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[[Flora_Tristan|Flora Tristan]] (1803-1844) fut une des premières socialistes à tenter de mener de front la lutte ouvrière avec la lutte des femmes. Elle fit un tour de france des filatures et imprimeries et s'investit dans l'organisation des ouvriers et ouvrières. Elle disait :
 
[[Flora_Tristan|Flora Tristan]] (1803-1844) fut une des premières socialistes à tenter de mener de front la lutte ouvrière avec la lutte des femmes. Elle fit un tour de france des filatures et imprimeries et s'investit dans l'organisation des ouvriers et ouvrières. Elle disait :
<blockquote>«&nbsp;L’homme le plus opprimé peut opprimer un être, qui est sa femme. Elle est le prolétaire du prolétaire même.&nbsp;»</blockquote>  
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«&nbsp;L’homme le plus opprimé peut opprimer un être, qui est sa femme. Elle est le prolétaire du prolétaire même.&nbsp;»
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[[Charles_Fourier|Charles Fourier]] prônait la construction de crèches pour "libérer la femme", espérer atteindre une harmonie des sexes dans les [[Phalanstères|phalanstères]], et considérait que la condition féminine réflète le [[Progrès_social|progrès social]]&nbsp;:
 
[[Charles_Fourier|Charles Fourier]] prônait la construction de crèches pour "libérer la femme", espérer atteindre une harmonie des sexes dans les [[Phalanstères|phalanstères]], et considérait que la condition féminine réflète le [[Progrès_social|progrès social]]&nbsp;:
<blockquote>«&nbsp;''Les progrès sociaux'' ''s’opèrent en raison des progrès des femmes vers la liberté et les décadences d’ordre social en raison du décroissement de la liberté des femmes.''&nbsp;»<ref>Charles Fourier, [http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k106139k Théorie des quatre mouvements], 1808</ref></blockquote>  
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«&nbsp;''Les progrès sociaux'' ''s’opèrent en raison des progrès des femmes vers la liberté et les décadences d’ordre social en raison du décroissement de la liberté des femmes.''&nbsp;»<ref>Charles Fourier, [http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k106139k Théorie des quatre mouvements], 1808</ref>
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===Marx et Engels===
 
===Marx et Engels===
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La division sexuelle du travail est décrite comme une des tout premières [[Division_du_travail|divisions du travail]] dans ''[[L'idéologie_allemande|L'idéologie allemande]]'' (1845), mais avec une vision basée basée sur l'idée d'une origine naturelle (Engels rompra plus tard avec cette idée, notamment dans ''[[L'origine_de_la_famille,_de_la_propriété_privée_et_de_l'Etat|L'origine de la famille]]''). Dans ce livre l'idée que la [[Famille|famille]] dépend des conditions sociales est posée. Les auteurs dénoncent l'appropriation des femmes par les maris, qu'elle soit cachée ou ouverte&nbsp;:
 
La division sexuelle du travail est décrite comme une des tout premières [[Division_du_travail|divisions du travail]] dans ''[[L'idéologie_allemande|L'idéologie allemande]]'' (1845), mais avec une vision basée basée sur l'idée d'une origine naturelle (Engels rompra plus tard avec cette idée, notamment dans ''[[L'origine_de_la_famille,_de_la_propriété_privée_et_de_l'Etat|L'origine de la famille]]''). Dans ce livre l'idée que la [[Famille|famille]] dépend des conditions sociales est posée. Les auteurs dénoncent l'appropriation des femmes par les maris, qu'elle soit cachée ou ouverte&nbsp;:
<blockquote>«&nbsp;Dans la loi prussienne, les liens sacrés du mariage sont censés être imposés à la fois aux hommes et aux femmes&nbsp;», mais c'est une fiction juridique. La relation réelle est codifiée en France, «&nbsp;où la femme est considérée comme la propriété privée de son mari, et seule la femme peut être punie pour adultère.&nbsp;»</blockquote>  
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«&nbsp;Dans la loi prussienne, les liens sacrés du mariage sont censés être imposés à la fois aux hommes et aux femmes&nbsp;», mais c'est une fiction juridique. La relation réelle est codifiée en France, «&nbsp;où la femme est considérée comme la propriété privée de son mari, et seule la femme peut être punie pour adultère.&nbsp;»
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Toujours dans l'''Idéologie allemande'', il est indiqué que l'abolition de la propriété privée entraînera l'abolition de la famille et du mariage. Mais il n'y a pas d'indication de ce qui pourrait les remplacer. Les descriptions de l'[[Amour_libre|amour libre]] imagnées par Fourier sont qualifiées de "fantaisies". Marx et Engels écrivaient même que la famille était déjà dissolue, n'existant plus dans le prolétariat, et n'existant plus que formellement comme rapport de propriété dans la bourgeoisie (avec l'argument que les bourgeois trompaient leurs femmes). Ces idées, largement extrapolées, n'étaient pas vraiment étayées sur des faits.
 
Toujours dans l'''Idéologie allemande'', il est indiqué que l'abolition de la propriété privée entraînera l'abolition de la famille et du mariage. Mais il n'y a pas d'indication de ce qui pourrait les remplacer. Les descriptions de l'[[Amour_libre|amour libre]] imagnées par Fourier sont qualifiées de "fantaisies". Marx et Engels écrivaient même que la famille était déjà dissolue, n'existant plus dans le prolétariat, et n'existant plus que formellement comme rapport de propriété dans la bourgeoisie (avec l'argument que les bourgeois trompaient leurs femmes). Ces idées, largement extrapolées, n'étaient pas vraiment étayées sur des faits.
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Dans [[L'origine_de_la_famille|L'origine de la famille]] (1884), Engels fait une analyse historique des rapports familiaux sur la base des connaissances de l'époque (aujourd'hui largement dépassées). Une de ses idées est que l'oppression des femmes est une conséquence de l'apparition de la [[Propriété_privée|propriété privée]]. Concernant la lutte présente des femmes, il rappelle que l'égalité des droits ne suffira pas à établir l'égalité réelle, tant qu'il y aura une inégalité économique (hommes salariés, femmes au foyer). Ce qui inspire à Engels une analogie célèbre&nbsp;:
 
