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En septembre-octobre, les bolchéviks ont obtenu la majorité dans les soviets, et en particulier dans le [[Soviet_de_Petrograd|Soviet de Petrograd]]. Pour [[Lénine|Lénine]], l'insurrection est à l'ordre du jour. Mais comme au moment du débat sur les [[Thèses_d'avril|''Thèses d'avril'']], il se heurte à la plupart des cadres [[Vieux_bolchéviks|vieux-bolchéviks]]. Beaucoup veulent croire à une transition pacifique possible.
 
En septembre-octobre, les bolchéviks ont obtenu la majorité dans les soviets, et en particulier dans le [[Soviet_de_Petrograd|Soviet de Petrograd]]. Pour [[Lénine|Lénine]], l'insurrection est à l'ordre du jour. Mais comme au moment du débat sur les [[Thèses_d'avril|''Thèses d'avril'']], il se heurte à la plupart des cadres [[Vieux_bolchéviks|vieux-bolchéviks]]. Beaucoup veulent croire à une transition pacifique possible.
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[[Trotsky|Trotsky]] est convaincu sur le fond que l'[[Insurrection_d'Octobre|insurrection]] est imminente, mais préfèrerait attendre le Congrès des soviets pour plus de légitimité.
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[[Trotski|Trotski]] est convaincu sur le fond que l'[[Insurrection_d'Octobre|insurrection]] est imminente, mais préfèrerait attendre le Congrès des soviets pour plus de légitimité.
    
Lénine bataille contre le reste du comité central. Il insiste pour que l'insurrection soit réalisée avant l'ouverture du congrès, pour placer celui-ci devant le fait accompli, démontrer que les bolchéviks sont prêts à prendre immédiatement les mesures révolutionnaires urgentes pour les masses, et ainsi s'assurer l'ethousiasme populaire.
 
Lénine bataille contre le reste du comité central. Il insiste pour que l'insurrection soit réalisée avant l'ouverture du congrès, pour placer celui-ci devant le fait accompli, démontrer que les bolchéviks sont prêts à prendre immédiatement les mesures révolutionnaires urgentes pour les masses, et ainsi s'assurer l'ethousiasme populaire.
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Déjà la [[Conférence_démocratique_(Russie)|Conférence démocratique]] avait eu pour but de contourner les soviets et de s'appuyer sur une autre source de légitimité. Le 21 septembre, un peu avant la clôture de la conférence démocratique, le [[Soviet_de_Petrograd|Soviet de Petrograd]] (gagné aux bolchéviks) réclama d'urgence le congrès, s'appuyant sur la nécessité de se coordonner pour la défense face à la contre-révolution, mais aussi pour ''«&nbsp; la solution des problèmes d'organisation du pouvoir révolutionnaire&nbsp;»''. Le lendemain de la Conférence démocratique, des délégéués (dont ceux venus de province) posent la question du congrès au [[Comité_exécutif_central_panrusse|Comité exécutif]]. Les bolchéviks réclament la convocation du congrès dans les 15 jours, et ''«&nbsp;proposent&nbsp;»'' de créer dans ce but un organe spécial s'appuyant sur les soviets de Petrograd et de Moscou. En réalité il s'agissait d'une proposition dissuasive, mais les bolchéviks préféraient que la convocation soit faite par le Comité exécutif sortant, pour éviter la mise en cause de la légitimité du congrès. Aussitôt les leaders du Comité exécutif déclarent qu'ils ne délégueront à personne le droit de remplir leurs obligations, et le Congrès fut fixé pour le 20 octobre, dans moins d'un mois. Déjà à ce moment-là, des [[Menchéviks|menchéviks]] accusaient les bolchéviks&nbsp;: ''«&nbsp;vous fixez la date du Coup d’Etat&nbsp;»''.<ref>Trotski, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1919/09/lt_19190914.htm La révolution d'octobre]'', 1919</ref>
 
