Mouvement trotskiste en Argentine
1 L'apparition de l'Opposition de Gauche en Amérique du Sud[modifier | modifier le wikicode]
Le Parti Communiste Argentin est dans les années 20 un des plus faible d'Amérique Latine, notamment a cause de la puissance du mouvement anarcho-syndicaliste dans ce pays. Il est affecté par quatre scissions, dont une, le Parti communiste de la région argentine (devenu PC de la république argentine puis Concentration Ouvrière) va voir emerger le premier groupe de l'Opposition de Gauche en Amérique Latine. Devant l'indécision du parti face aux propositions de Trotski, trois ouvriers (les frères Guinney et Camillo Lopez) occupant des postes de responsabilités au sein du PCRA vont prendre l'initiative en 1929 de quitter le parti et de fonder le Comité Communiste d'Opposition. Ce petit groupe grossit lentement et se rebaptise Gauche Communiste d'Argentine en 1932. Il compte alors huit membre et dispose d'un petit local.
En 1932, Hector Raurich et Antonio Gallo fondent un nouveau groupe trotskiste après être rentré d'Espagne, où ils ont été en contact avec André Nin. Une tentative de fusion avec la GCA ayant échoué, ils organisent la Ligue Communiste autour du périodique Nouvelle Étape.
Après une fusion avec le groupe du syndicaliste Pedro Milessi, expulsé du PC, la GCA change de nom en Ligue Communiste Internationaliste Bolchevik-Léniniste, section argentine, qui commence à publier un journal imprimé, Tribune Léniniste.
Au début de 1935, ces deux groupes fusionnent pour former la Ligue Communiste Internationaliste, avec un journal unique, Quatrième Internationale. L'organisation compte une quarantaine de militants.
2 Entrisme et fragmentation[modifier | modifier le wikicode]
Divisée par des débats théoriques véhéments, l'activité de la LCI, d'abord importante, s'essoufle. Elle change son nom en Parti Ouvrier au début de 1936 pour revenir à LCI six mois plus tard, et connait des défections importantes. Une partie de ses militants la quitte pour entrer dans le Parti Socialiste Ouvrier. Elle dispose de peu d'implantations ouvrières.
Les militants entristes ont peu de relations les uns avec les autres et sont très dispersés au sein du PSO, organisant plusieurs fractions, comme Front Prolétarien ou Gauche. Cet entrisme, malgré la destruction de la LCI qu'il a causé, permet de recruter des militants ouvrier et de sortir les trotskistes de leur isolement. C'est à cette époque que Mateo Fossa et Homero Cristalli (plus connu sous le pseudonyme de Juan Posadas) furent gagnés au trotskysme.
En 1938, le PSO expulse les trotskystes de ses rangs après qu'ils aient refusés de soutenir la candidature d'Alvear à la présidentielle. Autour de Liborio Justo et de Mateo Fossa s'organise alors le Groupe Ouvrier Révolutionnaire, d'une quinzaine de militants, qui devient la Ligue Ouvrière Révolutionnaire en mai 1941. De nouveau désacords font qu'une partie de ses militants fondent la Ligue Ouvrière Socialiste en 1940, qui réussit à rassembler la plupart des groupes trotskistes dispersés du pays. Cette nouvelle organisation est cependant rapidement afffaiblie par le départ de groupes de Posadas et de Lagos, qui reprennent leur indépendance régionale.
En août 1941, la Quatrième Internationale tente, par l'entremise de son représentant Terence Phelan, de mettre sur pied un comité d'unification. Ce comité échoue et la LOR s'éloigne du projet. Les restes de la LOS tiennent un congrès en décembre 1941, qui met sur pied le Parti ouvrier de la Révolution socialiste. La LOR disparait en 1943, après que Liborio Justo, son chef, ait tenté de rompre avec la Quatrième Internationale. Le PORS, englué dans le débat sur la libération nationale, se scinde en deux la même année, puis disparait après le coup d'état de juin 1943. La repression qui s'abat sur la gauche argentine divise et isole encore plus les différents groupes se réclamant du trotskisme. On en compte alors une douzaine.
