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===Le libéralisme progressiste===
 
===Le libéralisme progressiste===
Le libéralisme s'est historiquement construit contre l'[[absolutisme]] royal. Il était porté par certains nobles luttant pour plus d'autonomie face à la royauté (de façon très opportuniste puisqu'ils tenaient fermement à leur pouvoir arbitraire dans leurs fiefs) et par la [[bourgeoisie]] montante.[[Fichier:1868, Mugeres célebres de España y Portugal, Mariana Pineda, AB196 0595 (cropped).jpg|vignette|348x348px|[[w:Mariana Pineda|Mariana Pineda]], une figure de la cause libérale en Espagne, exécutée en 1831|lien=https://wikirouge.net/Fichier:1868,_Mugeres_c%C3%A9lebres_de_Espa%C3%B1a_y_Portugal,_Mariana_Pineda,_AB196_0595_(cropped).jpg]]Au 18e siècle en Europe, les premiers grands théoriciens et politiciens du libéralisme sont  [[w:Thomas Hobbes|Thomas Hobbes]], [[w:John Locke|John Locke]] et [[w:Montesquieu|Montesquieu]]. Ce ne sont pas des radicaux : ils défendent seulement une monarchie constitutionnelle garantissant un fonctionnement un minimum codifié sans trop d'arbitraire entre les différentes élites. Pour cela, ils préconisent des principes démocratiques ([[séparation des pouvoirs]]...) et élaborent des justifications théoriques ([[w:Droit naturel|droit naturel]], [[liberté]], [[contrat social]]...).
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Le libéralisme s'est historiquement construit contre l'[[absolutisme]] royal. Il était porté par certains nobles luttant pour plus d'autonomie face à la royauté (de façon très opportuniste puisqu'ils tenaient fermement à leur pouvoir arbitraire dans leurs fiefs) et par la [[bourgeoisie]] montante.[[Fichier:1868, Mugeres célebres de España y Portugal, Mariana Pineda, AB196 0595 (cropped).jpg|vignette|338x338px|[[w:Mariana Pineda|Mariana Pineda]], une figure de la cause libérale en Espagne, exécutée en 1831|link=]]Au 18<sup>e</sup> siècle en Europe, les premiers grands théoriciens et politiciens du libéralisme sont  [[w:Thomas Hobbes|Thomas Hobbes]], [[w:John Locke|John Locke]] et [[w:Montesquieu|Montesquieu]]. Ce ne sont pas des radicaux : ils défendent seulement une [[w:Monarchie constitutionnelle|monarchie constitutionnelle]] garantissant un fonctionnement un minimum codifié sans trop d'arbitraire entre les différentes élites. Pour cela, ils préconisent des principes démocratiques ([[séparation des pouvoirs]]...) et élaborent des justifications théoriques ([[w:Droit naturel|droit naturel]], [[liberté]], [[contrat social]]...).
    
Ces idées libérales, et leur infusion lente dans la société, ont contribué à façonner ce qu'ont été les grandes [[révolutions bourgeoises]], en particulier la [[Révolution américaine|révolution états-unienne]] (1763-1783) et la [[révolution française]] (1789-1799).
 
Ces idées libérales, et leur infusion lente dans la société, ont contribué à façonner ce qu'ont été les grandes [[révolutions bourgeoises]], en particulier la [[Révolution américaine|révolution états-unienne]] (1763-1783) et la [[révolution française]] (1789-1799).
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C'est à ce moment que se formalise le [[clivage droite/gauche]], et pendant une longue partie du <abbr>19<sup>e</sup></abbr>&nbsp;siècle, le libéralisme constituera la principale tendance [[Progressisme|progressiste]].
 
C'est à ce moment que se formalise le [[clivage droite/gauche]], et pendant une longue partie du <abbr>19<sup>e</sup></abbr>&nbsp;siècle, le libéralisme constituera la principale tendance [[Progressisme|progressiste]].
 
