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== Convaincre le parti ==
 
== Convaincre le parti ==
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=== ''« Les bolchéviks doivent prendre le pouvoir en mains »'' ===
    
Dès le 12 septembre, [[Lénine|Lénine]] envoyait au Comité central bolchévik une lettre allant droit au but&nbsp;: ''«&nbsp;Ayant obtenu la majorité aux Soviets des députés ouvriers et soldats des deux capitales, les bolchéviks peuvent et doivent prendre en mains le pouvoir. Ils le peuvent, car la majorité agissante des éléments révolutionnaires du peuple de [Moscou et Petrograd] suffit pour entraîner les masses&nbsp;»''<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/09/vil19170925.htm Les bolchéviks doivent prendre en mains le pouvoir]'', 12 septembre 1917</ref> A ce moment-là, on n'est pas certain d'une majorité exacte pour les bolchéviks. Mais Lénine défend une vision dynamique&nbsp;: ''«&nbsp; Attendre une majorité "formelle" serait naïf de la part des bolchéviks&nbsp;: cela aucune révolution ne l'attend&nbsp;»''. Vu la montée des révolutionnaires, les réactionnaires vont frapper si on leur en laisse le temps. A l'inverse, si l'on agit, ''«&nbsp;en proposant sur-le-champ une paix démocratique, en donnant aussitôt la terre aux paysans, en rétablissant les institutions et les libertés démocratiques foulées aux pieds et anéanties par Kérenski, les bolchéviks formeront un gouvernement que personne ne renversera&nbsp;»''.
 
Dès le 12 septembre, [[Lénine|Lénine]] envoyait au Comité central bolchévik une lettre allant droit au but&nbsp;: ''«&nbsp;Ayant obtenu la majorité aux Soviets des députés ouvriers et soldats des deux capitales, les bolchéviks peuvent et doivent prendre en mains le pouvoir. Ils le peuvent, car la majorité agissante des éléments révolutionnaires du peuple de [Moscou et Petrograd] suffit pour entraîner les masses&nbsp;»''<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/09/vil19170925.htm Les bolchéviks doivent prendre en mains le pouvoir]'', 12 septembre 1917</ref> A ce moment-là, on n'est pas certain d'une majorité exacte pour les bolchéviks. Mais Lénine défend une vision dynamique&nbsp;: ''«&nbsp; Attendre une majorité "formelle" serait naïf de la part des bolchéviks&nbsp;: cela aucune révolution ne l'attend&nbsp;»''. Vu la montée des révolutionnaires, les réactionnaires vont frapper si on leur en laisse le temps. A l'inverse, si l'on agit, ''«&nbsp;en proposant sur-le-champ une paix démocratique, en donnant aussitôt la terre aux paysans, en rétablissant les institutions et les libertés démocratiques foulées aux pieds et anéanties par Kérenski, les bolchéviks formeront un gouvernement que personne ne renversera&nbsp;»''.
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On s'inquitétait alors particulièrement d'une prise de Petrograd par les Allemands, qui aurait porté un coup dur au coeur révolutionnaire, et que le gouvernement aurait pu mettre à profit. Ce danger-là s'est éloigné par la suite, mais Lénine en voyait bien d'autres, en cas d'inaction. Plus globalement, dans cette période, Lénine critiquait constamment sur la gauche le comité central, qui accorde trop d'attention au [[Comité_exécutif_central_panrusse|Comité exécutif conciliateur]], à la [[Conférence_démocratique_(Russie)|Conférence démocratique]], et aux bavardages parlementaires en général, et ne s'occupe pas assez activement de préparer les masses à l'insurrection.
 
