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Ce n'est qu'après-coup que Trotsky revient sur l'expérience de la Révolution chinoise à la lumière de sa théorie sur la révolution permanente. En 1928, pendant son exil à Alma-Ata, Trotsky se convainc de la justesse de ses pronostics anciens, et en constate l'application à la Révolution chinoise. C'est cette théorie qu'il défend dans ''[[La Révolution permanente (Trotsky)|La Révolution permanente]]'' (1932)
 
Ce n'est qu'après-coup que Trotsky revient sur l'expérience de la Révolution chinoise à la lumière de sa théorie sur la révolution permanente. En 1928, pendant son exil à Alma-Ata, Trotsky se convainc de la justesse de ses pronostics anciens, et en constate l'application à la Révolution chinoise. C'est cette théorie qu'il défend dans ''[[La Révolution permanente (Trotsky)|La Révolution permanente]]'' (1932)
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== Trotsky reprend et généralise la théorie de la révolution permanente ==
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== Trotsky généralise la théorie de la révolution permanente ==
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Et Trotsky dans tout cela, nous dira-t-on, comment se situait-il ? Nous ne pensons pas qu'il y ait là un mystère. Il n'aurait pas rusé en matière de théorie. Il suffit de relire un certain nombre de ses textes pour voir qu'il n'arriva à des positions définitives sur les perspectives de la révolution chinoise qu'au cours de l'année 1927 et qu'il réexamina ultérieurement toute la question de la révolution permanente. Lors de son exil à Alta-Ama, il se retourna vers la révolution chinoise défaite et cela va l'amener à relire aussi ses propres textes du temps de la révolution de 1905. Écoutons ce qu'il écrivit en 1929 : « Il faut être complètement incapable de faire un pronostic historique et d'en comprendre les méthodes pour considérer, aujourd'hui, les évaluations et les analyses de 1905 comme si elles dataient d'hier. Je me suis souvent dit et j'ai souvent répété à mes amis: je ne doute pas qu'il y ait eu, dans mes pronostics de 1905 de grandes lacunes qu'il est très facile de découvrir aujourd'hui après coup. Mais tous mes critiques ont-il prévu mieux que moi et plus loin ? N'ayant pas eu l'occasion de relire mes anciens ouvrages, j'admettais par avance qu'ils contenaient des fautes beaucoup plus graves et plus importantes qu'ils n'en comportent en réalité. Je m'en suis convaincu en 1928, pendant mon exil à Alma-Ata où le repos politique forcé me donna le temps nécessaire pour relire et annoter mes vieux écrits consacrés aux problèmes de la révolution permanente. » (La révolution permanente, Éditions Idées, NRF, p. 39). Cette relecture se faisait en corrélation avec les événements qui s'étaient produits en Chine d'une part, et avec une discussion qu'il poursuivait par lettres avec d'autres oppositionnels également déportés. Dans une lettre adressée à Preobragensky, non datée mais qui se situe sans aucun doute en mars-avril 1928, il écrit : « J'en vins à penser qu'il n'y aurait pas de dictature démocratique du prolétariat et de la paysannerie en Chine à partir du moment où fut formé le gouvernement de Wuhan (14). Je me basais précisément sur l'analyse des faits sociaux les plus fondamentaux, et non sur la manière dont ils étaient réfractés politiquement. Je me convainquis que les faits sociaux fondamentaux s'étaient déjà frayé la voie à travers toutes les particularités des superstructures politiques, lorsque le naufrage de Wuhan détruisit totalement la légende selon laquelle le Kuomintang de gauche englobait les neuf-dixièmes de tout le Kuomintang" » (On China, P. 280) Ainsi, c'est à Alma-Ata en 1928 que Trotsky réexamine la théorie de la révolution permanente, vérifie la justesse de ses pronostics anciens, et, surtout, en constate l'application à la revoution chinoise. Une théorie valable pour deux pays aussi considérables que la Russie et la Chine a évidemment toute chance d'être valable pour bien d'autres pays du monde. C'est cette théorie qu'il défend implicitement dans sa « Critique du programme de 1'I. C. » (15), et tout à fait ouvertement dans « La Révolution permanente ». En même temps, il met en lumière le fait que cette théorie est le pôle théorique antagoniste du « socialisme dans un seul pays », que tous ceux qui vont capituler devant Staline, à commencer par d'anciens dirigeants de l'Opposition de gauche, vont le faire au nom de la lutte contre la révolution permanente. Le mouvement trotskyste international alors naissant et s'organisant, sous l'impulsion de Trotsky, fera sienne cette théorie. Il nous a semblé nécessaire de parcourir ce long chemin de l'histoire pour voir comment peu à peu la notion de révolution permanente s'est enrichie et approfondie. Née avant Marx