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Le '''deuxième congrès pan-russe des soviets''' est l'organe représentatif qui a voté les [[Premières_mesures_du_gouvernement_soviétique|premières mesures révolutionnaires]] de la [[Révolution_d'Octobre|Révolution d'Octobre]], les 25-26 octobre (7-8 novembre n.s.).
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{{InfoCalendrierJulien}}Le '''deuxième congrès pan-russe des soviets''' est l'organe représentatif qui a voté les [[Premières_mesures_du_gouvernement_soviétique|premières mesures révolutionnaires]] de la [[Révolution_d'Octobre|Révolution d'Octobre]]. Il s'est réuni les 25-26 octobre (7-8 novembre n.s.) à l'[[Institut_Smolny|Institut Smolny]], au lendemain de l'[[Insurrection_d'Octobre|insurrection]].
    
== Contexte ==
 
== Contexte ==
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=== La date de l'insurrection et du congrès ===
 
=== La date de l'insurrection et du congrès ===
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En septembre-octobre, les bolchéviks ont obtenu la majorité dans les soviets, et en particulier dans le [[Soviet_de_Petrograd|Soviet de Petrograd]]. Pour [[Lénine|Lénine]], l'insurrection est à l'ordre du jour. Mais comme au moment du débat sur les [[Thèses_d'avril|''Thèses d'avril'']], il se heurte à la plupart des cadres [[vieux_bolchéviks|vieux-bolchéviks]]. Beaucoup veulent croire à une transition pacifique possible.
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En septembre-octobre, les bolchéviks ont obtenu la majorité dans les soviets, et en particulier dans le [[Soviet_de_Petrograd|Soviet de Petrograd]]. Pour [[Lénine|Lénine]], l'insurrection est à l'ordre du jour. Mais comme au moment du débat sur les [[Thèses_d'avril|''Thèses d'avril'']], il se heurte à la plupart des cadres [[Vieux_bolchéviks|vieux-bolchéviks]]. Beaucoup veulent croire à une transition pacifique possible.
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[[Trotsky|Trotsky]] est convaincu sur le fond que l'[[insurrection_d'Octobre|insurrection]] est imminente, mais préfèrerait attendre le Congrès des soviets pour plus de légitimité.
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[[Trotsky|Trotsky]] est convaincu sur le fond que l'[[Insurrection_d'Octobre|insurrection]] est imminente, mais préfèrerait attendre le Congrès des soviets pour plus de légitimité.
    
Lénine bataille contre le reste du comité central. Il insiste pour que l'insurrection soit réalisée avant l'ouverture du congrès, pour placer celui-ci devant le fait accompli, démontrer que les bolchéviks sont prêts à prendre immédiatement les mesures révolutionnaires urgentes pour les masses, et ainsi s'assurer l'ethousiasme populaire.
 
Lénine bataille contre le reste du comité central. Il insiste pour que l'insurrection soit réalisée avant l'ouverture du congrès, pour placer celui-ci devant le fait accompli, démontrer que les bolchéviks sont prêts à prendre immédiatement les mesures révolutionnaires urgentes pour les masses, et ainsi s'assurer l'ethousiasme populaire.
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=== La bataille pour la convocation du congrès ===
 
=== La bataille pour la convocation du congrès ===
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Etant donné la majorité obtenue par les bolchéviks, les conciliateurs (qui dirigent encore [[VTsIK|l'exécutif soviétique]]) hésitent à convoquer le congrès. Les bolchéviks durent mener une bataille politique en s'appuyant sur les soviets de base et le puissant [[soviet_de_Petrograd|soviet de Petrograd]] pour pousser à la convocation du congrès.
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Etant donné la majorité obtenue par les bolchéviks, les conciliateurs (qui dirigent encore [[VTsIK|l'exécutif soviétique]]) hésitent à convoquer le congrès. Les bolchéviks durent mener une bataille politique en s'appuyant sur les soviets de base et le puissant [[Soviet_de_Petrograd|soviet de Petrograd]] pour pousser à la convocation du congrès.
    
== Déroulé du congrès ==
 
== Déroulé du congrès ==
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=== Ouverture, réunions de fractions ===
 
