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Juste après l'[[Insurrection_de_Février_1917|insurrection de Février 1917]], dans les [[Soviets|soviets]] qui se forment partout, la majorité appartient aux socialistes [[Conciliateurs|conciliateurs]] (en faveur de la [[Gouvernement_provisoire_(Russie)|coalition]] avec les [[Parti_KD|libéraux bourgeois]]) : les [[Menchéviks|menchéviks]] et les [[Socialistes-révolutionnaires|socialistes-révolutionnaires]] (SR). Un premier [[Congrès_pan-russe_des_soviets_d'ouvriers_et_de_soldats|congrès pan-russe des soviets d'ouvriers et de soldats]] se réunit en juin, et les [[Bolchéviks|bolchéviks]] n'y ont alors que 13% des délégués.
 
Juste après l'[[Insurrection_de_Février_1917|insurrection de Février 1917]], dans les [[Soviets|soviets]] qui se forment partout, la majorité appartient aux socialistes [[Conciliateurs|conciliateurs]] (en faveur de la [[Gouvernement_provisoire_(Russie)|coalition]] avec les [[Parti_KD|libéraux bourgeois]]) : les [[Menchéviks|menchéviks]] et les [[Socialistes-révolutionnaires|socialistes-révolutionnaires]] (SR). Un premier [[Congrès_pan-russe_des_soviets_d'ouvriers_et_de_soldats|congrès pan-russe des soviets d'ouvriers et de soldats]] se réunit en juin, et les [[Bolchéviks|bolchéviks]] n'y ont alors que 13% des délégués.
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Mais au fil du temps, le [[Gouvernement_provisoire_(Russie)|gouvernement provisoire]] et les socialistes qui le soutenaient se sont fortement discrédités. Ils poursuivaient [[Première_guerre_mondiale|la guerre]] qui exaspéraient les paysans-soldats, et refusaient de satisfaire les [[Mouvement_paysan_en_1917|revendications paysannes]] de partage des terres, et les revendications ouvrières. Ils reportaient tout à la future [[Assemblée_constituante_russe|Assemblée constituante]] qui devait se tenir plus tard, mais sans cesse différée au prétexte de la guerre. Les socialistes [[Bolchéviks|bolchéviks]], eux, ne faisaient que se renforcer. Depuis avril, ils revendiquaient ''« tout le pouvoir aux soviets »'', comme seuls organes réellement populaires, la [[Paix_de_Brest-Litovsk|paix]], la [[Mouvement_paysan_en_1917|terre aux payans]], le [[contrôle_ouvrier|contrôle ouvrier]]...
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Mais au fil du temps, le [[Gouvernement_provisoire_(Russie)|gouvernement provisoire]] et les socialistes qui le soutenaient se sont fortement discrédités. Ils poursuivaient [[Première_guerre_mondiale|la guerre]] qui exaspéraient les paysans-soldats, et refusaient de satisfaire les [[Mouvement_paysan_en_1917|revendications paysannes]] de partage des terres, et les revendications ouvrières. Ils reportaient tout à la future [[Assemblée_constituante_russe|Assemblée constituante]] qui devait se tenir plus tard, mais sans cesse différée au prétexte de la guerre. Les socialistes [[Bolchéviks|bolchéviks]], eux, ne faisaient que se renforcer. Depuis avril, ils revendiquaient ''« tout le pouvoir aux soviets »'', comme seuls organes réellement populaires, la [[Paix_de_Brest-Litovsk|paix]], la [[Mouvement_paysan_en_1917|terre aux payans]], le [[Contrôle_ouvrier|contrôle ouvrier]]...
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En septembre, les bolchéviks obtiennent la majorité parmi les ouvriers et les soldats (au [[Soviet_de_Petrograd|soviet de Petrograd]] le 31 août, au [[Soviet_de_Moscou|soviet de Moscou]] 5 septembre...). Dans les insitutions représentatives classiques, comme les [[Douma_municipale|Doumas municipales]] et les [[Zemstvos|zemstvos]], le poids des bolchéviks est plus réduit que dans les [[Soviets|soviets]]. La bourgeoisie et la petite-bourgeoisie y sont plus présentes directement et influencent plus les "[[citoyens|citoyens]]" atomisés. Par ailleurs les élections ont eu lieu il y a longtemps et beaucoup de [[Zemstvos|zemstvos]] ont été élus au [[Suffrage_censitaire|suffrage censitaire]]. Mais néanmoins en Octobre les voix pour les bolchéviks progressent partout, au fur et à mesure des réélections<span>​</span><ref name="TK41">Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr41.htm Histoire de la révolution russe - 41. Sortie du préparlement et lutte pour le congrès des soviets]'', 1930</ref>. En août-septembre, les garnisons se bolchévisent rapidement. Et dans les institutions plus prolétariennes que les soviets, comme les [[Syndicats_en_Russie|syndicats]] et les [[Comités_d'usine|comités d'usine]], l'hégémonie des bolchéviks était quasi-totale.
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En septembre, les bolchéviks obtiennent la majorité parmi les ouvriers et les soldats (au [[Soviet_de_Petrograd|soviet de Petrograd]] le 31 août, au [[Soviet_de_Moscou|soviet de Moscou]] 5 septembre...). Dans les insitutions représentatives classiques, comme les [[Douma_municipale|Doumas municipales]] et les [[Zemstvos|zemstvos]], le poids des bolchéviks est plus réduit que dans les [[Soviets|soviets]]. La bourgeoisie et la petite-bourgeoisie y sont plus présentes directement et influencent plus les "[[Citoyens|citoyens]]" atomisés. Par ailleurs les élections ont eu lieu il y a longtemps et beaucoup de [[Zemstvos|zemstvos]] ont été élus au [[Suffrage_censitaire|suffrage censitaire]]. Mais néanmoins en Octobre les voix pour les bolchéviks progressent partout, au fur et à mesure des réélections<span>​</span><ref name="TK41">Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr41.htm Histoire de la révolution russe - 41. Sortie du préparlement et lutte pour le congrès des soviets]'', 1930</ref>. En août-septembre, les garnisons se bolchévisent rapidement. Et dans les institutions plus prolétariennes que les soviets, comme les [[Syndicats_en_Russie|syndicats]] et les [[Comités_d'usine|comités d'usine]], l'hégémonie des bolchéviks était quasi-totale.
    
