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== Révolution russe ==
 
== Révolution russe ==
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La « Commission extraordinaire panrusse près le Conseil des commissaires du peuple pour combattre la contre-révolution et le sabotage » (Vetcheka) est instaurée le 7 décembre 1917 mais ne dispose que de pouvoir très limités : elle mène des enquêtes et ne peut punir que par la confiscation des biens et des cartes de rationnement. Mais dans l'atmosphère de la [[Guerre_civile_russe|guerre civile]], Le [[Comité_exécutif_central_pan-russe|comité exécutif central]] décide de répliquer à la « [[Terreur_blanche|terreur blanche]] » par la « terreur rouge ». Le décret du 5 septembre appelle à ''« isoler les ennemis de classe de la République soviétique dans des camps de concentration, et de fusiller sur-le-champ tout individu impliqué dans des organisations de Gardes-Blancs, des insurrections ou des émeutes. »''
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Aussitôt après la [[révolution_d'Octobre|révolution d'Octobre]], pour faire face aux difficultés, le gouvernement bolchévik prend de plus en plus de mesures de centralisation du pouvoir, et de restriction des libertés publiques.
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La « Commission extraordinaire panrusse près le Conseil des commissaires du peuple pour combattre la contre-révolution et le sabotage » ([[Vetcheka|Vetcheka]]) est instaurée le 7 décembre 1917 mais ne dispose que de pouvoir très limités : elle mène des enquêtes et ne peut punir que par la confiscation des biens et des cartes de rationnement. Mais dans l'atmosphère de la [[Guerre_civile_russe|guerre civile]], Le [[Comité_exécutif_central_pan-russe|comité exécutif central]] décide de répliquer à la « [[Terreur_blanche|terreur blanche]] » par la « terreur rouge ». Le décret du 5 septembre appelle à ''« isoler les ennemis de classe de la République soviétique dans des camps de concentration, et de fusiller sur-le-champ tout individu impliqué dans des organisations de Gardes-Blancs, des insurrections ou des émeutes. »''
 
<blockquote>''«&nbsp;La Tchéka, ''déclare le tchékiste Latsis'', ne juge pas, elle frappe ... Nous ne faisons plus la guerre à des individus isolés, nous exterminons la bourgeoisie entant que classe. Ne cherchez pas dans le dossier des accusés des preuves pour savoir s'ils sont ou non opposés au gouvernement soviétique en paroles ou en actes. La question à l'ordre du jour est de savoir à quelle classe sociale ils appartiennent, leur extraction, leur instruction, leur profession. C'est cela qui décide de leur sort&nbsp;»''</blockquote>  
 
<blockquote>''«&nbsp;La Tchéka, ''déclare le tchékiste Latsis'', ne juge pas, elle frappe ... Nous ne faisons plus la guerre à des individus isolés, nous exterminons la bourgeoisie entant que classe. Ne cherchez pas dans le dossier des accusés des preuves pour savoir s'ils sont ou non opposés au gouvernement soviétique en paroles ou en actes. La question à l'ordre du jour est de savoir à quelle classe sociale ils appartiennent, leur extraction, leur instruction, leur profession. C'est cela qui décide de leur sort&nbsp;»''</blockquote>  
Selon Pierre Broué, dans son livre ''Le Parti Bolchévique''&nbsp;: ''«&nbsp;Il est impossible de donner des chiffres précis quant à l'ampleur de la répression. Les chiffres officiels sont certainement bien inférieurs à la réalité, mais reflètent l'importance du tournant de juillet&nbsp;: Peters indique 22 exécutions pour les six premiers mois de 1918 et 6000 pour les six derniers mois. L'historien Chamberlin tient pour vraisemblable un total de 50 000 victimes. Il est incontestablement inférieur à celui des victimes des Blancs. Surtout, comme le souligne Victor Serge, l'ensemble de la Terreur rouge fera moins de victimes que certaines des plus terribles journées de la bataille de Verdun.&nbsp;»''
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Selon [[Pierre_Broué|Pierre Broué]], dans son livre ''Le Parti Bolchévique''&nbsp;: ''«&nbsp;Il est impossible de donner des chiffres précis quant à l'ampleur de la répression. Les chiffres officiels sont certainement bien inférieurs à la réalité, mais reflètent l'importance du tournant de juillet&nbsp;: Peters indique 22 exécutions pour les six premiers mois de 1918 et 6000 pour les six derniers mois. L'historien Chamberlin tient pour vraisemblable un total de 50 000 victimes. Il est incontestablement inférieur à celui des victimes des Blancs. Surtout, comme le souligne Victor Serge, l'ensemble de la Terreur rouge fera moins de victimes que certaines des plus terribles journées de la bataille de Verdun.&nbsp;»''
    