Dans [[L'origine_de_la_famille|L'origine de la famille]] (1884), Engels fait une analyse historique des rapports familiaux sur la base des connaissances de l'époque (aujourd'hui largement dépassées). Une de ses idées est que l'oppression des femmes est une conséquence de l'apparition de la [[Propriété_privée|propriété privée]]. Concernant la lutte présente des femmes, il rappelle que l'égalité des droits ne suffira pas à établir l'égalité réelle, tant qu'il y aura une inégalité économique (hommes salariés, femmes au foyer). Ce qui inspire à Engels une analogie célèbre&nbsp;:
<blockquote>«&nbsp;Dans la famille, l'homme est le bourgeois&nbsp;; la femme joue le rôle du prolétariat.&nbsp;»</blockquote>  
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«&nbsp;Dans la famille, l'homme est le bourgeois&nbsp;; la femme joue le rôle du prolétariat.&nbsp;»
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Concernant l'avenir de la famille, Engels reste prudent, mais envisage deux possibilités&nbsp;: soit la monogamie disaparaît, soit "''elle devient enfin réalité, en s'appliquant aussi à l'homme''". Engels disait aussi que l'égalité femmes-hommes implique d'en finir avec la gallanterie<ref>Voir Engels, Lettre à Sorge, 12 janvier 1889</ref>.
 
Concernant l'avenir de la famille, Engels reste prudent, mais envisage deux possibilités&nbsp;: soit la monogamie disaparaît, soit "''elle devient enfin réalité, en s'appliquant aussi à l'homme''". Engels disait aussi que l'égalité femmes-hommes implique d'en finir avec la gallanterie<ref>Voir Engels, Lettre à Sorge, 12 janvier 1889</ref>.
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Dans une conférence en 1909, [[Léon_Jouhaux|Léon Jouhaux]] déplore que les [[CGT|cégétistes]] ne parviennent pas à mieux considérer leurs femmes et à en faire des camarades de lutte&nbsp;:
 
Dans une conférence en 1909, [[Léon_Jouhaux|Léon Jouhaux]] déplore que les [[CGT|cégétistes]] ne parviennent pas à mieux considérer leurs femmes et à en faire des camarades de lutte&nbsp;:
<blockquote>''«&nbsp;Les camarades'', ''même ceux qui sont conscients, même les militants, ne voient pas dans leur femme une amie, une compagne s’intéressant aux mêmes choses qu’eux&nbsp;; ils voient en elle un être inférieur dont la besogne consiste à faire bouillir la marmité, à raccommoder les chaussettes et à laver la vaisselle… Tant que les syndicalistes envisageront les choses de cette manière, ils en éprouveront les conséquences&nbsp;»''<ref>Léon Jouhaux, Conférence sur ''La femme et le Syndicalisme'', 19 décembre 1909 (cité dans E. Culot Marfurt, [http://www.marievictoirelouis.net/index.php?id=192 Droit au travail], 1910)</ref></blockquote>  
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''«&nbsp;Les camarades'', ''même ceux qui sont conscients, même les militants, ne voient pas dans leur femme une amie, une compagne s’intéressant aux mêmes choses qu’eux&nbsp;; ils voient en elle un être inférieur dont la besogne consiste à faire bouillir la marmité, à raccommoder les chaussettes et à laver la vaisselle… Tant que les syndicalistes envisageront les choses de cette manière, ils en éprouveront les conséquences&nbsp;»''<ref>Léon Jouhaux, Conférence sur ''La femme et le Syndicalisme'', 19 décembre 1909 (cité dans E. Culot Marfurt, [http://www.marievictoirelouis.net/index.php?id=192 Droit au travail], 1910)</ref>
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En 1913, suite à une agression très violente d'un mari sur sa femme qui faisait grève, le meeting de la CGT du lendemain condamne les violences des ouvriers&nbsp;: ''«&nbsp;On boit pour oublier sa misère, on cogne sur la femme parce qu'on n'a pas le courage de s'en prendre au patron.»''<ref>Marie-Victoire Louis , [http://www.marievictoirelouis.net/document.php?id=584 Le droit de cuissage, France 1860-1930, Ch IX], 1994</ref> En septembre 1917 encore, le Comité fédéral national des Métaux adopte à l'unanimité une motion qui veut renvoyer les femmes au foyer.
 
En 1913, suite à une agression très violente d'un mari sur sa femme qui faisait grève, le meeting de la CGT du lendemain condamne les violences des ouvriers&nbsp;: ''«&nbsp;On boit pour oublier sa misère, on cogne sur la femme parce qu'on n'a pas le courage de s'en prendre au patron.»''<ref>Marie-Victoire Louis , [http://www.marievictoirelouis.net/document.php?id=584 Le droit de cuissage, France 1860-1930, Ch IX], 1994</ref> En septembre 1917 encore, le Comité fédéral national des Métaux adopte à l'unanimité une motion qui veut renvoyer les femmes au foyer.
    
La décennie 1910 verra une nouvelle poussée de la question féministe au sein du mouvement ouvrier, principalement sous l'effet du [[Syndicalisme|syndicalisme]] des institutrices. En 1920 le syndicat se désignera comme "''Syndicat national des institutrices et instituteurs''". [[Hélène_Brion|Hélène Brion]], institutrice syndicaliste, mit en avant la nécessité d'une [[Auto-organisation|auto-organisation]] des femmes&nbsp;:
 
La décennie 1910 verra une nouvelle poussée de la question féministe au sein du mouvement ouvrier, principalement sous l'effet du [[Syndicalisme|syndicalisme]] des institutrices. En 1920 le syndicat se désignera comme "''Syndicat national des institutrices et instituteurs''". [[Hélène_Brion|Hélène Brion]], institutrice syndicaliste, mit en avant la nécessité d'une [[Auto-organisation|auto-organisation]] des femmes&nbsp;:
<blockquote>«&nbsp;''Je ne fais pas du syndicalisme, même uni au socialisme, une panacée universelle pour guérir tous les maux [...] De même que l’émancipation des travailleurs doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes,&nbsp;de même, l’émancipation des femmes ne doit et en peut être que l’oeuvre des féministes eux-mêmes.''&nbsp;»<ref name="Brion1918">Hélène Brion, [http://www.marievictoirelouis.net/index.php?id=182 Les partis d’avant-garde et le féminisme], La voie féministe, 01/11/1918</ref></blockquote>  
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«&nbsp;''Je ne fais pas du syndicalisme, même uni au socialisme, une panacée universelle pour guérir tous les maux [...] De même que l’émancipation des travailleurs doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes,&nbsp;de même, l’émancipation des femmes ne doit et en peut être que l’oeuvre des féministes eux-mêmes.''&nbsp;»<ref name="Brion1918">Hélène Brion, [http://www.marievictoirelouis.net/index.php?id=182 Les partis d’avant-garde et le féminisme], La voie féministe, 01/11/1918</ref>
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Elle reprochait au mouvement ouvrier son mépris des femmes, mais soulevait également le fait que le syndicalisme n'agit en rien sur l'[[Exploitation|exploitation]] que subissent les femmes à domicile. Elle dresse également une liste de projets de loi en faveur des droits des femmes, et conclut&nbsp;:
 
