Modifications

Aller à la navigation Aller à la recherche
7 621 octets ajoutés ,  15 juin 2017 à 18:11
m
aucun résumé des modifications
Ligne 5 : Ligne 5 :  
Vers la fin du 19<sup>e</sup> siècle, les idées marxistes se diffusent en Russie et sont discutées par plusieurs groupes militants. Le mouvement russe était alors constitué de cercles isolés, de regroupement régionaux discrets, de groupes d’usines sans coordination entre eux, etc. Il n’y avait pas de centre.
 
Vers la fin du 19<sup>e</sup> siècle, les idées marxistes se diffusent en Russie et sont discutées par plusieurs groupes militants. Le mouvement russe était alors constitué de cercles isolés, de regroupement régionaux discrets, de groupes d’usines sans coordination entre eux, etc. Il n’y avait pas de centre.
   −
Un premier congrès avait eu lieu en 1898 et n’avait pu aboutir réellement à une unification du [[Parti_ouvrier_social-démocrate_de_Russie|Parti ouvrier social-démocrate de Russie]].
+
Un premier congrès avait eu lieu en 1898 et n’avait pu aboutir réellement à une unification du [[Parti_ouvrier_social-démocrate_de_Russie|Parti ouvrier social-démocrate de Russie]]. En 1901, un groupe d'émigrés fonde un journal, l'''[[Iskra|Iskra]]'' (''L'Étincelle''), visant à centraliser les différents groupes socialistes et cercles ouvriers autour d'une solide théorie [[marxiste|marxiste]] et d'une organisation efficace (le journal doit être diffusé clandestinement en Russie). Parmi eux, on trouve aussi bien le vétéran [[Plékhanov|Plékhanov]] que des jeunes, comme [[Martov|Martov]] et [[Lénine|Lénine]]. Ils polémiquent contre d'autres sensibilités présentes dans les cercles social-démocrates, comme les ''«&nbsp;[[marxistes_légaux|marxistes légaux]]&nbsp;»'' et les ''«&nbsp;[[économisme|économistes]]&nbsp;»''.
   −
Le [[Second_congrès_du_POSDR|second congrès]], prévu pour 1903, devait pour la première fois établir et ramifier un parti dans toute la Russie. C’est pour les besoins de cet événement que Lénine a écrit sa brochure de 1902, [[Que_Faire_?|''Que faire ?'']].
+
Le [[Second_congrès_du_POSDR|second congrès]], prévu pour 1903, devait pour la première fois établir et ramifier un parti dans toute la Russie. C’est pour les besoins de cet événement que [[Lénine|Lénine]] a écrit sa brochure de 1902, [[Que_Faire_?|''Que faire ?'']], au nom de toute la rédaction de l'[[Iskra|''Iskra'']].
   −
== La fraction bolchévik ==
+
== La fraction bolchévique ==
    