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<blockquote>''«&nbsp;En tout cas, les bolcheviks ont conscience que ce prix doit être payé si l'on veut éviter dans l'avenir des notes plus lourdes encore en vies humaines. Fidèles à leurs principes, leurs dirigeants ne dissimulent ni ne renient leur politique terroriste. Au soviet de Kazan, Trotsky déclare&nbsp;: «&nbsp;Maintenant qu’on accuse les ouvriers de faire preuve de cruauté dans la guerre civile, nous disons, instruits par l'expérience&nbsp;: l'indulgence envers les classes ennemies serait la seule faute impardonnable que puisse commettre en ce moment la classe ouvrière russe. Nous nous battons, au nom du plus grand bien de l'humanité, au nom de la régénérescence de l'humanité, pour la tirer des ténèbres et de l'esclavage&nbsp;». Et s'adressant aux ouvriers américains, instruits de toutes les atrocités de la Terreur rouge, Lénine dit&nbsp;: «&nbsp;Nos fautes ne nous font pas peur. Les hommes ne sont pas devenus des saints du fait que la révolution a commencé. Les classes laborieuses opprimées, abêties, maintenues de force dans l'étau de la misère, de l'ignorance, de la barbarie, pendant des siècles, ne peuvent accomplir la révolution sans commettre d'erreurs. [ ... ] On ne peut enfermer dans un cercueil le cadavre de la société bourgeoise et l'enterrer. Le capitalisme abattu pourrit, se décompose parmi nous, infestant l'air de ses miasmes, empoisonnant notre vie&nbsp;: ce qui est ancien, pourri, mort s'accroche par des milliers de fils et de liens à tout ce qui est nouveau, frais, vivant&nbsp;»''</blockquote>  
 
<blockquote>''«&nbsp;En tout cas, les bolcheviks ont conscience que ce prix doit être payé si l'on veut éviter dans l'avenir des notes plus lourdes encore en vies humaines. Fidèles à leurs principes, leurs dirigeants ne dissimulent ni ne renient leur politique terroriste. Au soviet de Kazan, Trotsky déclare&nbsp;: «&nbsp;Maintenant qu’on accuse les ouvriers de faire preuve de cruauté dans la guerre civile, nous disons, instruits par l'expérience&nbsp;: l'indulgence envers les classes ennemies serait la seule faute impardonnable que puisse commettre en ce moment la classe ouvrière russe. Nous nous battons, au nom du plus grand bien de l'humanité, au nom de la régénérescence de l'humanité, pour la tirer des ténèbres et de l'esclavage&nbsp;». Et s'adressant aux ouvriers américains, instruits de toutes les atrocités de la Terreur rouge, Lénine dit&nbsp;: «&nbsp;Nos fautes ne nous font pas peur. Les hommes ne sont pas devenus des saints du fait que la révolution a commencé. Les classes laborieuses opprimées, abêties, maintenues de force dans l'étau de la misère, de l'ignorance, de la barbarie, pendant des siècles, ne peuvent accomplir la révolution sans commettre d'erreurs. [ ... ] On ne peut enfermer dans un cercueil le cadavre de la société bourgeoise et l'enterrer. Le capitalisme abattu pourrit, se décompose parmi nous, infestant l'air de ses miasmes, empoisonnant notre vie&nbsp;: ce qui est ancien, pourri, mort s'accroche par des milliers de fils et de liens à tout ce qui est nouveau, frais, vivant&nbsp;»''</blockquote>  
En avril 1918, le [[Soviet_de_Petrograd|Soviet de Petrograd]] (présidé par [[Trotsky|Trotsky]]) prend des mesures de surveillance drastiques de la [[liberté_de_réunion|liberté de réunion]] et d'association :
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En avril 1918, le [[Soviet_de_Petrograd|Soviet de Petrograd]] (présidé par [[Trotsky|Trotsky]]) prend des mesures de surveillance drastiques de la [[Liberté_de_réunion|liberté de réunion]] et d'association&nbsp;:
 