On s'inquitétait alors particulièrement d'une prise de Petrograd par les Allemands, qui aurait porté un coup dur au coeur révolutionnaire, et que le gouvernement aurait pu mettre à profit. Ce danger-là s'est éloigné par la suite, mais Lénine en voyait bien d'autres, en cas d'inaction. Plus globalement, dans cette période, Lénine critiquait constamment sur la gauche le comité central, qui accorde trop d'attention au [[Comité_exécutif_central_panrusse|Comité exécutif conciliateur]], à la [[Conférence_démocratique_(Russie)|Conférence démocratique]], et aux bavardages parlementaires en général, et ne s'occupe pas assez activement de préparer les masses à l'insurrection.
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Pendant la [[Conférence_démocratique_(Russie)|Conférence démocratique]] (14-22 septembre), Lénine propose de cerner le bâtiment et prendre le pouvoir. Le [[Comité_central_bolchévik|Comité central]] repousse unanimement la proposition, pour des raisons différentes : certains sont contre l'insurrection en général, d'autres ([[Trotsky|Trotsky]]) considèrent que ce n'est pas le moment. Le comité central repousse même l'idée de [[boycott|boycott]] du [[Pré-parlement_(Russie)|pré-parlement]] issu de la Conférence<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/09/vil19170922b.htm Notes d'un publiciste]'', 22-23-24 septembre 1917</ref>.
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Pendant la [[Conférence_démocratique_(Russie)|Conférence démocratique]] (14-22 septembre), Lénine propose de cerner le bâtiment et prendre le pouvoir. Le [[Comité_central_bolchévik|Comité central]] repousse unanimement la proposition, pour des raisons différentes&nbsp;: certains sont contre l'insurrection en général, d'autres ([[Trotsky|Trotsky]]) considèrent que ce n'est pas le moment. Le comité central repousse même l'idée de [[Boycott|boycott]] du [[Pré-parlement_(Russie)|pré-parlement]] issu de la Conférence<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/09/vil19170922b.htm Notes d'un publiciste]'', 22-23-24 septembre 1917</ref>.
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Le 29 septembre (a.s), [[Lénine|Lénine]] écrit (de sa clandestinité) un article intitulé ''La crise est mûre'', qui reconnaît ce moment historique&nbsp;: ''«&nbsp;Que nous ayons maintenant avec les socialistes-révolutionnaires de gauche la majorité à la fois dans les Soviets, dans l'armée et dans le pays, cela ne fait pas l'ombre d'un doute&nbsp;»''<ref name="CriseMure">Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/10/vil19171029.htm La crise est mûre]'', 29 septembre 1917</ref>. Il souligne que l'ensemble des couches populaires, y compris petite-bourgeoises, sont en révolte. Il ajoute que des mutineries viennent d'éclater parmi les matelots de la flotte allemande en août, et replace la Russie dans un processus mondial de transformation de la [[Première_Guerre_mondiale|guerre mondiale]] en [[Révolution_internationale|révolution internationale]]. Pour être des [[internationalistes|internationalistes]] en acte, il faut que les révolutionnaires russes allument l'étincelle de leur côté. Il en déduit qu'il est impératif que le parti bolchévik prenne ses responsabilités et renverse le [[Gouvernement_provisoire_(Russie)|gouvernement provisoire]], sans attendre le [[Deuxième_congrès_des_soviets|congrès des soviets]] ni l'[[Assemblée_constituante_russe|Assemblée constituante]], car ce serait laisser le temps au gouvernement de réprimer les paysans, de truquer les élections, de préparer une contre-offensive type Kornilov, et donc ce serait laisser se refermer la [[situation_révolutionnaire|situation révolutionnaire]]. ''«&nbsp; Tout l'avenir de la révolution ouvrière internationale pour le socialisme est en jeu.&nbsp;»<ref name="CriseMure" />''
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=== ''«&nbsp;La crise est mûre&nbsp;»'' ===
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Paradoxalement, de sa retraite clandestine, Lénine est peut-être plus sensible à la situation intenable des masses, étant loin des cercles conciliateurs petit-bourgeois. ''« A quoi bon tolérer encore trois semaines de guerre ?&nbsp;»''<ref name="Smilga" /> Il faisait venir dans son refuge divers bolcheviks, les soumettait à des interrogatoires passionnés, envoyait des lettres vers des militants plus près de la base pour susciter des pressions sur les sommets. Il s'appuie sur [[Ivar_Smilga|Smilga]], qui dirige les soviets de Finlande et qui est à l'extrême gauche du parti<ref name="Smilga">Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/09/vil19170927.htm Lettre à  I. Smilga, président du comité régional de l'armée, de la flotte et des ouvriers de Finlande]'', 27 septembre 1917</ref>.
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Le 29 septembre (a.s), [[Lénine|Lénine]] écrit (de sa clandestinité) un article intitulé ''La crise est mûre'', qui reconnaît ce moment historique&nbsp;: ''«&nbsp;Que nous ayons maintenant avec les socialistes-révolutionnaires de gauche la majorité à la fois dans les Soviets, dans l'armée et dans le pays, cela ne fait pas l'ombre d'un doute&nbsp;»''<ref name="CriseMure">Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/10/vil19171029.htm La crise est mûre]'', 29 septembre 1917</ref>. Il souligne que l'ensemble des couches populaires, y compris petite-bourgeoises, sont en révolte. Il ajoute que des mutineries viennent d'éclater parmi les matelots de la flotte allemande en août, et replace la Russie dans un processus mondial de transformation de la [[Première_Guerre_mondiale|guerre mondiale]] en [[Révolution_internationale|révolution internationale]]. Pour être des [[Internationalistes|internationalistes]] en acte, il faut que les révolutionnaires russes allument l'étincelle de leur côté. Il en déduit qu'il est impératif que le parti bolchévik prenne ses responsabilités et renverse le [[Gouvernement_provisoire_(Russie)|gouvernement provisoire]], sans attendre le [[Deuxième_congrès_des_soviets|congrès des soviets]] ni l'[[Assemblée_constituante_russe|Assemblée constituante]], car ce serait laisser le temps au gouvernement de réprimer les paysans, de truquer les élections, de préparer une contre-offensive type Kornilov, et donc ce serait laisser se refermer la [[Situation_révolutionnaire|situation révolutionnaire]]. ''«&nbsp; Tout l'avenir de la révolution ouvrière internationale pour le socialisme est en jeu.&nbsp;»<ref name="CriseMure" />''
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Paradoxalement, de sa retraite clandestine, Lénine est peut-être plus sensible à la situation intenable des masses, étant loin des cercles conciliateurs petit-bourgeois. ''«&nbsp;A quoi bon tolérer encore trois semaines de guerre&nbsp;?&nbsp;»''<ref name="Smilga" /> Il faisait venir dans son refuge divers bolcheviks, les soumettait à des interrogatoires passionnés, envoyait des lettres vers des militants plus près de la base pour susciter des pressions sur les sommets. Il s'appuie sur [[Ivar_Smilga|Smilga]], qui dirige les soviets de Finlande et qui est à l'extrême gauche du parti<ref name="Smilga">Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/09/vil19170927.htm Lettre à  I. Smilga, président du comité régional de l'armée, de la flotte et des ouvriers de Finlande]'', 27 septembre 1917</ref>. Fin septembre, le Bureau régional de Moscou prit une résolution accusant le Comité central d'irrésolution et de confusionnisme, lui demandant de prendre ''«&nbsp;une ligne claire et déterminée vers l'insurrection&nbsp;»''.
    