Déjà la [[Conférence_démocratique_(Russie)|Conférence démocratique]] avait eu pour but de contourner les soviets et de s'appuyer sur une autre source de légitimité. Le 21 septembre, un peu avant la clôture de la conférence démocratique, le [[Soviet_de_Petrograd|Soviet de Petrograd]] (gagné aux bolchéviks) réclama d'urgence le congrès, s'appuyant sur la nécessité de se coordonner pour la défense face à la contre-révolution, mais aussi pour ''«&nbsp; la solution des problèmes d'organisation du pouvoir révolutionnaire&nbsp;»''. Le lendemain de la Conférence démocratique, des délégéués (dont ceux venus de province) posent la question du congrès au [[Comité_exécutif_central_panrusse|Comité exécutif]]. Les bolchéviks réclament la convocation du congrès dans les 15 jours, et ''«&nbsp;proposent&nbsp;»'' de créer dans ce but un organe spécial s'appuyant sur les soviets de Petrograd et de Moscou. En réalité il s'agissait d'une proposition dissuasive, mais les bolchéviks préféraient que la convocation soit faite par le Comité exécutif sortant, pour éviter la mise en cause de la légitimité du congrès. Aussitôt les leaders du Comité exécutif déclarent qu'ils ne délégueront à personne le droit de remplir leurs obligations, et le Congrès fut fixé pour le 20 octobre, dans moins d'un mois. Déjà à ce moment-là, des [[Menchéviks|menchéviks]] accusaient les bolchéviks&nbsp;: ''«&nbsp;vous fixez la date du Coup d’Etat&nbsp;»''.<ref>Trotski, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1919/09/lt_19190914.htm La révolution d'octobre]'', 1919</ref>
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Une commission est montée, avec [[Iakov_Sverdlov|Sverdlov]] pour les [[Bolchéviks|bolchéviks]]. Mais elle ne fera rien. A peine les délégués provinciaux dispersés, les leaders du Comité exécutif tergiversent, découvrant que les préparatifs du Congrès risqueraient de nuire à ceux de l'Assemblée constituante. Le 26 septembre, [[Fiodor_Dan|Dan]] proposait au Bureau du Comité exécutif de différer le Congrès. Celui-ci ne s'occupait de toute façon pas des préparatifs nécessaires.[[Trotsky|Trotsky]] répondit que le Congrès serait convoqué par la voie révolutionnaire s'il n'était pas convoqué par la voie constitutionnelle. Les conciliateurs reculent, pour mieux récidiver.
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Une commission est montée, avec [[Iakov_Sverdlov|Sverdlov]] pour les [[Bolchéviks|bolchéviks]]. Mais elle ne fera rien. A peine les délégués provinciaux dispersés, les leaders du Comité exécutif tergiversent, découvrant que les préparatifs du Congrès risqueraient de nuire à ceux de l'Assemblée constituante. Le 26 septembre, [[Fiodor_Dan|Dan]] proposait au Bureau du Comité exécutif de différer le Congrès. Celui-ci ne s'occupait de toute façon pas des préparatifs nécessaires.[[Trotski|Trotski]] répondit que le Congrès serait convoqué par la voie révolutionnaire s'il n'était pas convoqué par la voie constitutionnelle. Les conciliateurs reculent, pour mieux récidiver.
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Ils lancèrent une enquête parmi les organisations du front pour savoir si l'on convoquerait le Congrès. Les conciliateurs menent partout campagne contre le Congrès. Le ''Délo Narodà'' ([[Parti_SR|SR]]) écrivit&nbsp;: ''«&nbsp;Que le Congrès soit ou ne soit pas convoqué cela ne peut avoir aucune importance en ce qui est de résoudre la question du pouvoir... Le gouvernement de Kérensky ne se soumettra en aucun cas.&nbsp;»'' [[Lénine|Lénine]] explicitait les sous-entendus&nbsp;: ''«&nbsp;A quoi ne se soumettra-t-il pas&nbsp;? Au pouvoir des soviets, au pouvoir des ouvriers et des paysans que le Délo Narodà, pour ne pas être en reste avec les fauteurs de pogromes et les antisémites, les monarchistes et les cadets, appelle le pouvoir "de Trotsky et de Lénine".&nbsp;»<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/10/bol-pou/vil19171001-22.htm Les bolchéviks garderont-ils le pouvoir ?]'', 1917</ref>''
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Ils lancèrent une enquête parmi les organisations du front pour savoir si l'on convoquerait le Congrès. Les conciliateurs menent partout campagne contre le Congrès. Le ''Délo Narodà'' ([[Parti_SR|SR]]) écrivit&nbsp;: ''«&nbsp;Que le Congrès soit ou ne soit pas convoqué cela ne peut avoir aucune importance en ce qui est de résoudre la question du pouvoir... Le gouvernement de Kérensky ne se soumettra en aucun cas.&nbsp;»'' [[Lénine|Lénine]] explicitait les sous-entendus&nbsp;: ''«&nbsp;A quoi ne se soumettra-t-il pas&nbsp;? Au pouvoir des soviets, au pouvoir des ouvriers et des paysans que le Délo Narodà, pour ne pas être en reste avec les fauteurs de pogromes et les antisémites, les monarchistes et les cadets, appelle le pouvoir "de Trotski et de Lénine".&nbsp;»<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/10/bol-pou/vil19171001-22.htm Les bolchéviks garderont-ils le pouvoir ?]'', 1917</ref>''
    
Le Comité exécutif paysan jugea, de son côté, la convocation du congrès ''«&nbsp;dangereuse et indésirable&nbsp;»''. Les ''[[Izvestia|Izvestia]]'' enterraient les soviets dans un éditorial, déclarant que c'étaient les baraquements provisoires qui devaient être démolis dés que l'[[Assemblée_constituante_russe_de_1918|Assemblée constituante]] ''«&nbsp;aurait couronné l'édifice du nouveau régime&nbsp;»''. Les bolchéviks à l'inverse font de l'[[Agitation|agitation]] pour la convocation du congrès. Il organisèrent même un [[Congrès_des_soviets_de_la_région_du_Nord|Congrès des soviets de la région du Nord]], qui ne fut pas reconnu par le Comité exécutif central, mais qui eut de fait un poids important.
 
Le Comité exécutif paysan jugea, de son côté, la convocation du congrès ''«&nbsp;dangereuse et indésirable&nbsp;»''. Les ''[[Izvestia|Izvestia]]'' enterraient les soviets dans un éditorial, déclarant que c'étaient les baraquements provisoires qui devaient être démolis dés que l'[[Assemblée_constituante_russe_de_1918|Assemblée constituante]] ''«&nbsp;aurait couronné l'édifice du nouveau régime&nbsp;»''. Les bolchéviks à l'inverse font de l'[[Agitation|agitation]] pour la convocation du congrès. Il organisèrent même un [[Congrès_des_soviets_de_la_région_du_Nord|Congrès des soviets de la région du Nord]], qui ne fut pas reconnu par le Comité exécutif central, mais qui eut de fait un poids important.
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Parmi les délégués bolchéviks, nombreux étaient ceux qui n'étaient pas membres du parti, qui venaient avec leurs hésitations, mais qui renforçaient rapidement leurs convictions dans l'atmosphère surchauffée de [[Petrograd|Petrograd]]. Parmi les menchéviks et les SR, nombreux étaient ceux qui évoluèrent vers la gauche au cours du congrès. Le nombre de délégués monta selon certains chiffres jusqu'à 900 personnes, en incluant les voix consultatives. La vérification des mandats était fastidieuse et les archives n'ont pas été bien conservées. Mais la prédominance bolchévique ne fait pas de doute.
 
Parmi les délégués bolchéviks, nombreux étaient ceux qui n'étaient pas membres du parti, qui venaient avec leurs hésitations, mais qui renforçaient rapidement leurs convictions dans l'atmosphère surchauffée de [[Petrograd|Petrograd]]. Parmi les menchéviks et les SR, nombreux étaient ceux qui évoluèrent vers la gauche au cours du congrès. Le nombre de délégués monta selon certains chiffres jusqu'à 900 personnes, en incluant les voix consultatives. La vérification des mandats était fastidieuse et les archives n'ont pas été bien conservées. Mais la prédominance bolchévique ne fait pas de doute.
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Une enquête parmi les délégués montra que 505 soviets étaient pour le passage de tout le pouvoir aux soviets&nbsp;; 86 pour le pouvoir de la "démocratie", 55 pour la coalition, 21 pour la coalition, mais sans les cadets. Et même ces chiffres donnent selon [[Trotsky|Trotsky]] ''«&nbsp;une idée exagérée de ce qui restait d'influence aux conciliateurs&nbsp;»'', car ''«&nbsp;pour la démocratie et la coalition se déclaraient les soviets des régions les plus arriérées et des localités les moins importantes&nbsp;»''.
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Une enquête parmi les délégués montra que 505 soviets étaient pour le passage de tout le pouvoir aux soviets&nbsp;; 86 pour le pouvoir de la "démocratie", 55 pour la coalition, 21 pour la coalition, mais sans les cadets. Et même ces chiffres donnent selon [[Trotski|Trotski]] ''«&nbsp;une idée exagérée de ce qui restait d'influence aux conciliateurs&nbsp;»'', car ''«&nbsp;pour la démocratie et la coalition se déclaraient les soviets des régions les plus arriérées et des localités les moins importantes&nbsp;»''.
    