=== Le 2<sup>e</sup> congrès et la question des statuts ===
 
=== Le 2<sup>e</sup> congrès et la question des statuts ===
   −
Le POSDR tient, en 1903, son second congrès. Lénine et [[Julius_Martov|Martov]] ne parviennent pas à s’entendre sur la question des statuts&nbsp;: Lénine veut que l’adhésion au POSDR soit réservée à ceux qui militent activement, alors que Martov veut l’étendre à ceux qui partagent le programme du parti (''«&nbsp;sympathisants&nbsp;»''). Les deux vues étant irréconciliables, le parti se scinde en deux fractions, même s’il maintient une unité organique. On distingue désormais les «&nbsp;majoritaires&nbsp;» (bolchéviks en russe) et les «&nbsp;minoritaires&nbsp;» (menchéviks).<ref name="UnPasEnAvant">Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1904/05/vil19040500.htm Un pas en avant, deux pas en arrière]'', 1904</ref>
+
Le POSDR tient, en 1903, son second congrès. [[Lénine|Lénine]] et [[Julius_Martov|Martov]] ne parviennent pas à s’entendre sur la question des statuts&nbsp;: Lénine veut que l’adhésion au POSDR soit réservée à ceux qui militent activement, alors que Martov veut l’étendre à ceux qui partagent le programme du parti (''«&nbsp;sympathisants&nbsp;»''). Le désaccord conduit à une polarisation du débat entre deux sensibilités.
   −
L’idée de Lénine était de faire du POSDR, puis de la fraction bolchévik du POSDR, une organisation de révolutionnaires professionnels, capables de résister à la répression politique menée par l’[[Okhrana|Okhrana]], la police tsariste.
+
L’idée de Lénine était de faire du POSDR une organisation de révolutionnaires professionnels, capables de construire le parti sur des bases solides et résistant à la répression de l’[[Okhrana|Okhrana]]. Lénine disait à Martov&nbsp;: si l’on poursuit votre logique jusqu’à son terme, le parti devra intégrer tout le monde et notre message sera dilué&nbsp;; nous ne serons plus à l’[[avant-garde|avant-garde]], vous ruinez donc le parti. Martov répliquait&nbsp;: si l’on suit votre logique jusqu’à son terme, on obtiendra une organisation étroite, faite de conspirateurs.
   −
Lénine disait à Martov&nbsp;: si l’on poursuit votre logique jusqu’à son terme, le parti devra intégrer tout le monde et notre message sera dilué&nbsp;; nous ne serons plus à l’avant-garde, vous ruinez donc le parti. Martov répliquait&nbsp;: si l’on suit votre logique jusqu’à son terme, on obtiendra une organisation étroite, faite de conspirateurs.
+
Contrairement à ce que certains prétendront plus tard, le débat n'était pas vraiment entre ''«&nbsp;parti d'avant-garde&nbsp;»'' et ''«&nbsp;parti de toute la classe&nbsp;»''. Les deux fractions se revendiquaient de la pratique des autres partis social-démocrates de l'Internationale, qui même massifs ne regroupaient jamais toute la classe. Le débat était en réalité très lié aux particularités du militantisme en Russie, subissant la répression tsariste. Mais ces déformations ont en partie leur origine dans les procédés rhétoriques utilisés. Dans un article de Trotski publié autour de 1907, celui-ci explique que dans ce genre de polémique, il s’agissait d’adopter la position de l’adversaire, d’en pousser la logique jusqu’à son dernier terme, et de tenter par là d’en révéler l’absurdité (argument de la pente glissante).<ref>[http://revueperiode.net/lire-lenine-entretien-avec-lars-lih/ ''Lire Lénine. Entretien avec Lars Lih''], 2013 </ref>
   −
Contrairement à ce que certains prétendront plus tard, même la position menchévique ne revenait pas à défendre un ''«&nbsp;parti de toute la classe&nbsp;»''. Les formulations alternatives étaient en réalité assez proches. Dans un article de Trotski publié autour de 1907, celui-ci explique que dans ce genre de polémique, il s’agissait d’adopter la position de l’adversaire, d’en pousser la logique jusqu’à son dernier terme, et de tenter par là d’en révéler l’absurdité (argument de la pente glissante).<ref>[http://revueperiode.net/lire-lenine-entretien-avec-lars-lih/ ''Lire Lénine. Entretien avec Lars Lih''], 2013 </ref>
+
Martov remporte d'abord le vote, mais après après le départ des 7 délégués du [[Bund|Bund]] et des 2 [[Économisme|économistes]], les partisans de Lénine se retrouvent en majorité. A ce moment-, [[Plékhanov|Plékhanov]] est du côté de Lénine, tandis que [[Trotsky|Trotsky]] est avec Martov.
   −
Lors du congrès, la tendance de Lénine, avec le soutien de [[Plekhanov|Plekhanov]], obtient la majorité face aux menchéviks.
+
Schématiquement, les bolcheviks rassemblent autour de Lénine un courant en apparence homogène, alors que les mencheviks regroupent différentes tendances&nbsp;: sociaux-démocrates traditionnels, tendance plus à gauche de [[Martov|Martov]] et tendance «&nbsp;gauchiste&nbsp;» de [[Léon_Trotski|Trotski]].
    