=== Ouverture, réunions de fractions ===
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Le Congrès des soviets s'ouvre le matin du 25 octobre. Lles [[Conciliateurs|conciliateurs]] ne représentent qu’un quart des délégués (649 délégués étaient présents, dont 382 bolcheviks et 70 SR de gauche). Un bureau du Congrès est formé, avec 14 bolchéviks et 7 [[SR_de_gauche|SR de gauche]]. [[Lénine|Lénine]] est présent mais n’apparaît pas encore publiquement. Il est déguisé avec une perruque et de grosses lunettes, et se tient dans une salle latérale, en contact permanent avec les cadres bolchéviks.
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Le Congrès des soviets s'ouvre le matin du 25 octobre. Le renouvellement des délégués ou la création de nouveaux soviets a profondément changé la sociologie des délégués. Du front et des provinces, beaucoup moins d'[[Intelligentsia|intelligentsia]] et d'officiers, beaucoup plus d'ouvriers et de soldats. Beaucoup moins de cravates, beaucoup plus de capotes grises de soldats et d'hommes usés par les tranchées et les difficultés.
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Le congrès débute par de longues réunions des fractions. Tous attendent le dénouement du siège du Palais d’hiver avant de commencer les discussions. Un bureau du Congrès est formé, avec 14 bolchéviks et 7 [[SR_de_gauche|SR de gauche]]. [[Lénine|Lénine]], déguisé, n’apparaît pas encore publiquement.
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Le rapport de force politique a aussi bien changé par rapport au 1<sup>er</sup> congrès (les bolchéviks ne représentaient que 13%). Au début du congrès, on comptait 649 délégués avec voix délibérative, parmi lesquels&nbsp;:
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*382 bolcheviks
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*159 SR, dont environ 60% de gauche
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*environ 80 menchéviks (ou groupes nationaux assimilés), dont une moitié de gauche
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Parmi les délégués bolchéviks, nombreux étaient ceux qui n'étaient pas membres du parti, qui venaient avec leurs hésitations, mais qui renforçaient rapidement leurs convictions dans l'atmosphère surchauffée de [[Petrograd|Petrograd]]. Parmi les menchéviks et les SR, nombreux étaient ceux qui évoluèrent vers la gauche au cours du congrès. Le nombre de délégués monta selon certains chiffres jusqu'à 900 personnes, en incluant les voix consultatives. La vérification des mandats était fastidieuse et les archives n'ont pas été bien conservées. Mais la prédominance bolchévique ne fait pas de doute.
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Une enquête parmi les délégués montra que 505 soviets étaient pour le passage de tout le pouvoir aux soviets&nbsp;; 86 pour le pouvoir de la "démocratie", 55 pour la coalition, 21 pour la coalition, mais sans les cadets. Et même ces chiffres donnent selon [[Trotsky|Trotsky]] ''«&nbsp;une idée exagérée de ce qui restait d'influence aux conciliateurs&nbsp;»'', car ''«&nbsp;pour la démocratie et la coalition se déclaraient les soviets des régions les plus arriérées et des localités les moins importantes&nbsp;»''.
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Le congrès débute tôt le matin par des réunions des fractions qui s'éternisent. Tous attendent le dénouement du siège du Palais d’hiver, les bolchéviks (dont beaucoup de cadres sont absents et occupés par l'insurrection) mais aussi les autres groupes, qui sont fortement divisés. A 20h le soir, les [[mencheviks|mencheviks]] réclament un nouveau délai.
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La nuit tombait et la prise du Palais d'hiver traînait en longueur, mais il devenait impossible de reporter l'ouverture du plénier.
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=== Début du plénier, élection du bureau ===
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Trotsky décrit ainsi l'entrée des délégués pour le plénier :
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''«&nbsp;La révolution enseignait l'art de la compression. Les délégués, les visiteurs, les gardiens s'entassaient dans la salle des fêtes des jeunes filles de la noblesse pour laisser entrer sans cesse de nouveaux arrivants. Les avertissements donnés au sujet d'un effondrement possible du plancher n'avaient pas plus d'effet que les invites à moins fumer. Tous se bousculaient et fumaient de plus belle. C'est avec peine que John Reed se fraya un chemin à travers la multitude qui grondait devant la porte. La salle n'était pas chauffée, mais l'air était lourd et brûlant. &nbsp;»''
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Ce sont des membres de [[VTsIK|l'exécutif]] sortant qui président pour l'instant. A la tribune, les principaux orateurs conciliateurs ([[Tseretelli|Tseretelli]], [[Tchkhéidzé|Tchkhéidzé]], [[Tchernov|Tchernov]]) ne se sont pas montrés. C'est [[Fiodor_Dan|Dan]] qui ouvre amèrement le congrès à 22h40, en avertissant qu'il ne fera pas de discours dans ces cironstances si exceptionnelles où ses camarades sont actuellement au palais d'Hiver, ''«&nbsp;exposés à la fusillade&nbsp;»'', ''«&nbsp;remplissant avec abnégation leur devoir de ministres&nbsp;»''.
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Au nom des bolcheviks, [[Varlam_Avanessov|Avanessov]], délégué de Moscou, propose un bureau élu à la proportionnelle : 14 bolcheviks, 7 SR, 3 mencheviks, un internationaliste. La droite refuse immédiatement de faire partie du bureau. Le groupe de [[Martov|Martov]] s'abstient pour l'instant. Le bureau sera donc composé de 14 bolchéviks et 7 SR de gauche.
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Parmi les bolchéviks, on comptait : [[Lenine|Lenine]], [[Trotsky|Trotsky]], [[Zinoviev|Zinoviev]], [[Kamenev|Kamenev]], [[Rykov|Rykov]], [[Noguine|Noguine]], [[Ephraim_Sklyansky|Skliansky]], [[Krylenko|Krylenko]], [[Antonov-Ovseenko|Antonov-Ovseenko]], [[Riazanov|Riazanov]], [[Nicolaï_Mouralov|Mouralov]], [[Lounatcharsky|Lounatcharsky]], [[Kollontaï|Kollontaï]] et [[Pēteris_Stučka|Stoutchka]]. Il y avait donc plusieurs cadres qui s'étaient pourtant opposés à l'insurrection ([[Zinoviev|Zinoviev]], [[Kamenev|Kamenev]], [[Noguine|Noguine]], [[Rykov|Rykov]], [[Lounatcharsky|Lounatcharsky]], [[Riazanov|Riazanov]]), ce qui d'après les mots de [[Trotsky|Trotsky]] est ''«&nbsp;caractéristique pour les mœurs d'alors du parti&nbsp;»''. Pour les SR de gauche, on ne comptait que [[Maria_Spiridonova|Maria Spiridonova]] comme figure célèbre.
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[[Lénine|Lénine]] est présent mais n’apparaît pas encore publiquement. Il est déguisé avec une perruque et de grosses lunettes, et se tient dans une salle latérale, informé par des cadres bolchéviks. [[Trotsky|Trotsky]] raconte : ''«&nbsp;Se rendant à leur fraction, [[Fiodor_Dan|Dan]] et [[Skobelev|Skobelev]] s'arrêtèrent devant la table des conspirateurs, dévisagèrent attentivement Lenine et le reconnurent de toute évidence.&nbsp;»'' Il raconte également : ''«&nbsp;quelqu'un vint étendre sur le plancher des couvertures et y posa deux oreillers. Vladimir Illitch et moi reposâmes, couchés côte à côte. Mais quelques minutes après, on m'appela : "Dan a pris la parole, il faut répondre." Revenu après ma réplique, je me couchai de nouveau à côté de Vladimir Illitch qui, bien entendu, ne songeait pas à s'endormir. (...) Toutes les cinq ou dix minutes, quelqu'un accourait de la salle des séances pour communiquer ce qui s'y passait.&nbsp;»''
    
