| Les idées de l'Opposition Ouvrière (que Kollontaï et d'autres élaboreront plus tard de manière plus complète) furent défendues à la réunion de Moscou par le métallurgiste [[Alexandre Chliapnikov|Chliapnikov]].<ref>Chliapnikov, « Orgarmatsiya narodnogo khozyaistva i zadachi suyuzov » [L'organisation de l'économie et les tâches des syndicats] [Discours du 30 décembre 1920], Dixième Congrès du Parti Appendice 2, pp. 789-793</ref> Explicitement ou implicitement, elles préconisaient la domination de l'État par les syndicats. L'Opposition Ouvrière se référait, bien entendu, au « point 5 » du programme de 1919 et accusait la direction du Parti de ne pas tenir les promesses qu'il avait faites aux syndicats. Elle affirmait que ''« pendant les deux dernières années, la direction du Parti et des organes gouvernementaux avait systématiquement rétréci le champ d'action des syndicats et réduit presque à zéro l'influence de la classe ouvrière (...). Le Parti et les autorités économiques, débordés par des techniciens bourgeois et par d'autres éléments non-prolétariens, étaient manifestement hostiles aux syndicats (...) Il n'y avait qu'une solution : la concentration de la direction industrielle entre les mains des syndicats »''. Et il fallait réaliser la transformation en partant d'en bas. ''« Au niveau de l'usine, les Comités d'usine devront récupérer leur ancienne position dominante »''. L'Opposition Ouvrière proposa que les syndicats soient mieux représentés dans divers organismes de contrôle. ''« Pas une seule personne ne devait être nommée à un poste économique administratif sans le consentement des syndicats (...). Les fonctionnaires recommandés par les syndicats devraient leur rendre compte de leur travail et pourraient être remplacés à n'importe quel moment »''. L'élément clé de cet ensemble de propositions était la demande de convocation d'un « Congrès Panrusse des producteurs » qui élirait une direction centrale de toute l'économie nationale. De la même façon, les Congrès Nationaux des divers syndicats éliraient les dirigeants des divers secteurs de l'économie. Les Conférences syndicales locales constitueraient les directions locales et régionales, et la direction de chaque usine serait confiée au Comité d'usine, qui continuerait à faire partie de l'organisation syndicale. ''« Ainsi — affirma Chliapnikov — on parviendra à créer cette volonté unique qui est essentielle pour l'organisation de l'économie, mais aussi une possibilité réelle pour les larges masses de travailleurs de faire sentir leur influence dans l'organisation et le développement de notre économie »''. Enfin, contre la [[méritocratie]] dans les salaires, l'Opposition Ouvrière proposait une révision radicale de la politique des salaires dans un sens extrêmement égalitaire et qui présupposait une substitution graduelle du salaire en argent par des rémunérations en nature. | | Les idées de l'Opposition Ouvrière (que Kollontaï et d'autres élaboreront plus tard de manière plus complète) furent défendues à la réunion de Moscou par le métallurgiste [[Alexandre Chliapnikov|Chliapnikov]].<ref>Chliapnikov, « Orgarmatsiya narodnogo khozyaistva i zadachi suyuzov » [L'organisation de l'économie et les tâches des syndicats] [Discours du 30 décembre 1920], Dixième Congrès du Parti Appendice 2, pp. 789-793</ref> Explicitement ou implicitement, elles préconisaient la domination de l'État par les syndicats. L'Opposition Ouvrière se référait, bien entendu, au « point 5 » du programme de 1919 et accusait la direction du Parti de ne pas tenir les promesses qu'il avait faites aux syndicats. Elle affirmait que ''« pendant les deux dernières années, la direction du Parti et des organes gouvernementaux avait systématiquement rétréci le champ d'action des syndicats et réduit presque à zéro l'influence de la classe ouvrière (...). Le Parti et les autorités économiques, débordés par des techniciens bourgeois et par d'autres éléments non-prolétariens, étaient manifestement hostiles aux syndicats (...) Il n'y avait qu'une solution : la concentration de la direction industrielle entre les mains des syndicats »''. Et il fallait réaliser la transformation en partant d'en bas. ''« Au niveau de l'usine, les Comités d'usine devront récupérer leur ancienne position dominante »''. L'Opposition Ouvrière proposa que les syndicats soient mieux représentés dans divers organismes de contrôle. ''« Pas une seule personne ne devait être nommée à un poste économique administratif sans le consentement des syndicats (...). Les fonctionnaires recommandés par les syndicats devraient leur rendre compte de leur travail et pourraient être remplacés à n'importe quel moment »''. L'élément clé de cet ensemble de propositions était la demande de convocation d'un « Congrès Panrusse des producteurs » qui élirait une direction centrale de toute l'économie nationale. De la même façon, les Congrès Nationaux des divers syndicats éliraient les dirigeants des divers secteurs de l'économie. Les Conférences syndicales locales constitueraient les directions locales et régionales, et la direction de chaque usine serait confiée au Comité d'usine, qui continuerait à faire partie de l'organisation syndicale. ''« Ainsi — affirma Chliapnikov — on parviendra à créer cette volonté unique qui est essentielle pour l'organisation de l'économie, mais aussi une possibilité réelle pour les larges masses de travailleurs de faire sentir leur influence dans l'organisation et le développement de notre économie »''. Enfin, contre la [[méritocratie]] dans les salaires, l'Opposition Ouvrière proposait une révision radicale de la politique des salaires dans un sens extrêmement égalitaire et qui présupposait une substitution graduelle du salaire en argent par des rémunérations en nature. |