[[Milioukov|Milioukov]] craignait à raison que cette force soit devenue invincible&nbsp;: ''«&nbsp;De soi-même se posait la question fatale&nbsp;: N'est-il pas trop tard&nbsp;? N'est-il pas trop tard pour déclarer la guerre aux bolcheviks&nbsp;?&nbsp;»<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr38.htm Histoire de la révolution russe - 38. La dernière coalition]'', 1930</ref>''
 
[[Milioukov|Milioukov]] craignait à raison que cette force soit devenue invincible&nbsp;: ''«&nbsp;De soi-même se posait la question fatale&nbsp;: N'est-il pas trop tard&nbsp;? N'est-il pas trop tard pour déclarer la guerre aux bolcheviks&nbsp;?&nbsp;»<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr38.htm Histoire de la révolution russe - 38. La dernière coalition]'', 1930</ref>''
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Août et septembre deviennent les mois d'une rapide aggravation de la situation économique. Déjà, pendant les journées korniloviennes, la ration de pain avait été réduite, à Moscou comme à Pétrograd, à une demi-livre par jour. Dans le district de Moscou, on commença à ne plus délivrer que 2 livres par semaine, et un début de famine touche même certaines zones. La Volga, le Midi, le front et l'arrière tout proche, toutes les régions du pays passent par une terrible crise d'approvisionnement.
 