=== Le revirement de Plékhanov ===
 
=== Le revirement de Plékhanov ===
   −
Se retrouvant en minorité, les menchevik scissionnent. Sous pression, Plekhanov fait volte-face et exige, en vertu du maintien de «&nbsp;l’unité&nbsp;», que la majorité au comité de rédaction de l’''[[Iskra|Iskra]] ''soit rendue aux mencheviks.
+
Se retrouvant en minorité, les ''«&nbsp;martovistes&nbsp;»'' menacent de scissionner. Sous pression, Plekhanov fait volte-face et exige, pour «&nbsp;l’unité&nbsp;», que la majorité au comité de rédaction de l’''[[Iskra|Iskra]] ''soit donnée aux partisans de Martov, ce qui sera fait. Lénine s'insurge, et fait valoir que s'il avait été minoritaire il serait resté à la rédaction en tant que minorité, sans faire de chantage à l'unité. Lénine tente pourtant activement d'éviter la scission, assurant des pleins droits démocratiques aux menchéviks. Mais ceux-ci refusent tout compromis avec ''«&nbsp;les léninistes&nbsp;»''. Ces derniers, eux, se désignent par les termes de ''«&nbsp;majorité&nbsp;»'' (''bolchinstvo'', en russe), ''«&nbsp;vainqueurs&nbsp;»'' (du congrès). Ils combattent la ligne de la nouvelle [[Iskra|''Iskra'']], appelant ses partisans les ''«&nbsp;néo-iskristes&nbsp;»''.<ref name="TermeBolch">Claudie Weill, [http://www.persee.fr/doc/cmr_0008-0160_1975_num_16_3_1243 ''A propos du terme bolchévisme''], 1975</ref>
   −
Lénine refuse. Il fait valoir que s'il avait été minoritaire il serait resté à la rédaction en tant que minorité, sans faire de chantage à l'unité. Lénine tente pourtant activement d'éviter la scission, assurant des pleins droits démocratiques aux menchéviks. Mais ceux-ci refusent tout compromis.
+
En novembre 1904, Lénine organise sa fraction, et emploie les termes de bolchéviks (''«&nbsp;majoritaires&nbsp;»'') et [[mencheviks|mencheviks]] (''«&nbsp;minoritaires&nbsp;»'', de ''menchinstvo'', ''«&nbsp;minorité&nbsp;»''). Sous l'impulsion de Bogdanov, les bolchéviks lancent leur propre journal, [[Vperiod|''Vperiod'']] (''«&nbsp;En avant&nbsp;»''). Pendant tout l'année 1904, on insiste des deux côtés sur le fait que le clivage est plus profond que la question de l'organisation. C'est notamment ce que fait Lénine dans sa brochure ''Un pas en avant, deux pas en arrière''.<ref name="UnPasEnAvant" /> [[Rosa_Luxemburg_et_les_bolchéviks|Rosa Luxemburg publie une critique de Lénine]], ''Questions d'organisation de la social-démocratie russe''.<ref>Rosa Luxemburg, ''[https://www.marxists.org/francais/luxembur/c_et_d/c_et_d_1.htm Questions d'organisation de la social-démocratie russe]'', 1904</ref> Les termes de bolchéviks / menchéviks ne seront employés par les martovistes que vers fin 1905.<ref name="TermeBolch" />
   −
En 1904, Lénine développe son point de vue dans une brochure, ''Un pas en avant, deux pas en arrière''.<ref name="UnPasEnAvant" /> [[Rosa_Luxemburg_et_les_bolchéviks|Rosa Luxemburg publie une critique de Lénine]], ''Questions d'organisation de la social-démocratie russe''.<ref>Rosa Luxemburg, ''[https://www.marxists.org/francais/luxembur/c_et_d/c_et_d_1.htm Questions d'organisation de la social-démocratie russe]'', 1904</ref>
+
Les accusations portées par les adversaires seront notamment que les bolchéviks reproduiraient les travers des [[blanquistes|blanquistes]], des [[Populisme_russe|populistes]], des [[jacobins|jacobins]] ([[Trotsky|Trotsky]] compare [[Lénine|Lénine]] à [[Robespierre|Robespierre]] en 1904<ref>Trotsky, ''[https://www.marxists.org/archive/trotsky/1903/xx/siberian.htm Report of the Siberian Delegation]'', 1903</ref>), voire des [[Anarchistes_russes|anarchistes]] (Plékhanov au 5<sup>e</sup> congrès). Les bolchéviks sont régulièrement accusés d'utopisme, de romantisme révolutionnaire. ''« Soulèvement — gouvernement révolutionnaire provisoire — république, voilà tout le schéma politique des bolcheviks. »'' dit [[Noé_Jordania|Jordania]] au 4<sup>e</sup> congrès.
    
=== La révolution de 1905 ===
 
=== La révolution de 1905 ===
Ligne 43 : Ligne 43 :     
C'est à ce moment que [[Trotsky|Trotsky]] développe une idée différente et originale&nbsp;: la [[Théorie_de_la_révolution_permanente|théorie de la révolution permanente]].
 