Dans une partie privée de sa lettre du 29 destinée au Comité central, [[Lénine|Lénine]] dénonçait le courant ''«&nbsp; en faveur de l'attente du Congrès des Soviets et hostile à la prise immédiate du pouvoir, hostile à l'insurrection immédiate&nbsp;»''. Il conclut en menaçant de démissionner pour être libre de faire de la propagande dans le parti. En effet il y avait de fortes réticences dans le parti. [[Zinoviev|Zinoviev]] et [[Kamenev|Kamenev]] renouvelaient leur opposition aux [[Thèses_d'avril|thèses d'avril]], affirmant que la prise du pouvoir par la classe ouvrière était impossible. [[Trotsky|Trotsky]] lui, était pour l'insurrection mais préconisait d'attendre le [[Deuxième_congrès_des_soviets|Congrès des soviets]], alors prévu le 20 octobre.
 
Dans une partie privée de sa lettre du 29 destinée au Comité central, [[Lénine|Lénine]] dénonçait le courant ''«&nbsp; en faveur de l'attente du Congrès des Soviets et hostile à la prise immédiate du pouvoir, hostile à l'insurrection immédiate&nbsp;»''. Il conclut en menaçant de démissionner pour être libre de faire de la propagande dans le parti. En effet il y avait de fortes réticences dans le parti. [[Zinoviev|Zinoviev]] et [[Kamenev|Kamenev]] renouvelaient leur opposition aux [[Thèses_d'avril|thèses d'avril]], affirmant que la prise du pouvoir par la classe ouvrière était impossible. [[Trotsky|Trotsky]] lui, était pour l'insurrection mais préconisait d'attendre le [[Deuxième_congrès_des_soviets|Congrès des soviets]], alors prévu le 20 octobre.
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Lénine répondait qu'attendre officiellement le Congrès pour décider de la question du pouvoir revenait à annoncer publiquement la date de l'insurrection. ''«&nbsp;On réunira les cosaques pour le jour sottement «&nbsp;fixé&nbsp;» (...) On peut prendre le pouvoir aujourd'hui, mais du 20 au 29 octobre, on ne vous le laissera pas prendre&nbsp;»''.
 