===<abbr title="19ᵉ siècle" class="abbr">Evolution à droite du libéralisme</abbr>===
 
===<abbr title="19ᵉ siècle" class="abbr">Evolution à droite du libéralisme</abbr>===
Cependant, aussitôt après avoir remporté de grandes victoires, les libéraux voient de profondes divisions apparaître entre eux. Par exemple lors de la [[révolution française]], des partisans de la [[monarchie constitutionnelle]] qui étaient à gauche se retrouvent très vite à droite de la scène politique, lorsque le processus révolutionnaire voit les [[Républicanisme|républicains]] (des libéraux plus radicaux) devenir hégémoniques. Et parmi les républicains, y compris parmi la [[Montagne (Révolution française)|Montagne]], d'importants clivages apparaissent sur la question des mesures à prendre sur l'économie (la [[Loi du Maximum|loi du maximum]] étant par exemple une entorse au libéralisme économique). Et surtout, les révolutionnaires sont confrontés à la contradiction qu'il peut y avoir entre mouvements de masses [[Plèbe|plébéiens]] (usant potentiellement de [[violence]] pour empiéter sur la liberté des riches) et les droits formels (auxquels les [[Classe possédante|classes possédantes]] s'arc-boutent par intérêt).[[Fichier:Alexis de tocqueville.jpg|vignette|314x314px|[[w:Alexis de Tocqueville|Tocqueville]], un représentant de l'évolution à droite du libéralisme|lien=https://wikirouge.net/Fichier:Alexis_de_tocqueville.jpg]]Tout cela va conduire certains penseurs libéraux à développer une critique de la démocratie, et à théoriser qu'il faut limiter le pouvoir de l'État sur les individus, même si la majorité désire prendre des mesures radicales. C'est le cas du philosophe suisse [[w:Benjamin Constant|Benjamin Constant]], dans ses ''[[w:Principes de politique|Principes de politique]]'' (1806), et d'[[w:Alexis de Tocqueville|Alexis de Tocqueville]], dans son ''[[w:De la démocratie en Amérique|De la démocratie en Amérique]]'' (1835). Ils sont horrifiés par la [[w:Terreur (Révolution française)|Terreur]] révolutionnaire, et dénoncent une  « dictature de la majorité ». Tocqueville oppose ainsi la « démocratie jacobine » avec un État tout puissant à la « démocratie libérale » dans laquelle le pouvoir est encadré et les individus respectés. Et sur la démocratie aux États-Unis (qui naît d'un réel mouvement populaire), il écrit :
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Cependant, aussitôt après avoir remporté de grandes victoires, les libéraux voient de profondes divisions apparaître entre eux. Par exemple lors de la [[révolution française]], des partisans de la [[monarchie constitutionnelle]] qui étaient à gauche se retrouvent très vite à droite de la scène politique, lorsque le processus révolutionnaire voit les [[Républicanisme|républicains]] (des libéraux plus radicaux) devenir hégémoniques. Et parmi les républicains, y compris parmi la [[Montagne (Révolution française)|Montagne]], d'importants clivages apparaissent sur la question des mesures à prendre sur l'économie (la [[Loi du Maximum|loi du maximum]] étant par exemple une entorse au libéralisme économique). Et surtout, les révolutionnaires sont confrontés à la contradiction qu'il peut y avoir entre mouvements de masses [[Plèbe|plébéiens]] (usant potentiellement de [[violence]] pour empiéter sur la liberté des riches) et les droits formels (auxquels les [[Classe possédante|classes possédantes]] s'arc-boutent par intérêt).[[Fichier:Alexis de tocqueville.jpg|vignette|314x314px|[[w:Alexis de Tocqueville|Tocqueville]], un représentant de l'évolution à droite du libéralisme|lien=https://wikirouge.net/Fichier:Alexis_de_tocqueville.jpg]]Tout cela va conduire certains penseurs libéraux à développer une critique de la [[démocratie]], et à théoriser qu'il faut limiter le pouvoir de l'[[État]] sur les individus, même si la majorité désire prendre des mesures radicales. C'est le cas du philosophe suisse [[w:Benjamin Constant|Benjamin Constant]], dans ses ''[[w:Principes de politique|Principes de politique]]'' (1806), et d'[[w:Alexis de Tocqueville|Alexis de Tocqueville]], dans son ''[[w:De la démocratie en Amérique|De la démocratie en Amérique]]'' (1835). Ils sont horrifiés par la [[w:Terreur (Révolution française)|Terreur]] révolutionnaire, et dénoncent une  « dictature de la majorité ». Tocqueville oppose ainsi la « démocratie jacobine » avec un État tout puissant à la « démocratie libérale » dans laquelle le pouvoir est encadré et les individus respectés. Et sur la démocratie aux États-Unis (qui naît d'un réel mouvement populaire), il écrit :
 
