, les paysans les moins aisés demandent le rétablissement des droits d'usage qui ont disparu devant les pratiques agricoles modernes mais individualistes des riches paysans. Les salariés agricoles très nombreux réclament des augmentations de salaire. Cette contestation sociale commence à faire peur aux possédants qui redoutent les « partageux », les « rouges », les « communistes ».
 
Mais l'unanimisme masque en réalité une redéfinition des clivages en cours. Les [[Classe dominante|classes dominantes]], parmi lesquelles la [[bourgeoisie]] a désormais l'hégémonie, peuvent facilement accepter l'idée républicaine, à condition qu'elle ne soit pas trop « sociale ». Or, du côté des masses populaires, on espère que cette « Ère nouvelle » sera celle de l'égalité. Dans les villes industrielles comme Lille, Limoges, Lyon, Reims, Rouen il y a des manifestations ouvrières pour réclamer des augmentations de [[salaire]], parfois des faits de [[luddisme]] (destruction des machines). Les campagnes connaissent aussi des troubles. Dans les régions montagneuses des Alpes, du Jura ou des Pyrénées les agents des Eaux et Forêts qui restreignent les droits de pacage des chèvres et des moutons sont pris à partie. En Isère et dans le Var, les paysans les moins aisés demandent le rétablissement des droits d'usage qui ont disparu devant les pratiques agricoles modernes mais individualistes des riches paysans. Les salariés agricoles très nombreux réclament des augmentations de salaire. Cette contestation sociale commence à faire peur aux possédants qui redoutent les « partageux », les « rouges », les « communistes ».
    
Dans l'effervescence démocratique, un grand nombre de clubs politiques se forment : plus de 250 à Paris. Les plus caractéristiques sont celui de la ''Société Républicaine Centrale'' de [[Louis-Auguste Blanqui|Blanqui]] ; elle est concurrencée par la ''Société fraternelle centrale'' de [[Étienne Cabet|Cabet]] et le ''Club des Amis du Peuple'' de [[w:François-Vincent Raspail|Raspail]]. La presse, qui jouit désormais de la liberté totale, se développe. [[w:Félicité de La Mennais|Lammenais]] crée ''le Peuple constituant'', [[Pierre-Joseph Proudhon|Proudhon]] collabore au ''[[Le Représentant du peuple|Représentant du Peuple]]'', [[w:Henri Lacordaire|Lacordaire]] publie ''L'Ère nouvelle'', dont le titre est emblématique de l'état d'esprit dominant au début du printemps 1848.
 
Dans l'effervescence démocratique, un grand nombre de clubs politiques se forment : plus de 250 à Paris. Les plus caractéristiques sont celui de la ''Société Républicaine Centrale'' de [[Louis-Auguste Blanqui|Blanqui]] ; elle est concurrencée par la ''Société fraternelle centrale'' de [[Étienne Cabet|Cabet]] et le ''Club des Amis du Peuple'' de [[w:François-Vincent Raspail|Raspail]]. La presse, qui jouit désormais de la liberté totale, se développe. [[w:Félicité de La Mennais|Lammenais]] crée ''le Peuple constituant'', [[Pierre-Joseph Proudhon|Proudhon]] collabore au ''[[Le Représentant du peuple|Représentant du Peuple]]'', [[w:Henri Lacordaire|Lacordaire]] publie ''L'Ère nouvelle'', dont le titre est emblématique de l'état d'esprit dominant au début du printemps 1848.
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== Le Printemps des peuples ==
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La France n'est pas le seul pays révolutionnaire en 1848. La révolution avait déjà commencé [[Révolution sicilienne|en janvier en Sicile]], mais il est clair que la nouvelle de la chute de la monarchie à Paris va avoir un énorme impact dans le vieux continent. La contagion révolutionnaire gagne [[Révolution allemande (1848)|Berlin]], [[Révolution autrichienne de 1848|Vienne]], [[Révolutions de 1848 dans les États italiens|Turin]], [[Révolution hongroise de 1848|Budapest]]... Les motivations sont des revendications [[Démocratie|démocratiques]] entremêlées avec l'essor des [[Nationalisme|nationalismes]]. C'est le [[Printemps des peuples]].
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La majeure partie de l'Europe est alors gouvernée par des monarques qui dominent et s'échangent telle ou telle possession au grès de leurs intrigues familiales de [[nobles]], sans le moindre lien avec les populations concernées. La plupart des grands [[Etats]] sont alors composés de plusieurs [[Peuple|peuples]] (Prusse, [[Autriche-Hongrie]], [[Empire russe|Russie]]...), et la plupart des peuples sont à cheval sur plusieurs Etats (Allemands, Italiens, Polonais...). Une aspiration très forte à former des États-nations émerge alors. Elle contient bien sûr en germe déjà toutes les folies du nationalisme, mais à cette époque, le mouvement est globalement dominé par des courants [[progressistes]]. Si ces aspirations conduisent dans beaucoup de cas à faire éclater des ensembles multinationaux, cela n'est la plupart du temps pas dirigé contre les peuples voisins, qui au contraire sont souvent vus comme dans alliés faisant « leur révolution » simultanément. Les révolutionnaires s'opposent par ailleurs souvent aux interventions militaires de « leurs » nobles contre les révolutionnaires des territoires dominés (Vienne contre la répression des Hongrois, Berlin contre la répression des Polonais...). Enfin, beaucoup de révolutionnaires aspirent à l'unification en des États-nations qui fusionnent de nombreux États (dans la Confédération germanique, la péninsulte italienne...).
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Dans un premier temps, de nombreux monarques concèdent des Constitutions garantissant un minimum de droits démocratiques. Mais très vite, ils profitent du reflux révolutionnaire pour opérer une réaction autoritaire. La démocratisation et l'intégration nationale se fera plus tard.
    