Elle reprochait au mouvement ouvrier son mépris des femmes, mais soulevait également le fait que le syndicalisme n'agit en rien sur l'[[Exploitation|exploitation]] que subissent les femmes à domicile. Elle dresse également une liste de projets de loi en faveur des droits des femmes, et conclut&nbsp;:
<blockquote>«&nbsp;Parmi tous ces noms, camarades socialistes, pas un seul des vôtres&nbsp;! Parmi toutes ces réformes ou bribes de réformes arrachées par le constant travail et l’effort acharné du féminisme, pas une seule dont l’initiative vous revienne&nbsp;!&nbsp;»</blockquote>  
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«&nbsp;Parmi tous ces noms, camarades socialistes, pas un seul des vôtres&nbsp;! Parmi toutes ces réformes ou bribes de réformes arrachées par le constant travail et l’effort acharné du féminisme, pas une seule dont l’initiative vous revienne&nbsp;!&nbsp;»
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===Au sein du socialisme allemand===
 
===Au sein du socialisme allemand===
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Leur combat dépassait cependant largement celui de l'égalité des droits&nbsp;:
 
Leur combat dépassait cependant largement celui de l'égalité des droits&nbsp;:
<blockquote>«&nbsp;Le droit de vote ou l'égalité civile de la femme, une fois inscrits dans les lois et les codes, l'exploitation économique des femmes n'en sera pas supprimée pour autant.&nbsp;»<br /> «&nbsp;La femme est l'esclave de l'usine et du foyer, sur elle pèse le fardeau de la double journée de travail.&nbsp;» Clara Zetkin</blockquote>  
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«&nbsp;Le droit de vote ou l'égalité civile de la femme, une fois inscrits dans les lois et les codes, l'exploitation économique des femmes n'en sera pas supprimée pour autant.&nbsp;»<br /> «&nbsp;La femme est l'esclave de l'usine et du foyer, sur elle pèse le fardeau de la double journée de travail.&nbsp;» Clara Zetkin
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En 1910, la deuxième conférence de l'ISF, à Copenhague en 1910 adopta la résolution d'une [[Journée_internationale_des_Femmes|Journée internationale des Femmes]] fixée au 8 mars de chaque année. Elle adopta aussi une résolution pour la Paix. Lors de la conférence de Bâle de l'Internationale ouvrière de 1912, Clara Zetkin prononça un discours enflammé pour la Paix et la nécessité des femmes socialistes de lutter contre la guerre qui touche principalement les «&nbsp;fils du prolétariat&nbsp;». [[Rosa_Luxemburg|Rosa Luxemburg]] et [[Angelica_Balabanova|Angelica Balabanova]] étaient les deux seules femmes du [[Bureau_socialiste_international|Bureau socialiste international]].
 
En 1910, la deuxième conférence de l'ISF, à Copenhague en 1910 adopta la résolution d'une [[Journée_internationale_des_Femmes|Journée internationale des Femmes]] fixée au 8 mars de chaque année. Elle adopta aussi une résolution pour la Paix. Lors de la conférence de Bâle de l'Internationale ouvrière de 1912, Clara Zetkin prononça un discours enflammé pour la Paix et la nécessité des femmes socialistes de lutter contre la guerre qui touche principalement les «&nbsp;fils du prolétariat&nbsp;». [[Rosa_Luxemburg|Rosa Luxemburg]] et [[Angelica_Balabanova|Angelica Balabanova]] étaient les deux seules femmes du [[Bureau_socialiste_international|Bureau socialiste international]].
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L'[[Internationale_Communiste|Internationale Communiste]] relança l'activité en direction des femmes, avec par exemple la création en 1920 d'un secrétariat international femmes avec représentation permanente au Comité Exécutif. L'IC insiste sur la nécessité d'accentuer la propagande envers les femmes prolétaires<ref name="3eCongres">III° Congrès de l'Internationale communiste, [https://www.marxists.org/francais/inter_com/1921/ic3_13.htm La propagande parmi les femmes], 1921</ref>.
 
L'[[Internationale_Communiste|Internationale Communiste]] relança l'activité en direction des femmes, avec par exemple la création en 1920 d'un secrétariat international femmes avec représentation permanente au Comité Exécutif. L'IC insiste sur la nécessité d'accentuer la propagande envers les femmes prolétaires<ref name="3eCongres">III° Congrès de l'Internationale communiste, [https://www.marxists.org/francais/inter_com/1921/ic3_13.htm La propagande parmi les femmes], 1921</ref>.
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[[File:AfficheSFIC-CGTU-Femmes.jpg|right|385x299px|AfficheSFIC-CGTU-Femmes.jpg]]  
 
[[File:AfficheSFIC-CGTU-Femmes.jpg|right|385x299px|AfficheSFIC-CGTU-Femmes.jpg]]  
 
L'IC revendique alors des droits égaux, et est à l'origine de la [[Journée_internationales_des_femmes|journée internationales des femmes]] le 8 mars. La propagande mettait aussi l'accent sur la libération des femmes de l'esclavage des [[Tâches_domestiques|tâches domestiques]], notamment par l'accroissement de la socialisation (cantines, crèches...).
 