− | Dans la périphérie de l'Opposition ouvrière, des hommes comme [[Gabriel_Miasnikov|Miasnikov]] et [[Alexandre_Bogdanov|Bogdanov]] commençaient à mettre en question la suprématie du Parti, ou la [[Nature_de_l'Etat_russe|nature de classe de l’État russe]]. | + | Dans la périphérie de l'Opposition ouvrière, des hommes comme [[Gabriel_Miasnikov|Miasnikov]] et [[Alexandre_Bogdanov|Bogdanov]] commençaient à mettre en question la suprématie du Parti, ou la [[Nature_de_l'Etat_russe|nature de classe de l’État russe]]. Ces idées n'étaient qu'implicitement contenues dans les thèses de l'Opposition, comme lorsque Ignatov soulignaient le danger des effets probables de « l'entrée en masse d'éléments d'origine bourgeoise et petite-bourgeoise dans notre Parti », se combinant avec « les dures pertes subies par le prolétariat pendant la Guerre Civile ». |
| Malgré la tempête politique que souleva l'Opposition Ouvrière, on dispose de peu de documents sur cette tendance. Le peu d'information qui existe provient essentiellement de sources léninistes<ref>Par exemple Rabochaya oppozitsiya [L'Opposition Ouvrière] de K. Shelavin, Moscou, 1930.</ref>. La violence des attaques contre l'Opposition Ouvrière laisse supposer qu'elle jouissait d'une assez grande influence dans les usines parmi les ouvriers de la base, au point d'inquiéter sérieusement la direction du parti. [[Alexandre Chliapnikov|Chliapnikov]] (qui fut le premier Commissaire au Travail), [[Loutovinov]] et Medvedev, leaders métallurgistes, en furent les principaux représentants. Géographiquement, elle semble s'être concentrée dans certains secteurs du sud-est de la Russie d'Europe : le bassin du Donetz, les régions du Don et du Kouban et la province de Samara sur la Volga. À Samara, en 1921, l'Opposition Ouvrière contrôlait de fait l'organisation du Parti. Avant la crise du Parti en Ukraine, fin 1920, les membres de l'Opposition avaient une majorité de sympathisants dans l'ensemble de la république. Les autres points forts de l'Opposition étaient dans la province de Moscou, où elle réunissait approximativement le quart des voix du Parti, et le syndicat des métallurgistes dans tout le pays. Lorsque [[Mikhaïl Tomski|Tomsky]] abandonna les syndicalistes pour passer dans le camp léniniste, vers la fin de 1921, il voulut «expliquer» l'influence de l'Opposition Ouvrière par la popularité des idées de « démocratie industrielle » et des idées « anarcho-syndicalistes » chez les métallurgistes. Il ne faut du reste pas oublier que ces mêmes métallurgistes avaient constitué, en 1917, le fer de lance du mouvement des [[Comité d’usine|Comités d'usine]]. | | Malgré la tempête politique que souleva l'Opposition Ouvrière, on dispose de peu de documents sur cette tendance. Le peu d'information qui existe provient essentiellement de sources léninistes<ref>Par exemple Rabochaya oppozitsiya [L'Opposition Ouvrière] de K. Shelavin, Moscou, 1930.</ref>. La violence des attaques contre l'Opposition Ouvrière laisse supposer qu'elle jouissait d'une assez grande influence dans les usines parmi les ouvriers de la base, au point d'inquiéter sérieusement la direction du parti. [[Alexandre Chliapnikov|Chliapnikov]] (qui fut le premier Commissaire au Travail), [[Loutovinov]] et Medvedev, leaders métallurgistes, en furent les principaux représentants. Géographiquement, elle semble s'être concentrée dans certains secteurs du sud-est de la Russie d'Europe : le bassin du Donetz, les régions du Don et du Kouban et la province de Samara sur la Volga. À Samara, en 1921, l'Opposition Ouvrière contrôlait de fait l'organisation du Parti. Avant la crise du Parti en Ukraine, fin 1920, les membres de l'Opposition avaient une majorité de sympathisants dans l'ensemble de la république. Les autres points forts de l'Opposition étaient dans la province de Moscou, où elle réunissait approximativement le quart des voix du Parti, et le syndicat des métallurgistes dans tout le pays. Lorsque [[Mikhaïl Tomski|Tomsky]] abandonna les syndicalistes pour passer dans le camp léniniste, vers la fin de 1921, il voulut «expliquer» l'influence de l'Opposition Ouvrière par la popularité des idées de « démocratie industrielle » et des idées « anarcho-syndicalistes » chez les métallurgistes. Il ne faut du reste pas oublier que ces mêmes métallurgistes avaient constitué, en 1917, le fer de lance du mouvement des [[Comité d’usine|Comités d'usine]]. |