C'est à ce moment que [[Trotsky|Trotsky]] développe une idée différente et originale&nbsp;: la [[Théorie_de_la_révolution_permanente|théorie de la révolution permanente]].
 +
 +
=== 3<sup>e</sup> congrès (1905)&nbsp;: le congrès bolchévik ===
 +
 +
Le [[3e_congrès_du_POSDR|3<sup>e</sup> congrès]] se tient à Londres du 25 avril au 10 mai 1905. Sa préparation déclencha un conflit de légitimité.<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1905/01/vil_19050104d.htm Conférence des comités]'', 1905</ref> Le Comité central menchévik avait voté contre l'appel au congrès le 7 février 1905, et voté l'exclusion de Lénine. Mais deux jours plus tard, 9 des 11 membres de ce comité sont arrêtés. Des membres du Comité central, [[Leonid_Krassine|Leonid Krassine]] et [[Alexei_Lyubimov|Alexei Lyubimov]], prennent contact avec les [[Bolchéviks|bolchéviks]] et signent un accord pour la tenue du 3<sup>e</sup> congrès avec [[Sergei_Gusev|Sergei Gusev]] et [[Piotr_Rumyantsev|Piotr Rumyantsev]].
 +
 +
Seule une poignée de menchéviks se rend au congrès, les autres organisant une conférence alternative à Genève.
 +
 +
[[Krassine|Krassine]] et [[Bogdanov|Bogdanov]] sont alors nommés au Bureau russe du Comité central, chargé de réunifier les 2 fractions.
 +
 +
A côté des sujets ordinaires, l'ordre du jour du congrès comprenait [[Révolution_de_1905|la situation pré-révolutionnaire d'alors]], ou encore la [[Guerre_russo-japonaise|guerre russo-japonaise]]. Lénine militait [[Défaitisme_révolutionnaire|pour la défaite]] de la Russie. Le congrès décide alors de rapatrier le Comité central la presse du parti en Russie, ce qui fait pression sur Lénine pour qu'il rentre (ce qu'il fera en novembre).
 +
 +
Après la révolution, pendant un bref instant, il était possible de mener une activité politique légale, dont la possibilité de participer à des élections, et de profiter du droit de réunion pour organiser plus démocratiquement le parti qu'en période clandestine (c'était auparavant la [[Cooptation|cooptation]] qui primait). Lénine recommande aussitôt une adaptation du parti et une généralisation des élections des organes par la base.<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1905/11/vil19051116.html La réorganisation du parti]'', 1905</ref> Il ajoute, contre les ''«&nbsp;[[Comitards|comitards]]&nbsp;»'', qu'il ne fallait pas craindre une ''«&nbsp;adhésion fulgurante et massive de personnes qui ne sont pas des so­cial-démocrates&nbsp;»''.
 +
 +
[[File:Affiche-POSDR.jpg|center|Affiche-POSDR.jpg]]
    
=== La caution de Kautsky ===
 
=== La caution de Kautsky ===
    
En 1906, [[Kautsky|Kautsky]], principal théoricien de l'[[Internationale_ouvrière|Internationale socialiste]], écrit un article qui sera influent&nbsp;: <span class="reference-text">''Les forces motrices de la Révolution russe et ses perspectives''</span>. Il y défend le point de vue des bolchéviks sur la stratégie pour mener la révolution anti-tsariste: un pari sur le paysan russe comme combattant pour la transformation démocratique du pays. Cette prise de position apportera une véritable caution marxiste aux bolchéviks, qui l'utiliseront souvent. En 1910, dans une polémique contre le menchévik [[Martov|Martov]], le dirigeant bolchévik [[Kamenev|Kamenev]] écrit: ''«&nbsp;il y a un certain plaisir à être assis aux côtés de Kautsky&nbsp;sur le banc des accusés&nbsp;»''. Kamenev a publié à nouveau ce texte au début des années 1920 et y réaffirme la marque d’honneur qu’il en retire. Même Staline, bien plus tard, écrira au tout début du second volume de ses œuvres complètes un essai revenant sur l'article de Kautsky de 1906, vantant un «&nbsp;théoricien remarquable&nbsp;», qui «&nbsp;prête aux questions tactiques&nbsp;de la minutie et un grand sérieux&nbsp;», et dont les positions à l’égard des questions russes sont d’une grande valeur.
 
