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[[File:Bolcheviks 1920.jpg|right|426x305px|Réunion de Bolchéviks en 1920. Lénine est à droite.]]La '''fraction bolchévique''' naît en 1903 d’une scission au sein du [[Parti_ouvrier_social-démocrate_de_Russie|Parti ouvrier social-démocrate de Russie]] (le parti des marxistes russes), en s'opposant à la fraction [[Menchévique|menchévique]]. Il devient définitivement un parti distinct à partir de 1912.
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[[File:Bolcheviks 1920.jpg|426x305px|Réunion de Bolchéviks en 1920. Lénine est à droite.|alt=|vignette]]La '''fraction bolchévique''' naît en 1903 d’une scission au sein du [[Parti_ouvrier_social-démocrate_de_Russie|Parti ouvrier social-démocrate de Russie]] (le parti des marxistes russes), en s'opposant à la fraction [[Menchévique|menchévique]]. Il devient définitivement un parti distinct à partir de 1912.
    
En 1917, le '''Parti bolchévik''' monta rapidement en puissance face aux modérés et dirigea la [[Révolution_d'Octobre|révolution d'Octobre]]. Il devient alors le parti dirigeant la [[Russie_soviétique|Russie soviétique]], et devient le [[Parti_communiste_de_Russie|Parti communiste de Russie]] à partir de 1918.
 
En 1917, le '''Parti bolchévik''' monta rapidement en puissance face aux modérés et dirigea la [[Révolution_d'Octobre|révolution d'Octobre]]. Il devient alors le parti dirigeant la [[Russie_soviétique|Russie soviétique]], et devient le [[Parti_communiste_de_Russie|Parti communiste de Russie]] à partir de 1918.
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Vers la fin du 19<sup>e</sup> siècle, les idées marxistes se diffusent en Russie et sont discutées par plusieurs groupes militants. Le mouvement russe était alors constitué de cercles isolés, de regroupement régionaux discrets, de groupes d’usines sans coordination entre eux, etc. Il n’y avait pas de centre.
 
Vers la fin du 19<sup>e</sup> siècle, les idées marxistes se diffusent en Russie et sont discutées par plusieurs groupes militants. Le mouvement russe était alors constitué de cercles isolés, de regroupement régionaux discrets, de groupes d’usines sans coordination entre eux, etc. Il n’y avait pas de centre.
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Un premier congrès avait eu lieu en 1898 et n’avait pu aboutir réellement à une unification du [[Parti_ouvrier_social-démocrate_de_Russie|Parti ouvrier social-démocrate de Russie]]. En 1901, un groupe d'émigrés fonde un journal, l'''[[Iskra|Iskra]]'' (''L'Étincelle''), visant à centraliser les différents groupes socialistes et cercles ouvriers autour d'une solide théorie [[Marxiste|marxiste]] et d'une organisation efficace (le journal doit être diffusé clandestinement en Russie). Parmi eux, on trouve aussi bien le vétéran [[Plékhanov|Plékhanov]] que des jeunes, comme [[Martov|Martov]] et [[Lénine|Lénine]]. Ils polémiquent contre d'autres sensibilités présentes dans les cercles social-démocrates, comme les ''«&nbsp;[[Marxistes_légaux|marxistes légaux]]&nbsp;»'' et les ''«&nbsp;[[Économisme|économistes]]&nbsp;»''.
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Un [[Premier congrès du POSDR|premier congrès]] avait eu lieu en 1898 et n’avait pu aboutir réellement à une unification du [[Parti_ouvrier_social-démocrate_de_Russie|Parti ouvrier social-démocrate de Russie]]. En 1901, un groupe d'émigrés fonde un journal, l'''[[Iskra|Iskra]]'' (''L'Étincelle''), visant à centraliser les différents groupes socialistes et cercles ouvriers autour d'une solide théorie [[Marxiste|marxiste]] et d'une organisation efficace (le journal doit être diffusé clandestinement en Russie).  
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Le [[Second_congrès_du_POSDR|second congrès]], prévu pour 1903, devait pour la première fois établir et ramifier un parti dans toute la Russie. C’est pour les besoins de cet événement que [[Lénine|Lénine]] a écrit sa brochure de 1902, [[Que_Faire_?|''Que faire ?'']], au nom de toute la rédaction de l'''[[Iskra|Iskra]]''.
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L'''[[Iskra]]'' est créée par le travail en commun de vétérans ([[Plékhanov|Plékhanov]], [[Véra Zassoulitch|Zassoulitch]], [[Pavel Axelrod|Axelrod]]), et d'une jeune génération ([[Lénine]], [[Julius Martov|Martov]], [[Alexandre Potressov|Potressov]], rejoints un peu plus tard par [[Léon Trotsky|Trotski]]). Bien que des tensions émergent dès le début, le groupe fonctionne de 1900 à 1903. Il polémique contre d'autres sensibilités présentes dans les cercles social-démocrates, comme les ''«&nbsp;[[Marxistes_légaux|marxistes légaux]]&nbsp;»'' et les ''«&nbsp;[[Économisme (Russie)|économistes]]&nbsp;»''. Surtout, il prépare le [[Second_congrès_du_POSDR|second congrès]], prévu pour 1903, qui devait pour la première fois établir et ramifier un parti dans toute la Russie. C’est pour les besoins de cet événement que [[Lénine|Lénine]] a écrit sa brochure de 1902, [[Que_Faire_?|''Que faire ?'']], au nom de toute la rédaction.
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Lénine a joué un rôle majeur dans la diffusion des idées de l'''Iskra'', à la fois par ses textes, mais aussi et surtout par son travail obstiné d'organisation et de correspondance  (qui reposait dans la pratique beaucoup sur sa femme [[Nadejda Kroupskaïa|Kroupskaïa]]) avec les militants à travers la Russie. Il s'arrangeait pour avoir le plus de délégués possible, en pressant ses contacts en Russie d'être les plus actifs organisateurs, au détriment des autres courants social-démocrates.<ref>Tony Cliff, ''Lénine : 1893-1914. Construire le parti'', 1975</ref>
    