Lénine répondait qu'attendre officiellement le Congrès pour décider de la question du pouvoir revenait à annoncer publiquement la date de l'insurrection. ''«&nbsp;On réunira les cosaques pour le jour sottement «&nbsp;fixé&nbsp;» (...) On peut prendre le pouvoir aujourd'hui, mais du 20 au 29 octobre, on ne vous le laissera pas prendre&nbsp;»''.
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Dans l'Organisation militaire du parti bolchévik, on débattait âprement des questions pratiques, qui prenaient une importance extrême&nbsp;: quel organe devait réaliser l'insurrection&nbsp;? à quelle date&nbsp;? Comment concilier la légitimité d'une émanation des soviets avec son pluralisme et les préparatifs nécessairement secrets&nbsp;?
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Le 5 octobre, le Comité central décida de quitter le préparlement lors de son ouverture, le 9. [[Trotsky|Trotsky]] y fait une déclaration de sortie qui se termine par ''«&nbsp;Vive la lutte directe et ouverte pour le pouvoir révolutionnaire dans le pays !&nbsp;»'' Ce jour également est lancée la création du [[Comité_militaire_révolutionnaire|Comité militaire révolutionnaire]] (CMR) de Petrograd.
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=== Le Comité central du 10 octobre ===
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Le lendemain même, le 10, le Comité central des bolcheviks tient une réunion secrète, avec Lénine (chez [[Soukhanov|Soukhanov]] et à son insu). La motion de Lénine, faisant de l'insurrection armée la tâche pratique des journées les plus prochaines, est adoptée à 10 voix contre 2 (Zinoviev et Kamenev). Il fut convenu oralement que l'insurrection devait avoir lieu avant le [[Deuxième_congrès_des_soviets|Congrès des soviets]] (alors prévu le 20 octobre) et si possible avant le 15. A noter que certains membres du Comité central auraient sûrement voté contre s'ils avaient présents, comme [[Rykov|Rykov]] et [[Noguine|Noguine]]. Un certain nombre d'autres cadres dans le parti étaient contre ou très sceptiques : [[Tchoudnovsky|Tchoudnovsky]], [[Tomsky|Tomsky]], [[Volodarsky|Volodarsky]], [[Mikhaïl_Vassilievitch_Frounze|Frounze]], [[Manouilsky|Manouilsky]]... Beaucoup de cadres de l'Organisation militaire du parti ([[Krylenko|Krylenko]], [[Lachevitch|Lachevitch]], [[Podvoïsky|Podvoïsky]]) avaient tendance à surestimer les difficultés techniques et à sous-estimer le soutien politique pour les bolchéviks.
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Le vote du 10 mit en action toute une frange du parti. Mais elle déclencha aussi un sursaut des opposants. [[Zinoviev|Zinoviev]] et [[Kamenev|Kamenev]] diffusèrent le lendemain un appel aux membres du parti : ''«&nbsp;Devant l'Histoire, devant le prolétariat international, devant la révolution russe et la classe ouvrière de Russie nous n'avons pas le droit maintenant de jouer tout l'avenir sur la carte de l'insurrection armée.&nbsp;» ''Ils envisageaient la cohabitation pacifique des [[soviets|soviets]] bolchéviks et d'une [[Assemblée_constituante_(Russie)|Constituante]] bourgeoise, et une montée [[Gradualisme|graduelle]] de l'influence bolchévique. Enfin, beaucoup de dirigeants étaient officiellement avec la majorité, mais ne faisaient rien de concret.
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La motion du 10 fixait une tâche au parti sans mention des soviets. Pour Lénine, il ne restait plus que les aspects techniques à résoudre. Mais ils étaient importants : outre le choix (arbitraire ?) d'une date, quel organe devait réaliser l'insurrection&nbsp;? Comment concilier la légitimité d'une émanation des soviets avec son pluralisme et les préparatifs nécessairement secrets&nbsp;? C'est dans ce sens que [[Ioffé|Ioffé]] (pro-insurrection), objectait à Lénine : ''«&nbsp;Il n'est pas exact qu'à présent la question soit purement technique ; même maintenant, la question du soulèvement doit être considérée du point de vue politique&nbsp;»''.
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Ayant l'impression d'une inaction (impression exagérée par son isolement selon Trotsky), Lénine demande une conférence du parti le 16. Contre les opposants voulant l'annuler ([[Zinoviev|Zinoviev]], [[Kamenev|Kamenev]]) ou les pessimistes ([[Milioutine|Milioutine]], [[Schotmann|Schotmann]]), Lénine réaffirme l'insurrection. Il rappelle : ''«''&nbsp;''ll ne s'agit pas d'une lutte contre l'armée, mais d'une lutte d'une partie de l'armée contre l'autre... Les faits prouvent que nous avons la prépondérance sur l'ennemi&nbsp;»''. Au même moment [[Trotsky|Trotsky]] et [[Krylenko|Krylenko]] faisaient adopter au [[Soviet_de_Petrograd|soviet]] le [[Comité_militaire_révolutionnaire|CMR]], l'instrument concret de l'insurrection.sur une ligne officiellement défensive. Krylenko était maintenant convaincu qu'on ne pouvait plus reculer, mais il estimait qu'on ne pouvait assumer d'attaquer en premier. ''«&nbsp;La question de l'évacuation des troupes est justement le motif qui provoquera la bataille... Le fait d'une offensive contre nous existe ainsi et l'on peut l'utiliser... Il n'est pas utile de s'inquiéter de savoir qui commencera, car c'est déjà commencé.&nbsp;»''
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Le 17 octobre, une déclaration de [[Kamenev|Kamenev]] paraît dans le journal [[centriste|centriste]] de [[Gorki|Gorki]] :
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''«&nbsp;Non seulement moi et Zinoviev, mais un certain nombre de camarades-praticiens trouvons que prendre sur nous l'initiative d'une insurrection armée au moment présent, étant donné les rapports des forces sociales, indépendamment et quelques jours avant le Congrès des soviets, ce serait une démarche inadmissible, périlleuse pour le prolétariat et la révolution... Jouer tout sur la carte du soulèvement en ces prochaines journées, ce serait un acte de désespoir. Or, notre parti est trop fort, il a devant lui un trop grand avenir pour faire de tels pas.&nbsp;»''
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</blockquote>
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Cette rupture publique du [[Centralisme_démocratique|centralisme]] en cette circonstance fit l'effet d'une bombe. [[Lénine|Lénine]] les traite de [[jaunes|jaunes]] et réclame leur exclusion du parti. La rédaction du journal bolchévik, dirigée par [[Staline|Staline]], publie alors des déclarations de Zinoviev et Lounatcharski sur la ligne de l'opposition, avec une note minimisant les désaccords :&nbsp;''«&nbsp;La violence de ton dans l'article de Lenine ne change rien à ceci que dans l'essentiel, nous restons de la même opinion&nbsp;»''. Staline propose de démissionner quand le Comité central condamne ses actes, mais le comité refuse.
    