L'IC revendique alors des droits égaux, et est à l'origine de la [[Journée_internationales_des_femmes|journée internationales des femmes]] le 8 mars. La propagande mettait aussi l'accent sur la libération des femmes de l'esclavage des [[Tâches_domestiques|tâches domestiques]], notamment par l'accroissement de la socialisation (cantines, crèches...).
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En 2004, 43% des syndiqué-e-s au Royaume-Uni étaient des femmes.<ref>TUC, 2009, Women and Recession, www.tuc.org.uk/extras/womenandrecession.pdf</ref>
 
En 2004, 43% des syndiqué-e-s au Royaume-Uni étaient des femmes.<ref>TUC, 2009, Women and Recession, www.tuc.org.uk/extras/womenandrecession.pdf</ref>
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=== Impact sur les socialistes et communistes ===
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[[Fichier:Affiche-LO-1974.jpg|vignette|287x287px|En 1974, [[Lutte Ouvrière|LO]] présente une femme à l'élection présidentielle]]
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La puisse de la [[Trois vagues du féminisme|deuxième vague du féminisme]] dans les années 1970 a arraché des acquis et bousculé les sociétés, y compris les partis dits progressistes. Ceux-ci ont réagi de diverses manières, souvent en se raidissant dans un premier temps, puis en évoluant. Les partis communistes staliniens sont clairement ceux qui sont restés le plus longtemps conservateurs (positions contre l'avortement, très peu de femmes dans les directions...).
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Les partis trotskistes ont davantage pris en compte le féminisme, bien qu'ayant des divergences entre eux. Par exemple la [[Ligue communiste révolutionnaire (France)|LCR]] s'est tournée vers les organisations larges comme le [[Mouvement de libération des femmes|MLF]], tandis que [[Lutte Ouvrière|LO]] refusait ce « féminisme bourgeois ». Il faut cependant noter qu'en 1974, LO fut le premier parti à présenter une femme ([[Arlette Laguiller]]) à une élection présidentielle française.
    
===Féminisme marxiste actuel===
 
===Féminisme marxiste actuel===
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Aujourd'hui, celles et ceux qui se revendiquent du ''«&nbsp;féminisme marxiste&nbsp;»'' sont de fait une minorité parmi les courants féministes. Par ailleurs, beaucoup de militant-e-s se revendiquent ''«&nbsp;marxistes&nbsp;»'' et ''«&nbsp;féministes&nbsp;»'', mais ne considèrent pas que leur féminisme relève du ''«&nbsp;féminisme marxiste&nbsp;»''. Par ailleurs, il ne se dégage pas à l'heure actuelle une définition nette et hégémonique de ce que serait la définition du féminisme marxiste.
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Les marxistes révolutionnaires contemporains ([[Trotskisme|trotskistes]] notamment), se revendiquent généralement ''« marxistes »'' et ''« féministes »''. Mais parmi elles et eux, beaucoup  ne considèrent pas, ou ne mettent pas en avant, que leur féminisme relève du ''«&nbsp;féminisme marxiste&nbsp;»''. Ce dernier apparaît donc clairement comme minoritaire parmi les courants féministes. Par ailleurs, il ne se dégage pas à l'heure actuelle une définition nette et hégémonique de ce que serait la définition du féminisme marxiste.
    
Parmi les exemples d'organisations, de courants ou d'auteures se revendiquant du féminisme marxiste, on peut citer&nbsp;:
 
Parmi les exemples d'organisations, de courants ou d'auteures se revendiquant du féminisme marxiste, on peut citer&nbsp;:
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*Le travail des femmes ([[Travail_domestique|domestique]] en particulier) est généralement interprété dans le cadre de la notion de reproduction de la [[Force_de_travail|force de travail]], évoquée mais peu développée par [[Marx|Marx]]. C'est notamment le point central de l'analyse de [[Lise_Vogel|Lise Vogel]]<ref>Lise Vogel, ''Marxism and the Oppression of Women'', 1983</ref>, de [[Mariarosa_Dalla_Costa|Mariarosa Dalla Costa]], [[Tithi_Bhattacharya|Tithi Bhattacharya]], et de nombreu-se-x militant-e-s au Canada<ref>Sue Ferguson, David McNally, [https://viewpointmag.com/2015/10/31/social-reproduction-beyond-intersectionality-an-interview-with-sue-ferguson-and-david-mcnally/ ''Social Reproduction Beyond Intersectionality: An Interview''], 2015</ref>...
 
*Le travail des femmes ([[Travail_domestique|domestique]] en particulier) est généralement interprété dans le cadre de la notion de reproduction de la [[Force_de_travail|force de travail]], évoquée mais peu développée par [[Marx|Marx]]. C'est notamment le point central de l'analyse de [[Lise_Vogel|Lise Vogel]]<ref>Lise Vogel, ''Marxism and the Oppression of Women'', 1983</ref>, de [[Mariarosa_Dalla_Costa|Mariarosa Dalla Costa]], [[Tithi_Bhattacharya|Tithi Bhattacharya]], et de nombreu-se-x militant-e-s au Canada<ref>Sue Ferguson, David McNally, [https://viewpointmag.com/2015/10/31/social-reproduction-beyond-intersectionality-an-interview-with-sue-ferguson-and-david-mcnally/ ''Social Reproduction Beyond Intersectionality: An Interview''], 2015</ref>...
 
*[[Silvia_Federici|Silvia Federici]] étend la notion d'[[Accumulation_primitive_du_capital|accumulation primitive du capital]], en soutenant que les femmes ont été et continuent à être une source d'accumulation de capital, à côté du travail salarié, et nécessaire au fonctionnement de l'ensemble.
 
*[[Silvia_Federici|Silvia Federici]] étend la notion d'[[Accumulation_primitive_du_capital|accumulation primitive du capital]], en soutenant que les femmes ont été et continuent à être une source d'accumulation de capital, à côté du travail salarié, et nécessaire au fonctionnement de l'ensemble.
*Des marxistes (comme Hester Eisenstein dans ''Feminism Seduced'') ont dénoncé l'utilisation de réthorique féministe par les capitalistes pour justifier une surexploitation.
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*Des marxistes (comme Hester Eisenstein dans ''Feminism Seduced'') ont dénoncé l'utilisation de rhétorique féministe par les capitalistes pour justifier une surexploitation.
    
==Débats particuliers==
 
==Débats particuliers==
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De nombreuses féministes, la plupart issues du [[Féminisme_bourgeois|féminisme bourgeois]], se sont opposé à ces législations au nom de l'égalité juridique, et parfois au nom du fait que cela limitait l'indépendance financière des femmes par rapport aux hommes. La plupart des socialistes disqualifiaient leurs critiques au nom du fait qu'elles ne sont pas vivent pas le travail d'usine, voire qu'elles en profitent. Engels faisait la réponse suivante en 1885 à une féministe qui s'opposait à une législation spécifique&nbsp;:
 