==La fraction bolchévique==
 
==La fraction bolchévique==
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===Le revirement de Plékhanov===
 
===Le revirement de Plékhanov===
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Se retrouvant en minorité, les ''«&nbsp;martovistes&nbsp;»'' menacent de scissionner. Sous pression, Plekhanov fait volte-face et exige, pour «&nbsp;l’unité&nbsp;», que la majorité au comité de rédaction de l’''[[Iskra|Iskra]] ''soit donnée aux partisans de Martov, ce qui sera fait. Lénine s'insurge, et fait valoir que s'il avait été minoritaire il serait resté à la rédaction en tant que minorité, sans faire de chantage à l'unité. Lénine tente pourtant activement d'éviter la scission, assurant des pleins droits démocratiques aux menchéviks. Mais ceux-ci refusent tout compromis avec ''«&nbsp;les léninistes&nbsp;»''. Ces derniers, eux, se désignent par les termes de ''«&nbsp;majorité&nbsp;»'' (''bolchinstvo'', en russe), ''«&nbsp;vainqueurs&nbsp;»'' (du congrès). Ils combattent la ligne de la nouvelle ''[[Iskra|Iskra]]'', appelant ses partisans les ''«&nbsp;néo-iskristes&nbsp;»''.<ref name="TermeBolch">Claudie Weill, [http://www.persee.fr/doc/cmr_0008-0160_1975_num_16_3_1243 ''A propos du terme bolchévisme''], 1975</ref>
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Se retrouvant en minorité, les ''«&nbsp;martovistes&nbsp;»'' menacent de scissionner. Sous pression, Plekhanov fait volte-face et exige, pour «&nbsp;l’unité&nbsp;», que la majorité au comité de rédaction de l’''[[Iskra|Iskra]] ''soit donnée aux partisans de Martov, ce qui sera fait. Lénine s'insurge, et fait valoir que s'il avait été minoritaire il serait resté à la rédaction en tant que minorité, sans faire de chantage à l'unité. Lénine tente pourtant activement d'éviter la scission, assurant des pleins droits démocratiques aux menchéviks. Mais ceux-ci refusent tout compromis avec ''«&nbsp;les léninistes&nbsp;»''. Ces derniers, eux, se désignent par les termes de ''«&nbsp;majorité&nbsp;»'' (''bolchinstvo'', en russe), ''«&nbsp;vainqueurs&nbsp;»'' (du congrès). Ils combattent la ligne de la nouvelle ''[[Iskra|Iskra]]'', appelant ses partisans les ''«&nbsp;néo-iskristes&nbsp;»''.<ref name="TermeBolch">Claudie Weill, [http://www.persee.fr/doc/cmr_0008-0160_1975_num_16_3_1243 ''A propos du terme bolchévisme''], 1975</ref>
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Lénine quitte alors la rédaction le 1<sup>er</sup> novembre 1903, et commence à organiser sa fraction le 17 novembre. Pendant plusieurs mois, Lénine hésite. Il reçoit énormément de courriers de ses partisans qui ne comprennent pas sa fermeté.
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Sous l'impulsion de [[Alexandre_Bogdanov|Bogdanov]], les bolchéviks lancent leur propre journal, ''[[Vperiod|Vperiod]]'' (''«&nbsp;En avant&nbsp;»''), en janvier 1905.
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Pendant tout l'année 1904, on insiste des deux côtés sur le fait que le clivage est plus profond que la question de l'organisation. C'est notamment ce que fait Lénine dans sa brochure ''Un pas en avant, deux pas en arrière''.<ref name="UnPasEnAvant">Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1904/05/vil19040500.htm Un pas en avant, deux pas en arrière]'', 1904</ref> [[Rosa_Luxemburg_et_les_bolchéviks|Rosa Luxemburg publie une critique de Lénine]], ''Questions d'organisation de la social-démocratie russe''.<ref>Rosa Luxemburg, ''[https://www.marxists.org/francais/luxembur/c_et_d/c_et_d_1.htm Questions d'organisation de la social-démocratie russe]'', 1904</ref> Les termes de bolchéviks / menchéviks ne seront employés par les martovistes que vers fin 1905.<ref name="TermeBolch" />