Le congrès débute tôt le matin par des réunions des fractions qui s'éternisent. Tous attendent le dénouement du siège du Palais d’hiver, les bolchéviks (dont beaucoup de cadres sont absents et occupés par l'insurrection) mais aussi les autres groupes, qui sont fortement divisés. A 20h le soir, les [[Mencheviks|mencheviks]] réclament un nouveau délai.
 
Le congrès débute tôt le matin par des réunions des fractions qui s'éternisent. Tous attendent le dénouement du siège du Palais d’hiver, les bolchéviks (dont beaucoup de cadres sont absents et occupés par l'insurrection) mais aussi les autres groupes, qui sont fortement divisés. A 20h le soir, les [[Mencheviks|mencheviks]] réclament un nouveau délai.
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===Début du plénier, élection du bureau===
 
===Début du plénier, élection du bureau===
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Trotsky décrit ainsi l'entrée des délégués pour le plénier&nbsp;:
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Trotski décrit ainsi l'entrée des délégués pour le plénier&nbsp;:
 
<blockquote>''«&nbsp;La révolution enseignait l'art de la compression. Les délégués, les visiteurs, les gardiens s'entassaient (...). Les avertissements donnés au sujet d'un effondrement possible du plancher n'avaient pas plus d'effet que les invites à moins fumer. Tous se bousculaient et fumaient de plus belle. C'est avec peine que [[John_Reed|John Reed]] se fraya un chemin à travers la multitude qui grondait devant la porte. La salle n'était pas chauffée, mais l'air était lourd et brûlant. &nbsp;»''</blockquote>  
 
<blockquote>''«&nbsp;La révolution enseignait l'art de la compression. Les délégués, les visiteurs, les gardiens s'entassaient (...). Les avertissements donnés au sujet d'un effondrement possible du plancher n'avaient pas plus d'effet que les invites à moins fumer. Tous se bousculaient et fumaient de plus belle. C'est avec peine que [[John_Reed|John Reed]] se fraya un chemin à travers la multitude qui grondait devant la porte. La salle n'était pas chauffée, mais l'air était lourd et brûlant. &nbsp;»''</blockquote>  
 
Ce sont des membres de [[VTsIK|l'exécutif]] sortant qui président pour l'instant. A la tribune, les principaux orateurs conciliateurs ([[Tseretelli|Tseretelli]], [[Tchkhéidzé|Tchkhéidzé]], [[Tchernov|Tchernov]]) ne se sont pas montrés. C'est [[Fiodor_Dan|Dan]] qui ouvre amèrement le congrès à 22h40, en avertissant qu'il ne fera pas de discours dans ces cironstances si exceptionnelles où ses camarades sont actuellement au palais d'Hiver, ''«&nbsp;exposés à la fusillade&nbsp;»'', ''«&nbsp;remplissant avec abnégation leur devoir de ministres&nbsp;»''.
 
Ce sont des membres de [[VTsIK|l'exécutif]] sortant qui président pour l'instant. A la tribune, les principaux orateurs conciliateurs ([[Tseretelli|Tseretelli]], [[Tchkhéidzé|Tchkhéidzé]], [[Tchernov|Tchernov]]) ne se sont pas montrés. C'est [[Fiodor_Dan|Dan]] qui ouvre amèrement le congrès à 22h40, en avertissant qu'il ne fera pas de discours dans ces cironstances si exceptionnelles où ses camarades sont actuellement au palais d'Hiver, ''«&nbsp;exposés à la fusillade&nbsp;»'', ''«&nbsp;remplissant avec abnégation leur devoir de ministres&nbsp;»''.
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Au nom des bolcheviks, [[Varlam_Avanessov|Avanessov]], délégué de Moscou, propose un bureau élu à la proportionnelle&nbsp;: 14 bolcheviks, 7 SR, 3 mencheviks, un [[Internationalistes_unifiés|internationaliste]]. La droite refuse immédiatement de faire partie du bureau. Le groupe de [[Martov|Martov]] s'abstient pour l'instant. Le bureau sera donc composé de 14 bolchéviks et 7 SR de gauche.
 