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« Je regarde comme impie et détestable cette maxime, qu'en matière de gouvernement la majorité d'un peuple a le droit de tout faire, et pourtant je place dans les volontés de la majorité l'origine de tous les pouvoirs (…). Lors donc que je vois accorder le droit et la faculté de tout faire à une puissance quelconque, qu'on appelle peuple ou roi, démocratie ou aristocratie, qu'on l'exerce dans une monarchie ou dans une république, je dis : là est le germe de la tyrannie, et je cherche à aller vivre sous d'autres lois. Ce que je reproche le plus au gouvernement démocratique, tel qu'on l'a organisé aux États-Unis, ce n'est pas, comme beaucoup de gens le prétendent en Europe, sa faiblesse, mais au contraire sa force irrésistible. »
 
« Je regarde comme impie et détestable cette maxime, qu'en matière de gouvernement la majorité d'un peuple a le droit de tout faire, et pourtant je place dans les volontés de la majorité l'origine de tous les pouvoirs (…). Lors donc que je vois accorder le droit et la faculté de tout faire à une puissance quelconque, qu'on appelle peuple ou roi, démocratie ou aristocratie, qu'on l'exerce dans une monarchie ou dans une république, je dis : là est le germe de la tyrannie, et je cherche à aller vivre sous d'autres lois. Ce que je reproche le plus au gouvernement démocratique, tel qu'on l'a organisé aux États-Unis, ce n'est pas, comme beaucoup de gens le prétendent en Europe, sa faiblesse, mais au contraire sa force irrésistible. »
 
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Pour ce courant, le reproche qui est fait à ces démocrates est de traiter la démocratie comme un moyen et non comme une fin en soi, ce qui menace la liberté (ce qui revient en réalité à défendre une certaine vision, formelle, de la liberté).
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Pour ce courant, le reproche qui est fait à ces démocrates est de traiter la démocratie comme un moyen et non comme une fin en soi, ce qui menace la liberté (ce qui revient en réalité à défendre une certaine vision, formelle, de la liberté). Ainsi ce courant a théorisé qu'il fallait un [[État bourgeois|État]] se limitant à la protection des libertés individuelles, un État dit « [[w:Régalien|régalien]] » ([[police]],  [[Droit bourgeois|justice]] , [[armée]]), pas moins, mais pas plus.
    
Beaucoup d'autres libéraux ont par la suite développé cette critique, contribuant à faire du terme de « libéral » un synonyme de « démocrate modéré », surtout attaché à des droits formels mais hostile à toute agitation des masses. Au 19<sup>e</sup> siècle, ce courant a été poussé à [[droite]] (et a diminué en importance numérique, étant surtout porté par des élites) par la montée en puissance des courants démocrates révolutionnaires puis par des « [[Social-démocratie|social-démocrates]] ».
 
Beaucoup d'autres libéraux ont par la suite développé cette critique, contribuant à faire du terme de « libéral » un synonyme de « démocrate modéré », surtout attaché à des droits formels mais hostile à toute agitation des masses. Au 19<sup>e</sup> siècle, ce courant a été poussé à [[droite]] (et a diminué en importance numérique, étant surtout porté par des élites) par la montée en puissance des courants démocrates révolutionnaires puis par des « [[Social-démocratie|social-démocrates]] ».
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Par exemple dans la [[Russie tsariste]] d'avant 1917, on distinguait souvent "les libéraux" (les bourgeois derrière le [[parti KD]]) et "les démocrates" (les [[Parti SR|SR]] et les [[POSDR|SD]]).
 
