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[[File:Mikoyan-Staline-Ordjonikidze.jpg|right|483x483px|Anastase Mikoyan, Joseph Staline et Grigory Ordjonikidze à Tbilissi en 1925.|vignette]]   
 
[[File:Mikoyan-Staline-Ordjonikidze.jpg|right|483x483px|Anastase Mikoyan, Joseph Staline et Grigory Ordjonikidze à Tbilissi en 1925.|vignette]]   
L’'''affaire géorgienne de 1922''' (en russe : Грузинское дело) est un conflit politique au sein du gouvernement de l'[[Union_des_républiques_socialistes_soviétiques|Union des républiques socialistes soviétiques]] sur la façon de composer avec le sentiment national géorgien.{{#set:Date=1922}}
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L’'''affaire géorgienne de 1922''' (en russe : Грузинское дело) est un conflit politique au sein du gouvernement de l'[[Union_des_républiques_socialistes_soviétiques|Union des républiques socialistes soviétiques]] sur la façon de composer avec le sentiment national géorgien.
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==Antécédents==
 
==Antécédents==
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En février 1921, l'[[Armée_rouge|Armée rouge]] renverse la [[République_démocratique_de_Géorgie|République démocratique de Géorgie]], dirigée par les [[Menchéviks|menchéviks]] qui soutenaient la [[Guerre_civile_russe|guerre civile]] contre les [[Bolchéviks|bolchéviks]].<ref>https://fr.wikipedia.org/wiki/Invasion_sovi%C3%A9tique_de_la_G%C3%A9orgie</ref> Ce sont [[Staline]] et [[Grigory Ordjonikidze|Ordjonikidze]] (tous deux d'origine géorgienne) qui firent pression en ce sens, en s'appuyant sur une insurrection locale, qui était en fait l’initiative très minoritaire d’un groupe bolchévik, près de la frontière soviétique. Avalisée par Lénine, Trotski et la direction soviétique, l’invasion a installé, après un mois de combats, un gouvernement bolchevik à Tiflis, assurant ainsi l’association de la Géorgie à la Fédération soviétique.
 
En février 1921, l'[[Armée_rouge|Armée rouge]] renverse la [[République_démocratique_de_Géorgie|République démocratique de Géorgie]], dirigée par les [[Menchéviks|menchéviks]] qui soutenaient la [[Guerre_civile_russe|guerre civile]] contre les [[Bolchéviks|bolchéviks]].<ref>https://fr.wikipedia.org/wiki/Invasion_sovi%C3%A9tique_de_la_G%C3%A9orgie</ref> Ce sont [[Staline]] et [[Grigory Ordjonikidze|Ordjonikidze]] (tous deux d'origine géorgienne) qui firent pression en ce sens, en s'appuyant sur une insurrection locale, qui était en fait l’initiative très minoritaire d’un groupe bolchévik, près de la frontière soviétique. Avalisée par Lénine, Trotski et la direction soviétique, l’invasion a installé, après un mois de combats, un gouvernement bolchevik à Tiflis, assurant ainsi l’association de la Géorgie à la Fédération soviétique.
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Trotski était absent de Moscou, en tournée dans l’Oural, et n’a pas participé à cette décision. Pourtant, il n'hésita pas à endosser devant l’opinion russe et internationale la responsabilité de cette action, en écrivant un pamphlet qui légitime la soviétisation forcée de la Géorgie : ''Entre rouges et blancs'' (1922). Pour lui, l'invasion était justifiée parce que la Géorgie menchévique était un régime bourgeois protégé par l’impérialisme anglais, sournoisement allié avec Wrangel et les « blancs », répressif envers les militants bolcheviks massivement emprisonnés... Michaël Lowy écrit à ce sujet :<blockquote>« Même si l’on acceptait (ce qui est loin d’être évident ) l’intégralité des virulentes critiques adressées par Trotski à la « Gironde géorgienne » des mencheviks (...), on ne voit pas pour autant où est la justification de l’invasion : le gouvernement bourgeois finlandais était bien pire ( exécutions massives de militants communistes) et, pourtant, il n’avait jamais été question d’envahir la Finlande indépendante. Quant à l’argumentation du « soulèvement bolchevik », il est de la part de Lominadze peu substantiel : « Notre révolution a commencé en 1921 au moyen des baïonnettes de l’Armée rouge. La soviétisation de la Géorgie s’est présentée sous les espèces d’une occupation par les troupes russes. » »<ref>''La révolution d’Octobre et la question nationale. Le rêve naufragé'', Contretemps – N° 34 – juillet 2017</ref></blockquote>
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Trotski était absent de Moscou, en tournée dans l’Oural, et n’a pas participé à cette décision. Pourtant, il n'hésita pas à endosser devant l’opinion russe et internationale la responsabilité de cette action, en écrivant un pamphlet qui légitime la soviétisation forcée de la Géorgie : ''Entre rouges et blancs'' (1922). Pour lui, l'invasion était justifiée parce que la Géorgie menchévique était un régime bourgeois protégé par l’impérialisme anglais, sournoisement allié avec Wrangel et les « blancs », répressif envers les militants bolcheviks massivement emprisonnés... Michaël Lowy écrit à ce sujet :
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« Même si l’on acceptait (ce qui est loin d’être évident ) l’intégralité des virulentes critiques adressées par Trotski à la « Gironde géorgienne » des mencheviks (...), on ne voit pas pour autant où est la justification de l’invasion : le gouvernement bourgeois finlandais était bien pire ( exécutions massives de militants communistes) et, pourtant, il n’avait jamais été question d’envahir la Finlande indépendante. Quant à l’argumentation du « soulèvement bolchevik », il est de la part de Lominadze peu substantiel : « Notre révolution a commencé en 1921 au moyen des baïonnettes de l’Armée rouge. La soviétisation de la Géorgie s’est présentée sous les espèces d’une occupation par les troupes russes. » »<ref>''La révolution d’Octobre et la question nationale. Le rêve naufragé'', Contretemps – N° 34 – juillet 2017</ref>
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==L'Affaire==
 