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En novembre 1904, Lénine organise sa fraction, et emploie les termes de bolchéviks (''«&nbsp;majoritaires&nbsp;»'') et [[Mencheviks|mencheviks]] (''«&nbsp;minoritaires&nbsp;»'', de ''menchinstvo'', ''«&nbsp;minorité&nbsp;»''). Sous l'impulsion de [[Alexandre_Bogdanov|Bogdanov]], les bolchéviks lancent leur propre journal, ''[[Vperiod|Vperiod]]'' (''«&nbsp;En avant&nbsp;»''). Pendant tout l'année 1904, on insiste des deux côtés sur le fait que le clivage est plus profond que la question de l'organisation. C'est notamment ce que fait Lénine dans sa brochure ''Un pas en avant, deux pas en arrière''.<ref name="UnPasEnAvant">Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1904/05/vil19040500.htm Un pas en avant, deux pas en arrière]'', 1904</ref> [[Rosa_Luxemburg_et_les_bolchéviks|Rosa Luxemburg publie une critique de Lénine]], ''Questions d'organisation de la social-démocratie russe''.<ref>Rosa Luxemburg, ''[https://www.marxists.org/francais/luxembur/c_et_d/c_et_d_1.htm Questions d'organisation de la social-démocratie russe]'', 1904</ref> Les termes de bolchéviks / menchéviks ne seront employés par les martovistes que vers fin 1905.<ref name="TermeBolch" />
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Les accusations fusent, les bolchéviks reproduiraient les travers des [[Blanquistes|blanquistes]], des [[Populisme_russe|populistes]], des [[Jacobins|jacobins]]. Plékhanov dit alors de Lénine : ''«&nbsp;C'est de cette pâte que l'on fait les Robespierre&nbsp;»''.<ref name="MaVie12">Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/mavie/mv14.htm Ma vie, 12. Le congrès du parti et la scission]'', 1930</ref> [[Trotsky|Trotsky]] le compare également à [[Robespierre|Robespierre]]<ref>Trotsky, ''[https://www.marxists.org/archive/trotsky/1903/xx/siberian.htm Report of the Siberian Delegation]'', 1903</ref>.
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Les accusations portées par les adversaires seront notamment que les bolchéviks reproduiraient les travers des [[Blanquistes|blanquistes]], des [[Populisme_russe|populistes]], des [[Jacobins|jacobins]] ([[Trotsky|Trotsky]] compare [[Lénine|Lénine]] à [[Robespierre|Robespierre]] en 1904<ref>Trotsky, ''[https://www.marxists.org/archive/trotsky/1903/xx/siberian.htm Report of the Siberian Delegation]'', 1903</ref>), voire des [[Anarchistes_russes|anarchistes]] (Plékhanov au 5<sup>e</sup> congrès). Les bolchéviks sont régulièrement accusés d'utopisme, de romantisme révolutionnaire. ''«&nbsp;Soulèvement — gouvernement révolutionnaire provisoire — république, voilà tout le schéma politique des bolcheviks.&nbsp;»'' dit [[Noé_Jordania|Jordania]] au 4<sup>e</sup> congrès.
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Par ailleurs, Lénine se moque de ce qu'il considère être un de ''« verbiage et de formules bureaucratiques (c’est-à-dire inutiles pour le travail et soi-disant nécessaires pour la parade)  »''<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1904/05/vil19040500g.htm Un pas en avant, deux pas en arrière]'', 1904</ref> chez [[Julius Martov|Martov]] (son projet de règles défendu au [[2e congrès du POSDR|congrès]] faisait 48 paragraphes contre 12 pour la version de Lénine).
    