== Préparatifs de l'insurrection ==
 
== Préparatifs de l'insurrection ==
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=== L'enjeu de la garnison de Petrograd ===
 
=== L'enjeu de la garnison de Petrograd ===
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Le contrôle de la garnison de Petrograd est un des enjeux cruciaux. Les soldats de Petrograd, qui se sont révoltés en [[Insurrection_de_Février_1917|Février]], jouissent d'un grand prestige dans les [[Classes_populaires|classes populaires]]. Le [[Gouvernement_provisoire_(Russie)|Gouvernement provisoire]] s'était engagé en mars (auprès du [[Comité_exécutif_central_panrusse|Comité exécutif soviétique]] auquel ils étaient liés) à ne pas les envoyer au front, ce qui était le fondement du [[Double_pouvoir|double pouvoir]]. La promesse a été trahie après la répression [[Journées_de_juillet_1917|de Juillet]] où les régimes les plus radicaux ont été éloignés de la capitale.
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Le contrôle de la garnison de Petrograd est un des enjeux cruciaux. Les soldats de Petrograd, qui se sont révoltés en [[Insurrection_de_Février_1917|Février]], jouissent d'un grand prestige dans les [[Classes_populaires|classes populaires]]. Le [[Gouvernement_provisoire_(Russie)|Gouvernement provisoire]] s'était engagé en mars (auprès du [[Comité_exécutif_central_panrusse|Comité exécutif soviétique]] auquel ils étaient liés) à ne pas les envoyer au front, ce qui était le fondement du [[Double_pouvoir|double pouvoir]]. La promesse a été trahie après la répression [[Journées_de_juillet_1917|de Juillet]] où les régimes les plus radicaux ont été éloignés de la capitale. Le 8 septembre, la section des soldats du soviet réclame le retour à Petrograd des régiments évacués en Juillet. Le gouvernement et les conciliateurs cherchaient au contraire à évacuer les autres régiments, en voie de radicalisation.
 
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Le 8 septembre, la section des soldats du soviet réclame le retour à Petrograd des régiments évacués en Juillet. Le gouvernement et les conciliateurs cherchaient au contraire à évacuer les autres régiments, en voie de radicalisation.
      
En août les conciliateurs prédominaient encore dans la garnison. Les calmonies contre les ''«&nbsp;bolchéviks agents de l'Allemagne&nbsp;»'' ont fait beaucoup de mal. Courant septembre, la méfiance laisse place à des sympathies ou a une neutralité expectative. Mais pas encore à une sympathie active. Et il restait une minorité à peu prés irréductible hostile aux bolcheviks (de cinq à six mille junkers, 3 régiments de Cosaques, un bataillon d'automobilistes, une division d'autos blindées). L'issue du conflit n'était donc pas encore certaine, et il fallait être prudent.
 
En août les conciliateurs prédominaient encore dans la garnison. Les calmonies contre les ''«&nbsp;bolchéviks agents de l'Allemagne&nbsp;»'' ont fait beaucoup de mal. Courant septembre, la méfiance laisse place à des sympathies ou a une neutralité expectative. Mais pas encore à une sympathie active. Et il restait une minorité à peu prés irréductible hostile aux bolcheviks (de cinq à six mille junkers, 3 régiments de Cosaques, un bataillon d'automobilistes, une division d'autos blindées). L'issue du conflit n'était donc pas encore certaine, et il fallait être prudent.
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=== Le Comité militaire révolutionnaire ===
 
=== Le Comité militaire révolutionnaire ===
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C'est dans ce but que l'idée du [[Comité_militaire_révolutionnaire|Comité militaire révolutionnaire]] (CMR) est actée par l'exécutif du Soviet le 9 octobre. C'était la pièce venant résoudre le dilemme des [[Bolchéviks|bolchéviks]], qui cherchaient à créer un organe qui émane des soviets, donc composant avec les partis hostiles, mais qui soit capable de se préparer à l'insurrection.
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C'est dans ce but que l'idée du [[Comité_militaire_révolutionnaire|Comité militaire révolutionnaire]] (CMR) est actée par l'exécutif du Soviet le 9 octobre. C'était la pièce venant résoudre le dilemme des [[Bolchéviks|bolchéviks]], qui cherchaient à créer un organe qui émane des soviets, donc composant avec les partis hostiles, mais qui soit capable de se préparer à l'insurrection. Le Comité central bolchévik du lendemain prit la décision de l'insurrection. Le CMR s'insérait dans la perspective de la lutte immédiate pour la conquête du pouvoir.&nbsp; Comme le dira [[Trotsky|Trotsky]]&nbsp;:
 
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Le lendemain même, le 10, le Comité central des bolcheviks adopta dans une réunion secrète (chez [[Soukhanov|Soukhanov]] et à son insu) la motion de Lénine, faisant de l'insurrection armée la tâche pratique des journées les plus prochaines. Le parti adoptait dés lors une position de combat claire et impérative. Le CMR s'insérait dans la perspective de la lutte immédiate pour la conquête du pouvoir.&nbsp; Comme le dira [[Trotsky|Trotsky]]&nbsp;:
   
<blockquote>«&nbsp;À partir du moment où nous, le Soviet de Petrograd, avions invalidé l'ordre de Kerensky de transférer deux tiers de la garnison au front, nous étions réellement entré dans un état d'insurrection armée... les résultats de l'insurrection du 25 octobre ont été au moins aux trois quarts réglés&nbsp;» <ref>Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1924/09/19240915f.htm Les leçons d'Octobre]'', 1924</ref></blockquote>  
 