Août et septembre deviennent les mois d'une rapide aggravation de la situation économique. Déjà, pendant les journées korniloviennes, la ration de pain avait été réduite, à Moscou comme à Pétrograd, à une demi-livre par jour. Dans le district de Moscou, on commença à ne plus délivrer que 2 livres par semaine, et un début de famine touche même certaines zones. La Volga, le Midi, le front et l'arrière tout proche, toutes les régions du pays passent par une terrible crise d'approvisionnement.
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Les journaux recensaient chaque jour de nouveaux foyers de révoltes. Les protestations venaient des ouvriers, des soldats, du petit peuple des villes. Beaucoup d’ouvriers se mettent en [[grève|grève]], sans suivre les appels à la prudence des soviets, des syndicats, du parti. Mais les plus avancés, déjà passés par ces étapes de débrayes, de politisation, d'organisation, considèrent déjà ce mode d’action comme dépassé. Ils comprenaient bien que des grèves ne pouvaient quasiment plus rien apporter dans le contexte actuel. Convaincus par le parti bolchévik, ils se rallient à l’objectif de l’insurrection. Paradoxalement, c'était Pétrograd qui restait le plus calme dans le mois qui précède l'insurrection.
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Les journaux recensaient chaque jour de nouveaux foyers de révoltes. Les protestations venaient des ouvriers, des soldats, du petit peuple des villes. Beaucoup d’ouvriers se mettent en [[Grève|grève]], sans suivre les appels à la prudence des soviets, des syndicats, du parti. Mais les plus avancés, déjà passés par ces étapes de débrayes, de politisation, d'organisation, considèrent déjà ce mode d’action comme dépassé. Ils comprenaient bien que des grèves ne pouvaient quasiment plus rien apporter dans le contexte actuel. Convaincus par le parti bolchévik, ils se rallient à l’objectif de l’insurrection. Paradoxalement, c'était Pétrograd qui restait le plus calme dans le mois qui précède l'insurrection.
    
En septembre, des soulèvements éclatent [[Mouvement_paysan_en_1917|dans les campagnes]]. Cela signifie que la majorité du peuple bascule côté révolutionnaire, et donc peut soutenir les bolchéviks s'ils neutralisent le gouvernement qui lui, tente de réprimer les paysans.
 
En septembre, des soulèvements éclatent [[Mouvement_paysan_en_1917|dans les campagnes]]. Cela signifie que la majorité du peuple bascule côté révolutionnaire, et donc peut soutenir les bolchéviks s'ils neutralisent le gouvernement qui lui, tente de réprimer les paysans.
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Il ne fait aucun doute qu'un des camps ([[Réaction|réaction]] ou [[Révolution_socialiste|révolution]]) devait prendre l'initiative. Dès juillet-août, [[Milioukov|Milioukov]] résumait : ''«&nbsp;ou Kornilov ou Lénine&nbsp;»''. Or Kornilov avait essayé et échoué... La presse bourgeoise, avec en tête la ''Rietch'' des [[Parti_KD|KD]], répétait de jour en jour qu'il ne fallait pas laisser aux bolcheviks la possibilité ''«&nbsp;de choisir leur moment pour déclarer la guerre civile&nbsp;»''.
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Il ne fait aucun doute qu'un des camps ([[Réaction|réaction]] ou [[Révolution_socialiste|révolution]]) devait prendre l'initiative. Dès juillet-août, [[Milioukov|Milioukov]] résumait&nbsp;: ''«&nbsp;ou Kornilov ou Lénine&nbsp;»''. Or Kornilov avait essayé et échoué... La presse bourgeoise, avec en tête la ''Rietch'' des [[Parti_KD|KD]], répétait de jour en jour qu'il ne fallait pas laisser aux bolcheviks la possibilité ''«&nbsp;de choisir leur moment pour déclarer la guerre civile&nbsp;»''.
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=== Convaincre le parti ===
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== Convaincre le parti ==
    
Dès le 12 septembre, [[Lénine|Lénine]] envoyait au Comité central bolchévik une lettre allant droit au but&nbsp;: ''«&nbsp;Ayant obtenu la majorité aux Soviets des députés ouvriers et soldats des deux capitales, les bolchéviks peuvent et doivent prendre en mains le pouvoir. Ils le peuvent, car la majorité agissante des éléments révolutionnaires du peuple de [Moscou et Petrograd] suffit pour entraîner les masses&nbsp;»''<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/09/vil19170925.htm Les bolchéviks doivent prendre en mains le pouvoir]'', 12 septembre 1917</ref> A ce moment-là, on n'est pas certain d'une majorité exacte pour les bolchéviks. Mais Lénine défend une vision dynamique&nbsp;: ''«&nbsp; Attendre une majorité "formelle" serait naïf de la part des bolchéviks&nbsp;: cela aucune révolution ne l'attend&nbsp;»''. Vu la montée des révolutionnaires, les réactionnaires vont frapper si on leur en laisse le temps. A l'inverse, si l'on agit, ''«&nbsp;en proposant sur-le-champ une paix démocratique, en donnant aussitôt la terre aux paysans, en rétablissant les institutions et les libertés démocratiques foulées aux pieds et anéanties par Kérenski, les bolchéviks formeront un gouvernement que personne ne renversera&nbsp;»''.
 