== Le gouvernement provisoire ==
 
== Le gouvernement provisoire ==
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=== Formation du gouvernement ===
 
[[Fichier:Les membres du Gouvernement provisoire - dédié aux gardes nationales de France.jpg|vignette|264x264px|Les membres du [[w:Gouvernement provisoire de 1848|Gouvernement provisoire de 1848]].]]Le 25 février vers 20 heures, le [[w:Gouvernement provisoire de 1848|gouvernement républicain provisoire]] est finalisé. Son centre de gravité est autour du ''[[w:Le National (France)|National]]'' ([[w:Pierre Marie de Saint-Georges|Marie]], [[w:François Arago|Arago]], [[w:Jacques Charles Dupont de l'Eure|Dupont de l'Eure]], [[w:Armand Marrast|Marrast]], [[w:Louis-Antoine Garnier-Pagès|Garnier-Pagès]]), auxquels s'ajoutent  [[w:Adolphe Crémieux|Crémieux]] (député [[w:Orléaniste|orléaniste]] mais défenseur de la presse) et [[w:Alphonse Lamartine|Lamartine]] (poète célèbre sans consistance politique) contraints d'accepter quelques membres de la ''[[w:La Réforme (journal, 1843)|Réforme]]'' ([[Louis Blanc|Blanc]], [[Ferdinand Flocon|Flocon]], [[Alexandre Martin|Martin]]).
 
[[Fichier:Les membres du Gouvernement provisoire - dédié aux gardes nationales de France.jpg|vignette|264x264px|Les membres du [[w:Gouvernement provisoire de 1848|Gouvernement provisoire de 1848]].]]Le 25 février vers 20 heures, le [[w:Gouvernement provisoire de 1848|gouvernement républicain provisoire]] est finalisé. Son centre de gravité est autour du ''[[w:Le National (France)|National]]'' ([[w:Pierre Marie de Saint-Georges|Marie]], [[w:François Arago|Arago]], [[w:Jacques Charles Dupont de l'Eure|Dupont de l'Eure]], [[w:Armand Marrast|Marrast]], [[w:Louis-Antoine Garnier-Pagès|Garnier-Pagès]]), auxquels s'ajoutent  [[w:Adolphe Crémieux|Crémieux]] (député [[w:Orléaniste|orléaniste]] mais défenseur de la presse) et [[w:Alphonse Lamartine|Lamartine]] (poète célèbre sans consistance politique) contraints d'accepter quelques membres de la ''[[w:La Réforme (journal, 1843)|Réforme]]'' ([[Louis Blanc|Blanc]], [[Ferdinand Flocon|Flocon]], [[Alexandre Martin|Martin]]).
 
Ce gouvernement est  [[collégial]], parce que provisoire, mais aussi parce que les républicains sont encore nombreux à cette époque à se méfier de la concentration des pouvoirs et la présidence de la république ne va pas encore de soi. On y trouve le républicain « socialiste » [[Louis Blanc]] et son ami [[Alexandre Martin]], que tout le monde appelle « l'ouvrier Albert » (premier homme d'origine ouvrière dans un gouvernement français).
 