Par exemple dans la [[Russie tsariste]] d'avant 1917, on distinguait souvent "les libéraux" (les bourgeois derrière le [[parti KD]]) et "les démocrates" (les [[Parti SR|SR]] et les [[POSDR|SD]]).
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C'est donc le socialisme qui a fini par devenir la cible des attaques de ce libéralisme devenu droitier. Par exemple [[w:Yves Guyot|Yves Guyot]] écrit en 1893 un livre nommé ''[[s:La_Tyrannie_socialiste|La Tyrannie socialiste]].''  
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C'est donc le socialisme qui a fini par devenir la cible des attaques de ce libéralisme devenu droitier. Par exemple [[w:Yves Guyot|Yves Guyot]] écrit en 1893 un livre nommé ''[[s:La_Tyrannie_socialiste|La Tyrannie socialiste]].''
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=== Une idéologie du « capitalisme pur » inapplicable en pratique ===
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[[Fichier:MisesLibrary.jpg|vignette|[[w:Ludwig von Mises|Ludwig von Mises]] ]]
 
Les penseurs du libéralisme se sont mis à assumer franchement de mettre en avant essentiellement la question de la [[propriété privée des moyens de production]], et donc un primat du libéralisme économique. Ainsi [[w:Ludwig von Mises|Ludwig von Mises]] écrivait en 1927  :
 
Les penseurs du libéralisme se sont mis à assumer franchement de mettre en avant essentiellement la question de la [[propriété privée des moyens de production]], et donc un primat du libéralisme économique. Ainsi [[w:Ludwig von Mises|Ludwig von Mises]] écrivait en 1927  :
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Ainsi [[w:Ludwig von Mises|Ludwig von Mises]] écrivait en 1927  :
 
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''« Le programme du libéralisme devrait donc, résumé en un seul mot, se formuler ainsi : propriété, c'est-à-dire propriété privée des moyens de production (car la propriété privée des biens de consommation va de soi, et elle est admise même par les socialistes et les communistes). Toutes les autres exigences du libéralisme découlent de cette exigence fondamentale. »''<ref>Ludiwg Von Mises, ''Le Libéralisme'', 1927</ref>
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''« Le programme du libéralisme devrait donc, résumé en un seul mot, se formuler ainsi : propriété, c'est-à-dire propriété privée des moyens de production (car la propriété privée des biens de consommation va de soi, et elle est admise même par les socialistes et les communistes). Toutes les autres exigences du libéralisme découlent de cette exigence fondamentale. »''<ref name=":0">Ludiwg Von Mises, ''Le Libéralisme'', 1927</ref>
 
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En cohérence avec cette position, von Mises considérait que le [[fascisme]] pouvait ponctuellement sauver le libéralisme économique :
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Mais dans la pratique, le capitalisme du 20<sup>e</sup> siècle tend à être de plus en plus régulé. Le capitalisme entièrement dérégulé ne peut pas créer une société tenable : les inégalités sociales et toutes les conséquences d'une société reposant sur l'[[exploitation]] font monter les tensions sociales et favorisent des idéologies hostiles aux partis traditionnels (plus ou moins libéraux). Que ce soit sous l'effet des luttes du [[mouvement ouvrier]] et du [[socialisme]], ou sous l'effet de partis [[nationalistes]] [[Protectionnisme|protectionnistes]], le laissez-faire pur n'existe pas. Les théoriciens libéraux ont beau ne pas être satisfaits, les politiciens qui gèrent pragmatiquement leur carrière (et la stabilité des [[État bourgeois|État capitalistes]]) ne suivent pas les dogmes libéraux.
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Par ailleurs, il faut souligner que lorsque le [[communisme]] menace surtout le libéralisme économique, et le [[fascisme]] surtout le libéralisme politique, c'est ce dernier que choisissent la plupart des théoriciens libéraux. Ainsi von Mises considérait que le [[fascisme]] pouvait être une carte à jouer pour sauver le libéralisme économique :
 