De nombreuses féministes, la plupart issues du [[Féminisme_bourgeois|féminisme bourgeois]], se sont opposé à ces législations au nom de l'égalité juridique, et parfois au nom du fait que cela limitait l'indépendance financière des femmes par rapport aux hommes. La plupart des socialistes disqualifiaient leurs critiques au nom du fait qu'elles ne sont pas vivent pas le travail d'usine, voire qu'elles en profitent. Engels faisait la réponse suivante en 1885 à une féministe qui s'opposait à une législation spécifique&nbsp;:
<blockquote>«&nbsp;Que la travailleuse ait besoin d'une protection spéciale contre l'exploitation capitaliste en raison de ses fonctions physiologiques particulières me semble évident. Les femmes anglaises qui ont mis en avant les droits formels de leur sexe pour qu'il puisse être exploité aussi fortement que les hommes, sont pour la plupart, directement ou indirectement, intéressées par l'exploitation capitaliste des deux sexes. J'avoue que je suis plus intéressé par la santé de la génération future que par l'égalité formelle absolue des sexes durant les dernières années du capitalisme. Ma conviction est que l'égalité réelle des femmes et des hommes ne peut devenir réalité que si l'exploitation par le capital a été aboli et le travail domestique transformé en une industrie publique.&nbsp;»<ref>Friedrich Engels, Lettre à Gertrude Guillaume-Schack, 5 juillet 1885</ref></blockquote>  
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«&nbsp;Que la travailleuse ait besoin d'une protection spéciale contre l'exploitation capitaliste en raison de ses fonctions physiologiques particulières me semble évident. Les femmes anglaises qui ont mis en avant les droits formels de leur sexe pour qu'il puisse être exploité aussi fortement que les hommes, sont pour la plupart, directement ou indirectement, intéressées par l'exploitation capitaliste des deux sexes. J'avoue que je suis plus intéressé par la santé de la génération future que par l'égalité formelle absolue des sexes durant les dernières années du capitalisme. Ma conviction est que l'égalité réelle des femmes et des hommes ne peut devenir réalité que si l'exploitation par le capital a été aboli et le travail domestique transformé en une industrie publique.&nbsp;»<ref>Friedrich Engels, Lettre à Gertrude Guillaume-Schack, 5 juillet 1885</ref>
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En 1892, des féministes bourgeoises aux États-Unis dénoncent une loi réduisant la journée de travail des femmes spécifiquement. [[Louise_Kautsky|Louise Kautsky]] les dénonce comme entravant le mouvement des femmes travailleuses.<ref>Louise Kautsky, [https://www.marxists.org/archive/draper/1976/women/5-emarx.html The Women’s-Rightsers and Reduction of the Working-Day for Women], 1892</ref> C'était la position majoritaire de l'[[Internationale_ouvrière|Internationale ouvrière]], malgré des débats<ref>Voir notamment les études de Madeleine Rebérioux et Ulla Wikander</ref>.
 
En 1892, des féministes bourgeoises aux États-Unis dénoncent une loi réduisant la journée de travail des femmes spécifiquement. [[Louise_Kautsky|Louise Kautsky]] les dénonce comme entravant le mouvement des femmes travailleuses.<ref>Louise Kautsky, [https://www.marxists.org/archive/draper/1976/women/5-emarx.html The Women’s-Rightsers and Reduction of the Working-Day for Women], 1892</ref> C'était la position majoritaire de l'[[Internationale_ouvrière|Internationale ouvrière]], malgré des débats<ref>Voir notamment les études de Madeleine Rebérioux et Ulla Wikander</ref>.
    
En 1889, [[Clara_Zetkin|Clara Zetkin]] tenait cependant à minimiser les spécificités des travailleuses, afin de mieux défendre l'intégration des femmes au sein du mouvement ouvrier organisé&nbsp;:
 
En 1889, [[Clara_Zetkin|Clara Zetkin]] tenait cependant à minimiser les spécificités des travailleuses, afin de mieux défendre l'intégration des femmes au sein du mouvement ouvrier organisé&nbsp;:
<blockquote>''«&nbsp;Comme nous ne voulons absolument pas séparer notre cause de celle des travailleurs en général, nous ne demandons aucune protection particulière si ce n'est celle que le travail en général exige du capital. Nous n'admettons qu'une seule exception au profit des femmes enceintes, dont l'état exige des mesures particulières dans l'intérêt de la femme même et de sa progéniture. Nous nions qu'il existe une question féminine spécifique, nous nions qu'il existe un problème spécifique des travailleuses.&nbsp;»<ref name="Zetkin1889" />''</blockquote>  
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''«&nbsp;Comme nous ne voulons absolument pas séparer notre cause de celle des travailleurs en général, nous ne demandons aucune protection particulière si ce n'est celle que le travail en général exige du capital. Nous n'admettons qu'une seule exception au profit des femmes enceintes, dont l'état exige des mesures particulières dans l'intérêt de la femme même et de sa progéniture. Nous nions qu'il existe une question féminine spécifique, nous nions qu'il existe un problème spécifique des travailleuses.&nbsp;»<ref name="Zetkin1889" />''
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L'[[Internationale_communiste|Internationale communiste]] a repris ces positions classiques&nbsp;:
 
L'[[Internationale_communiste|Internationale communiste]] a repris ces positions classiques&nbsp;:
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Le journal féministe [[La_Fronde|''La Fronde'']] dénonçait comme dangereuses les législations spécifiques sur le travail des femmes, excepté les femmes enceintes. En 1918, la syndicaliste féministe [[Hélène_Brion|Hélène Brion]] dénonçait l'hypocrisie de la loi contre le travail de nuit des femmes, votée en 1892&nbsp;:
 