Dès le 12 septembre, [[Lénine|Lénine]] envoyait au Comité central bolchévik une lettre allant droit au but&nbsp;: ''«&nbsp;Ayant obtenu la majorité aux Soviets des députés ouvriers et soldats des deux capitales, les bolchéviks peuvent et doivent prendre en mains le pouvoir. Ils le peuvent, car la majorité agissante des éléments révolutionnaires du peuple de [Moscou et Petrograd] suffit pour entraîner les masses&nbsp;»''<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/09/vil19170925.htm Les bolchéviks doivent prendre en mains le pouvoir]'', 12 septembre 1917</ref> A ce moment-là, on n'est pas certain d'une majorité exacte pour les bolchéviks. Mais Lénine défend une vision dynamique&nbsp;: ''«&nbsp; Attendre une majorité "formelle" serait naïf de la part des bolchéviks&nbsp;: cela aucune révolution ne l'attend&nbsp;»''. Vu la montée des révolutionnaires, les réactionnaires vont frapper si on leur en laisse le temps. A l'inverse, si l'on agit, ''«&nbsp;en proposant sur-le-champ une paix démocratique, en donnant aussitôt la terre aux paysans, en rétablissant les institutions et les libertés démocratiques foulées aux pieds et anéanties par Kérenski, les bolchéviks formeront un gouvernement que personne ne renversera&nbsp;»''.
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On s'inquitétait alors particulièrement d'une prise de Petrograd par les Allemands, qui aurait porté un coup dur au coeur révolutionnaire, et que le gouvernement aurait pu mettre à profit. Ce danger-là s'est éloigné par la suite.
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On s'inquitétait alors particulièrement d'une prise de Petrograd par les Allemands, qui aurait porté un coup dur au coeur révolutionnaire, et que le gouvernement aurait pu mettre à profit. Ce danger-là s'est éloigné par la suite, mais Lénine en voyait bien d'autres, en cas d'inaction. Plus globalement, dans cette période, Lénine critiquait constamment sur la gauche le comité central, qui accorde trop d'attention au [[Comité_exécutif_central_panrusse|Comité exécutif conciliateur]], à la [[Conférence_démocratique_(Russie)|Conférence démocratique]], et aux bavardages parlementaires en général, et ne s'occupe pas assez activement de préparer les masses à l'insurrection.
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Plus globalement, dans cette période, Lénine critiquait constamment sur la gauche le comité central, qui accorde trop d'attention au [[Comité_exécutif_central_panrusse|Comité exécutif conciliateur]], à la [[Conférence_démocratique_(Russie)|Conférence démocratique]], et aux bavardages parlementaires en général, et ne s'occupe pas assez activement de préparer les masses à l'insurrection. Pendant la [[Conférence_démocratique_(Russie)|Conférence démocratique]] (14-22 septembre), il appelle même le parti à cerner le bâtiment pour prendre le pouvoir.
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Pendant la [[Conférence_démocratique_(Russie)|Conférence démocratique]] (14-22 septembre), Lénine propose de cerner le bâtiment et prendre le pouvoir. Le [[Comité_central_bolchévik|Comité central]] repousse unanimement la proposition, pour des raisons différentes : certains sont contre l'insurrection en général, d'autres ([[Trotsky|Trotsky]]) considèrent que ce n'est pas le moment. Le comité central repousse même l'idée de [[boycott|boycott]] du [[Pré-parlement_(Russie)|pré-parlement]] issu de la Conférence<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/09/vil19170922b.htm Notes d'un publiciste]'', 22-23-24 septembre 1917</ref>.
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Le 29 septembre (a.s), [[Lénine|Lénine]] écrit (de sa clandestinité) un article intitulé ''La crise est mûre'', qui reconnaît ce moment historique&nbsp;: ''«&nbsp;Que nous ayons maintenant avec les socialistes-révolutionnaires de gauche la majorité à la fois dans les Soviets, dans l'armée et dans le pays, cela ne fait pas l'ombre d'un doute&nbsp;»''<ref name="CriseMure">Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/10/vil19171029.htm La crise est mûre]'', 29 septembre 1917</ref>. Il souligne que l'ensemble des couches populaires, y compris petite-bourgeoises, sont en révolte. Il ajoute que des mutineries viennent d'éclater parmi les matelots de la flotte allemande en août, et replace la Russie dans un processus mondial de transformation de la [[Première_Guerre_mondiale|guerre mondiale]] en [[Révolution_internationale|révolution internationale]].