à partir de pensées généreuses mais vagues, elle a concerné d'abord seulement le rapport de la classe ouvrière à la bourgeoisie dans la révolution bourgeoise, puis le rapport de la classe ouvrière à la paysannerie dans la révolution socialiste, non seulement sous une forme générale au niveau des classes mêmes, mais sur le plan politique des organisations qui prétendent représenter ces classes, elle concerne enfin la nature du pouvoir qui devait sortir de ces révolutions. On est bien loin de la conception mencheviste : tâches bourgeoises, d'où révolution démocratique bourgeoise, d'où direction de la bourgeoisie, d'où république démocratique bourgeoise. Enfin, Trotsky y ajoute l'aspect international montrant que l'instauration de la dictature du prolétariat ne signifie pas la construction indépendante du socialisme : « Tout ce qui a été dit plus haut signifie-t-il que tous les pays du monde sont actuellement plus ou moins mûs pour la révolution socialiste ? Non, c'est là une manière fausse, mécanique et scolastique de poser la question... Indiscutablement, l'économie mondiale est, dans son ensemble, mûre pour le socialisme. Mais cela ne signifie nullement que chaque pays, pris isolément, se trouve dans cette situation. Comment instituer alors la dictature du prolétariat dans différents pays arriérés, comme la Chine, l'Inde, etc. ? Nous répondons : l'histoire ne se fait pas sur commande. Tel pays peut être « mûr » pour la dictature du prolétariat sans l'être cependant ni pour la construction indépendante du socialisme, ni même pour de larges mesures de socialisation. Il ne faut jamais prendre, comme point de départ, l'harmonie préétablie de l'évolution sociale. La loi de l'inégalité du développement existe encore. Elle manifeste sa puissance aussi bien dans les rapports entre plusieurs pays que dans les rapports mutuels entre différentes séries de phénomènes à l'intérieur d'un seul pays. C'est seulement à l'échelle mondiale qu'on pourra réconcilier le développement inégal de l'économie et de la politique.Aucun pays du monde ne pourra construire le socialisme dans ses limites nationales: les forces productives hautement développées qui débordent les frontières nationales s'y opposent au même titre que les forces insuffisamment développées pour la nationalisation. La dictature du prolétariat en Angleterre, par exemple, se heurtera à des obstacles et à des difficultés différentes, mais peut-être aussi grandes, que celles qui se dresseront devant la dictature du prolétariat en Chine. » (16) Notons toutefois que Trotsky se garde de procéder à une généralisation qui engloberait des pays où le prolétariat est très minoritaire pour ne pas dire quasiment inexistant: « Cela signifie-t-il du moins que tout pays, même un pays colonial arriéré, est mûr pour la dictature du prolétariat s'il ne l'est pas pour le socialisme? Non, cela ne le signifie pas. Et alors, comment faire la révolution démocratique en général et dans les colonies en particulier ? Et où avez-vous appris - je répondrai à cette question par une autre - que chaque pays colonial est mûr pour l'accomplissement immédiat et intégral de ses tâches nationales démocratiques ? Il faut renverser le problème. Dans les conditions de l'époque impérialiste, la révolution démocratique nationale ne peut être victorieuse que si les rapports sociaux et politiques d'un pays sont mûrs pour porter au pouvoir le prolétariat en qualité de chef des masses populaires. Et si les choses n'en sont pas encore arrivées à ce point ? Alors la lutte pour la libération nationale n'arrivera qu'à des résultats incomplets, dirigés contre les masses travailleuses.» (17) Il pourrait sembler que, dans ces lignes, Trotsky ait péché par excès de prudence quand on voit que, indépendamment de tout ce qu'il y a à dire sur les régimes bureaucratiques qui y sévissent, le pouvoir capitaliste a été éliminé dans des pays comme la Mongolie extérieure, l'Albanie, le Tibet, le Laos, le Kampuchéa. On ne pouvait certainement pas affirmer à priori qu'ils étaient mûrs pour la dictature du prolétariat - sans parler de socialisme - étant donné que la classe ouvrière y était particulièrement faible ou même pratiquement inexistante. Mais ce sont là des cas de toute évidence exceptionnels, car les développements qui s'y sont produits ne sont pas dûs principalement aux conditions intérieures mais, avant tout, au fait que des révolutions et des interventions contre- révolutionnaires étrangères se sont produites à leurs frontières et ont eu une extension chez eux, que le processus révolutionnaire les a ainsi impliqués et les a entraînés bien au-delà de ce qui pouvait se produire en fonction de leurs strictes données nationales. Aussi, pensons-nous que la restriction de Trotsky mentionnée plus haut reste aujourd'hui encore tout à fait valable.  