Le journal féministe [[La_Fronde|''La Fronde'']] dénonçait comme dangereuses les législations spécifiques sur le travail des femmes, excepté les femmes enceintes. En 1918, la syndicaliste féministe [[Hélène_Brion|Hélène Brion]] dénonçait l'hypocrisie de la loi contre le travail de nuit des femmes, votée en 1892&nbsp;:
<blockquote>''«&nbsp;''Ne nous faites pas ressouvenir de cette fameuse loi sur le travail de nuit, par exemple, voulue par des hommes et votée par des hommes, soi-disant dans l’intérêt de la santé des femmes et aboutissant simplement à faire perdre leur gagne pain à des typotes qui gagnaient &nbsp;dans les six francs par nuit, sans ''«&nbsp;protéger&nbsp;»'' pour cela les plieuses de journaux qui ne gagnaient, il est vrai, que 2 ou 3 francs. La faiblesse de la femme, la santé de la femme&nbsp;! Ne l’invoquez pas, alors que la femme est depuis toujours dans les travaux les plus pénibles et les plus répugnants, à la mine et dans la culture, à la filature et au dévidage des cocons,&nbsp;à la boyauderie, dans les porcelaines et terres cuites, dans le travail des colles, des cirages, des graisses, dans les tanneries aussi bien qu’à l’hôpital et à l’hospice où elle soigne les plaies hideuses et fétides. Non&nbsp;! ne venez pas me parler de santé à ménager pour la femme en tant que travailleuse, alors qu’elle reste soumise en tant que femme à votre absolu caprice d’hommes&nbsp;! Alors que vous lui imposez à votre gré ou les maternités multiples et épuisantes, ou les avortements (que vos lois condamnent&nbsp;!) ou la stérilité qui, pour elle, réduit l’univers à une seule personne&nbsp;! Ne parlez pas de votre souci de la santé ni pour la femme, ni pour la jeunesse tant que vous accepterez l’existence des maisons closes et de l’infâme régime de la police des mœurs&nbsp;! ''»''<ref name="Brion1918" /></blockquote>  
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''«&nbsp;''Ne nous faites pas ressouvenir de cette fameuse loi sur le travail de nuit, par exemple, voulue par des hommes et votée par des hommes, soi-disant dans l’intérêt de la santé des femmes et aboutissant simplement à faire perdre leur gagne pain à des typotes qui gagnaient &nbsp;dans les six francs par nuit, sans ''«&nbsp;protéger&nbsp;»'' pour cela les plieuses de journaux qui ne gagnaient, il est vrai, que 2 ou 3 francs. La faiblesse de la femme, la santé de la femme&nbsp;! Ne l’invoquez pas, alors que la femme est depuis toujours dans les travaux les plus pénibles et les plus répugnants, à la mine et dans la culture, à la filature et au dévidage des cocons,&nbsp;à la boyauderie, dans les porcelaines et terres cuites, dans le travail des colles, des cirages, des graisses, dans les tanneries aussi bien qu’à l’hôpital et à l’hospice où elle soigne les plaies hideuses et fétides. Non&nbsp;! ne venez pas me parler de santé à ménager pour la femme en tant que travailleuse, alors qu’elle reste soumise en tant que femme à votre absolu caprice d’hommes&nbsp;! Alors que vous lui imposez à votre gré ou les maternités multiples et épuisantes, ou les avortements (que vos lois condamnent&nbsp;!) ou la stérilité qui, pour elle, réduit l’univers à une seule personne&nbsp;! Ne parlez pas de votre souci de la santé ni pour la femme, ni pour la jeunesse tant que vous accepterez l’existence des maisons closes et de l’infâme régime de la police des mœurs&nbsp;! ''»''<ref name="Brion1918" />
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L'[[Organisation_internationale_du_travail|Organisation internationale du travail]], institution bourgeoise née du réformisme social en 1919, mettra en avant ce type de restrictions, notamment son ''Service du travail des femmes et des enfants''. Une association féministe fondée en 1929, [[Open_Door_International|Open Door International]], combattait cette politique. L'OIT évoluera vers des positions plus égalitaristes après 1945.
 
L'[[Organisation_internationale_du_travail|Organisation internationale du travail]], institution bourgeoise née du réformisme social en 1919, mettra en avant ce type de restrictions, notamment son ''Service du travail des femmes et des enfants''. Une association féministe fondée en 1929, [[Open_Door_International|Open Door International]], combattait cette politique. L'OIT évoluera vers des positions plus égalitaristes après 1945.
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[[Émile_Pouget|Émile Pouget]] refuse de condamner celles qui avortent poussées par la misère<ref>Émile Pouget, [http://www.marievictoirelouis.net/document.php?id=997&themeid=101 Filles et bâtards], Le Père Peinard, 12/05/1889</ref>.
 
[[Émile_Pouget|Émile Pouget]] refuse de condamner celles qui avortent poussées par la misère<ref>Émile Pouget, [http://www.marievictoirelouis.net/document.php?id=997&themeid=101 Filles et bâtards], Le Père Peinard, 12/05/1889</ref>.
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A partir des années 1930 le PCF est ouvertement contre l'avortement.
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A partir des années 1930 le [[Parti Communiste Français|PCF]] est ouvertement contre l'avortement.
    
===Syndicalisation des femmes===
 
===Syndicalisation des femmes===
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Au nom du courant "[[Féminisme_lutte_de_classe|féministe lutte de classe]]", [[Josette_Trat|Josette Trat]] écrit&nbsp;:
 
Au nom du courant "[[Féminisme_lutte_de_classe|féministe lutte de classe]]", [[Josette_Trat|Josette Trat]] écrit&nbsp;:
<blockquote>«&nbsp;nous n’avons jamais utilisé la notion de «&nbsp;classe sociale des femmes&nbsp;» pour éviter d’homogénéiser abusivement le groupe des femmes&nbsp;; la solidarité entre femmes ne peut naître que des luttes communes sur des revendications qui prennent en compte la situation des femmes les plus exploitées et opprimées.&nbsp;»<ref name="Trat">Josette Trat, [http://www.contretemps.eu/lectures/nouveaux-d%C3%A9fis-f%C3%A9ministes De nouveaux défis pour les féministes], 2011</ref></blockquote>  
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«&nbsp;nous n’avons jamais utilisé la notion de «&nbsp;classe sociale des femmes&nbsp;» pour éviter d’homogénéiser abusivement le groupe des femmes&nbsp;; la solidarité entre femmes ne peut naître que des luttes communes sur des revendications qui prennent en compte la situation des femmes les plus exploitées et opprimées.&nbsp;»<ref name="Trat">Josette Trat, [http://www.contretemps.eu/lectures/nouveaux-d%C3%A9fis-f%C3%A9ministes De nouveaux défis pour les féministes], 2011</ref>
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Clara Zetkin faisait une distinction nette entre les classes. Elle distinguait par exemple<ref name="ZetkinSpeech">Clara Zetkin, [https://www.marxists.org/archive/zetkin/1896/10/women.htm Only in Conjunction With the Proletarian Woman Will Socialism Be Victorious], 1896</ref>&nbsp;:
 
Clara Zetkin faisait une distinction nette entre les classes. Elle distinguait par exemple<ref name="ZetkinSpeech">Clara Zetkin, [https://www.marxists.org/archive/zetkin/1896/10/women.htm Only in Conjunction With the Proletarian Woman Will Socialism Be Victorious], 1896</ref>&nbsp;:
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[[Clara_Zetkin|Clara Zetkin]] reconnaissait que&nbsp;:
 