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Le 29 septembre (a.s), [[Lénine|Lénine]] écrit (de sa clandestinité) un article intitulé ''La crise est mûre'', qui reconnaît ce moment historique&nbsp;: ''«&nbsp;Que nous ayons maintenant avec les socialistes-révolutionnaires de gauche la majorité à la fois dans les Soviets, dans l'armée et dans le pays, cela ne fait pas l'ombre d'un doute&nbsp;»''<ref name="CriseMure">Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/10/vil19171029.htm La crise est mûre]'', 29 septembre 1917</ref>. Il souligne que l'ensemble des couches populaires, y compris petite-bourgeoises, sont en révolte. Il ajoute que des mutineries viennent d'éclater parmi les matelots de la flotte allemande en août, et replace la Russie dans un processus mondial de transformation de la [[Première_Guerre_mondiale|guerre mondiale]] en [[Révolution_internationale|révolution internationale]]. Pour être des [[internationalistes|internationalistes]] en acte, il faut que les révolutionnaires russes allument l'étincelle de leur côté. Il en déduit qu'il est impératif que le parti bolchévik prenne ses responsabilités et renverse le [[Gouvernement_provisoire_(Russie)|gouvernement provisoire]], sans attendre le [[Deuxième_congrès_des_soviets|congrès des soviets]] ni l'[[Assemblée_constituante_russe|Assemblée constituante]], car ce serait laisser le temps au gouvernement de réprimer les paysans, de truquer les élections, de préparer une contre-offensive type Kornilov, et donc ce serait laisser se refermer la [[situation_révolutionnaire|situation révolutionnaire]]. ''«&nbsp; Tout l'avenir de la révolution ouvrière internationale pour le socialisme est en jeu.&nbsp;»<ref name="CriseMure" />''
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Il en déduit qu'il est impératif que le parti bolchévik prenne ses responsabilités et renverse le [[Gouvernement_provisoire_(Russie)|gouvernement provisoire]], sans attendre le [[Deuxième_congrès_des_soviets|congrès des soviets]] ni l'[[Assemblée_constituante_russe|Assemblée constituante]], car ce serait laisser le temps au gouvernement de réprimer les paysans, de truquer les élections, donc ce serait laisser se refermer la situation révolutionnaire. ''«&nbsp; Tout l'avenir de la révolution ouvrière internationale pour le socialisme est en jeu.&nbsp;»<ref name="CriseMure" />''
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Paradoxalement, de sa retraite clandestine, Lénine est peut-être plus sensible à la situation intenable des masses, étant loin des cercles conciliateurs petit-bourgeois. ''« A quoi bon tolérer encore trois semaines de guerre ?&nbsp;»''<ref name="Smilga" /> Il faisait venir dans son refuge divers bolcheviks, les soumettait à des interrogatoires passionnés, envoyait des lettres vers des militants plus près de la base pour susciter des pressions sur les sommets. Il s'appuie sur [[Ivar_Smilga|Smilga]], qui dirige les soviets de Finlande et qui est à l'extrême gauche du parti<ref name="Smilga">Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/09/vil19170927.htm Lettre à  I. Smilga, président du comité régional de l'armée, de la flotte et des ouvriers de Finlande]'', 27 septembre 1917</ref>.
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Dans une partie privée destinée au Comité central, [[Lénine|Lénine]] insistait plus explicitement sur l'urgence de l'insurrection, dénonçant avec agacement le courant ''«&nbsp; en faveur de l'attente du Congrès des Soviets et hostile à la prise immédiate du pouvoir, hostile à l'insurrection immédiate&nbsp;»''. Il conclut en menaçant de démissionner pour être libre de faire de la propagande dans le parti. En effet il y avait de fortes réticences dans le parti. [[Zinoviev|Zinoviev]] et [[Kamenev|Kamenev]] renouvelaient leur opposition aux [[Thèses_d'avril|thèses d'avril]], affirmant que la prise du pouvoir par la classe ouvrière était impossible. [[Trotsky|Trotsky]] lui, était pour l'insurrection mais préconisait d'attendre le [[Deuxième_congrès_des_soviets|Congrès des soviets]], alors prévu le 20 octobre.
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Dans une partie privée de sa lettre du 29 destinée au Comité central, [[Lénine|Lénine]] dénonçait le courant ''«&nbsp; en faveur de l'attente du Congrès des Soviets et hostile à la prise immédiate du pouvoir, hostile à l'insurrection immédiate&nbsp;»''. Il conclut en menaçant de démissionner pour être libre de faire de la propagande dans le parti. En effet il y avait de fortes réticences dans le parti. [[Zinoviev|Zinoviev]] et [[Kamenev|Kamenev]] renouvelaient leur opposition aux [[Thèses_d'avril|thèses d'avril]], affirmant que la prise du pouvoir par la classe ouvrière était impossible. [[Trotsky|Trotsky]] lui, était pour l'insurrection mais préconisait d'attendre le [[Deuxième_congrès_des_soviets|Congrès des soviets]], alors prévu le 20 octobre.
    