En 1906, [[Kautsky|Kautsky]], principal théoricien de l'[[Internationale_ouvrière|Internationale socialiste]], écrit un article qui sera influent&nbsp;: <span class="reference-text">''Les forces motrices de la Révolution russe et ses perspectives''</span>. Il y défend le point de vue des bolchéviks sur la stratégie pour mener la révolution anti-tsariste: un pari sur le paysan russe comme combattant pour la transformation démocratique du pays. Cette prise de position apportera une véritable caution marxiste aux bolchéviks, qui l'utiliseront souvent. En 1910, dans une polémique contre le menchévik [[Martov|Martov]], le dirigeant bolchévik [[Kamenev|Kamenev]] écrit: ''«&nbsp;il y a un certain plaisir à être assis aux côtés de Kautsky&nbsp;sur le banc des accusés&nbsp;»''. Kamenev a publié à nouveau ce texte au début des années 1920 et y réaffirme la marque d’honneur qu’il en retire. Même Staline, bien plus tard, écrira au tout début du second volume de ses œuvres complètes un essai revenant sur l'article de Kautsky de 1906, vantant un «&nbsp;théoricien remarquable&nbsp;», qui «&nbsp;prête aux questions tactiques&nbsp;de la minutie et un grand sérieux&nbsp;», et dont les positions à l’égard des questions russes sont d’une grande valeur.
 +
 +
=== 4<sup>e</sup> congrès (1906)&nbsp;: réunification des fractions ===
 +
 +
Le [[4e_congrès_du_POSDR|4<sup>e</sup> congrès]] se tient à Stockholm (Suède) en avril 1906. Les bolchéviks et les menchéviks se rapprochent, et refusionnent formellement.<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/archive/lenin/works/1906/ucong/index.htm The Unity Congress of the RSDLP]'', avril 1906</ref> Lénine annonce solennellement : ''« II n'y a plus de schisme [...] les fractions précédentes des 'bolcheviks' et des 'mencheviks' se sont entièrement fondues. »''
 +
 +
Les principaux sujets abordés furent la situation politique et les tâches du prolétariat, la question agraire, l'attitude envers la Douma, et les questions d'organisation (Martov fait remplacer la version de 1903 sur les statuts par la sienne). Chaque point soulève une forte polémique entre fractions. Les menchéviks sont alors majoritaires (environ 34 000 militants contre 14 000 pour les bolchéviks) et font globalement passer leurs positions.
 +
 +
Suite à la défaite de la révolution de 1905, certains menchéviks abandonnent le POSDR et rejoignent des partis légaux. Lénine les appellera en 1908 les ''«&nbsp;liquidationnistes&nbsp;»''.
    
=== Démocratisation du régime et du parti ===
 
=== Démocratisation du régime et du parti ===
   −
Après la révolution, pendant un bref instant, il était possible de mener une activité politique légale, dont la possibilité de participer à des élections, et de profiter du droit de réunion pour organiser plus démocratiquement le parti qu'en période clandestine. Lénine recommande aussitôt une adaptation du parti et une généralisation des élections des organes par la base,<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1905/11/vil19051116.html La réorganisation du parti]'', 1905</ref> et il rappelle que cela a toujours été la position des bolchéviks&nbsp;:
+
Après la révolution, pendant un bref instant, il était possible de mener une activité politique légale, dont la possibilité de participer à des élections, et de profiter du droit de réunion pour organiser plus démocratiquement le parti qu'en période clandestine. Lénine recommande aussitôt une adaptation du parti et une généralisation des élections des organes par la base<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1905/11/vil19051116.html La réorganisation du parti]'', 1905</ref>, et il rappelle que cela a toujours été la position des bolchéviks&nbsp;:
 
<blockquote>''«&nbsp;Nous autres, représentants de la social-démocratie révolutionnaire, partisans de la «&nbsp;majorité&nbsp;» [bolchévique], nous avons dit bien des fois que la démocratisation du parti, réalisée jusqu’au bout, était impos­sible dans les conditions du travail conspirateur, que le «&nbsp;principe électif&nbsp;» dans cette situation était un vain mot. La vie à confirmé nos paroles. (…) Mais la nécessité d’adopter le principe électif dans de nouvelles conditions, lors de l’accession à la liberté politique, nous autres, bolcheviks, nous l’avons toujours reconnue.&nbsp;»''</blockquote>  
 
<blockquote>''«&nbsp;Nous autres, représentants de la social-démocratie révolutionnaire, partisans de la «&nbsp;majorité&nbsp;» [bolchévique], nous avons dit bien des fois que la démocratisation du parti, réalisée jusqu’au bout, était impos­sible dans les conditions du travail conspirateur, que le «&nbsp;principe électif&nbsp;» dans cette situation était un vain mot. La vie à confirmé nos paroles. (…) Mais la nécessité d’adopter le principe électif dans de nouvelles conditions, lors de l’accession à la liberté politique, nous autres, bolcheviks, nous l’avons toujours reconnue.&nbsp;»''</blockquote>  
 
Lénine écrivait qu'il ne fallait pas craindre une ''«&nbsp;adhésion fulgurante et massive de personnes qui ne sont pas des so­cial-démocrates&nbsp;»''.
 