==L'Affaire==
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Une fois l'invasion achevée, des clivages sont apparus sur la façon de soviétiser la Géorgie. Lénine propose qu’on essaye d’arriver à un compromis avec Jordania, Staline, au contraire, lors d’un discours à Tiflis en juillet insiste sur la nécessité d’« écraser l’hydre du nationalisme » et de « détruire au fer incandescent » les survivances de cette idéologie. A la toute fin 1922, très affaibli, Lénine réaffirme la nécessité absolue de respecter les minorités nationales, passant devant les avantages du centralisme :<blockquote>« Le préjudice que peut causer à notre État l’absence d’appareils nationaux unifiés avec l’appareil russe est infiniment, incommensurablement moindre que celui qui en résultera pour nous, pour toute l’Internationale, pour les centaines de millions d’hommes des peuples d’Asie, qui apparaîtra après nous sur l’avant-scène historique dans un proche avenir. » Rien ne serait aussi dangereux pour la révolution mondiale que « de nous engager nous-mêmes, fût-ce pour les questions de détail, dans des rapports impérialistes à l’égard des nationalités opprimées, en éveillent ainsi la suspicion sur la sincérité de nos principes, sur notre justification de principe de la lutte contre l’impérialisme »<ref name=":0">Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1922/12/vil19221231.htm La question des nationalités ou de l' « autonomie »]'', 31 décembre 1922</ref></blockquote>Les Géorgiens [[Bolcheviks|bolcheviks]], menés par Philippe Makharadze et [[Mdivani|Boudou Mdivani]], souhaitaient préserver une autonomie au sein de l'URSS, donc un statut de république membre, mais également conserver une tolérance envers l'opposition menchevik, une plus grande démocratie au sein du parti ainsi qu'une approche modérée envers les réformes terriennes. Le principal point de discorde était avant tout l'intégration de la Géorgie, de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan au sein d'une république unitaire fédérale, la [[République_socialiste_fédérative_soviétique_de_Transcaucasie|République socialiste fédérative soviétique de Transcaucasie]] qui sera finalement dissoute en 1936.
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Une fois l'invasion achevée, des clivages sont apparus sur la façon de soviétiser la Géorgie. Lénine propose qu’on essaye d’arriver à un compromis avec Jordania, Staline, au contraire, lors d’un discours à Tiflis en juillet insiste sur la nécessité d’« écraser l’hydre du nationalisme » et de « détruire au fer incandescent » les survivances de cette idéologie. A la toute fin 1922, très affaibli, Lénine réaffirme la nécessité absolue de respecter les minorités nationales, passant devant les avantages du centralisme :
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« Le préjudice que peut causer à notre État l’absence d’appareils nationaux unifiés avec l’appareil russe est infiniment, incommensurablement moindre que celui qui en résultera pour nous, pour toute l’Internationale, pour les centaines de millions d’hommes des peuples d’Asie, qui apparaîtra après nous sur l’avant-scène historique dans un proche avenir. » Rien ne serait aussi dangereux pour la révolution mondiale que « de nous engager nous-mêmes, fût-ce pour les questions de détail, dans des rapports impérialistes à l’égard des nationalités opprimées, en éveillent ainsi la suspicion sur la sincérité de nos principes, sur notre justification de principe de la lutte contre l’impérialisme »<ref name=":0">Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1922/12/vil19221231.htm La question des nationalités ou de l' « autonomie »]'', 31 décembre 1922</ref>