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''« On ne peut nier que le fascisme et les mouvements similaires cherchant à mettre en place des dictatures sont remplis des meilleures intentions et que leur intervention a, pour l'instant, sauvé la civilisation européenne. Le mérite qui en revient au fascisme demeurera éternellement dans l'histoire. Mais bien que sa politique ait apporté provisoirement le salut, elle n'est pas de nature à nous assurer les succès futurs. Le fascisme était une solution d'urgence. Le considérer comme quelque chose de plus serait une erreur fatale. »''
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''« On ne peut nier que le fascisme et les mouvements similaires cherchant à mettre en place des dictatures sont remplis des meilleures intentions et que leur intervention a, pour l'instant, sauvé la civilisation européenne. Le mérite qui en revient au fascisme demeurera éternellement dans l'histoire. Mais bien que sa politique ait apporté provisoirement le salut, elle n'est pas de nature à nous assurer les succès futurs. Le fascisme était une solution d'urgence. Le considérer comme quelque chose de plus serait une erreur fatale. »''<ref name=":0" />
 
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De même, [[Friedrich Hayek]] se dit contre les [[dictatures]] en général, mais a soutenu que celles-ci peuvent être un régime transitoire nécessaire, et qu'il préfèrait une "dictature libérale" à une "démocratie totalitaire" (ce qui signifie pour lui une démocratie ne garantissant pas la [[propriété privée capitaliste]]). C'est ce qui l'a conduit très concrètement, lui et les [[w:Chicago Boys|Chicago Boys]] (économistes néolibéraux de l'Ecole de Chicago) à soutenir activement la dictature de Pinochet au Chili (anti-socialiste et néolibérale).
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Après le chaos des années 1930 et la [[Seconde guerre mondiale]], dans un contexte où le [[mouvement ouvrier]] (bien que dominé par les [[staliniens]]) était puissant, la plupart des [[États capitalistes]] ont mis en place un haut niveau de régulation et de filet de [[protection sociale]]. Cela était permis par une période assez longue (« [[30 glorieuses]] ») où les [[taux de profit]] étaient élevés, et où la [[croissance]] était donc assez forte pour que les capitalistes puissent consentir à un partage de la [[valeur ajoutée]] relativement favorable au [[prolétariat]]. Bien que cette situation de relative prospérité soit due à des facteurs structurels (mondiaux) plus quune « bonne politique économique », le libéralisme économique a perdu durablement du terrain dans cette période. Le paradigme dominant en économie était alors la synthèse néokéynésienne, fusion entre l'école néoclassique (libéralisme économique classique) et une partie des critiques [[Doctrine keynésienne|keynésiennes]].
 
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[[Fichier:Friedrich Hayek portrait.jpg|vignette|217x217px|[[w:Friedrich Hayek|Friedrich Hayek]]]]
 
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Néanmoins, des penseurs ont continué à défendre les thèses libérales, et ont attendu leur moment. La figure de ces théoriciens est  [[w:Friedrich Hayek|Friedrich Hayek]], qui reprend l'essentiel du positionnement droitier de von Mises. Il écrit dans ''[[w:La Constitution de la liberté|La Constitution de la liberté]]'' (1960) :
[[w:Friedrich Hayek|Friedrich Hayek]], théoricien [[Néolibéralisme|néolibéral]], écrit dans ''[[w:La Constitution de la liberté|La Constitution de la liberté]]'' (1960) :
   
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«&nbsp;Les traditions démocratique et libérale sont cependant d'accord pour dire que, chaque fois que l'action de l'État est requise, et particulièrement si des règles coercitives sont à établir, la décision doit être prise à la majorité. Elles divergent néanmoins sur le champ ouvert à l'action politique censée guidée par la décision démocratique. Alors que le démocrate dogmatique considère qu'il est souhaitable que le plus grand nombre possible de problèmes soient résolus par un vote majoritaire, le libéral estime qu'il y a des limites précises au domaine des questions à résoudre ainsi&nbsp;».<ref>Friedrich Hayek, ''La Constitution de la liberté'', Litec, 1994, {{ISBN|271112410X}}.</ref>
 