=== Tentatives de conciliation ===
 
=== Tentatives de conciliation ===
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[[Martov|Martov]], [[Menchévik|menchévik]] de gauche, soumet une motion qui appelle à la discussion pacifique pour former un pouvoir reconnu par tous les partis du congrès. Les socialistes conciliateurs soutiennent cette motion, espérant isoler les bolchéviks. Mais [[Lounatcharski|Lounatcharski]] déclare pour les [[Bolchéviks|bolchéviks]] qu'il n'a aucun désaccord avec la motion de Martov, et celle-ci est votée par la quasi-totalité des délégués. Il s'agissait pour certains bolchéviks de faire la démonstration que ce sont les conciliateurs qui ne veulent pas d'un pouvoir soviétique, mais aussi pour beaucoup d'autres d'un espoir réel que ceux-ci acceptent.
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=== L'aile droite quitte la salle ===
    
Les conciliateurs refusent la proposition d’un [[Front_unique|front unique]] de la démocratie soviétique. Après l’annonce de la prise du Palais d’hiver par [[Trotsky|Trotsky]], ils quittent le Congrès, ce qui se retournera contre eux aux yeux des masses. Trotsky improvise une motion&nbsp;:
 
Les conciliateurs refusent la proposition d’un [[Front_unique|front unique]] de la démocratie soviétique. Après l’annonce de la prise du Palais d’hiver par [[Trotsky|Trotsky]], ils quittent le Congrès, ce qui se retournera contre eux aux yeux des masses. Trotsky improvise une motion&nbsp;:
 
<blockquote>«&nbsp;Le 2<sup>e</sup> Congrès doit constater que le départ des mencheviks et des SR est une tentative criminelle et sans espoir de briser la représentativité de cette assemblée au moment où les masses s’efforcent de défendre la révolution contre les attaques de la contre-révolution&nbsp;»</blockquote>  
 
<blockquote>«&nbsp;Le 2<sup>e</sup> Congrès doit constater que le départ des mencheviks et des SR est une tentative criminelle et sans espoir de briser la représentativité de cette assemblée au moment où les masses s’efforcent de défendre la révolution contre les attaques de la contre-révolution&nbsp;»</blockquote>  
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Parmi les SR, la résolution de quitter le congrès est repoussée par 92 voix contre 60. C'est à partir de ce moment-là que la scission dans le parti SR sera effective. Les deux blocs se réuniront dès lors dans des salles différentes (et le parti SR de gauche sera créé quelques jours après).
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Il ne reste alors au Congrès que les bolchéviks, les SR de gauche et les mencheviks internationalistes.
 
Il ne reste alors au Congrès que les bolchéviks, les SR de gauche et les mencheviks internationalistes.
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== Notes et sources ==
 
== Notes et sources ==
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Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr48.htm Histoire de la révolution russe - 48. Le congrès de la dictature soviétique]'', 1930
    
<references />
 
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