<blockquote>«&nbsp;À partir du moment où nous, le Soviet de Petrograd, avions invalidé l'ordre de Kerensky de transférer deux tiers de la garnison au front, nous étions réellement entré dans un état d'insurrection armée... les résultats de l'insurrection du 25 octobre ont été au moins aux trois quarts réglés&nbsp;» <ref>Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1924/09/19240915f.htm Les leçons d'Octobre]'', 1924</ref></blockquote>  
 
[[Pavel_Lasimir|Lasimir]], jeune [[SR_de_gauche|SR de gauche]] proche des bolchéviks, fut placé à la tête de la commission d'élaboration des statuts&nbsp;: se mettre en liaison avec l'arrondissement militaire de Petrograd, le front Nord, le [[Tsentrobalt|Tsentrobalt]] et le soviet régional de Finlande pour élucider la situation au front, recenser les régiments de Petrograd et des environs, faire l'inventaire des armes et munitions, maintenir la discipline dans les masses des soldats et des ouvriers. On flirte avec la limite entre défense de Petrograd et revue des forces pour l'insurrection&nbsp;: Comme le sougline [[Trotsky|Trotsky]], ce n'était pas seulement une manoeuvre conspirative&nbsp;:
 
[[Pavel_Lasimir|Lasimir]], jeune [[SR_de_gauche|SR de gauche]] proche des bolchéviks, fut placé à la tête de la commission d'élaboration des statuts&nbsp;: se mettre en liaison avec l'arrondissement militaire de Petrograd, le front Nord, le [[Tsentrobalt|Tsentrobalt]] et le soviet régional de Finlande pour élucider la situation au front, recenser les régiments de Petrograd et des environs, faire l'inventaire des armes et munitions, maintenir la discipline dans les masses des soldats et des ouvriers. On flirte avec la limite entre défense de Petrograd et revue des forces pour l'insurrection&nbsp;: Comme le sougline [[Trotsky|Trotsky]], ce n'était pas seulement une manoeuvre conspirative&nbsp;:
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Le 12, le Comité exécutif examina les dispositions élaborées par la commission de Lasimir. Les menchéviks, indignés mais impuissants, comprenaient très peu où les bolchéviks voulaient en venir. Le 13, c'est la section des soldats du soviet qui débat de la question du CMR. [[Dybenko|Dybenko]], président du [[Tsentrobalt|''Tsentrobalt'']], expliqua dans un langage cru que la [[Flotte_de_la_Baltique|Flotte]] avait rompu définitivement avec le gouvernement et n'hésiterait pas à pendre l'amiral. Il dément aussi les ordres de l'Etat major&nbsp;:
 
Le 12, le Comité exécutif examina les dispositions élaborées par la commission de Lasimir. Les menchéviks, indignés mais impuissants, comprenaient très peu où les bolchéviks voulaient en venir. Le 13, c'est la section des soldats du soviet qui débat de la question du CMR. [[Dybenko|Dybenko]], président du [[Tsentrobalt|''Tsentrobalt'']], expliqua dans un langage cru que la [[Flotte_de_la_Baltique|Flotte]] avait rompu définitivement avec le gouvernement et n'hésiterait pas à pendre l'amiral. Il dément aussi les ordres de l'Etat major&nbsp;:
 
<blockquote>''«&nbsp;On parle de la nécessité de faire marcher la garnison de Petrograd pour la défense des approches de la capitale et, en partie, de Reval. N'y croyez pas. Nous défendrons Reval nous-mêmes. Restez ici et défendez les intérêts de la révolution... Quand nous aurons besoin de votre appui, nous vous le dirons nous-mêmes et je suis certain que vous nous soutiendrez.&nbsp;»''</blockquote>  
 