Lénine écrivait qu'il ne fallait pas craindre une ''«&nbsp;adhésion fulgurante et massive de personnes qui ne sont pas des so­cial-démocrates&nbsp;»''.
Ligne 69 : Ligne 91 :     
C'est donc tout naturellement que&nbsp;bolchéviks étaient surveillés de près. En 1914, sur 7 membres du comité du parti à Saint-Pétersbourg, trois étaient des agents de l'[[Okhrana|Okhrana]], la police secrète tsariste.
 
C'est donc tout naturellement que&nbsp;bolchéviks étaient surveillés de près. En 1914, sur 7 membres du comité du parti à Saint-Pétersbourg, trois étaient des agents de l'[[Okhrana|Okhrana]], la police secrète tsariste.
 +
 +
On peut noter qu'en 1913, Lénine écrit ce qui est peut-être le seul article consacré au terme de ''«&nbsp;bolchévisme&nbsp;»'', dans un ouvrage encyclopédique<ref>N. Roubakine, ''Parmi les livres'', tome II, 2e édit. 1913</ref>.
    
=== Pendant la guerre (1914-1917) ===
 
=== Pendant la guerre (1914-1917) ===
Ligne 86 : Ligne 110 :  
Les tous premiers jours les socialistes de toute tendance ne réalisent pas immédiatement ce qui est en train de se passer. Le bolchevik [[Alexandre_Chliapnikov|Chliapnikov]] (membre du [[Comité_central|comité central]] du parti) pense qu'il s'agit là plus d'une [[Émeute|émeute]] de la faim que d'une révolution en marche.
 
Les tous premiers jours les socialistes de toute tendance ne réalisent pas immédiatement ce qui est en train de se passer. Le bolchevik [[Alexandre_Chliapnikov|Chliapnikov]] (membre du [[Comité_central|comité central]] du parti) pense qu'il s'agit là plus d'une [[Émeute|émeute]] de la faim que d'une révolution en marche.
   −
Dans la révolution, le programme officiel de tous les social-démocrates est identique et so bornait à la révolution démocratique. Mais dans la pratique, les militants bolchéviks étaient bien plus résolus. Les ouvriers bolcheviks, aussitôt après l'insurrection, avaient pris sur eux l'initiative de la lutte pour la [[journée_de_huit_heures|journée de huit heures]]; les menchéviks déclaraient prématurée cette revendication. Les bolcheviks dirigeaient les arrestations de fonctionnaires tsaristes, les menchéviks s'opposaient aux "excès". Les bolcheviks entreprirent énergiquement de créer une [[Garde_rouge_(Russie)|milice ouvrière]], les menchéviks enrayaient l'armement des ouvriers, ne désirant pas se brouiller avec la bourgeoisie.
+
Dans la révolution, le programme officiel de tous les social-démocrates est identique et so bornait à la révolution démocratique. Mais dans la pratique, les militants bolchéviks étaient bien plus résolus. Les ouvriers bolcheviks, aussitôt après l'insurrection, avaient pris sur eux l'initiative de la lutte pour la [[Journée_de_huit_heures|journée de huit heures]]; les menchéviks déclaraient prématurée cette revendication. Les bolcheviks dirigeaient les arrestations de fonctionnaires tsaristes, les menchéviks s'opposaient aux "excès". Les bolcheviks entreprirent énergiquement de créer une [[Garde_rouge_(Russie)|milice ouvrière]], les menchéviks enrayaient l'armement des ouvriers, ne désirant pas se brouiller avec la bourgeoisie.
    
Le 27 février, le soviet de Petrograd se forme au même moment que le [[Gouvernement_provisoire_(Russie)|gouvernement provisoire]] bourgeois. Les [[Menchéviks|menchéviks]] et les [[Socialistes-révolutionnaires|socialistes-révolutionnaires]], qui sont majoritaires dans les [[Soviets|soviets]] qui se forment, font confiance au gouvernement provisoire, et les bolchéviks (dirigés par [[Lev_Kamenev|Kamenev]] et [[Staline|Staline]]) tendent à s'aligner sur cette position, alors que le gouvernement provisoire maintient la participation à la guerre et ne lance pas de [[Réforme_agraire|réforme agraire]]. Au lendemain de l'insurrection, on avait pu lire dans un manifeste du comité central des bolcheviks: ''«&nbsp;Les ouvriers des fabriques et des usines, ainsi que toutes les troupes soulevées doivent immédiatement élire leurs représentants au gouvernement révolutionnaire provisoire.&nbsp;»&nbsp;''La [[Pravda|Pravda]] du 15 mars avait écrit que les bolcheviks soutiendraient résolument le gouvernement provisoire ''«&nbsp;dans la mesure où il lutte contre la réaction ou la contre-révolution&nbsp;»''. Une formule floue que raille [[Lénine|Lénine]].
 