«&nbsp;Les traditions démocratique et libérale sont cependant d'accord pour dire que, chaque fois que l'action de l'État est requise, et particulièrement si des règles coercitives sont à établir, la décision doit être prise à la majorité. Elles divergent néanmoins sur le champ ouvert à l'action politique censée guidée par la décision démocratique. Alors que le démocrate dogmatique considère qu'il est souhaitable que le plus grand nombre possible de problèmes soient résolus par un vote majoritaire, le libéral estime qu'il y a des limites précises au domaine des questions à résoudre ainsi&nbsp;».<ref>Friedrich Hayek, ''La Constitution de la liberté'', Litec, 1994, {{ISBN|271112410X}}.</ref>
 
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Hayek va jusqu'à opposer deux libéralismes, celui de [[w:Adam Smith|Smith]] et [[w:Edmund Burke|Burke]], à celui de [[w:Voltaire|Voltaire]], [[w:Jean-Jacques Rousseau|Rousseau]], ou [[w:Nicolas de Condorcet|Condorcet]], qui sont pour lui les ancêtres du [[socialisme]]<ref>Friedrich Hayek, ''The Principles of a Liberal Social Order'', 1966</ref>.
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Hayek va jusqu'à opposer deux libéralismes, celui de [[w:Adam Smith|Smith]] et [[w:Edmund Burke|Burke]], à celui de [[w:Voltaire|Voltaire]], [[w:Jean-Jacques Rousseau|Rousseau]], ou [[w:Nicolas de Condorcet|Condorcet]], qui sont pour lui les ancêtres du [[socialisme]]<ref>Friedrich Hayek, ''The Principles of a Liberal Social Order'', 1966</ref>.  Il se dit contre les [[dictatures]] en général, mais a soutenu que celles-ci peuvent être un régime transitoire nécessaire, et qu'il préfèrait une "dictature libérale" à une "démocratie totalitaire" (ce qui signifie pour lui une démocratie ne garantissant pas la [[propriété privée capitaliste]]). C'est ce qui l'a conduit très concrètement, lui et les [[w:Chicago Boys|Chicago Boys]] (économistes néolibéraux de l'Ecole de Chicago) à soutenir activement la [[Coup d'État de 1973 au Chili|dictature de Pinochet au Chili]] (anti-socialiste et néolibérale).
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Ce courant se bat pour que le rôle de l'[[État bourgeois|État]] se limite à la protection des libertés individuelles, à un État dit « [[w:Régalien|régalien]] » ([[police]], [[Droit bourgeois|justice]] , [[armée]]).
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Le retournement de conjoncture avec la [[stagnation des années 1970]] va favoriser un nouveau changement de paradigme, et une contre-offensive d'un libéralisme économique plus dur, appelé « [[néolibéralisme]] ». Néanmoins là encore, l'application faite par les politiciens est loin d'être fidèle à la théorie libérale. L'appel au libéralisme censé favoriser une économie plus efficace est fréquent quand il s'agit de justifier des [[privatisations]] et [[Libéralisation|libéralisations]], mais dans le même temps, le volume des [[Subvention|aides financières]] aux entreprises en difficulté n'a fait qu'augmenter, ce qui contredit frontalement le ''[[laissez-faire]]'' libéral. Par ailleurs du côté de la droite traditionnelle, la conversion au libéralisme économique a cohabité avec le [[conservatisme]] habituel en ce qui concerne les questions d'égalité des droits ([[féminisme]], [[LGBTIphobie|LGBTI]]...).
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Les libéraux cherchent fréquemment à se démarquer du clivage droite/gauche et se réclament alors d'un troisième axe politique.
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Il existent bien certains petits milieux qui se disent « vrais libéraux » ou [[libertariens]], qui se proclament au delà du clivage droite/gauche et à la fois réellement libéraux en économie et en politique. Mais d'une part, ils n'ont jamais la capacité à devenir des mouvements de masse et leur grille d'analyse idéaliste les rend incapables de comprendre pourquoi, d'autre part, dans la pratique, ils sont souvent attirés vers la droite par de multiples passerelles (dont leur goût pour les dictatures néolibérales à la Pinochet).
    