Au nom des bolcheviks, [[Varlam_Avanessov|Avanessov]], délégué de Moscou, propose un bureau élu à la proportionnelle&nbsp;: 14 bolcheviks, 7 SR, 3 mencheviks, un [[Internationalistes_unifiés|internationaliste]]. La droite refuse immédiatement de faire partie du bureau. Le groupe de [[Martov|Martov]] s'abstient pour l'instant. Le bureau sera donc composé de 14 bolchéviks et 7 SR de gauche.
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Parmi les bolchéviks, on comptait&nbsp;: [[Lenine|Lenine]], [[Trotsky|Trotsky]], [[Zinoviev|Zinoviev]], [[Kamenev|Kamenev]], [[Rykov|Rykov]], [[Noguine|Noguine]], [[Ephraim_Sklyansky|Skliansky]], [[Krylenko|Krylenko]], [[Antonov-Ovseenko|Antonov-Ovseenko]], [[Riazanov|Riazanov]], [[Nicolaï_Mouralov|Mouralov]], [[Lounatcharsky|Lounatcharsky]], [[Kollontaï|Kollontaï]] et [[Pēteris_Stučka|Stoutchka]]. Il y avait donc plusieurs cadres qui s'étaient pourtant opposés à l'insurrection ([[Zinoviev|Zinoviev]], [[Kamenev|Kamenev]], [[Noguine|Noguine]], [[Rykov|Rykov]], [[Lounatcharsky|Lounatcharsky]], [[Riazanov|Riazanov]]), ce qui d'après les mots de [[Trotsky|Trotsky]] est ''«&nbsp;caractéristique pour les mœurs d'alors du parti&nbsp;»''. Pour les SR de gauche, on ne comptait que [[Maria_Spiridonova|Maria Spiridonova]] comme figure célèbre.
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Parmi les bolchéviks, on comptait&nbsp;: [[Lenine|Lenine]], [[Trotski|Trotski]], [[Zinoviev|Zinoviev]], [[Kamenev|Kamenev]], [[Rykov|Rykov]], [[Noguine|Noguine]], [[Ephraim_Sklyansky|Skliansky]], [[Krylenko|Krylenko]], [[Antonov-Ovseenko|Antonov-Ovseenko]], [[Riazanov|Riazanov]], [[Nicolaï_Mouralov|Mouralov]], [[Lounatcharsky|Lounatcharsky]], [[Kollontaï|Kollontaï]] et [[Pēteris_Stučka|Stoutchka]]. Il y avait donc plusieurs cadres qui s'étaient pourtant opposés à l'insurrection ([[Zinoviev|Zinoviev]], [[Kamenev|Kamenev]], [[Noguine|Noguine]], [[Rykov|Rykov]], [[Lounatcharsky|Lounatcharsky]], [[Riazanov|Riazanov]]), ce qui d'après les mots de [[Trotski|Trotski]] est ''«&nbsp;caractéristique pour les mœurs d'alors du parti&nbsp;»''. Pour les SR de gauche, on ne comptait que [[Maria_Spiridonova|Maria Spiridonova]] comme figure célèbre.
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[[Lénine|Lénine]] est présent mais n’apparaît pas encore publiquement. Il est déguisé avec une perruque et de grosses lunettes, et se tient dans une salle latérale, informé par des cadres bolchéviks. [[Trotsky|Trotsky]] raconte&nbsp;: ''«&nbsp;Se rendant à leur fraction, [[Fiodor_Dan|Dan]] et [[Skobelev|Skobelev]] s'arrêtèrent devant la table des conspirateurs, dévisagèrent attentivement Lenine et le reconnurent de toute évidence.&nbsp;»'' Il raconte également&nbsp;: ''«&nbsp;quelqu'un vint étendre sur le plancher des couvertures et y posa deux oreillers. Vladimir Illitch et moi reposâmes, couchés côte à côte. Mais quelques minutes après, on m'appela&nbsp;: "Dan a pris la parole, il faut répondre." Revenu après ma réplique, je me couchai de nouveau à côté de Vladimir Illitch qui, bien entendu, ne songeait pas à s'endormir. (...) Toutes les cinq ou dix minutes, quelqu'un accourait de la salle des séances pour communiquer ce qui s'y passait.&nbsp;»''
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[[Lénine|Lénine]] est présent mais n’apparaît pas encore publiquement. Il est déguisé avec une perruque et de grosses lunettes, et se tient dans une salle latérale, informé par des cadres bolchéviks. [[Trotski|Trotski]] raconte&nbsp;: ''«&nbsp;Se rendant à leur fraction, [[Fiodor_Dan|Dan]] et [[Skobelev|Skobelev]] s'arrêtèrent devant la table des conspirateurs, dévisagèrent attentivement Lenine et le reconnurent de toute évidence.&nbsp;»'' Il raconte également&nbsp;: ''«&nbsp;quelqu'un vint étendre sur le plancher des couvertures et y posa deux oreillers. Vladimir Illitch et moi reposâmes, couchés côte à côte. Mais quelques minutes après, on m'appela&nbsp;: "Dan a pris la parole, il faut répondre." Revenu après ma réplique, je me couchai de nouveau à côté de Vladimir Illitch qui, bien entendu, ne songeait pas à s'endormir. (...) Toutes les cinq ou dix minutes, quelqu'un accourait de la salle des séances pour communiquer ce qui s'y passait.&nbsp;»''
    
[[Kamenev|Kamenev]], qui prend la relève de la présidence, annonce un ordre du jour en 3 points&nbsp;: l'organisation du pouvoir&nbsp;; la guerre et la paix&nbsp;; la convocation de l'Assemblée constituante.
 
[[Kamenev|Kamenev]], qui prend la relève de la présidence, annonce un ordre du jour en 3 points&nbsp;: l'organisation du pouvoir&nbsp;; la guerre et la paix&nbsp;; la convocation de l'Assemblée constituante.
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Parmi l'aile droite, environ 70 délégués quittent le congrès, c'est-à-dire un peu plus de la moitié. Eux-qui restent en toute circonstance dans les organes de conciliation avec la bourgeoisie comme le [[Pré-parlement_(Russie)|pré-parlement]], n'ont pas de problème à rompre avec les soviets lorsque ceux-ci veulent rompre avec l'ordre ancien. Les hésitants rejoignent en général le groupe des SR de gauche, qui se retrouve plus large qu'à l'ouverture du congrès. Parmi les SR, la résolution de quitter le congrès est repoussée par 92 voix contre 60. C'est à partir de ce moment-là que la scission dans le parti SR sera effective. Les deux blocs se réuniront dès lors dans des salles différentes (et le parti SR de gauche sera créé quelques jours après).
 
Parmi l'aile droite, environ 70 délégués quittent le congrès, c'est-à-dire un peu plus de la moitié. Eux-qui restent en toute circonstance dans les organes de conciliation avec la bourgeoisie comme le [[Pré-parlement_(Russie)|pré-parlement]], n'ont pas de problème à rompre avec les soviets lorsque ceux-ci veulent rompre avec l'ordre ancien. Les hésitants rejoignent en général le groupe des SR de gauche, qui se retrouve plus large qu'à l'ouverture du congrès. Parmi les SR, la résolution de quitter le congrès est repoussée par 92 voix contre 60. C'est à partir de ce moment-là que la scission dans le parti SR sera effective. Les deux blocs se réuniront dès lors dans des salles différentes (et le parti SR de gauche sera créé quelques jours après).
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Malgré la démonstration que l'aile droite n'avait aucune intention de trouver un accord avec les bolchéviks, Martov s'obstine dans sa démarche. Il lit une déclaration condamnant l'insurrection comme un complot réalisé par les bolchéviks seuls, et exigeant la suspension des travaux du congrès jusqu'à une entente avec ''«&nbsp;tous les partis socialistes&nbsp;»''. Trotsky lui fait alors une réponse cinglante:
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Malgré la démonstration que l'aile droite n'avait aucune intention de trouver un accord avec les bolchéviks, Martov s'obstine dans sa démarche. Il lit une déclaration condamnant l'insurrection comme un complot réalisé par les bolchéviks seuls, et exigeant la suspension des travaux du congrès jusqu'à une entente avec ''«&nbsp;tous les partis socialistes&nbsp;»''. Trotski lui fait alors une réponse cinglante:
 