Le 27 février, le soviet de Petrograd se forme au même moment que le [[Gouvernement_provisoire_(Russie)|gouvernement provisoire]] bourgeois. Les [[Menchéviks|menchéviks]] et les [[Socialistes-révolutionnaires|socialistes-révolutionnaires]], qui sont majoritaires dans les [[Soviets|soviets]] qui se forment, font confiance au gouvernement provisoire, et les bolchéviks (dirigés par [[Lev_Kamenev|Kamenev]] et [[Staline|Staline]]) tendent à s'aligner sur cette position, alors que le gouvernement provisoire maintient la participation à la guerre et ne lance pas de [[Réforme_agraire|réforme agraire]]. Au lendemain de l'insurrection, on avait pu lire dans un manifeste du comité central des bolcheviks: ''«&nbsp;Les ouvriers des fabriques et des usines, ainsi que toutes les troupes soulevées doivent immédiatement élire leurs représentants au gouvernement révolutionnaire provisoire.&nbsp;»&nbsp;''La [[Pravda|Pravda]] du 15 mars avait écrit que les bolcheviks soutiendraient résolument le gouvernement provisoire ''«&nbsp;dans la mesure où il lutte contre la réaction ou la contre-révolution&nbsp;»''. Une formule floue que raille [[Lénine|Lénine]].
Ligne 101 : Ligne 125 :     
La radicalisation de la ligne bouleverse les organisations préexistantes. Les bolchéviks droitiers quittent le parti, les menchéviks de gauche le rejoignent. De nombreux groupes ou organisations autonomes ou isolés le rejoignent. Notamment, le [[Comité_Interrayons|comité Interrayons]], dirigé par [[Léon_Trotsky|Trotsky]], et qui compte à sa tête des dirigeants de qualité, fusionne avec le Parti bolchévik en juillet (lors du 6<sup>e</sup> Congrès du Parti bolchévik). Auparavant, Staline et Kamenev s’étaient opposé à cette fusion. Au cours de ce congrès, qui regroupe 175 délégués pour 112 organisations et 177 000 membres, Lénine, Kamenev, Zinoviev et Trotsky sont élus au comité central à la quasi-unanimité.
 
La radicalisation de la ligne bouleverse les organisations préexistantes. Les bolchéviks droitiers quittent le parti, les menchéviks de gauche le rejoignent. De nombreux groupes ou organisations autonomes ou isolés le rejoignent. Notamment, le [[Comité_Interrayons|comité Interrayons]], dirigé par [[Léon_Trotsky|Trotsky]], et qui compte à sa tête des dirigeants de qualité, fusionne avec le Parti bolchévik en juillet (lors du 6<sup>e</sup> Congrès du Parti bolchévik). Auparavant, Staline et Kamenev s’étaient opposé à cette fusion. Au cours de ce congrès, qui regroupe 175 délégués pour 112 organisations et 177 000 membres, Lénine, Kamenev, Zinoviev et Trotsky sont élus au comité central à la quasi-unanimité.
 +
 +
Dans [[L'Etat_et_la_Révolution|''L'Etat et la Révolution'']], écrit au coeur de la révolution, Lénine fera un retour critique sur la ligne politique [[réformiste|réformiste]] qui gangrène la [[Deuxième_internationale|''Deuxième internationale'']]. Il revendique un retour à la politique révolutionnaire de [[Marx|Marx]] et [[Engels|Engels]], et réaffirme que l'Etat ouvrier ne peut être construit que par une [[Révolution_socialiste|révolution]] qui détruit l'[[Etat_bourgeois|Etat bourgeois]]. Le nouvel Etat ouvrier est ''«&nbsp;du type de la Commune de Paris&nbsp;»'', du type [[soviet|soviétique]].
    
=== La montée en puissance ===
 
=== La montée en puissance ===
Ligne 106 : Ligne 132 :  
Alors que les militants de base du parti expliquaient patiemment le point de vue de Lénine aux ouvriers, aux soldats, aux paysans, Lénine parvint à reprendre en main le parti au cours des mois suivants. De février à juillet, la taille du parti bolchevik passa de 24.000 à 240.000 membres.
 