===Des aspects contradictoires===
 
===Des aspects contradictoires===
 
Le courant libéral continue d'exister en tant que sensibilité dans la bourgeoisie, même si la menace de la [[classe travailleuse]] à sa gauche le retranche souvent dans le camp réactionnaire. Sa position sociale en fait une force très faible, qui peut avoir des aspects partiellement progressistes, surtout quand la [[lutte de classe]] est faible, en même temps que des aspects [[réactionnaires]], qui l'emportent le plus souvent.
 
Le courant libéral continue d'exister en tant que sensibilité dans la bourgeoisie, même si la menace de la [[classe travailleuse]] à sa gauche le retranche souvent dans le camp réactionnaire. Sa position sociale en fait une force très faible, qui peut avoir des aspects partiellement progressistes, surtout quand la [[lutte de classe]] est faible, en même temps que des aspects [[réactionnaires]], qui l'emportent le plus souvent.
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Par exemple, en France sous la [[w:Troisième république|Troisième république]], les républicains en sont venus à occuper cet espace politique, à mesure de l'affaiblissement de la menace [[royaliste]]. Ils ont fait passer des mesures progressistes comme l'[[w:École obligatoire|école obligatoire]], la [[Laïcité|séparation des religions et de l'État]]... et dans le même temps ils ont [[Mouvement ouvrier en France|réprimé de nombreuses grèves ouvrières]].
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Par exemple, en France sous la [[w:Troisième République (France)|Troisième république]], les républicains en sont venus à occuper cet espace politique, à mesure de l'affaiblissement de la menace [[royaliste]]. Ils ont fait passer des mesures progressistes comme l'[[w:École obligatoire|école obligatoire]], la [[Laïcité|séparation des religions et de l'État]]... et dans le même temps ils ont [[Mouvement ouvrier en France|réprimé de nombreuses grèves ouvrières]], et mené une [[Impérialisme français|politique impérialiste]] dans les colonies (ce qui est pour le moins contradictoire avec l'esprit du libéralisme...).
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Bien sûr, face au socialisme et plus encore face au communisme [[Stalinisation|stalinisé]], de nombreux idéologues et politiciens libéraux vont insister sur le lien entre les deux facettes du libéralisme. Ainsi le socialisme conduirait nécessairement à une position "anti-libérale" et donc anti-démocratique. Le « monde libre occidental » serait le garant de la démocratie, tandis que le communisme serait intrinsèquement source de [[totalitarisme]].  
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Bien sûr, face au [[socialisme]] et plus encore face au communisme [[Stalinisation|stalinisé]], de nombreux idéologues et politiciens libéraux vont insister sur le lien entre les deux facettes du libéralisme. Ainsi le socialisme conduirait nécessairement à une position "anti-libérale" et donc anti-démocratique. Le « monde libre occidental » serait le garant de la démocratie, tandis que le communisme serait intrinsèquement source de [[totalitarisme]].  
    
Mais par ailleurs, étant donné que les masses ont une fâcheuse tendance à porter des revendications sinon anticapitalistes, du moins gênantes pour les profits, les théoriciens [[Néolibéralisme|néolibéraux]] émettent de sérieuses réserves sur la démocratie. [[w:Samuel Huntington|Samuel Huntington]] en 1975 écrivait qu’il fallait ''« de la modération dans la démocratie »''. Le système politique a besoin ''« d’une certaine dose d’apathie et de non-engagement »'' de la part des gouvernés. ''« Les tensions susceptibles de prévaloir dans une société post-industrielle exigeront probablement un modèle de prise de décision gouvernementale plus autoritaire et plus efficace »''.<ref>Samuel Huntington, Postindustrial politics : How Benign will it be, 1974</ref>
 