===La révolution de 1905===
 
===La révolution de 1905===
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Après la révolution, pendant un bref instant, il était possible de mener une activité politique légale, dont la possibilité de participer à des élections, et de profiter du droit de réunion pour organiser plus démocratiquement le parti qu'en période clandestine (c'était auparavant la [[Cooptation|cooptation]] qui primait). Lénine recommande aussitôt une adaptation du parti et une généralisation des élections des organes par la base.<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1905/11/vil19051116.html La réorganisation du parti]'', 1905</ref> Il ajoute, contre les ''«&nbsp;[[Comitards|comitards]]&nbsp;»'', qu'il ne fallait pas craindre une ''«&nbsp;adhésion fulgurante et massive de personnes qui ne sont pas des so­cial-démocrates&nbsp;»''. Pourtant sa résolution est d'abord battue par 12 voix contre 9.
 
Après la révolution, pendant un bref instant, il était possible de mener une activité politique légale, dont la possibilité de participer à des élections, et de profiter du droit de réunion pour organiser plus démocratiquement le parti qu'en période clandestine (c'était auparavant la [[Cooptation|cooptation]] qui primait). Lénine recommande aussitôt une adaptation du parti et une généralisation des élections des organes par la base.<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1905/11/vil19051116.html La réorganisation du parti]'', 1905</ref> Il ajoute, contre les ''«&nbsp;[[Comitards|comitards]]&nbsp;»'', qu'il ne fallait pas craindre une ''«&nbsp;adhésion fulgurante et massive de personnes qui ne sont pas des so­cial-démocrates&nbsp;»''. Pourtant sa résolution est d'abord battue par 12 voix contre 9.
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[[File:Affiche-POSDR.jpg|center|Affiche-POSDR.jpg]]
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[[File:Affiche-POSDR.jpg|center|Affiche-POSDR.jpg]]A cette période, les bolchéviks sont plutôt accusés de dérive [[Anarchistes_russes|anarchiste]] (Plékhanov au 5<sup>e</sup> congrès),  d'utopisme, de [[romantisme révolutionnaire]]. ''«&nbsp;Soulèvement — gouvernement révolutionnaire provisoire — république, voilà tout le schéma politique des bolcheviks.&nbsp;»'' dit [[Noé_Jordania|Jordania]] au 4<sup>e</sup> congrès.
    
