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Ce sont les menchéviks qui ont le plus soutenu la création des soviets à l'origine. Mais la plupart y voyaient seulement un moyen de créer un parti de masse ou des syndicats à l'allemande, et en aucun cas des organes de pouvoir durables. Les mencheviks de Saint-Pétersbourg sous l'influence de [[Trotsky|Trotsky]], agissent en contradiction avec la ligne des dirigeants de l'émigration.
 
Ce sont les menchéviks qui ont le plus soutenu la création des soviets à l'origine. Mais la plupart y voyaient seulement un moyen de créer un parti de masse ou des syndicats à l'allemande, et en aucun cas des organes de pouvoir durables. Les mencheviks de Saint-Pétersbourg sous l'influence de [[Trotsky|Trotsky]], agissent en contradiction avec la ligne des dirigeants de l'émigration.
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Les bolcheviks ont été beaucoup plus réticents à l'égard des soviets  : certains y voient une tentative de dresser un organisme informe et irresponsable en rival de l'autorité du parti. Les bolcheviks de Saint-Pétersbourg commencent par refuser de participer en tant que tels au soviet des délégués ouvriers et il faudra, pour les y décider, tout le prestige et l'insistance de [[Trotsky|Trotsky]] auprès de [[Krassine|Krassine]], représentant du comité central. De manière générale, ceux qui sont les plus favorables aux soviets ne consentent à y voir, dans le meilleur des cas, que des auxiliaires du parti.
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Les bolcheviks ont été beaucoup plus réticents à l'égard des soviets  : certains y voient une tentative de dresser un organisme informe et irresponsable en rival de l'autorité du parti. Les bolcheviks de Saint-Pétersbourg commencent par refuser de participer en tant que tels au soviet des délégués ouvriers et il faudra, pour les y décider, tout le prestige et l'insistance de [[Trotsky|Trotsky]] auprès de [[Krassine|Krassine]], représentant du comité central. De manière générale, ceux qui sont les plus favorables aux soviets ne consentent à y voir, dans le meilleur des cas, que des auxiliaires du parti.
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C'est ainsi qu'après la dissolution du soviet de Pétersbourg, Lénine approuve les [[bolcheviks|bolcheviks]] qui s'y sont opposés à l'admission des [[Anarchistes_russes|anarchistes]]  : à ses yeux, le soviet n'est « ni un parlement ouvrier, ni un organe d'auto gouvernement prolétarien », mais seulement une « organisation de combat pour atteindre des buts définis ». En 1907, il admet qu'il faudrait étudier scientifiquement la question de savoir si les soviets constituent vraiment « un pouvoir révolutionnaire ». En janvier 1917, dans une conférence sur la révolution de 1905, il ne mentionne les soviets qu'en passant, les définissant comme des « organes de lutte ». C'est seulement au cours des semaines suivantes qu'il modifiera son analyse, sous l'influence de [[Boukharine|Boukharine]], de [[Pannekoek|Pannekoek]], et surtout du rôle joué par les nouveaux [[soviets|soviets]] russes.
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C'est ainsi qu'après la dissolution du soviet de Pétersbourg, Lénine approuve les [[Bolcheviks|bolcheviks]] qui s'y sont opposés à l'admission des [[Anarchistes_russes|anarchistes]]  : à ses yeux, le soviet n'est « ni un parlement ouvrier, ni un organe d'auto gouvernement prolétarien », mais seulement une « organisation de combat pour atteindre des buts définis ». En 1907, il admet qu'il faudrait étudier scientifiquement la question de savoir si les soviets constituent vraiment « un pouvoir révolutionnaire ». En janvier 1917, dans une conférence sur la révolution de 1905, il ne mentionne les soviets qu'en passant, les définissant comme des « organes de lutte ». C'est seulement au cours des semaines suivantes qu'il modifiera son analyse, sous l'influence de [[Boukharine|Boukharine]], de [[Pannekoek|Pannekoek]], et surtout du rôle joué par les nouveaux [[Soviets|soviets]] russes.
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Sur cette question aussi, [[Trotsky|Trotsky]] fait figure d'isolé et de précurseur. Placé au cœur de l'expérience du [[soviet_de_Pétersbourg|soviet de Pétersbourg]], il en dégage les leçons et conclut&nbsp; : ''«&nbsp;Il n'y a aucun doute qu'à la prochaine explosion révolutionnaire, de tels conseils ouvriers se formeront dans tout le pays. Un soviet pan-russe des ouvriers, organisé par un congrès national, [...] assurera la direction.&nbsp;»'' Trotsky dit haut et fort, même devant ses juges, que le soviet, ''«&nbsp;organisation-type de la révolution&nbsp;»'', parce qu' ''«&nbsp;organisation même du prolétariat&nbsp;»'' serait l'''«&nbsp;organe du pouvoir du prolétariat&nbsp;»''<ref>Trotsky, ''Discours devant le tribunal'', 19 sept. 1906 », cité par Fourth International, mars 1942, p. 85.</ref>.
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Sur cette question aussi, [[Trotsky|Trotsky]] fait figure d'isolé et de précurseur. Placé au cœur de l'expérience du [[Soviet_de_Pétersbourg|soviet de Pétersbourg]], il en dégage les leçons et conclut&nbsp;&nbsp;: ''«&nbsp;Il n'y a aucun doute qu'à la prochaine explosion révolutionnaire, de tels conseils ouvriers se formeront dans tout le pays. Un soviet pan-russe des ouvriers, organisé par un congrès national, [...] assurera la direction.&nbsp;»'' Trotsky dit haut et fort, même devant ses juges, que le soviet, ''«&nbsp;organisation-type de la révolution&nbsp;»'', parce qu' ''«&nbsp;organisation même du prolétariat&nbsp;»'' serait l'''«&nbsp;organe du pouvoir du prolétariat&nbsp;»''<ref>Trotsky, ''Discours devant le tribunal'', 19 sept. 1906 », cité par Fourth International, mars 1942, p. 85.</ref>.
    