3 Peronisme et nouvelles divisions[modifier | modifier le wikicode]
L'apparition du mouvement nationaliste de masse qu'est le péronisme met les trotskistes argentins sur des positions opposées. Le Groupe Communiste Internationaliste de Posadas soutient totalement le mouvement, alors que d'autres groupes, comme le Groupe Ouvrier Marxiste de Nahuel Moreno, y sont farouchement opposé. Cela n'empéche la constitution d'un nouveau comité de coordination pour l'unification des groupes, rejoint par le GCI, le GOM, « Octobre » et d'autres groupes (« Zone Sud »,« Spartacus » de Rosario). L'initiative vient de la Ligue Ouvrière Révolutionnaire d'Uruguay, qui agit sur ordre du Secrétariat International de la IVe Internationale. En 1947, il envoit une lettre à des groupes argentins leur demandant de s'unifier, tout en discutant de leurs désaccords.
L'unification bute sur les réticences du GCI, qui se considére comme l'unique groupe révolutionnaire prolétarien d'Argentine, et même d'Amérique Latine. Cette expérience sert surtout à amalgamer au GCI et au GOM des petits groupes, indépendants auparavant. Le groupe Octobre suit une trajectoire nationaliste, qui l'amena à rompre avec le trotskisme. Moreno et Posadas, le chefs des deux groupes les plus importants, étaient les seuls argentins présent au IIéme congrès de la Quatrième Internationale en 1948. Ce congrès décide d'organiser un Bureau Latino-américain, à la charge des groupes argentins. Cela permet à Posadas de s'imposer comme une figure internationale importante, Moreno et son groupe étant trop occupé par des problémes internes pour réellement s'engager dans ce Bureau.
Le troisième congrès de la Quatrième Internationale, en 1951, décide par des résolutions de déclarer le GCI section officielle en Argentine, et d'y intégrer disciplinairement les autres groupes. C'était une décision logique, car le GCI avait exprimé des positions politiques proche des décisions prises à ce congrès, c'est à dire l'entrisme sui generi dans les mouvements nationalistes des pays arriérés.
Le GOM, devenu POR, après avoir fait trainer les discussions d'unification, se range en 1952 du côté des anti-pablistes, menés par le PCI français. Il envoit des délégués dans les autres sections d'Amérique Latine, afin d'étendre la scission sur le continent. En octobre 1954, le POR argentin, une petite organisation chilienne, et le groupe Révolution Permanente du Pérou, constituent le « Secrétariat latino-américain du trotskisme orthodoxe » (l’ « orthodoxie » étant le drapeau que le SWP levait pour la lutte politique contre Pablo et le Secrétariat International). Le SLATO consacre la division du mouvement trotskyste sud-américain, et parvient à créer des « sections » en Uruguay et au Brésil. Posadas avait également été mandaté par le IIIe Congrès pour organiser le « Bureau latino-américain ». Le BLA se transforma rapidement en son propre fief, bien que certains dirigeants du SI (Pierre Frank, Sal Santen) se rendent sous ces latitudes pour « voir ce qui se passe » (ils retourneront en Europe pour se plaindre de « l’autoritarisme de Posadas », qui les laissaient en dehors des décisions politiques). Bien qu’affiliés à des organisations internationales (SI et CI), les « posadistes » et les « morenistes » étaient déjà des courants indépendants.
Alors que Moreno était connu pour son anti-péronisme, et techniquement membre d'une tendance le refusant à l'internationale, il décida pourtant de se lancer avec son organisation dans l'entrisme au sein de la gauche péroniste, plus précisement du Parti Socialiste de la Révolution Nationale, scission du Parti Socialiste. De nombreux cadres de l'ancien PORS se retrouvérent également dans ce parti, comme Esteban Rey ou le groupe trotskiste de Rosario.
Pendant ce temps, le GCI de Posadas changea de nom, en Parti Ouvrier Révolutionnaire (à ne pas confondre avec les autres), puis en Parti Ouvrier (trotskyste) après la Révolution Libératrice de 1955. Celle-ci, renversant Peron, permis une croissance des groupes trotskystes. Le POR de Moreno, en plus de militer au sein du PSRN, organisa les MAO (Mouvement des Groupes Ouvriers) pour s'imposer dans les syndicats. En février 1956, moment de la dissolution par le gouvernement du PSRN, il dépasse les 100 militants. Il se restructure alors autour de son journal Palabra Obrera, continuant son travail dans le mouvement péroniste.