===La caution de Kautsky===
 
===La caution de Kautsky===
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Après la révolution, pendant un bref instant, il était possible de mener une activité politique légale, dont la possibilité de participer à des élections, et de profiter du droit de réunion pour organiser plus démocratiquement le parti qu'en période clandestine (où la [[Cooptation|cooptation]] primait). Lénine recommande aussitôt une adaptation du parti et une généralisation des élections des organes par la base<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1905/11/vil19051116.html La réorganisation du parti]'', 1905</ref>, et il rappelle que cela a toujours été la position des bolchéviks&nbsp;:
 
Après la révolution, pendant un bref instant, il était possible de mener une activité politique légale, dont la possibilité de participer à des élections, et de profiter du droit de réunion pour organiser plus démocratiquement le parti qu'en période clandestine (où la [[Cooptation|cooptation]] primait). Lénine recommande aussitôt une adaptation du parti et une généralisation des élections des organes par la base<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1905/11/vil19051116.html La réorganisation du parti]'', 1905</ref>, et il rappelle que cela a toujours été la position des bolchéviks&nbsp;:
<blockquote>''«&nbsp;Nous autres, représentants de la social-démocratie révolutionnaire, partisans de la «&nbsp;majorité&nbsp;» [bolchévique], nous avons dit bien des fois que la démocratisation du parti, réalisée jusqu’au bout, était impos­sible dans les conditions du travail conspirateur, que le «&nbsp;principe électif&nbsp;» dans cette situation était un vain mot. La vie à confirmé nos paroles. (…) Mais la nécessité d’adopter le principe électif dans de nouvelles conditions, lors de l’accession à la liberté politique, nous autres, bolcheviks, nous l’avons toujours reconnue.&nbsp;»''</blockquote>  
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''«&nbsp;Nous autres, représentants de la social-démocratie révolutionnaire, partisans de la «&nbsp;majorité&nbsp;» [bolchévique], nous avons dit bien des fois que la démocratisation du parti, réalisée jusqu’au bout, était impos­sible dans les conditions du travail conspirateur, que le «&nbsp;principe électif&nbsp;» dans cette situation était un vain mot. La vie à confirmé nos paroles. (…) Mais la nécessité d’adopter le principe électif dans de nouvelles conditions, lors de l’accession à la liberté politique, nous autres, bolcheviks, nous l’avons toujours reconnue.&nbsp;»''
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Lénine écrivait qu'il ne fallait pas craindre une ''«&nbsp;adhésion fulgurante et massive de personnes qui ne sont pas des so­cial-démocrates&nbsp;»''.
 
Lénine écrivait qu'il ne fallait pas craindre une ''«&nbsp;adhésion fulgurante et massive de personnes qui ne sont pas des so­cial-démocrates&nbsp;»''.
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Les années qui suivent la défaite de la révolution de 1905 sont une période réactionnaire, pendant laquelle la [[Conscience_de_classe|conscience de classe]] recule, les grèves diminuent, et les idées réformistes se renforcent. [[Trotsky|Trotsky]] fait l'observation suivante&nbsp;:
 
Les années qui suivent la défaite de la révolution de 1905 sont une période réactionnaire, pendant laquelle la [[Conscience_de_classe|conscience de classe]] recule, les grèves diminuent, et les idées réformistes se renforcent. [[Trotsky|Trotsky]] fait l'observation suivante&nbsp;:
<blockquote>''«&nbsp;Pour comprendre les deux principaux courants dans la classe ouvrière de Russie, il est important de considérer que le menchévisme s'est définitivement formé pendant les années de réaction et de régression, s'appuyant principalement sur une mince couche d'ouvriers qui avaient rompu avec la révolution&nbsp;; tandis que le bolchévisme, terriblement écrasé durant la période de réaction, monta rapidement, au cours des années qui précédèrent la guerre, à la crête du nouveau flux révolutionnaire. &nbsp;»<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr03.htm Histoire de la révolution russe]'', 1930</ref>''</blockquote>  
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''«&nbsp;Pour comprendre les deux principaux courants dans la classe ouvrière de Russie, il est important de considérer que le menchévisme s'est définitivement formé pendant les années de réaction et de régression, s'appuyant principalement sur une mince couche d'ouvriers qui avaient rompu avec la révolution&nbsp;; tandis que le bolchévisme, terriblement écrasé durant la période de réaction, monta rapidement, au cours des années qui précédèrent la guerre, à la crête du nouveau flux révolutionnaire. &nbsp;»<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr03.htm Histoire de la révolution russe]'', 1930</ref>''
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Un rapport du département de la Police dans les années qui précédèrent la guerre disait&nbsp;: ''«&nbsp;L'élément le plus énergique, le plus allègre, le plus capable de lutter infatigablement, de résister et de s'organiser constamment, se trouve dans les groupements et les individus qui se concentrent autour de Lénine...&nbsp;» ''C'est donc tout naturellement que&nbsp;bolchéviks étaient surveillés de près. En 1914, sur 7 membres du comité du parti à Saint-Pétersbourg, trois étaient des agents de l'[[Okhrana|Okhrana]], la police secrète tsariste.
 