Selon [[Gramsci|<span class="new">Gramsci</span>]] également, pour des raisons liées à sa nature sociale, la classe ouvière ne peut pas gouverner autrement que sous la forme de conseils ouvriers, de conseils des travailleurs, de même que le parlement est une forme de gouvernement liée sociologiquement à la nature de la bourgeoisie. [[Rosa_Luxemburg|Rosa Luxemburg]], et dans une moindre mesure [[Karl_Korsch|<span class="new">Karl Korsch</span>]], furent aussi des théoriciens de l'auto-organisation de la classe ouvrière.
 
Selon [[Gramsci|<span class="new">Gramsci</span>]] également, pour des raisons liées à sa nature sociale, la classe ouvière ne peut pas gouverner autrement que sous la forme de conseils ouvriers, de conseils des travailleurs, de même que le parlement est une forme de gouvernement liée sociologiquement à la nature de la bourgeoisie. [[Rosa_Luxemburg|Rosa Luxemburg]], et dans une moindre mesure [[Karl_Korsch|<span class="new">Karl Korsch</span>]], furent aussi des théoriciens de l'auto-organisation de la classe ouvrière.
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=== Soviets contre anciens organes ===
 
=== Soviets contre anciens organes ===
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Pendant la période du [[Double_pouvoir|double pouvoir]] ([[Révolution_de_Février_1917|Février]] à [[Octobre_1917|Octobre 1917]]), les soviets se constituent partout, mais les anciennes institutions existent encore&nbsp;: Doumas municipales, [[Zemstvos|zemstvos]]...
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Pendant la période du [[Double_pouvoir|double pouvoir]] ([[Révolution_de_Février_1917|Février]] à [[Octobre_1917|Octobre 1917]]), les soviets se constituent partout, mais les anciennes institutions existent encore&nbsp;: [[Douma_municipale|doumas municipales]], [[Zemstvos|zemstvos]]...
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Les doumas avaient selon les démocrates bourgeois une représentation plus complète (tous les citoyens et non seulement les plus actifs), et donc auraient dû jouir d'une plus grande autorité. De plus, les doumas avaient l'énorme avantage d'être officiellement soutenues par l'État. La milice, le ravitaillement, les transports urbains, l'instruction publique ressortissaient officiellement aux doumas. Les soviets, en tant qu'institutions "privées", n'avaient ni budget, ni droits. Et néanmoins, le pouvoir restait entre les mains des soviets. Les doumas étaient dans les faits des sortes de commissions municipales auprès des soviets.
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Les doumas avaient selon les démocrates bourgeois une représentation plus complète (tous les citoyens et non seulement les plus actifs), et donc auraient dû jouir d'une plus grande autorité. De plus, les doumas avaient l'énorme avantage d'être officiellement soutenues par l'État. La milice, le ravitaillement, les transports urbains, l'instruction publique ressortissaient officiellement aux doumas. Les soviets, en tant qu'institutions "privées", n'avaient ni budget, ni droits. Et néanmoins, le pouvoir restait de fait entre les mains des soviets. Les doumas étaient dans les faits des sortes de commissions municipales auprès des soviets.
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La compétition entre système soviétique et démocratie de pure forme était d’autant plus frappante qu’elle se manifestait sous la direction des mêmes partis dominants ([[Socialiste-révolutionnaire|socialiste-révolutionnaire]] et [[Mencheviks|mencheviks]]), lesquels étaient profondément persuadés que les soviets devaient céder la place aux doumas. Les KD était une minorité de droite dans les doumas, mais absents des soviets. Les bolchéviks étaient une minorité de gauche, plus forte dans les soviets (surtout ouvriers), et plus forte encore dans les [[Comités_d'usine|comités d'usine]]).