<blockquote>''«&nbsp;Ce qui est arrivé, c'est une insurrection, et non point un complot. Le soulèvement des masses populaires n'a pas besoin de justification. Nous avons donné de la trempe à l'énergie révolutionnaire des ouvriers et des soldats de Petrograd. Nous avons ouvertement forgé la volonté des masses pour l'insurrection et non pour un complot... Notre insurrection a vaincu et maintenant l'on nous fait une proposition&nbsp;: renoncez à votre victoire, concluez un accord. Avec qui&nbsp;? Je le demande&nbsp;: avec qui devons-nous conclure un accord&nbsp;? Avec les misérables petits groupes qui sont sortis d'ici&nbsp;?... Mais nous les avons vus tout entiers. Il n'y a plus personne derrière eux en Russie. Avec eux devraient conclure un accord, comme d'égaux à égaux, les millions d'ouvriers et de paysans, représentés à ce congrès, que ceux-là, non pour la première fois, sont tout disposés à livrer à la merci de la bourgeoisie&nbsp;? Non, ici l'accord ne vaut rien&nbsp;! A ceux qui sont sortis d'ici comme à ceux qui se présentent avec des propositions pareilles, nous devons dire&nbsp;: vous êtes de lamentables isolés, vous êtes des banqueroutiers, votre rôle est joué, rendez-vous là où votre classe est désormais&nbsp;: dans la poubelle de l'histoire&nbsp;! &nbsp;»''</blockquote>  
 
<blockquote>''«&nbsp;Ce qui est arrivé, c'est une insurrection, et non point un complot. Le soulèvement des masses populaires n'a pas besoin de justification. Nous avons donné de la trempe à l'énergie révolutionnaire des ouvriers et des soldats de Petrograd. Nous avons ouvertement forgé la volonté des masses pour l'insurrection et non pour un complot... Notre insurrection a vaincu et maintenant l'on nous fait une proposition&nbsp;: renoncez à votre victoire, concluez un accord. Avec qui&nbsp;? Je le demande&nbsp;: avec qui devons-nous conclure un accord&nbsp;? Avec les misérables petits groupes qui sont sortis d'ici&nbsp;?... Mais nous les avons vus tout entiers. Il n'y a plus personne derrière eux en Russie. Avec eux devraient conclure un accord, comme d'égaux à égaux, les millions d'ouvriers et de paysans, représentés à ce congrès, que ceux-là, non pour la première fois, sont tout disposés à livrer à la merci de la bourgeoisie&nbsp;? Non, ici l'accord ne vaut rien&nbsp;! A ceux qui sont sortis d'ici comme à ceux qui se présentent avec des propositions pareilles, nous devons dire&nbsp;: vous êtes de lamentables isolés, vous êtes des banqueroutiers, votre rôle est joué, rendez-vous là où votre classe est désormais&nbsp;: dans la poubelle de l'histoire&nbsp;! &nbsp;»''</blockquote>  
 
''«&nbsp;Alors, nous sortons&nbsp;!&nbsp;»'' crie Martov. Son allié [[Soukhanov|Soukhanov]] convoque une réunion de fraction et tente de refuser le départ, mais par 14 voix contre 12, Martov l'emporte.
 
''«&nbsp;Alors, nous sortons&nbsp;!&nbsp;»'' crie Martov. Son allié [[Soukhanov|Soukhanov]] convoque une réunion de fraction et tente de refuser le départ, mais par 14 voix contre 12, Martov l'emporte.
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===Concessions aux SR de gauche===
 
===Concessions aux SR de gauche===
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Trotsky propose une motion&nbsp;:
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Trotski propose une motion&nbsp;:
 
<blockquote>«&nbsp;Le 2<sup>e</sup> Congrès doit constater que le départ des mencheviks et des SR est une tentative criminelle et sans espoir de briser la représentativité de cette assemblée au moment où les masses s’efforcent de défendre la révolution contre les attaques de la contre-révolution&nbsp;»</blockquote>  
 
<blockquote>«&nbsp;Le 2<sup>e</sup> Congrès doit constater que le départ des mencheviks et des SR est une tentative criminelle et sans espoir de briser la représentativité de cette assemblée au moment où les masses s’efforcent de défendre la révolution contre les attaques de la contre-révolution&nbsp;»</blockquote>  
Le SR de gauche [[Boris_Kamkov|Kamkov]] prend alors la parole. Il assume la scission avec les SR de droite, mais déclare que ses partisans aussi estiment indispensable de réaliser un front unique révolutionnaire et se prononcent contre la violente résolution de Trotsky qui ferme les portes à un accord avec la démocratie modérée. Les bolchéviks n'insistent pas sur la motion de Trotsky. [[Lounatcharsky|Lounatcharsky]] intervient pour apaiser et rappeler que les bolchéviks ne se sont pas opposés à ce front unique mais que ce sont les autres groupes qui ont décliné.
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Le SR de gauche [[Boris_Kamkov|Kamkov]] prend alors la parole. Il assume la scission avec les SR de droite, mais déclare que ses partisans aussi estiment indispensable de réaliser un front unique révolutionnaire et se prononcent contre la violente résolution de Trotski qui ferme les portes à un accord avec la démocratie modérée. Les bolchéviks n'insistent pas sur la motion de Trotski. [[Lounatcharsky|Lounatcharsky]] intervient pour apaiser et rappeler que les bolchéviks ne se sont pas opposés à ce front unique mais que ce sont les autres groupes qui ont décliné.
    
Après 2 heures du matin (du 26), le praesidium déclare la séance suspendue pour une demi-heure.
 
Après 2 heures du matin (du 26), le praesidium déclare la séance suspendue pour une demi-heure.
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Lors de la reprise, [[Kamenev|Kamenev]] peut lire à la tribune un téléphonogramme que l'on vient de recevoir d'[[Vladimir_Antonov-Ovseïenko|Antonov]]&nbsp;: le palais d'Hiver a été pris par les troupes du [[Comité_militaire_révolutionnaire|Comité militaire révolutionnaire]], et à l'exception de [[Kerensky|Kerensky]], tout le [[Gouvernement_provisoire_russe|gouvernement provisoire]] a été arrêté. Le pouvoir est désormais aux mains des soviets. La nouvelle déclenche de profonds applaudissements, mais aussi quelques inquiétudes apès ce grand saut historique.
 