[[Clara_Zetkin|Clara Zetkin]] reconnaissait que&nbsp;:
<blockquote>«&nbsp;La société bourgeoise ne s'oppose pas fondamentalement au mouvement des femmes de la bourgeoisie, ce qui est prouvé par le fait que dans plusieurs Etats des réformes de lois dans le domaine privé et public ont été lancées.&nbsp;»<ref name="ZetkinSpeech" /></blockquote>  
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«&nbsp;La société bourgeoise ne s'oppose pas fondamentalement au mouvement des femmes de la bourgeoisie, ce qui est prouvé par le fait que dans plusieurs Etats des réformes de lois dans le domaine privé et public ont été lancées.&nbsp;»<ref name="ZetkinSpeech" />
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Mais pour elle l'émancipation réelle des femmes nécessitait le socialisme&nbsp;:
 
Mais pour elle l'émancipation réelle des femmes nécessitait le socialisme&nbsp;:
<blockquote>«&nbsp;Le droit au travail est l'élément déterminant de la transformation de la condition féminine.&nbsp;» «&nbsp;L'émancipation de la femme ne deviendra une réalité que le jour où le travail s'émancipera du capital.&nbsp;»</blockquote>  
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«&nbsp;Le droit au travail est l'élément déterminant de la transformation de la condition féminine.&nbsp;» «&nbsp;L'émancipation de la femme ne deviendra une réalité que le jour où le travail s'émancipera du capital.&nbsp;»
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[[Trotsky|Trotsky]]&nbsp;:
 
[[Trotsky|Trotsky]]&nbsp;:
<blockquote>«&nbsp;L'absorption complète des fonctions économiques de la famille par la société socialiste, liant toute une génération par la solidarité et l'assistance mutuelle, devait apporter à la femme, et dès lors au couple, une véritable émancipation du joug séculaire. [...]<br /> La famille ne peut pas être abolie: il faut la remplacer. L'émancipation véritable de la femme est impossible sur le terrain de la "misère socialisée". [...]<br /> Tant que la société n'est pas en état d'assumer les charges matérielles de la famille, la mère ne peut s'acquitter avec succès d'une fonction sociale qu'à la condition de disposer d'une esclave blanche, nourrice bonne cuisinière ou autre.&nbsp;»<ref name="Trahie">Trotsky, [http://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/revtrahie/frodcp7.htm La Révolution trahie - Thermidor au foyer], 1936</ref></blockquote>  
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«&nbsp;L'absorption complète des fonctions économiques de la famille par la société socialiste, liant toute une génération par la solidarité et l'assistance mutuelle, devait apporter à la femme, et dès lors au couple, une véritable émancipation du joug séculaire. [...]<br /> La famille ne peut pas être abolie: il faut la remplacer. L'émancipation véritable de la femme est impossible sur le terrain de la "misère socialisée". [...]<br /> Tant que la société n'est pas en état d'assumer les charges matérielles de la famille, la mère ne peut s'acquitter avec succès d'une fonction sociale qu'à la condition de disposer d'une esclave blanche, nourrice bonne cuisinière ou autre.&nbsp;»<ref name="Trahie">Trotsky, [http://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/revtrahie/frodcp7.htm La Révolution trahie - Thermidor au foyer], 1936</ref>
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Les arguments couramment invoqués à l'[[Extrême_gauche|extrême gauche]] aujourd'hui sont que la bourgeoisie a besoin du sexisme&nbsp;:
 
Les arguments couramment invoqués à l'[[Extrême_gauche|extrême gauche]] aujourd'hui sont que la bourgeoisie a besoin du sexisme&nbsp;:
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Devant la tendance à la remise en cause de la domination masculine au sein même du capitalisme, certains marxistes pensent néanmoins que l'on ne doit pas affirmer à la va-vite que capitalisme implique patriarcat. Par exemple [[Christophe_Darmangeat|Christophe Darmangeat]] écrit que&nbsp;:
 
Devant la tendance à la remise en cause de la domination masculine au sein même du capitalisme, certains marxistes pensent néanmoins que l'on ne doit pas affirmer à la va-vite que capitalisme implique patriarcat. Par exemple [[Christophe_Darmangeat|Christophe Darmangeat]] écrit que&nbsp;:
<blockquote>«&nbsp;Si les féministes marxistes doivent s'opposer aux féministes bourgeois, ce n'est pas, me semble-t-il, en tentant à toute force de démontrer que «&nbsp;l'égalité des sexes&nbsp;» est structurellement impossible dans le système capitaliste. Impossible, sans doute l'est-elle, mais pour des raisons qui se situent sur un tout autre plan que celui de la survie du capital. Au fond, ce qui oppose les communistes aux féministes bourgeois, c'est la volonté d'en finir non seulement avec l'oppression de genre, mais avec toute oppression.&nbsp;»<ref name="DarmangeatCapitalisme">Christophe Darmangeat, [http://cdarmangeat.blogspot.fr/2014/01/capitalisme-et-patriarcat-quelques.html Capitalisme et patriarcat : quelques réflexions], janvier 2014</ref></blockquote>  
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«&nbsp;Si les féministes marxistes doivent s'opposer aux féministes bourgeois, ce n'est pas, me semble-t-il, en tentant à toute force de démontrer que «&nbsp;l'égalité des sexes&nbsp;» est structurellement impossible dans le système capitaliste. Impossible, sans doute l'est-elle, mais pour des raisons qui se situent sur un tout autre plan que celui de la survie du capital. Au fond, ce qui oppose les communistes aux féministes bourgeois, c'est la volonté d'en finir non seulement avec l'oppression de genre, mais avec toute oppression.&nbsp;»<ref name="DarmangeatCapitalisme">Christophe Darmangeat, [http://cdarmangeat.blogspot.fr/2014/01/capitalisme-et-patriarcat-quelques.html Capitalisme et patriarcat : quelques réflexions], janvier 2014</ref>
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Parmi les marxistes qui défendent que la fin du capitalisme est une condition nécessaire, il y a des nuances sur le fait que cela soit une condition suffisante. L'idée qui se dégage de la plupart des marxistes classiques est cependant que si des préjugés persistent sous le socialisme, ils finiront pas disparaître en l'absence de base matérielle&nbsp;:
 