Un rapport du département de la Police dans les années qui précédèrent la guerre disait&nbsp;: ''«&nbsp;L'élément le plus énergique, le plus allègre, le plus capable de lutter infatigablement, de résister et de s'organiser constamment, se trouve dans les groupements et les individus qui se concentrent autour de Lénine...&nbsp;» ''C'est donc tout naturellement que&nbsp;bolchéviks étaient surveillés de près. En 1914, sur 7 membres du comité du parti à Saint-Pétersbourg, trois étaient des agents de l'[[Okhrana|Okhrana]], la police secrète tsariste.
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Malgré tout, l’organisation de Lénine aura permis que, malgré la répression et la dispersion, subsiste un corps de militants dévoués, animés par une claire [[Conscience_de_classe|conscience de classe]], d’où va sortir l’instrument de la révolution d’octobre. Dès 1914, des militants bolchéviks commencèrent à développer dans les masses, par la presse et la parole, leur agitation contre la guerre. Un rapport de la police mentionne&nbsp;:
 
Malgré tout, l’organisation de Lénine aura permis que, malgré la répression et la dispersion, subsiste un corps de militants dévoués, animés par une claire [[Conscience_de_classe|conscience de classe]], d’où va sortir l’instrument de la révolution d’octobre. Dès 1914, des militants bolchéviks commencèrent à développer dans les masses, par la presse et la parole, leur agitation contre la guerre. Un rapport de la police mentionne&nbsp;:
<blockquote>''«&nbsp;Les partisans de Lénine, qui mènent en Russie la grande majorité des organisations social-démocrates clandestines, ont mis en circulation depuis le début de la guerre, dans leurs principaux centres (savoir&nbsp;: Pétrograd, Moscou, Kharkov, Kiev, Toula, Kostroma, le gouvernement de Vladimir, Samara), une quantité considérable de tracts révolutionnaires, réclamant la fin des hostilités, le renversement du pouvoir actuel et la proclamation de la république&nbsp;; en outre, cette activité a eu pour résultat sensible l'organisation par les ouvriers de grèves et de désordres.&nbsp;&nbsp;»<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr03.htm Histoire de la révolution russe]'', 1930</ref>''</blockquote>  
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''«&nbsp;Les partisans de Lénine, qui mènent en Russie la grande majorité des organisations social-démocrates clandestines, ont mis en circulation depuis le début de la guerre, dans leurs principaux centres (savoir&nbsp;: Pétrograd, Moscou, Kharkov, Kiev, Toula, Kostroma, le gouvernement de Vladimir, Samara), une quantité considérable de tracts révolutionnaires, réclamant la fin des hostilités, le renversement du pouvoir actuel et la proclamation de la république&nbsp;; en outre, cette activité a eu pour résultat sensible l'organisation par les ouvriers de grèves et de désordres.&nbsp;&nbsp;»<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr03.htm Histoire de la révolution russe]'', 1930</ref>''
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En février 1915, une conférence des groupes bolcheviques émigrés réunie à Berne et à laquelle participent de nouveaux venus de Russie, [[Boukharine|Boukharine]] et [[Piatakov|Piatakov]], se prononce pour la «&nbsp;transformation en guerre civile de la guerre impérialiste&nbsp;».
 