<blockquote>Décret sur la liberté de réunion et d’association<br/> 1.&nbsp;Tous les syndicats, sociétés et associations —&nbsp;économiques, artistiques, religieuses,&nbsp;etc. —&nbsp;formés sur le territoire de la Commune de la Région du Nord, doivent être enregistrés au Soviet ou au Comité des paysans pauvres.<br/> 2.&nbsp;Pour former une association ou un syndicat, il faut fournir la liste des fondateurs et des membres du Comité, avec noms et adresses, ainsi que la liste de tous les membres avec noms et adresses qui doivent être enregistrés.<br/> 3.&nbsp;Toutes les publications et archives doivent être mises à la disposition des dirigeants du Soviet pour inspection.<br/> 4.&nbsp;Les avis de réunion, publique ou privée, doivent être déposés, trois jours à l’avance, au Soviet ou au Comité des pauvres.<br/> 5.&nbsp;Toutes les réunions doivent être ouvertes aux représentants des autorités, c’est-à-dire du Soviet local, du Comité des pauvres ou des membres de la police secrète.<br/> 6.&nbsp;Syndicats et associations qui n’auraient pas rempli ces obligations seront considérés comme contre-révolutionnaires et traités comme tels<ref>Cité par Marc Ferro dans ''Des soviets au communisme bureaucratique'' (1980)</ref></blockquote>  
 