Ce gouvernement est  [[collégial]], parce que provisoire, mais aussi parce que les républicains sont encore nombreux à cette époque à se méfier de la concentration des pouvoirs et la présidence de la république ne va pas encore de soi. On y trouve le républicain « socialiste » [[Louis Blanc]] et son ami [[Alexandre Martin]], que tout le monde appelle « l'ouvrier Albert » (premier homme d'origine ouvrière dans un gouvernement français).
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Les fonctions gouvernementales sont réparties entre des membres du gouvernement et des personnalités extérieures. Dupont de l'Eure est président du conseil ; Lamartine obtient les Affaires étrangères, Ledru-Rollin l'Intérieur. La Marine échoit à [[w:François Arago|Arago]], les Travaux publics à Marie et la Justice à Crémieux. Garnier-Pagès prend la mairie de Paris. Louis Blanc, qui aurait souhaité un ministère du Travail, doit se contenter de présider la Commission du gouvernement pour les travailleurs. Le général baron [[w:Jacques-Gervais Subervie|Jacques-Gervais Subervie]], ancien officier du Premier Empire, reçoit la Guerre. Les Finances sont confiées au banquier Michel Goudchaux, l'Agriculture et le Commerce à l'avocat [[w:Eugène Bethmont|Bethmont]]. [[w:Lazare Hippolyte Carnot|Carnot]] est chargé de l'Instruction publique. Le général Louis Eugène Cavaignac est nommé gouverneur général de l'Algérie et le vicomte de Courtais, officier de cavalerie en retraite, devient commandant de la Garde nationale.
 