Lénine répondait qu'attendre officiellement le Congrès pour décider de la question du pouvoir revenait à annoncer publiquement la date de l'insurrection. ''«&nbsp;On réunira les cosaques pour le jour sottement «&nbsp;fixé&nbsp;» (...) On peut prendre le pouvoir aujourd'hui, mais du 20 au 29 octobre, on ne vous le laissera pas prendre&nbsp;»''.
 
Lénine répondait qu'attendre officiellement le Congrès pour décider de la question du pouvoir revenait à annoncer publiquement la date de l'insurrection. ''«&nbsp;On réunira les cosaques pour le jour sottement «&nbsp;fixé&nbsp;» (...) On peut prendre le pouvoir aujourd'hui, mais du 20 au 29 octobre, on ne vous le laissera pas prendre&nbsp;»''.
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Le lendemain même, le 10, le Comité central des bolcheviks adopta dans une réunion secrète (chez [[Soukhanov|Soukhanov]] et à son insu) la motion de Lénine, faisant de l'insurrection armée la tâche pratique des journées les plus prochaines. Le parti adoptait dés lors une position de combat claire et impérative. Le CMR s'insérait dans la perspective de la lutte immédiate pour la conquête du pouvoir.&nbsp; Comme le dira [[Trotsky|Trotsky]]&nbsp;:
 
Le lendemain même, le 10, le Comité central des bolcheviks adopta dans une réunion secrète (chez [[Soukhanov|Soukhanov]] et à son insu) la motion de Lénine, faisant de l'insurrection armée la tâche pratique des journées les plus prochaines. Le parti adoptait dés lors une position de combat claire et impérative. Le CMR s'insérait dans la perspective de la lutte immédiate pour la conquête du pouvoir.&nbsp; Comme le dira [[Trotsky|Trotsky]]&nbsp;:
 
<blockquote>«&nbsp;À partir du moment où nous, le Soviet de Petrograd, avions invalidé l'ordre de Kerensky de transférer deux tiers de la garnison au front, nous étions réellement entré dans un état d'insurrection armée... les résultats de l'insurrection du 25 octobre ont été au moins aux trois quarts réglés&nbsp;» <ref>Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1924/09/19240915f.htm Les leçons d'Octobre]'', 1924</ref></blockquote>  
 