Lors de la reprise, [[Kamenev|Kamenev]] peut lire à la tribune un téléphonogramme que l'on vient de recevoir d'[[Vladimir_Antonov-Ovseïenko|Antonov]]&nbsp;: le palais d'Hiver a été pris par les troupes du [[Comité_militaire_révolutionnaire|Comité militaire révolutionnaire]], et à l'exception de [[Kerensky|Kerensky]], tout le [[Gouvernement_provisoire_russe|gouvernement provisoire]] a été arrêté. Le pouvoir est désormais aux mains des soviets. La nouvelle déclenche de profonds applaudissements, mais aussi quelques inquiétudes apès ce grand saut historique.
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Un SR de gauche proteste contre l'arrestation des ministres socialistes. Le représentant des [[Internationalistes_unifiés|internationalistes unifiés]] s'alarme&nbsp;: il ne faudrait pas tout de même que le ministre de l'Agriculture, Maslov, se retrouve dans la même cellule que celle où il a séjourné sous la monarchie. [[Trotsky|Trotsky]] (qui a été dans la même prison de Kresty sous le tsar et du temps du ministre Maslov...) répond que ''«&nbsp;le gouvernement doit être traduit devant un tribunal, avant tout pour sa liaison incontestable avec Kornilov&nbsp;»'', et que ''«&nbsp;les ministres socialistes seront seulement gardés à vue dans leurs domiciles&nbsp;»''.
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Un SR de gauche proteste contre l'arrestation des ministres socialistes. Le représentant des [[Internationalistes_unifiés|internationalistes unifiés]] s'alarme&nbsp;: il ne faudrait pas tout de même que le ministre de l'Agriculture, Maslov, se retrouve dans la même cellule que celle où il a séjourné sous la monarchie. [[Trotski|Trotski]] (qui a été dans la même prison de Kresty sous le tsar et du temps du ministre Maslov...) répond que ''«&nbsp;le gouvernement doit être traduit devant un tribunal, avant tout pour sa liaison incontestable avec Kornilov&nbsp;»'', et que ''«&nbsp;les ministres socialistes seront seulement gardés à vue dans leurs domiciles&nbsp;»''.
    
Le Congrès apprend à ce moment que le 3<sup>e</sup> bataillon de motocyclistes, que Kerensky a fait marcher sur Petrograd, s'est rangé du côté du peuple révolutionnaire. Le congrès est maintenant saisi d'un enthousiasme sans mélange et sans retenue.
 
Le Congrès apprend à ce moment que le 3<sup>e</sup> bataillon de motocyclistes, que Kerensky a fait marcher sur Petrograd, s'est rangé du côté du peuple révolutionnaire. Le congrès est maintenant saisi d'un enthousiasme sans mélange et sans retenue.
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Organisé la nuit, un Etat-major provisoire s'occupa de la défense de Petrograd en cas d'offensive de Kerensky. Au central des téléphones, où les employés refusent de servir le nouveau pouvoir, on expédie des téléphonistes militaires. Au front et en province on expédiait des agitateurs et des organisateurs. On invite les armées à créer leurs comités militaires révolutionnaires, les soviets à se prononcer... Dans le courant de la journée on apprit que [[Kornilov|Kornilov]] était en fuite.
 
Organisé la nuit, un Etat-major provisoire s'occupa de la défense de Petrograd en cas d'offensive de Kerensky. Au central des téléphones, où les employés refusent de servir le nouveau pouvoir, on expédie des téléphonistes militaires. Au front et en province on expédiait des agitateurs et des organisateurs. On invite les armées à créer leurs comités militaires révolutionnaires, les soviets à se prononcer... Dans le courant de la journée on apprit que [[Kornilov|Kornilov]] était en fuite.
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Comme&nbsp;le [[Palais_de_Tauride|palais de Tauride]] en Février, Smolny était devenu soudain le centre de toutes les fonctions de la capitale et de l’Etat. Là siégeaient toutes les institutions dirigeantes. De là partaient les décisions, ou bien c'est là que l'on venait en chercher. C'est là que l'on réclamait des armes, c'est là qu'on livrait des fusils et des revolvers confisqués aux ennemis. De différents points de la ville on amenait des personnages arrêtés. [[Trotsky|Trotsky]] décrit ainsi l'agitation révolutionnaire se cristallisant en un nouveau pouvoir&nbsp;:
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Comme&nbsp;le [[Palais_de_Tauride|palais de Tauride]] en Février, Smolny était devenu soudain le centre de toutes les fonctions de la capitale et de l’Etat. Là siégeaient toutes les institutions dirigeantes. De là partaient les décisions, ou bien c'est là que l'on venait en chercher. C'est là que l'on réclamait des armes, c'est là qu'on livrait des fusils et des revolvers confisqués aux ennemis. De différents points de la ville on amenait des personnages arrêtés. [[Trotski|Trotski]] décrit ainsi l'agitation révolutionnaire se cristallisant en un nouveau pouvoir&nbsp;:
 
<blockquote>''«&nbsp;Depuis la création du monde, jamais encore autant d'ordres n'avaient été lancés, oralement, au crayon, à la machine, par fil, l'un cherchant à rattraper l'autre, - des milliers et des myriades d'ordres, - non toujours envoyés par ceux qui avaient le droit de commander et rarement reçus par ceux qui étaient en état d'exécuter. Mais le miracle c'était que, dans ce remous de folie, il y avait un sens profond, que les gens s'ingéniaient à se comprendre entre eux, que le plus important et le plus indispensable était tout de même mis à exécution, que, pour remplacer le vieil appareil de direction, les premiers fils d'une direction nouvelle étaient tendus&nbsp;: la révolution se renforçait. &nbsp;»''</blockquote>  
 