<blockquote>Décret sur la liberté de réunion et d’association<br/> 1.&nbsp;Tous les syndicats, sociétés et associations —&nbsp;économiques, artistiques, religieuses,&nbsp;etc. —&nbsp;formés sur le territoire de la Commune de la Région du Nord, doivent être enregistrés au Soviet ou au Comité des paysans pauvres.<br/> 2.&nbsp;Pour former une association ou un syndicat, il faut fournir la liste des fondateurs et des membres du Comité, avec noms et adresses, ainsi que la liste de tous les membres avec noms et adresses qui doivent être enregistrés.<br/> 3.&nbsp;Toutes les publications et archives doivent être mises à la disposition des dirigeants du Soviet pour inspection.<br/> 4.&nbsp;Les avis de réunion, publique ou privée, doivent être déposés, trois jours à l’avance, au Soviet ou au Comité des pauvres.<br/> 5.&nbsp;Toutes les réunions doivent être ouvertes aux représentants des autorités, c’est-à-dire du Soviet local, du Comité des pauvres ou des membres de la police secrète.<br/> 6.&nbsp;Syndicats et associations qui n’auraient pas rempli ces obligations seront considérés comme contre-révolutionnaires et traités comme tels<ref>Cité par Marc Ferro dans ''Des soviets au communisme bureaucratique'' (1980)</ref></blockquote>  
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Le pouvoir prive les réactionnaires de droits politiques et suspend leurs journaux. Les mesures d'interdiction s'étendent de plus en plus à d'autres types d'opposants, comme les [[Menchéviks|menchéviks]], les [[Socialistes-Révolutionnaires|SR]] et les [[Anarchisme_russe|anarchistes]]. Il s'agissait, comme l'écrivait Lénine, de mesures ''«&nbsp;essentiellement russes&nbsp;»''&nbsp;: des mesures d'exception, de légitime défense. Trotsky écrivait également&nbsp;:
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<blockquote>''«&nbsp;''Aux époques difficiles de la vie des peuples et des classes correspondent des mesures sévères. ''Plus nous avancerons, plus ce sera facile, plus chaque citoyen se sentira libre, et moins se fera sentir la force de coercition de l'Etat prolétarien. Peut-être autoriserons-nous alors les journaux mencheviks, en admettant qu'à cette époque il y ait encore des mencheviks.&nbsp;»''<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/t_c/t_c_10.htm Terrorisme et communisme - 9. Les questions d'organisation du travail]'', 1920</ref></blockquote>
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En août 1918, [[Martov|Martov]] publie une brochure à Moscou pour dénoncer l'utilisation de la peine de mort par les bolchéviks, qui l'avaient toujours combattue dans l'opposition.<ref>Julius Martov, ''[https://www.marxists.org/francais/martov/works/1918/08/martov_19180800.htm A bas la peine de mort !]'', 1918</ref>
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[[Kautsky|Kautsky]] reproche au pouvoir bolchevique d'être une dictature plus [[Blanquiste|blanquiste]] que marxiste, dont il estime la politique arbitraire et anti-démocratique. Deux de ses livres anti-bolchéviks conduisent à des contre-attaques notables&nbsp;: en 1918 Lénine écrit [[La_Révolution_prolétarienne_et_le_renégat_Kautsky|''La Révolution prolétarienne et le renégat Kautsky'']] et en 1920 Trotsky écrit [[Terrorisme_et_communisme|''Terrorisme et communisme'']]<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/t_c/t_c.htm Terrorisme et communisme]'', 1920</ref> (sous-titré ''L'Anti-Kautsky'').
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Un certain nombre de calomnies circulent sur les bolchéviks, et Kautsky n'hésite pas à les reprendre. Trotsky montre par exemple comment une accusation de ''«&nbsp;socialisation des femmes&nbsp;»'' par des soldats de l'Armée rouge est de toute évidence un faux.<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/t_c/t_c_9.htm Terrorisme et communisme - 8. La classe ouvrière et sa politique soviétique]'', 1920</ref>
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L'Église orthodoxe, qui s'est souvent rangée activement du côté de la réaction (des popes délateurs peuvent même çà et là être responsables de nombreuses exécutions sommaires), doit subir des milliers d'arrestations, d'exécutions, de spoliations et de destructions, le but étant à terme l'éradication non seulement de sa puissance antérieure, mais aussi des croyances religieuses.
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Plus généralement, tous les camps en lutte utiliseront, à des degrés divers, les mêmes méthodes de répression (beaucoup étant issues du [[Tsarisme|tsarisme]] ou de la [[Grande_guerre|Grande guerre]])&nbsp;: internement des adversaires militaires et politiques dans des camps, prises d'otages (le premier [[Décret_des_otages|décret des otages]] est ainsi promulgué non pas par les bolcheviks mais par le général Niessel, commandant de la mission militaire française en Russie<ref>Jean-Jacques Marie, [http://pagesperso-orange.fr/cermtri.3/cariboost1/crbst_61.html De l'inventeur du “décret des otages”]</ref>), exécutions sommaires. Nikolai Melkinov, un des principaux membres du gouvernement Denikine, a souligné dans ses Mémoires que l'administration blanche «&nbsp;appliqua [...] dans ses territoires une politique foncièrement soviétique&nbsp;».
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Même le bref [[Comité_des_membres_de_l'Assemblée_constituante|gouvernement SR de Samara]], souvent considéré comme l'un des belligérants les plus modérés, utilisa lui aussi ce type de mesure. Il proclama le rétablissement des libertés d'expression, de réunion et de la presse, mais les prisons de Samara furent bientôt pleines de bolcheviks. Les [[Parti_constitutionnel_démocratique|KD]] appliquent aussi des mesures dictatoriales là où ils dominent. Aucune des armées ne tient à laisser derrière elle des éléments suspects ou dangereux. Même les armées dites anarchistes de Makhno faisaient des exécutions préventives.
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== Notes et sources ==
 
== Notes et sources ==
    
<references />
 
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[[Category:Politique révolutionnaire]] [[Category:Théorie]] [[Category:Histoire]]
 
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