Les fonctions gouvernementales sont réparties entre des membres du gouvernement et des personnalités extérieures. Dupont de l'Eure est président du conseil ; Lamartine obtient les Affaires étrangères, Ledru-Rollin l'Intérieur. La Marine échoit à [[w:François Arago|Arago]], les Travaux publics à Marie et la Justice à Crémieux. Garnier-Pagès prend la mairie de Paris. Louis Blanc, qui aurait souhaité un ministère du Travail, doit se contenter de présider la Commission du gouvernement pour les travailleurs. Le général baron [[w:Jacques-Gervais Subervie|Jacques-Gervais Subervie]], ancien officier du Premier Empire, reçoit la Guerre. Les Finances sont confiées au banquier Michel Goudchaux, l'Agriculture et le Commerce à l'avocat [[w:Eugène Bethmont|Bethmont]]. [[w:Lazare Hippolyte Carnot|Carnot]] est chargé de l'Instruction publique. Le général Louis Eugène Cavaignac est nommé gouverneur général de l'Algérie et le vicomte de Courtais, officier de cavalerie en retraite, devient commandant de la Garde nationale.
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=== Premières mesures ===
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Les premières mesures du gouvernement provisoire se veulent en rupture avec la période précédente. La [[peine de mort]] est abolie dans le domaine politique. Les [[w:Châtiment corporel|châtiments corporels]] sont supprimés le 12 mars et la [[w:Contrainte judiciaire|contrainte par corps]] le 19 mars. Le 4 mars une commission est mise en place pour résoudre le problème de l'[[esclavage]] dans les colonies françaises. Ses travaux en permettent l'abolition le 27 avril.
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Dans le domaine politique, les changements sont importants. La [[liberté de la presse]] et celle de [[Liberté de réunion|réunion]] sont proclamées le 4 mars. Le 5 mars le gouvernement institue le [[suffrage universel]] masculin, en remplacement du [[suffrage censitaire]] en vigueur depuis 1815. D'un coup le corps électoral passe de 250 000 à 9 millions d'électeurs. Cette mesure démocratique fait du monde rural, qui regroupe les trois quarts des habitants, le maître de la vie politique, et ce, pour de nombreuses décennies. Des élections destinées à désigner les membres d'une assemblée constituante sont prévues pour le 9 avril. La [[Garde nationale]], jusque-là réservée aux notables, aux boutiquiers, est ouverte à tous les citoyens (mesure qui indispose une partie des anciens Gardes nationaux qui manifesteront leur mécontentement le 15 mars). Cependant le gouvernement n'est pas disposé à aller plus loin en faveur des républicains les plus radicaux. Le 25 février, dans un discours célèbre, Lamartine s'oppose à l'adoption du [[drapeau rouge]] (devenu très populaire dans les foules parisiennes) et obtient le maintien du drapeau tricolore comme emblème national.
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La situation économique est très préoccupante. Si les épargnants sont (provisoirement ?) républicains, ils n'en négligent pas pour autant leurs intérêts. Ils retirent leurs économies des caisses d'épargne et des banques, qui ne peuvent faire face à leurs échéances et ne peuvent soutenir le crédit aux entreprises et au commerce. De nombreux établissements de crédit et de nombreuses entreprises font faillite. Aussi le gouvernement prend-il des mesures pour relancer l'activité. Le 7 mars, il permet la fondation du [[w:Comptoir national d'escompte de Paris|Comptoir national d'escompte de Paris]], de même que dans les grandes villes, pour favoriser le financement du petit commerce. Le 15 mars, pour faire face à l'effondrement de l'encaisse-or de la Banque de France, il décrète le cours forcé du billet de banque et fait imprimer des billets de 100 francs, pour permettre les transactions importantes. Le 16 mars, pour faire face aux difficultés de trésorerie de l'État, le ministre des Finances, Garnier-Pagès, institue l'impôt additionnel de 45 centimes (soit une augmentation de 45 % !) qui frappe les revenus. Le mécontentement est tel que le gouvernement doit accepter des dégrèvements et renonce à percevoir l'impôt avant les élections du 23 avril.
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Dans le domaine social, le gouvernement innove. Le 28 février, les ouvriers parisiens du bâtiment manifestent pour réclamer la [[Temps de travail|journée de 10 heures]], la fin de la pratique « esclavagiste » du marchandage et la création d'un ministère du Travail. Le 2 mars, le nouveau pouvoir institue une Commission pour les travailleurs présidée par [[Louis Blanc]]. Elle se réunit au Palais du Luxembourg. Le marchandage est interdit et la journée de travail est réduite d'une heure (10 heures à Paris, 11 heures en province). Surtout, le 26 février, sont créés par le gouvernement provisoire les [[Ateliers nationaux]], destinés à donner du travail aux chômeurs parisiens (organisation inspirée, d'assez loin, des idées de Louis Blanc qui développait au même moment, du Luxembourg, des ateliers sociaux).
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Issu d'un soulèvement antimonarchique, le gouvernement provisoire fait tout pour éviter une intervention de la [[w:Sainte-Alliance|Sainte-Alliance]] (l'accord réactionnaire de 1815 entre monarchies européennes pour restaurer l'ordre d'[[Ancien régime]] après [[Révolution française|1789]] et les [[Guerres napoléoniennes|guerres de Napoléon]]). Dès le 4 mars, Lamartine, ministre des Affaires étrangères, annonce que la France a des intentions pacifiques. Mais cela cause des dissensions : les républicains radicaux veulent venir en aide aux démocrates des autres pays qui se soulèvent. Ledru-Rollin laisse se constituer une légion belge, qui intervient sans succès en Belgique (30 mars), dont le roi [[w:Léopold Ier de Belgique|Léopold <abbr>I<sup>er</sup></abbr>]] est le gendre de Louis-Philippe et demande une intervention contre la France. Il en est de même dans les Alpes où les [[Voraces lyonnais]] tentent vainement d'envahir la Savoie appartenant au Roi de Piémont (3 avril).
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== Tension de la lutte des classes ==
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Les ouvriers révolutionnaires reconnaissent le gouvernement provisoire et lui font initialement confiance, mais ils restent très vigilants et mobilisés. Cela créé de fait des éléments de « [[double pouvoir]] ».
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=== Paris et les Ateliers nationaux ===
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== Le printemps des peuples ==
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=== Ailleurs en France ===
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A Lyon, le délégué du gouvernement provisoire, Emmanuel Arago, arrive le 28 février et réussit à convaincre les Voraces d'accepter le gouvernement. Il promet que « la République doit amener tous les progrès et améliorer surtout la classe des travailleurs ». Mais les canuts restent mobilisés et la cohabitation est difficile.
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La Révolution parisienne a un énorme retentissement dans les élites européennes. Devant la contagion révolutionnaire, les monarques concèdent des Constitutions à Berlin, Munich, Vienne, Turin... C'est le [[Printemps_des_peuples|printemps des peuples]].
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Jusqu'au 15 juin 1849.
    
== Suites ==
 
== Suites ==

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