<blockquote>''«&nbsp;On parle de la nécessité de faire marcher la garnison de Petrograd pour la défense des approches de la capitale et, en partie, de Reval. N'y croyez pas. Nous défendrons Reval nous-mêmes. Restez ici et défendez les intérêts de la révolution... Quand nous aurons besoin de votre appui, nous vous le dirons nous-mêmes et je suis certain que vous nous soutiendrez.&nbsp;»''</blockquote>  
Dans l'enthousiasme général, on vote pour le projet avec 283 voix contre une, avec 23 abstentions. Ce même jour, le
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Dans l'enthousiasme général, on vote pour le projet avec 283 voix contre une, avec 23 abstentions.
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Le CMR est officiellement créé lors de la séance plénière du 16 octobre. Les conciliateurs interpellent les bolchéviks&nbsp;:''«&nbsp;Les bolcheviks ne donnent point de réponse à cette question directe&nbsp;: préparent-ils un soulèvement&nbsp;? C'est de la lâcheté ou bien un manque d'assurance en leurs propres forces.&nbsp;» ''Dans l'assemblée on éclate de rire et on se moque de ces alliés du gouvernement qui voudraient qu'on leur dise tout. Dans sa réplique, [[Trotsky|Trotsky]] ne nie pas que le projet d'insurrection (''«&nbsp;Nous n'en faisons pas un secret.&nbsp;»''), mais ajoute qu'il ne s'agit pour l'instant que de répondre au gouvernement qui veut évacuer les troupes de Pétrograd. Le projet de [[Pavel_Lasimir|Lasimir]] est adopté par une écrasante majorité de voix. Les [[Menchéviks|menchéviks]] refusent de prendre part au CMR.
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Le CMR est officiellement créé lors de la séance plénière du 16 octobre. Les conciliateurs interpellent les bolchéviks&nbsp;:
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Le 17 octobre, l'[[Comité_exécutif_central_panrusse|exécutif conciliateur]] reporte le [[Deuxième_congrès_des_soviets|congrès des soviets]] au 25, ce qui fut mis à profit pour les préparatifs.
<blockquote>''«&nbsp;Les bolcheviks ne donnent point de réponse à cette question directe&nbsp;: préparent-ils un soulèvement&nbsp;? C'est de la lâcheté ou bien un manque d'assurance en leurs propres forces.&nbsp;»''</blockquote>
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Dans l'assemblée on éclate de rire et on se moque de ces alliés du gouvernement qui voudraient qu'on leur dise tout. Dans sa réplique, [[Trotsky|Trotsky]] ne nie pas que le projet d'insurrection (''«&nbsp;Nous n'en faisons pas un secret.&nbsp;»''), mais ajoute qu'il ne s'agit pour l'instant que de répondre au gouvernement qui veut évacuer les troupes de Pétrograd. Le projet de [[Pavel_Lasimir|Lasimir]] est adopté par une écrasante majorité de voix. Les [[Menchéviks|menchéviks]] refusent de prendre part au CMR.
      
=== Armement du prolétariat et contrôle ouvrier ===
 
=== Armement du prolétariat et contrôle ouvrier ===
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Le 19 matin, le [[Comité_exécutif_central_pan-russe|Comité exécutif central]] tente une opération&nbsp;: il convoque une assemblée "légale" de la garnison, y appelant même les comités arriérés, non renouvelés par élection depuis longtemps, qui n'ont pas été présents la veille. Mais la majorité bolchévique est confirmée. En revanche cela permet de constater que la forteresse Pierre-et-Paul et la division des autos blindées n'étaient pas prêtes à l'insurrection.
 
Le 19 matin, le [[Comité_exécutif_central_pan-russe|Comité exécutif central]] tente une opération&nbsp;: il convoque une assemblée "légale" de la garnison, y appelant même les comités arriérés, non renouvelés par élection depuis longtemps, qui n'ont pas été présents la veille. Mais la majorité bolchévique est confirmée. En revanche cela permet de constater que la forteresse Pierre-et-Paul et la division des autos blindées n'étaient pas prêtes à l'insurrection.
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Etant donné que le Congrès des soviets était initialement prévu le 20, le gouvernement prend des mesures préventives&nbsp;: des patrouilles de Cosaques parcourent les quartiers ouvriers toute la nuit, la milice et des réserves de cavalerie se tiennent prêtes, et devant le palais d'Hiver sont disposées des autos blindées, de l'artillerie légère, des mitrailleuses... Le lendemain, n'ayant rien vu, certains se croient sauvés comme [[Fiodor_Dan|Dan]] qui écrit dans les [[Izvestia|''Izvestia'']]&nbsp;: ''«&nbsp; Leur aventure au sujet d'une manifestation armée dans Petrograd est une affaire finie. (...) Ils se rendent déjà.&nbsp;»''
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Etant donné que le Congrès des soviets était initialement prévu le 20, le gouvernement prend des mesures préventives&nbsp;: des patrouilles de Cosaques parcourent les quartiers ouvriers toute la nuit, la milice et des réserves de cavalerie se tiennent prêtes, et devant le palais d'Hiver sont disposées des autos blindées, de l'artillerie légère, des mitrailleuses... Le lendemain, n'ayant rien vu, certains se croient sauvés comme [[Fiodor_Dan|Dan]] qui écrit dans les [[Izvestia|''Izvestia'']]&nbsp;: ''«&nbsp; Leur aventure au sujet d'une manifestation armée dans Petrograd est une affaire finie. (...) Ils se rendent déjà.&nbsp;» ''Toute une partie des cadres bolchéviks avait réellement peur de l'issue finale. Peu de temps avant l'insurrection, se balladant au centre de Moscou, devant ses magasins luxueux et ses bâtisses imposantes, [[Rykov|Rykov]] confiait : ''«&nbsp;Ici, au centre même de Moscou bourgeoise, nous nous sentions effectivement comme des pygmées qui auraient médité de renverser une montagne.&nbsp;»''
    
En fait, le CMR n'est mis sur pied que le 20. Mais il dispose d'emblée d'une forte influence et efficacité. Il place des commissaires auprès des régiments, et rapidement son contrôle s'étend à toujours plus de dépôts d'armes, même à des magasins privés d'armuriers. Il suffisait de s'adresser au comité de soldats, d'ouvriers ou d'employés pour briser la résistance de l'administration ou du patron.
 