En février 1915, une conférence des groupes bolcheviques émigrés réunie à Berne et à laquelle participent de nouveaux venus de Russie, [[Boukharine|Boukharine]] et [[Piatakov|Piatakov]], se prononce pour la «&nbsp;transformation en guerre civile de la guerre impérialiste&nbsp;».
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Le parti de la révolution d’octobre est donc un parti refondu dans la lutte. C’est lui qui, forgé sous la répression de l’été 1917, va conquérir en trois mois la majorité dans les soviets et diriger une insurrection victorieuse. Dans ces moments, les mots d’ordre viennent de Lénine (exilé en Finlande) et de Trotsky. Le nombre d’agitateurs diminue, et on n’entend plus guère les voix de Staline, Kamenev et Zinoviev. Ces deux derniers sont explicitement contre la prise de pouvoir. Mais le plus efficace, dans cette période, c’est l’agitation menée à la base par les anonymes, ouvriers et soldats. Voici ce qu’écrit Trotsky à ce sujet&nbsp;:
 
Le parti de la révolution d’octobre est donc un parti refondu dans la lutte. C’est lui qui, forgé sous la répression de l’été 1917, va conquérir en trois mois la majorité dans les soviets et diriger une insurrection victorieuse. Dans ces moments, les mots d’ordre viennent de Lénine (exilé en Finlande) et de Trotsky. Le nombre d’agitateurs diminue, et on n’entend plus guère les voix de Staline, Kamenev et Zinoviev. Ces deux derniers sont explicitement contre la prise de pouvoir. Mais le plus efficace, dans cette période, c’est l’agitation menée à la base par les anonymes, ouvriers et soldats. Voici ce qu’écrit Trotsky à ce sujet&nbsp;:
<blockquote>«&nbsp;Des mois de vie politique fébrile avaient créé d'innombrables cadres de la base, avaient éduqué des centaines et des milliers d'autodidactes qui s'étaient habitués à observer la politique d'en bas et non d'en haut et qui, par conséquent, appréciaient les faits et les gens avec une justesse non toujours accessible aux orateurs du genre académique. En première place se tenaient les ouvriers de Piter [Petrograd], prolétaires héréditairement, qui avaient détaché un effectif d'agitateurs et d'organisateurs d'une trempe exceptionnellement révolutionnaire, d'une haute culture politique, indépendants dans la pensée, dans la parole, dans l'action.</blockquote> <blockquote>Tourneurs, serruriers, forgerons, moniteurs des corporations et des usines avaient déjà autour d'eux leurs écoles, leurs élèves, futurs constructeurs de la République des Soviets. Les matelots de la Baltique, les plus proches compagnons d'armes des ouvriers de Piter, provenant pour une bonne part de ceux-ci, envoyèrent des brigades d'agitateurs qui conquéraient de haute lutte les régiments arriérés, les chefs-lieux de district, les cantons de moujiks. La formule généralisatrice lancée au cirque Moderne par un des leaders révolutionnaires prenait forme et corps dans des centaines de têtes réfléchies et ébranlait ensuite tout le pays. [...] Les usines conjointement avec les régiments envoyaient des délégués au front. Les tranchées se liaient avec les ouvriers et les paysans du plus proche arrière-front. [...] Les usines et les régiments de Petrograd et de Moscou frappaient avec de plus en plus d'insistance aux portes de bois du village. Se cotisant, les ouvriers envoyaient des délégués dans les provinces d'où ils étaient originaires. [...] Le bolchévisme conquérait le pays. Les bolcheviks devenaient une force irrésistible&nbsp;»<ref>Léon Trotsky, ''Histoire de la révolution russe'', t. 1, Ed. du Seuil, p. 390-392.</ref>.</blockquote>  
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«&nbsp;Des mois de vie politique fébrile avaient créé d'innombrables cadres de la base, avaient éduqué des centaines et des milliers d'autodidactes qui s'étaient habitués à observer la politique d'en bas et non d'en haut et qui, par conséquent, appréciaient les faits et les gens avec une justesse non toujours accessible aux orateurs du genre académique. En première place se tenaient les ouvriers de Piter [Petrograd], prolétaires héréditairement, qui avaient détaché un effectif d'agitateurs et d'organisateurs d'une trempe exceptionnellement révolutionnaire, d'une haute culture politique, indépendants dans la pensée, dans la parole, dans l'action.
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Tourneurs, serruriers, forgerons, moniteurs des corporations et des usines avaient déjà autour d'eux leurs écoles, leurs élèves, futurs constructeurs de la République des Soviets. Les matelots de la Baltique, les plus proches compagnons d'armes des ouvriers de Piter, provenant pour une bonne part de ceux-ci, envoyèrent des brigades d'agitateurs qui conquéraient de haute lutte les régiments arriérés, les chefs-lieux de district, les cantons de moujiks. La formule généralisatrice lancée au cirque Moderne par un des leaders révolutionnaires prenait forme et corps dans des centaines de têtes réfléchies et ébranlait ensuite tout le pays. [...] Les usines conjointement avec les régiments envoyaient des délégués au front. Les tranchées se liaient avec les ouvriers et les paysans du plus proche arrière-front. [...] Les usines et les régiments de Petrograd et de Moscou frappaient avec de plus en plus d'insistance aux portes de bois du village. Se cotisant, les ouvriers envoyaient des délégués dans les provinces d'où ils étaient originaires. [...] Le bolchévisme conquérait le pays. Les bolcheviks devenaient une force irrésistible&nbsp;»<ref>Léon Trotsky, ''Histoire de la révolution russe'', t. 1, Ed. du Seuil, p. 390-392.</ref>.
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Voilà donc quel était le parti qui prit le pouvoir. Et voilà qui tord le cou à tous les discours qui font de l’insurrection d’octobre un coup d’Etat&nbsp;!
 