<blockquote>''«&nbsp;Depuis la création du monde, jamais encore autant d'ordres n'avaient été lancés, oralement, au crayon, à la machine, par fil, l'un cherchant à rattraper l'autre, - des milliers et des myriades d'ordres, - non toujours envoyés par ceux qui avaient le droit de commander et rarement reçus par ceux qui étaient en état d'exécuter. Mais le miracle c'était que, dans ce remous de folie, il y avait un sens profond, que les gens s'ingéniaient à se comprendre entre eux, que le plus important et le plus indispensable était tout de même mis à exécution, que, pour remplacer le vieil appareil de direction, les premiers fils d'une direction nouvelle étaient tendus&nbsp;: la révolution se renforçait. &nbsp;»''</blockquote>  
 
===''«&nbsp;Edifier l'ordre socialiste&nbsp;»'', la paix et la terre===
 
===''«&nbsp;Edifier l'ordre socialiste&nbsp;»'', la paix et la terre===
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Le dernier point est la formation du nouveau gouvernement. [[Kamenev|Kamenev]] lit le projet élaboré par le Comité Central bolchevik. L'administration des divers domaines de la vie étatique est confiée à des commissions qui doivent travailler à réaliser le programme annoncé par le congrès - ''«&nbsp;en étroite union avec les organisations de masse des ouvriers, des ouvrières, des matelots, des soldats, des paysans et des employés&nbsp;»''. Le pouvoir gouvernemental est concentré entre les mains d'un collège formé des présidents de ces commissions, sous le nom de ''«&nbsp;Soviet des Commissaires du Peuple&nbsp;»''. Le contrôle sur l'activité du gouvernement appartient au congrès des soviets et à son comité exécutif central.
 
Le dernier point est la formation du nouveau gouvernement. [[Kamenev|Kamenev]] lit le projet élaboré par le Comité Central bolchevik. L'administration des divers domaines de la vie étatique est confiée à des commissions qui doivent travailler à réaliser le programme annoncé par le congrès - ''«&nbsp;en étroite union avec les organisations de masse des ouvriers, des ouvrières, des matelots, des soldats, des paysans et des employés&nbsp;»''. Le pouvoir gouvernemental est concentré entre les mains d'un collège formé des présidents de ces commissions, sous le nom de ''«&nbsp;Soviet des Commissaires du Peuple&nbsp;»''. Le contrôle sur l'activité du gouvernement appartient au congrès des soviets et à son comité exécutif central.
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Ces 15 candidats, 4 ouvriers et 11 intellectuels, avaient dans leur passé des années d'emprisonnement, de déportation et d'émigration. [[John_Reed|Reed]] témoigne&nbsp;: ''«&nbsp;Lorsque Kamenev lut la liste des Commissaires du Peuple des applaudissements éclatèrent coup sur coup, après chaque nom, et particulièrement après ceux de Lenine et de Trotsky&nbsp;»''. [[Soukhanov|Soukhanov]] ajoute à ces noms celui de [[Lounatcharsky|Lounatcharsky]].
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Ces 15 candidats, 4 ouvriers et 11 intellectuels, avaient dans leur passé des années d'emprisonnement, de déportation et d'émigration. [[John_Reed|Reed]] témoigne&nbsp;: ''«&nbsp;Lorsque Kamenev lut la liste des Commissaires du Peuple des applaudissements éclatèrent coup sur coup, après chaque nom, et particulièrement après ceux de Lenine et de Trotski&nbsp;»''. [[Soukhanov|Soukhanov]] ajoute à ces noms celui de [[Lounatcharsky|Lounatcharsky]].
    
Le représentant des [[Internationalistes_unifiés|internationalistes unifiés]], [[Nikolai_Glebov-Avilov|Avilov]], fait un long discours pour expliquer les difficultés de la situation et la nécessité d'un gouvernement de coalition de tous les démocrates, donc avec ceux qui constituaient en ce moment même un Comité de Salut Public à la Douma municipale. Il soutenait notamment que vu la pénurie de pain, il fallait un gouvernement qui ait la confiance non seulement des paysans pauvres, mais aussi des paysans riches.
 
Le représentant des [[Internationalistes_unifiés|internationalistes unifiés]], [[Nikolai_Glebov-Avilov|Avilov]], fait un long discours pour expliquer les difficultés de la situation et la nécessité d'un gouvernement de coalition de tous les démocrates, donc avec ceux qui constituaient en ce moment même un Comité de Salut Public à la Douma municipale. Il soutenait notamment que vu la pénurie de pain, il fallait un gouvernement qui ait la confiance non seulement des paysans pauvres, mais aussi des paysans riches.
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Pour les [[SR_de_gauche|SR de gauche]], [[Kareline|Kareline]] intervient dans le même sens, pour une coalition avec ceux qui ont quitté le congrès. Mais il prend soin d'affirmer que ''«&nbsp;les bolchéviks ne sont pas responsables de leur sortie&nbsp;»''. Il précise même&nbsp;: ''«&nbsp;Nous ne voulons pas marcher dans la voie d'un isolement des bolcheviks, car nous comprenons qu'au sort de derniers se rattache celui de toute la révolution&nbsp;: leur perte est celle de la révolution même.&nbsp;»'' En conclusion, il annonce que les SR de gauche vont voter contre la composition du nouveau gouvernement, mais seulement pour mieux pouvoir faire la médiation avec les autres socialistes et les appeler à rejoindre le gouvernement.
 
Pour les [[SR_de_gauche|SR de gauche]], [[Kareline|Kareline]] intervient dans le même sens, pour une coalition avec ceux qui ont quitté le congrès. Mais il prend soin d'affirmer que ''«&nbsp;les bolchéviks ne sont pas responsables de leur sortie&nbsp;»''. Il précise même&nbsp;: ''«&nbsp;Nous ne voulons pas marcher dans la voie d'un isolement des bolcheviks, car nous comprenons qu'au sort de derniers se rattache celui de toute la révolution&nbsp;: leur perte est celle de la révolution même.&nbsp;»'' En conclusion, il annonce que les SR de gauche vont voter contre la composition du nouveau gouvernement, mais seulement pour mieux pouvoir faire la médiation avec les autres socialistes et les appeler à rejoindre le gouvernement.
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C'est [[Trotsky|<span class="mw-redirect">Trotsky</span>]] qui est chargé de la réponse à [[Nikolai_Glebov-Avilov|Avilov]] et [[Kareline|Kareline]] au nom des bolchéviks. Il répond que les bolchéviks ne pas isolés, malgré l'hostilité de nombreux petits groupes qui eux se sont vidés et coupés des masses. Il montre en prenant chaque sujet comment la coalition avec ceux qui ne voulaient pas aller de l'avant était seulement source de faiblesse, et comment ce sont les actes des conciliateurs qui rendent impossibles la coalition&nbsp;:
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C'est [[Trotski|<span class="mw-redirect">Trotski</span>]] qui est chargé de la réponse à [[Nikolai_Glebov-Avilov|Avilov]] et [[Kareline|Kareline]] au nom des bolchéviks. Il répond que les bolchéviks ne pas isolés, malgré l'hostilité de nombreux petits groupes qui eux se sont vidés et coupés des masses. Il montre en prenant chaque sujet comment la coalition avec ceux qui ne voulaient pas aller de l'avant était seulement source de faiblesse, et comment ce sont les actes des conciliateurs qui rendent impossibles la coalition&nbsp;:
 