<blockquote>«&nbsp;À partir du moment où nous, le Soviet de Petrograd, avions invalidé l'ordre de Kerensky de transférer deux tiers de la garnison au front, nous étions réellement entré dans un état d'insurrection armée... les résultats de l'insurrection du 25 octobre ont été au moins aux trois quarts réglés&nbsp;» <ref>Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1924/09/19240915f.htm Les leçons d'Octobre]'', 1924</ref></blockquote>  
[[Pavel_Lasimir|Lasimir]], jeune [[SR_de_gauche|SR de gauche]] proche des bolchéviks, fut placé à la tête de la commission d'élaboration des statuts : se mettre en liaison avec l'arrondissement militaire de Petrograd, le front Nord, le [[Tsentrobalt|Tsentrobalt]] et le soviet régional de Finlande pour élucider la situation au front, recenser les régiments de Petrograd et des environs, faire l'inventaire des armes et munitions, maintenir la discipline dans les masses des soldats et des ouvriers. On flirte avec la limite entre défense de Petrograd et revue des forces pour l'insurrection&nbsp;: Comme le sougline [[Trotsky|Trotsky]], ce n'était pas seulement une manoeuvre conspirative&nbsp;:
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[[Pavel_Lasimir|Lasimir]], jeune [[SR_de_gauche|SR de gauche]] proche des bolchéviks, fut placé à la tête de la commission d'élaboration des statuts&nbsp;: se mettre en liaison avec l'arrondissement militaire de Petrograd, le front Nord, le [[Tsentrobalt|Tsentrobalt]] et le soviet régional de Finlande pour élucider la situation au front, recenser les régiments de Petrograd et des environs, faire l'inventaire des armes et munitions, maintenir la discipline dans les masses des soldats et des ouvriers. On flirte avec la limite entre défense de Petrograd et revue des forces pour l'insurrection&nbsp;: Comme le sougline [[Trotsky|Trotsky]], ce n'était pas seulement une manoeuvre conspirative&nbsp;:
 
<blockquote>''«&nbsp;Ces deux problèmes, qui s'excluaient jusqu'alors l'un l'autre, se rapprochaient maintenant en fait&nbsp;: ayant pris en main le pouvoir, le soviet devra se charger aussi de la défense militaire de Petrograd. L'élément du camouflage de la défense n'était point introduit par force du dehors, mais procédait jusqu'à un certain degré des conditions d'une veille d'insurrection. &nbsp;»''</blockquote>  
 
<blockquote>''«&nbsp;Ces deux problèmes, qui s'excluaient jusqu'alors l'un l'autre, se rapprochaient maintenant en fait&nbsp;: ayant pris en main le pouvoir, le soviet devra se charger aussi de la défense militaire de Petrograd. L'élément du camouflage de la défense n'était point introduit par force du dehors, mais procédait jusqu'à un certain degré des conditions d'une veille d'insurrection. &nbsp;»''</blockquote>  
 
Le 12, le Comité exécutif examina les dispositions élaborées par la commission de Lasimir. Les menchéviks, indignés mais impuissants, comprenaient très peu où les bolchéviks voulaient en venir. Le 13, c'est la section des soldats du soviet qui débat de la question du CMR. [[Dybenko|Dybenko]], président du [[Tsentrobalt|''Tsentrobalt'']], expliqua dans un langage cru que la [[Flotte_de_la_Baltique|Flotte]] avait rompu définitivement avec le gouvernement et n'hésiterait pas à pendre l'amiral. Il dément aussi les ordres de l'Etat major&nbsp;:
 