Le PO (t) s’est présenté à toutes les élections après la Libertadora, un effort considérable pour un petit groupe qui avait dû battre en retraite sur le plan syndical. Les succès partiels obtenus sur le plan électoral alimenteront les illusions de Posadas sur son devenir comme grand dirigeant politique international. Aux élections présidentielles de 1958, le PO (T) obtint 15 424 voix, ce qui était déjà un progrès par rapport à 1957. Lors des premières élections législatives sous Frondizi, il a obtenu 37 742 voix. À Buenos Aires (où le PO (T) a obtenu 27 800 voix), le parti en avait obtenu 11 500 en 1958. Mais l'augmentation des votes est plus marquée dans les zones de plus grande concentration prolétarienne. Dans la ceinture ouvrière de Buenos Aires, le PO (T) est passé de 5 294 voix en 1958 à 19 342 en 1960, soit une augmentation de 265%. Les chiffres sont plus élevés dans certaines zones où l’influence trotskyste était plus importante : 471% à Avellaneda, 641% à La Matanza, 556% à Quilmes, 459% à Berisso, 520% à La Plata. À Tucumán, où les trotskystes se sont présentés pour la première fois, ils ont obtenu 1 602 voix, contre 4 275 au PS et 3 300 voix au PC. À Córdoba, où ils sont également intervenus pour la première fois, ils ont obtenu 8 640 voix, contre 9 235 au PS et 7 736 au PC. Le principal objectif du PO (t) était de batir un "Parti Ouvrier basé sur les syndicat". A l'international, les divergences avec le SI firent que le Bureau Latino-américain se constitua en Internationale sous la direction de Posadas en 1962.
Deux autres groupes trotskysant apparurent également à la fin des années 50. Le MIR-Praxis, qui se revendiquait de la révolution permanente sans toutefois se dire trotskyste, et qui finira par se transformer en un simple groupe culturel, et Le Prolétaire, fondé après l'échec de la grève générale de janvier 1959.
4 Les recompositions des années 60-70[modifier | modifier le wikicode]
La victoire de la guerilla cubaine lance une dynamique de rapprochement entre le Comité International et le Secrétariat International, qui s'unifiérent dans le Secrétariat Unifié en 1963. Palabra Obrera abandonne l'entrisme et fusionne en 1965 avec le Front Populaire Révolutionnaire Indo-américain dans le Parti Révolutionnaire des Travailleurs, qui devient la section argentine du SU. Il s'oriente vers le modéle cubain, son journal appelant en 1967 à déclencher une guerilla à Tucuman. Cette orientation provoque la scission d'un tiers du comité central du parti, autour de Moreno, qui pense la lutte armée prématurée, et qui s'organise autour du journal La Verdad. Les restants, autour du journal El Combatiente, approfondissent la ligne de la lutte armée et commencent l'organisation de l'EPR (Armée révolutionnaire du peuple). En 1969, ces derniers sont reconnus comme section officielle du SU, le PRT-La Verdad étant déclassé au rang de sympathisant.
En 1961, un groupe de militants - Jorge Altamira, Marcelo Torrens, Roberto Gramar et d'autres - rompt avec Praxis (Silvio Frondizi) en critiquant sa proposition de « Movimiento de Liberación Nacional », sans base de classe, faite par ses dirigeants. En collaboration avec un autre secteur en rupture venant de La Plata, ils créent le MIRA (Mouvement de la Gauche Révolutionnaire Argentine) et éditérent El Militante. Bientôt, deux dirigeants syndicaux qui avaient rompu avec Moreno (Speroni et Arrans) rejoignent le groupe. Le groupe conserve l’héritage « trotskyste » de Silvio Frondizi (et de sa critique des positions stratégiques des groupes trotskystes). En 1962 (lors du coup d'état militaire), ils forment un front uni avec le groupe trotskyste El Proletario (José Murat, « Lima »), qui avait critiqué de manière complète l'activité pro-péroniste de Moreno, Ramos (dirigeant d'Octobre) et Posadas, illustré avec de nombreuses citations d'œuvres de Trotsy alors à demi connues. En 1963, ce groupe, baptisé Reagrupar - très petit - adopte une position foquiste. Il ne tarda pas a exploser, une partie de ses membres s'orientant vers la lutte armée, l'autre affirmant un programme trotskiste et créant le journal Politica Obrera en mars 1964. Le groupe développe alors une politique d'implantation systématique dans les usines et les centres ouvriers, qui le firent arriver à une centaine de militants en 1968. Sur le plan international, ce groupe était lié au POR bolivien, dont le principal dirigeant était Guillermo Lora, et il s'engagea dans la construction du Comité d'Organisation pour la Reconstruction de la Quatrième Internationale dans les années 70.