Mais par ailleurs, étant donné que les masses ont une fâcheuse tendance à porter des revendications sinon anticapitalistes, du moins gênantes pour les profits, les théoriciens [[Néolibéralisme|néolibéraux]] émettent de sérieuses réserves sur la démocratie. [[w:Samuel Huntington|Samuel Huntington]] en 1975 écrivait qu’il fallait ''« de la modération dans la démocratie »''. Le système politique a besoin ''« d’une certaine dose d’apathie et de non-engagement »'' de la part des gouvernés. ''« Les tensions susceptibles de prévaloir dans une société post-industrielle exigeront probablement un modèle de prise de décision gouvernementale plus autoritaire et plus efficace »''.<ref>Samuel Huntington, Postindustrial politics : How Benign will it be, 1974</ref>
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Aujourd'hui, il existe des différences entre les partis bourgeois, certains  étant un peu plus libéraux  que d'autres (comme le Parti démocrate face au Parti républicain aux États-Unis), c'est-à-dire un plus ouverts à proclamer des libertés formelles, tout en refusant l'un comme l'autre de modifier les structures matérielles du pouvoir.
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Aujourd'hui, il existe des différences entre les partis bourgeois, certains  étant un peu plus libéraux  que d'autres (comme le Parti démocrate face au Parti républicain aux États-Unis), c'est-à-dire un peu plus ouverts à proclamer des libertés formelles, tout en refusant l'un comme l'autre de modifier les structures matérielles du pouvoir.
 
==Le terme « liberal » aux États-Unis==
 
==Le terme « liberal » aux États-Unis==
 
Aux [[États-Unis]], le mot « ''liberalism'' » fait référence aux thèses défendues notamment par le [[Parti démocrate (États-Unis)|parti démocrate]] à partir des [[Red thirties|années 1930]], à l'époque du [[New Deal]]. Les libertés individuelles sont défendues, mais cela va de pair avec une intervention de l'État dans la vie économique et sociale, dans une logique [[Keynésianisme|keynésienne]]. L'usage contemporain du terme ''liberal'' représente avant tout l'adhésion à des principes et des idées proches de ceux des [[Social-démocratie|sociaux-démocrates]], avec un interventionnisme limité mais nécessaire pour soutenir des valeurs d'égalité et de prospérité sociale. Depuis la fin du 20<sup>e</sup>&nbsp;siècle, le terme de ''liberal'' aux États-Unis a été utilisé par certains conservateurs souvent de façon péjorative pour désigner leurs adversaires socialement plus progressistes, assimilant cette étiquette à plus d'impôts, moins de libertés individuelles et un interventionnisme synonyme de bureaucratie<ref>[[w:Alain Laurent|Alain Laurent]], ''Le Libéralisme américain, Histoire d'un détournement'', Les Belles Lettres, 2006 {{ISBN|2251443029}}.</ref>.
 
Aux [[États-Unis]], le mot « ''liberalism'' » fait référence aux thèses défendues notamment par le [[Parti démocrate (États-Unis)|parti démocrate]] à partir des [[Red thirties|années 1930]], à l'époque du [[New Deal]]. Les libertés individuelles sont défendues, mais cela va de pair avec une intervention de l'État dans la vie économique et sociale, dans une logique [[Keynésianisme|keynésienne]]. L'usage contemporain du terme ''liberal'' représente avant tout l'adhésion à des principes et des idées proches de ceux des [[Social-démocratie|sociaux-démocrates]], avec un interventionnisme limité mais nécessaire pour soutenir des valeurs d'égalité et de prospérité sociale. Depuis la fin du 20<sup>e</sup>&nbsp;siècle, le terme de ''liberal'' aux États-Unis a été utilisé par certains conservateurs souvent de façon péjorative pour désigner leurs adversaires socialement plus progressistes, assimilant cette étiquette à plus d'impôts, moins de libertés individuelles et un interventionnisme synonyme de bureaucratie<ref>[[w:Alain Laurent|Alain Laurent]], ''Le Libéralisme américain, Histoire d'un détournement'', Les Belles Lettres, 2006 {{ISBN|2251443029}}.</ref>.

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