Le 12, le Comité exécutif examina les dispositions élaborées par la commission de Lasimir. Les menchéviks, indignés mais impuissants, comprenaient très peu où les bolchéviks voulaient en venir. Le 13, c'est la section des soldats du soviet qui débat de la question du CMR. [[Dybenko|Dybenko]], président du [[Tsentrobalt|''Tsentrobalt'']], expliqua dans un langage cru que la [[Flotte_de_la_Baltique|Flotte]] avait rompu définitivement avec le gouvernement et n'hésiterait pas à pendre l'amiral. Il dément aussi les ordres de l'Etat major&nbsp;:
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Le 16, Polkovnikov faisait un rapport optimiste sur ses forces au gouvernement. Le maire de la ville, Schreider, [[Parti_SR|SR]], suppliait de son côté ''«&nbsp;de ne pas faire de désordres, risquant de provoquer certainement la famine dans la capitale&nbsp;»''.&nbsp; Dans son journal, [[Gorki|Gorki]] exige des bolcheviks qu'ils démentent les bruits si seulement ils ne sont pas ''«&nbsp;le jouet sans défense d'une foule ensauvagée&nbsp;»''.
 
Le 16, Polkovnikov faisait un rapport optimiste sur ses forces au gouvernement. Le maire de la ville, Schreider, [[Parti_SR|SR]], suppliait de son côté ''«&nbsp;de ne pas faire de désordres, risquant de provoquer certainement la famine dans la capitale&nbsp;»''.&nbsp; Dans son journal, [[Gorki|Gorki]] exige des bolcheviks qu'ils démentent les bruits si seulement ils ne sont pas ''«&nbsp;le jouet sans défense d'une foule ensauvagée&nbsp;»''.
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Pour le 17, l'état-major du front, avec les [[comités_d'armée_(Russie)|comités d'armée]], convoquait les représentants du soviet de Petrograd pour les intimider devant les tranchées, à Pskov. Le soviet accepta le défi et envoya une délégation de quelques dizaines d'hommes. Profondément convaincue d'avoir raison, la délégation tint facilement tête à l'attaque de l'Etat-major et rentra à Petrograd plus unanime qu'au moment où elle était partie. Les preuves historiques ont ensuite montré que c'était surtout Kerensky qui voulait envoyer les troupes au front, et pas les officiers du front qui les réclamaient.
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Pour le 17, l'état-major du front, avec les [[Comités_d'armée_(Russie)|comités d'armée]], convoquait les représentants du soviet de Petrograd pour les intimider devant les tranchées, à Pskov. Le soviet accepta le défi et envoya une délégation de quelques dizaines d'hommes. Profondément convaincue d'avoir raison, la délégation tint facilement tête à l'attaque de l'Etat-major et rentra à Petrograd plus unanime qu'au moment où elle était partie. Les preuves historiques ont ensuite montré que c'était surtout Kerensky qui voulait envoyer les troupes au front, et pas les officiers du front qui les réclamaient.
    
=== La tactique bolchévique ===
 
=== La tactique bolchévique ===
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== Débats sur l'insurrection ==
 
== Débats sur l'insurrection ==
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=== L'insurrection évitable ? ===
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=== L'insurrection évitable&nbsp;? ===
    
Après la débâcle de Kornilov, [[Lénine|Lénine]] interpelle les [[Menchéviks|menchéviks]] et les [[Parti_SR|SR]]&nbsp;: qu'ils prennent le pouvoir, et qu'on s'en remette ensuite au [[Deuxième_congrès_des_soviets|congrès des soviets]]. Mais les conciliateurs s'obstinent dans la coalition avec la bourgeoisie, ce qui ferme cette possilité de développement pacifique de la révolution. Lénine presse alors le comité central bolchévik de se fixer comme tâche l'[[Insurrection_d'Octobre_1917|insurrection]] avant le [[Deuxième_congrès_des_soviets|congrès des soviets]], pour lui remettre tout le pouvoir.
 
Après la débâcle de Kornilov, [[Lénine|Lénine]] interpelle les [[Menchéviks|menchéviks]] et les [[Parti_SR|SR]]&nbsp;: qu'ils prennent le pouvoir, et qu'on s'en remette ensuite au [[Deuxième_congrès_des_soviets|congrès des soviets]]. Mais les conciliateurs s'obstinent dans la coalition avec la bourgeoisie, ce qui ferme cette possilité de développement pacifique de la révolution. Lénine presse alors le comité central bolchévik de se fixer comme tâche l'[[Insurrection_d'Octobre_1917|insurrection]] avant le [[Deuxième_congrès_des_soviets|congrès des soviets]], pour lui remettre tout le pouvoir.

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