En fait, le CMR n'est mis sur pied que le 20. Mais il dispose d'emblée d'une forte influence et efficacité. Il place des commissaires auprès des régiments, et rapidement son contrôle s'étend à toujours plus de dépôts d'armes, même à des magasins privés d'armuriers. Il suffisait de s'adresser au comité de soldats, d'ouvriers ou d'employés pour briser la résistance de l'administration ou du patron.
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== Suites immédiates ==
 
== Suites immédiates ==
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=== Prise de Moscou ===
    
La prise de Moscou fut plus violente, et dura du 28 octobre au 2 novembre. Les bolchéviks occupent le Kremlin puis la direction locale hésite et signe une trêve avec les autorités [[Socialistes-révolutionnaires|SR]] locales avant d’évacuer le bâtiment. Les troupes gouvernementales en profitent alors pour abattre à la mitrailleuse 300 [[Gardes_rouges|gardes rouges]] désarmés, sous les ordres du maire [[Socialistes-révolutionnaires|SR]] [[Vadim_Roudnev|Roudnev]]. Les SR s'associent à des monarchistes pour mener une sanglante répression. Il faudra une semaine de combats acharnés avant que les bolcheviks, conduits par [[Boukharine|Boukharine]], ne s’emparent finalement de la ville.
 
La prise de Moscou fut plus violente, et dura du 28 octobre au 2 novembre. Les bolchéviks occupent le Kremlin puis la direction locale hésite et signe une trêve avec les autorités [[Socialistes-révolutionnaires|SR]] locales avant d’évacuer le bâtiment. Les troupes gouvernementales en profitent alors pour abattre à la mitrailleuse 300 [[Gardes_rouges|gardes rouges]] désarmés, sous les ordres du maire [[Socialistes-révolutionnaires|SR]] [[Vadim_Roudnev|Roudnev]]. Les SR s'associent à des monarchistes pour mener une sanglante répression. Il faudra une semaine de combats acharnés avant que les bolcheviks, conduits par [[Boukharine|Boukharine]], ne s’emparent finalement de la ville.
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=== Répercussions ailleurs ===
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La victoire même de l'insurrection à Petrograd ne suffit pas immédiatement à dissiper l'inertie des hésitants dans le parti. Presque partout, il fallait très souvent une impulsion simultanée et d'en haut et d'en bas pour briser les dernières hésitations du Comité local, l'obliger à rompre avec les conciliateurs et à prendre la tète du mouvement. [[Chliapnikov|Chliapnikov]] témoigne :''«&nbsp;La fin d'octobre et le commencement de novembre furent véritablement des journées "de trouble profond" dans les milieux de notre parti. Nombreux étaient ceux qui se laissaient rapidement gagner par l'ambiance&nbsp;»''.
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A Voronèje l'insurrection fut accomplie non par le Comité du parti, mais par son active minorité à la tête de laquelle était Moïsseev. A Kiev, le Comité dirigé par [[Piatakov|Piatakov]], qui menait une politique purement défensive, transmit, en fin de compte, l'initiative et, ensuite, le pouvoir même à la Rada. Dans bon nombre de chefs-lieux de province, les bolcheviks firent bloc en octobre avec les conciliateurs.
    
== Débats sur l'insurrection ==
 
== Débats sur l'insurrection ==
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Après la débâcle de Kornilov, [[Lénine|Lénine]] interpelle les [[Menchéviks|menchéviks]] et les [[Parti_SR|SR]]&nbsp;: qu'ils prennent le pouvoir, et qu'on s'en remette ensuite au [[Deuxième_congrès_des_soviets|congrès des soviets]]. Mais les conciliateurs s'obstinent dans la coalition avec la bourgeoisie, ce qui ferme cette possilité de développement pacifique de la révolution. Lénine presse alors le comité central bolchévik de se fixer comme tâche l'[[Insurrection_d'Octobre_1917|insurrection]] avant le [[Deuxième_congrès_des_soviets|congrès des soviets]], pour lui remettre tout le pouvoir.
 
Après la débâcle de Kornilov, [[Lénine|Lénine]] interpelle les [[Menchéviks|menchéviks]] et les [[Parti_SR|SR]]&nbsp;: qu'ils prennent le pouvoir, et qu'on s'en remette ensuite au [[Deuxième_congrès_des_soviets|congrès des soviets]]. Mais les conciliateurs s'obstinent dans la coalition avec la bourgeoisie, ce qui ferme cette possilité de développement pacifique de la révolution. Lénine presse alors le comité central bolchévik de se fixer comme tâche l'[[Insurrection_d'Octobre_1917|insurrection]] avant le [[Deuxième_congrès_des_soviets|congrès des soviets]], pour lui remettre tout le pouvoir.
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Kamenev et Zinoviev, contre Lénine, soutenaient que l'insurrection n'était pas nécessaire, et qu'on pourrait conquérir graduellement et pacifiquement la majorité, en laissant cohabiter soviets et institutions bourgeoises. Selon Trotsky :
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''«&nbsp;Si les bolcheviks n'avaient pas pris le pouvoir en octobre-novembre, ils ne l’auraient vraisemblablement jamais pris. &nbsp;»''
    
=== Marxisme et blanquisme ===
 
=== Marxisme et blanquisme ===

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