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La compétition entre système soviétique et démocratie de pure forme (frappante notamment lors de la [[Conférence_démocratique_(Russie)|Conférence démocratique]]) était d’autant plus frappante qu’elle se manifestait sous la direction des mêmes partis dominants ([[Socialiste-révolutionnaire|socialiste-révolutionnaire]] et [[Mencheviks|mencheviks]]), lesquels étaient profondément persuadés que les soviets devaient céder la place aux doumas. Les [[Parti_KD|KD]] était une minorité de droite dans les doumas, mais absents des soviets. Les [[bolchéviks|bolchéviks]] étaient une minorité de gauche dans les [[douma_municipale|doumas]] et [[zemstvos|zemstvos]], plus forte dans les soviets (surtout ouvriers), et plus forte encore dans les [[Comités_d'usine|comités d'usine]]. Vers septembre les bolchéviks commençaient néanmoins à gagner des majorités même dans les [[douma_municipale|doumas]] et [[zemstvos|zemstvos]].
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Les municipalités donnaient une représentation égale à toutes les classes de la population ramenées sous la dénomination abstraite de citoyens, et ressemblaient à une conférence diplomatique qui s'explique en un langage conventionnel et hypocrite, au moment même où les camps hostiles qu'elle représente se préparent fiévreusement à la bataille.
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Les soviets étaient renouvelés fréquemment, et les délégués étaient révocables. A l'inverse, les doumas et zemstvos avaient été élues il y a longtemps, certaines du temps du tsar avec un suffrage censitaire. Même si des réélections ont lieu après [[Insurrection_de_Février_1917|Février]], ces vieilles institutions restent moins organiquement liées au peuple.
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Par ailleurs, ces institutions bourgeoises classiques, ramenant tout individu sous la dénomination abstraite de [[citoyens|citoyens]], visent par définition à nier la [[lutte_des_classes|lutte des classes]]. Dans une période révolutionnaire, elles ressemblaient de plus en plus à une conférence diplomatique qui s'explique en un langage conventionnel et hypocrite, au moment même où les camps hostiles qu'elle représente se préparent fiévreusement à la bataille.
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=== Soviets, comités de régiment, comités d'usine ===
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En 1917 il existait également des [[comités_d'usine|comités d'usine]], et des conférences des comités d'usine, en parallèle des soviets ouvriers. Les délégués ouvriers au soviet représentaient surtout "politiquement" les ouvriers : élus sur la base de partis politiques pour trancher des questions d'orientation générale. Les comités d'usine servaient à résoudre des tâches pratiques internes à l'usine (et potentiellement à gérer l'usine), et les conférences des comités d'usine étaient plus utiles que les soviets pour coordonner les usines, régler des questions de ravitaillement, de production...
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De même, il existait des comités de régiment à côté des soviets de soldats. Peu avant l'[[insurrection_d'Octobre|insurrection d'Octobre]], le [[Soviet_de_Petrograd|Soviet de Petrograd]] créa une Conférence permanente de la garnison, composée des comités de régiments. C'était une représentation plus géographique, et pour des préparatifs pratiques elle était indispensable.
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La question politique est cependant une pré-condition. Les comités d'usine ont pu travailler ensemble et gérer une part de plus en plus grande de la production parce qu'ils étaient d'accord pour le pouvoir ouvrier. Cela n'aurait pas été possible avec une moitié des comités d'usine dirigées par des menchéviks voulant laisser la gestion aux patrons. De même, la question des tâches pratiques de coordination des régiments pour l'insurrection ne pouvait pas se poser avant une majorité bolchévique dans la garnison, car les [[menchéviks|menchéviks]] laissaient le commendament à l'Etat-major des [[classes_possédantes|classes possédantes]].
    
=== Soviets ruraux ===
 
=== Soviets ruraux ===

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