Voilà donc quel était le parti qui prit le pouvoir. Et voilà qui tord le cou à tous les discours qui font de l’insurrection d’octobre un coup d’Etat&nbsp;!
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Au [[XIe_congrès_du_PCR|XI<sup>e</sup> congrès du PCR]] (mars 1921), Lénine se plaint que trop de questions mineures, mal gérées par le [[Conseil_des_commissaires_du_Peuple|Conseil des Commissaires du Peuple]], sont portées devant le Comité central du PCR. Il déclare que ''«&nbsp;sur les 18 commissariats que nous avons, 15 au moins ne valent rien&nbsp;»''. Il reproche également la tendance à la dilution des responsabilités&nbsp;:
 
Au [[XIe_congrès_du_PCR|XI<sup>e</sup> congrès du PCR]] (mars 1921), Lénine se plaint que trop de questions mineures, mal gérées par le [[Conseil_des_commissaires_du_Peuple|Conseil des Commissaires du Peuple]], sont portées devant le Comité central du PCR. Il déclare que ''«&nbsp;sur les 18 commissariats que nous avons, 15 au moins ne valent rien&nbsp;»''. Il reproche également la tendance à la dilution des responsabilités&nbsp;:
<blockquote>''«&nbsp;Ces jours-ci on a épuré les commissions. Il y en avait cent vingt. Combien étaient nécessaires&nbsp;? Seize. Et ce n'est pas la première épuration. Au lieu de répondre de ses actes, au lieu de soumettre une décision au Conseil des Commissaires du Peuple, en sachant qu'on en porte la responsabilité, on se retranche derrière les commissions.&nbsp;»''</blockquote>  
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''«&nbsp;Ces jours-ci on a épuré les commissions. Il y en avait cent vingt. Combien étaient nécessaires&nbsp;? Seize. Et ce n'est pas la première épuration. Au lieu de répondre de ses actes, au lieu de soumettre une décision au Conseil des Commissaires du Peuple, en sachant qu'on en porte la responsabilité, on se retranche derrière les commissions.&nbsp;»''
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Il ajoute qu'il est nécessaire d'élargir et de développer l'autonomie et l'activité des Conseils économiques régionaux. Organes locaux du Conseil du Travail et de la Défense, formés au début de 1921, ces Conseils furent institués pour coordonner et renforcer l'activité de tous les organismes économiques locaux et des conseils économiques de province.
 
Il ajoute qu'il est nécessaire d'élargir et de développer l'autonomie et l'activité des Conseils économiques régionaux. Organes locaux du Conseil du Travail et de la Défense, formés au début de 1921, ces Conseils furent institués pour coordonner et renforcer l'activité de tous les organismes économiques locaux et des conseils économiques de province.
  

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