<blockquote>''«&nbsp;On dit que la scission de la démocratie provient d'un malentendu. Lorsque Kerensky envoie contre nous des bataillons de choc, lorsque, avec l'assentiment du comité exécutif central, nous avons nos communications téléphoniques coupées au moment le plus grave de notre lutte contre la bourgeoisie, lorsque l'on nous assène coups sur coups - peut-on encore parler d'un malentendu&nbsp;? &nbsp;»''</blockquote>  
 
<blockquote>''«&nbsp;On dit que la scission de la démocratie provient d'un malentendu. Lorsque Kerensky envoie contre nous des bataillons de choc, lorsque, avec l'assentiment du comité exécutif central, nous avons nos communications téléphoniques coupées au moment le plus grave de notre lutte contre la bourgeoisie, lorsque l'on nous assène coups sur coups - peut-on encore parler d'un malentendu&nbsp;? &nbsp;»''</blockquote>  
Trotsky conclut en soulignant que la seule voix est dans la [[Révolution_mondiale|révolution mondiale]]. ''«&nbsp;Ou bien la Révolution russe soulèvera le tourbillon de la lutte en Occident, ou bien les capitalistes de tous les pays étoufferont notre révolution.&nbsp;»'' [[John_Silas_Reed|Reed]] témoigne&nbsp;: ''«&nbsp;Les délégués du congrès saluèrent ce discours de longues salves d'applaudissements, s'enflammant à l’idée audacieuse d'une défense de l'humanité.&nbsp;»''
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Trotski conclut en soulignant que la seule voix est dans la [[Révolution_mondiale|révolution mondiale]]. ''«&nbsp;Ou bien la Révolution russe soulèvera le tourbillon de la lutte en Occident, ou bien les capitalistes de tous les pays étoufferont notre révolution.&nbsp;»'' [[John_Silas_Reed|Reed]] témoigne&nbsp;: ''«&nbsp;Les délégués du congrès saluèrent ce discours de longues salves d'applaudissements, s'enflammant à l’idée audacieuse d'une défense de l'humanité.&nbsp;»''
    
Un représentant de la puissante centrale syndicale des cheminots (''[[Vikhjel|Vikhjel]]'') réclame ensuite la parole. Il se plaint de ne pas avoir été invité au congrès. On proteste alors de tous côtés&nbsp;: c'est le [[Comité_exécutif_central_pan-russe|comité exécutif]] sortant qui ne les a pas invités. L'orateur lit un ultimatum qui a déjà été expédié par télégrammes dans tout le pays&nbsp;: le ''Vikjel'' condamne la prise du pouvoir par un seul parti; en attendant la création d'un pouvoir démocratique, le ''Vikjel'' seul reste maître du réseau ferroviaire. L'orateur ajoute qu'il ne reconnait que le [[Comité_exécutif_central_panrusse|comité exécutif central]] tel qu'il était précédemment composé. En cas de répression à l'égard des cheminots, le ''Vikjel'' arrêterait le ravitaillement de Petrograd&nbsp;! Beaucoup sont choqués par ce chantage d'un secteur qui s'appuie sur son importance stratégique, mais pas forcément sur sa représentativité numérique. [[Kamenev|Kamenev]] déclare fermement&nbsp;: ''«&nbsp;Il ne peut être nullement question de dire que le congrès ne serait pas régulier. Le quorum du congrès a été établi non par nous, mais par l'ancien Comité exécutif central... Le congrès est l'organe suprême des masses d'ouvriers et de soldats&nbsp;»''.
 
Un représentant de la puissante centrale syndicale des cheminots (''[[Vikhjel|Vikhjel]]'') réclame ensuite la parole. Il se plaint de ne pas avoir été invité au congrès. On proteste alors de tous côtés&nbsp;: c'est le [[Comité_exécutif_central_pan-russe|comité exécutif]] sortant qui ne les a pas invités. L'orateur lit un ultimatum qui a déjà été expédié par télégrammes dans tout le pays&nbsp;: le ''Vikjel'' condamne la prise du pouvoir par un seul parti; en attendant la création d'un pouvoir démocratique, le ''Vikjel'' seul reste maître du réseau ferroviaire. L'orateur ajoute qu'il ne reconnait que le [[Comité_exécutif_central_panrusse|comité exécutif central]] tel qu'il était précédemment composé. En cas de répression à l'égard des cheminots, le ''Vikjel'' arrêterait le ravitaillement de Petrograd&nbsp;! Beaucoup sont choqués par ce chantage d'un secteur qui s'appuie sur son importance stratégique, mais pas forcément sur sa représentativité numérique. [[Kamenev|Kamenev]] déclare fermement&nbsp;: ''«&nbsp;Il ne peut être nullement question de dire que le congrès ne serait pas régulier. Le quorum du congrès a été établi non par nous, mais par l'ancien Comité exécutif central... Le congrès est l'organe suprême des masses d'ouvriers et de soldats&nbsp;»''.
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==Notes et sources==
 
==Notes et sources==
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*Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr48.htm Histoire de la révolution russe - 48. Le congrès de la dictature soviétique]'', 1930
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*Léon Trotski, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr48.htm Histoire de la révolution russe - 48. Le congrès de la dictature soviétique]'', 1930
 
*Documents sur Marxists.org [https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/10/2-co-so/vil19171025-00.htm en français], et [https://www.marxists.org/archive/lenin/works/1917/oct/25-26/index.htm en anglais]
 
*Documents sur Marxists.org [https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/10/2-co-so/vil19171025-00.htm en français], et [https://www.marxists.org/archive/lenin/works/1917/oct/25-26/index.htm en anglais]
  

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