Alors que les militants de base du parti expliquaient patiemment le point de vue de Lénine aux ouvriers, aux soldats, aux paysans, Lénine parvint à reprendre en main le parti au cours des mois suivants. De février à juillet, la taille du parti bolchevik passa de 24.000 à 240.000 membres.
   −
Fin avril, début juin, le rapport de force commence à évoluer rapidement en faveur des bolchéviks. L'influence des bolchéviks augmenta plus rapidement dans les [[comités_d'usines|comités d'usines]] et les soviets des quartiers ouvriers. Les questions posées par lutte de classe, plus concrètes et vitales pour les ouvriers, permettaient aux bolchéviks de faire des démonstrations face aux réformistes. Fin avril, les les bolcheviks se trouvèrent majoritaires dans les soviets du quartier de Vyborg, de Vassilievsyk-Ostrov, du rayon de Narva. Le 3 juin en parallèle, la conférence des [[Comités_d'usines|comités de fabriques et d'usines]] de Pétrograd adoptait, à une majorité également écrasante, une résolution disant que le pays ne saurait être sauvé que par le pouvoir des soviets.
+
Fin avril, début juin, le rapport de force commence à évoluer rapidement en faveur des bolchéviks. L'influence des bolchéviks augmenta plus rapidement dans les [[Comités_d'usines|comités d'usines]] et les soviets des quartiers ouvriers. Les questions posées par lutte de classe, plus concrètes et vitales pour les ouvriers, permettaient aux bolchéviks de faire des démonstrations face aux réformistes. Fin avril, les les bolcheviks se trouvèrent majoritaires dans les soviets du quartier de Vyborg, de Vassilievsyk-Ostrov, du rayon de Narva. Le 3 juin en parallèle, la conférence des [[Comités_d'usines|comités de fabriques et d'usines]] de Pétrograd adoptait, à une majorité également écrasante, une résolution disant que le pays ne saurait être sauvé que par le pouvoir des soviets.
   −
Toutes les élections partielles aux soviets leur donnaient la victoire, et la section ouvrière du Soviet de Pétrograd gagna une majorité bolchévique. Mais dans les séances communes avec les soldats, les bolcheviks étaient encore écrasés par les délégués [[Parti_SR|SR]]. La&nbsp;[[Pravda|''Pravda'']]&nbsp;réclamait avec insistance de nouvelles élections : ''«&nbsp;Les 500 000 ouvriers de Pétrograd ont au Soviet quatre fois moins de délégués que les 150 000 hommes de la garnison.&nbsp;»''
+
Toutes les élections partielles aux soviets leur donnaient la victoire, et la section ouvrière du Soviet de Pétrograd gagna une majorité bolchévique. Mais dans les séances communes avec les soldats, les bolcheviks étaient encore écrasés par les délégués [[Parti_SR|SR]]. La&nbsp;[[Pravda|''Pravda'']]&nbsp;réclamait avec insistance de nouvelles élections&nbsp;: ''«&nbsp;Les 500 000 ouvriers de Pétrograd ont au Soviet quatre fois moins de délégués que les 150 000 hommes de la garnison.&nbsp;»''
    
De large secteurs du parti retardaient cependant sur les expériences faites à [[Pétrograd|Pétrograd]] et sur le réalignement opéré par Lénine. Dans des centres ouvriers tels qu'Ékatérinbourg, Perm, Toula, Nijni-Novgorod, Sormovo, Kolomna, Iouzovka, les bolcheviks ne se séparèrent des mencheviks qu'à la fin de mai. À Odessa, Nikolaïev, Élisavetgrad, Poltava et en d'autres points de l'Ukraine, les bolcheviks, au milieu de juin, n'avaient pas encore d'organisations autonomes. À Bakou, Zlatooust, Bejtesk, Kostroma, ils ne se séparèrent définitivement des mencheviks qu'à la fin de juin.
 
De large secteurs du parti retardaient cependant sur les expériences faites à [[Pétrograd|Pétrograd]] et sur le réalignement opéré par Lénine. Dans des centres ouvriers tels qu'Ékatérinbourg, Perm, Toula, Nijni-Novgorod, Sormovo, Kolomna, Iouzovka, les bolcheviks ne se séparèrent des mencheviks qu'à la fin de mai. À Odessa, Nikolaïev, Élisavetgrad, Poltava et en d'autres points de l'Ukraine, les bolcheviks, au milieu de juin, n'avaient pas encore d'organisations autonomes. À Bakou, Zlatooust, Bejtesk, Kostroma, ils ne se séparèrent définitivement des mencheviks qu'à la fin de juin.

Menu de navigation