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Les Géorgiens [[Bolcheviks|bolcheviks]], menés par Philippe Makharadze et [[Mdivani|Boudou Mdivani]], souhaitaient préserver une autonomie au sein de l'URSS, donc un statut de république membre, mais également conserver une tolérance envers l'opposition menchevik, une plus grande démocratie au sein du parti ainsi qu'une approche modérée envers les réformes terriennes. Le principal point de discorde était avant tout l'intégration de la Géorgie, de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan au sein d'une république unitaire fédérale, la [[République_socialiste_fédérative_soviétique_de_Transcaucasie|République socialiste fédérative soviétique de Transcaucasie]] qui sera finalement dissoute en 1936.
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[[Joseph_Staline|Joseph Staline]] et [[Grigory_Ordjonikidze|Grigory Ordjonikidze]] firent pression sur [[Lénine|Lénine]] afin de forcer la soviétisation de la Géorgie, qualifiant les communistes géorgiens d'opposants «&nbsp;déviationnistes nationalistes&nbsp;». Mais Lénine, avec [[Trotski|Trotski]], condamne la brutalité de la russification voulue par Staline. Soit implicitement :<blockquote>« Le Géorgien qui considère avec dédain ce côté de l'affaire, qui lance dédaigneusement des accusations de «social-nationalisme» (alors qu'il est lui-même non seulement un vrai, un authentique «social-national », mais encore un brutal argousin grand-russe), ce Géorgien-là porte en réalité atteinte à la solidarité prolétarienne de classe (...) »<ref name=":0" /></blockquote>Soit très explicitement : ''« Il va de soi que c'est Staline et Dzerjinski qui doivent être rendus politiquement responsables de cette campagne foncièrement nationaliste grand-russe. »''
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[[Joseph_Staline|Joseph Staline]] et [[Grigory_Ordjonikidze|Grigory Ordjonikidze]] firent pression sur [[Lénine|Lénine]] afin de forcer la soviétisation de la Géorgie, qualifiant les communistes géorgiens d'opposants «&nbsp;déviationnistes nationalistes&nbsp;». Mais Lénine, avec [[Trotski|Trotski]], condamne la brutalité de la russification voulue par Staline. Soit implicitement :
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« Le Géorgien qui considère avec dédain ce côté de l'affaire, qui lance dédaigneusement des accusations de «social-nationalisme» (alors qu'il est lui-même non seulement un vrai, un authentique «social-national », mais encore un brutal argousin grand-russe), ce Géorgien-là porte en réalité atteinte à la solidarité prolétarienne de classe (...) »<ref name=":0" />
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Soit très explicitement : ''« Il va de soi que c'est Staline et Dzerjinski qui doivent être rendus politiquement responsables de cette campagne foncièrement nationaliste grand-russe. »''
    
Lénine rompra explicitement avec Staline le 5 mars 1923. Mais la santé de Lénine se dégrade vite. [[Dzerjinsky|Dzerjinsky]] prend le parti de Staline.
 
Lénine rompra explicitement avec Staline le 5 mars 1923. Mais la santé de Lénine se dégrade vite. [[Dzerjinsky|Dzerjinsky]] prend le parti de Staline.

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