En 1969, l'Argentine connait une mobilisation jamais vue, partant de la ville de Cordoba à partir de mai, et imposant aux directions syndicale une grève générale. Cela ouvre une nouvelle période de croissance des groupes trotskistes, par la radicalisation étudiante et ouvrière. L'EPR commence ses actions de guerilla à partir de 1971, ce qui se finit dans un bain de sang en 1976 avec la mort de Santucho et la quasi-extermination de tout les membres du parti par l'armée pendant la dictature. Le PRT-EPR avait, entretemps, en 1973, rompu avec le SU de la Quatrième Internationale, et se réclamait de l'héritage de Mao, Ho Chi Minh, Giap, Le Duan, Kim Il Sung, Castro et du Che.
Le PRT-La Verdad fusionna en 1972 avec une partie du Parti Socialiste Argentin pour créer le Parti Socialiste des Travailleurs. Ses buts étaient principalement électoraux et de rassemblement de la gauche. Il défendait l'institutionalisation et la reconstruction du Parti Socialiste. Il fut l'un des parti les plus touchés par les attaques des AAA (milices anti-communistes). Il participe sur le plan international à la Tendance Léniniste-Trotskiste au sein du SU, au côté du SWP.
5 Des Malouines à l'Argentinazo[modifier | modifier le wikicode]
La dictature militaire à partir de 1976 touche durement les organisations trotskystes, qui voit beaucoup de leur membre être assassiné, et leur réseaux syndicaux destructurés par la repression. Le PST et PO soutiennent pourtant le gouvernement argentin dans sa tentative d'invasion des Malouines, estimant que sa victoire serait anti-impérialiste, et que sa défaite causerait son effondremment.
La défaite dans la guerre confirme ces prédictions, entrainant avec elle la fin de la dictature et la réemergence du trotskysme. Le PST adopte le nom de MAS (Mouvement pour le Socialisme) en 1982, et Politica Obrera décide de former un parti, le Partido Obrero (Parti Ouvrier) en 1983. Ces deux organisations obtinrent respectivement 42.500 et 13.067 voix aux élections présidentielles de la même année.
Le MAS s'engagea dans une politique de coalition avec d'autre forces de gauche, avec le Front du Peuple aux élections législatives de 1985, puis Gauche Unie entre 1987 et 1991. Après la mort de Moreno en 1987, le MAS, qui s'auto-proclamait le plus grand parti trotskyste du monde, commença à se désagreger, donnant naissance à une série d'organisations se réclamant de son héritage.En 1988, son organisation de jeunesse le quitta, formant le Parti des Travailleurs pour le Socialisme, aujourd'hui Parti des Travailleurs Socialistes. En 1991 la scission du Mouvement Socialiste des Travailleurs entraina la moité des membres, et le nombre de groupes issus du MAS se porta bientôt à une douzaine.
PO a pendant cette période refuser de participer à des coalitions éléctorales à gauche, préférant se concentrer sur le travail syndical et l'organisation de comités de chomeurs. Il fut donc au premier plan de la vague de contestation des "piqueteros", mouvement de chomeurs, de commerçants et de petits patrons qui protestait contre la dette, l'ingérence du FMI, la vie chére et la pauvreté.
En 2000 et 2001, l'approfondissement de la crise politique causé par les consignes du FMI et l'extrême pauvreté, allant parfois jusqu'a la famine dans certaines régions du pays donnérent lieu à l'Argentinazo, manifestation extrêment violente (33 morts) accompagné de grêve et de blocage routier qui causérent la chute du gouvernement De La Rua.
La bourgeoisie argentine fut obligé de faire des concessions et d'accorder des programmes d'aides sociales pour éviter une nouvelle révolte de cette ampleur.
6 Situation Actuelle[modifier | modifier le wikicode]
Les principales organisation toujours existantes du trotskysme argentin sont le Parti Ouvrier, le Parti des Travailleurs Socialistes, la Gauche Socialiste, tout trois membres du Front de Gauche et des Travailleurs(FIT), ainsi que le Nouveau Mouvement pour le Socialisme et le Mouvement Socialiste des Travailleurs, qui ont formé une autre coalition, Gauche au front pour le Socialisme, en octobre 2017, leur entrée dans le FIT ayant été refusé.
Le FIT a participé aux éléctions présidentielles de 2011, obtenant 2,30% des suffrages, puis à celles de 2015, obtenant 3,23%. Il dispose de deux députés au Congrès argentin.
7 Sources[modifier | modifier le wikicode]
Historia del trotskismo en Argentina y América Latina, Osvaldo Coggiola, Ediciones RyR, Buenos Aires, 2006