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Il nous a semblé nécessaire de parcourir ce long chemin de l'histoire pour voir comment peu à peu la notion de révolution permanente s'est enrichie et approfondie. Née avant Marx à partir de pensées généreuses mais vagues, elle a concerné d'abord seulement le rapport de la classe ouvrière à la bourgeoisie dans la révolution bourgeoise, puis le rapport de la classe ouvrière à la paysannerie dans la révolution socialiste, non seulement sous une forme générale au niveau des classes mêmes, mais sur le plan politique des organisations qui prétendent représenter ces classes, elle concerne enfin la nature du pouvoir qui devait sortir de ces révolutions. On est bien loin de la conception mencheviste : tâches bourgeoises, d'où révolution démocratique bourgeoise, d'où direction de la bourgeoisie, d'où république démocratique bourgeoise. Enfin, Trotsky y ajoute l'aspect international montrant que l'instauration de la dictature du prolétariat ne signifie pas la construction indépendante du socialisme : « Tout ce qui a été dit plus haut signifie-t-il que tous les pays du monde sont actuellement plus ou moins mûs pour la révolution socialiste ? Non, c'est là une manière fausse, mécanique et scolastique de poser la question... Indiscutablement, l'économie mondiale est, dans son ensemble, mûre pour le socialisme. Mais cela ne signifie nullement que chaque pays, pris isolément, se trouve dans cette situation. Comment instituer alors la dictature du prolétariat dans différents pays arriérés, comme la Chine, l'Inde, etc. ? Nous répondons : l'histoire ne se fait pas sur commande. Tel pays peut être « mûr » pour la dictature du prolétariat sans l'être cependant ni pour la construction indépendante du socialisme, ni même pour de larges mesures de socialisation. Il ne faut jamais prendre, comme point de départ, l'harmonie préétablie de l'évolution sociale. La loi de l'inégalité du développement existe encore. Elle manifeste sa puissance aussi bien dans les rapports entre plusieurs pays que dans les rapports mutuels entre différentes séries de phénomènes à l'intérieur d'un seul pays. C'est seulement à l'échelle mondiale qu'on pourra réconcilier le développement inégal de l'économie et de la politique.Aucun pays du monde ne pourra construire le socialisme dans ses limites nationales: les forces productives hautement développées qui débordent les frontières nationales s'y opposent au même titre que les forces insuffisamment développées pour la nationalisation. La dictature du prolétariat en Angleterre, par exemple, se heurtera à des obstacles et à des difficultés différentes, mais peut-être aussi grandes, que celles qui se dresseront devant la dictature du prolétariat en Chine. » (16) Notons toutefois que Trotsky se garde de procéder à une généralisation qui engloberait des pays où le prolétariat est très minoritaire pour ne pas dire quasiment inexistant: « Cela signifie-t-il du moins que tout pays, même un pays colonial arriéré, est mûr pour la dictature du prolétariat s'il ne l'est pas pour le socialisme? Non, cela ne le signifie pas. Et alors, comment faire la révolution démocratique en général et dans les colonies en particulier ? Et où avez-vous appris - je répondrai à cette question par une autre - que chaque pays colonial est mûr pour l'accomplissement immédiat et intégral de ses tâches nationales démocratiques ? Il faut renverser le problème. Dans les conditions de l'époque impérialiste, la révolution démocratique nationale ne peut être victorieuse que si les rapports sociaux et politiques d'un pays sont mûrs pour porter au pouvoir le prolétariat en qualité de chef des masses populaires. Et si les choses n'en sont pas encore arrivées à ce point ? Alors la lutte pour la libération nationale n'arrivera qu'à des résultats incomplets, dirigés contre les masses travailleuses.» (17) Il pourrait sembler que, dans ces lignes, Trotsky ait péché par excès de prudence quand on voit que, indépendamment de tout ce qu'il y a à dire sur les régimes bureaucratiques qui y sévissent, le pouvoir capitaliste a été éliminé dans des pays comme la Mongolie extérieure, l'Albanie, le Tibet, le Laos, le Kampuchéa. On ne pouvait certainement pas affirmer à priori qu'ils étaient mûrs pour la dictature du prolétariat - sans parler de socialisme - étant donné que la classe ouvrière y était particulièrement faible ou même pratiquement inexistante. Mais ce sont là des cas de toute évidence exceptionnels, car les développements qui s'y sont produits ne sont pas dûs principalement aux conditions intérieures mais, avant tout, au fait que des révolutions et des interventions contre- révolutionnaires étrangères se sont produites à leurs frontières et ont eu une extension chez eux, que le processus révolutionnaire les a ainsi impliqués et les a entraînés bien au-delà de ce qui pouvait se produire en fonction de leurs strictes données nationales. Aussi, pensons-nous que la restriction de Trotsky mentionnée plus haut reste aujourd'hui encore tout à fait valable.
    
== Les vérifications à l'échelle mondiale de la théorie de la révolution permanente ==
 
== Les vérifications à l'échelle mondiale de la théorie de la révolution permanente ==
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