Parmi les marxistes qui défendent que la fin du capitalisme est une condition nécessaire, il y a des nuances sur le fait que cela soit une condition suffisante. L'idée qui se dégage de la plupart des marxistes classiques est cependant que si des préjugés persistent sous le socialisme, ils finiront pas disparaître en l'absence de base matérielle&nbsp;:
<blockquote>«&nbsp;Les transformations économiques, même si elles sont radicales, n'impliquent pas du même coup un changement immédiat des mentalités, de l'attitude des hommes envers les femmes.&nbsp;» Clara Zetkin<br /> «&nbsp;je ne vois pas par quelles voies une société qui, sur la base du développement acquis par le capitalisme, ayant aboli entre autres la propriété privée des moyens de production, les inégalités matérielles et les frontières, et ayant élevé d'une manière colossale le niveau matériel et moral de l'humanité, pourrait continuer à entretenir l'oppression d'un sexe par un autre&nbsp;» Christophe Darmangeat<ref name="DarmangeatAuto">Christophe Darmangeat, [http://cdarmangeat.blogspot.fr/2014/07/a-propos-de-la-lutte-autonome-des-femmes.html À propos de la lutte « autonome » des femmes], 2014</ref></blockquote>  
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«&nbsp;Les transformations économiques, même si elles sont radicales, n'impliquent pas du même coup un changement immédiat des mentalités, de l'attitude des hommes envers les femmes.&nbsp;» Clara Zetkin<br /> «&nbsp;je ne vois pas par quelles voies une société qui, sur la base du développement acquis par le capitalisme, ayant aboli entre autres la propriété privée des moyens de production, les inégalités matérielles et les frontières, et ayant élevé d'une manière colossale le niveau matériel et moral de l'humanité, pourrait continuer à entretenir l'oppression d'un sexe par un autre&nbsp;» Christophe Darmangeat<ref name="DarmangeatAuto">Christophe Darmangeat, [http://cdarmangeat.blogspot.fr/2014/07/a-propos-de-la-lutte-autonome-des-femmes.html À propos de la lutte « autonome » des femmes], 2014</ref>
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Il semble néanmoins que [[Trotsky|Trotsky]] ait voulu faire passer l'idée que les opprimé-e-s (au sens large) doivent toujours en premier lieu compter sur eux-mêmes et non sur des "tuteurs"&nbsp;:
 
Il semble néanmoins que [[Trotsky|Trotsky]] ait voulu faire passer l'idée que les opprimé-e-s (au sens large) doivent toujours en premier lieu compter sur eux-mêmes et non sur des "tuteurs"&nbsp;:
<blockquote>«&nbsp;L'histoire nous apprend bien des choses sur l'asservissement de la femme à l'homme, et des deux à l'exploiteur, et sur les efforts des travailleurs qui, cherchant au prix du sang à secouer le joug, n'arrivaient en réalité qu'à changer de chaînes. [...] Mais comment libérer effectivement l'enfant, la femme, l'homme, voilà ce sur quoi nous manquons d'exemples positifs. Toute l'expérience du passé est négative et elle impose avant tout aux travailleurs la méfiance envers les tuteurs privilégiés et incontrôlés.&nbsp;»<ref name="Trahie" /></blockquote>  
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«&nbsp;L'histoire nous apprend bien des choses sur l'asservissement de la femme à l'homme, et des deux à l'exploiteur, et sur les efforts des travailleurs qui, cherchant au prix du sang à secouer le joug, n'arrivaient en réalité qu'à changer de chaînes. [...] Mais comment libérer effectivement l'enfant, la femme, l'homme, voilà ce sur quoi nous manquons d'exemples positifs. Toute l'expérience du passé est négative et elle impose avant tout aux travailleurs la méfiance envers les tuteurs privilégiés et incontrôlés.&nbsp;»<ref name="Trahie" />
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===Non mixité===
 
===Non mixité===
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A propos des rapports avec le [[Féminisme_bourgeois|féminisme bourgeois]], [[Eleanor_Marx|Eleanor Marx]] écrivait&nbsp;:
 
A propos des rapports avec le [[Féminisme_bourgeois|féminisme bourgeois]], [[Eleanor_Marx|Eleanor Marx]] écrivait&nbsp;:
<blockquote>«&nbsp;Les travailleuses peuvent comprendre les revendications du mouvement des femmes bourgeoises; elles peuvent et doivent même adopter une attitude de sympathie envers ces exigences&nbsp;; seulement, les objectifs des femmes travailleuses et des femmes bourgeoises sont très différents. [...] Il ne fait aucun doute qu'il y a une "question féminine". Mais pour nous [...] cette question appartient au mouvement général de la classe ouvrière. Nous pouvons comprendre, sympathiser, et même aider en cas de besoin, lorsque la lutte des femmes de classe supérieure ou moyenne pour les droits est justifiée lorsque l'acquis profitera également aux travailleuses. Oui je dis que nous pouvons même aider&nbsp;: le Manifeste communiste ne nous a-t-il pas appris qu'il est de notre devoir de soutenir tout mouvement progressiste qui profite à la cause des travailleurs, même si ce mouvement n'est pas le nôtre&nbsp;? [...] Nous allons nous battre avec elles, tout comme les hommes de notre classe ne rejetaient pas le droit de vote parce qu'il venait de la classe bourgeoise. Nous non plus, nous ne rejetons pas un acquis, gagné par les femmes de la bourgeoisie dans leurs propres intérêts, qu'elles nous fournissent volontairement ou involontairement. Nous acceptons ces avantages comme des armes, des armes qui nous permettent de mieux lutter aux côtés de nos frères de la classe ouvrière. Nous ne sommes pas des femmes engagées dans la lutte contre les hommes, mais des travailleuses engagées dans la lutte contre les exploiteurs.&nbsp;»<ref>Eleanor Marx, [https://www.marxists.org/archive/draper/1976/women/5-emarx.html Women’s Trade Unions in England]</ref></blockquote>  
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«&nbsp;Les travailleuses peuvent comprendre les revendications du mouvement des femmes bourgeoises; elles peuvent et doivent même adopter une attitude de sympathie envers ces exigences&nbsp;; seulement, les objectifs des femmes travailleuses et des femmes bourgeoises sont très différents. [...] Il ne fait aucun doute qu'il y a une "question féminine". Mais pour nous [...] cette question appartient au mouvement général de la classe ouvrière. Nous pouvons comprendre, sympathiser, et même aider en cas de besoin, lorsque la lutte des femmes de classe supérieure ou moyenne pour les droits est justifiée lorsque l'acquis profitera également aux travailleuses. Oui je dis que nous pouvons même aider&nbsp;: le Manifeste communiste ne nous a-t-il pas appris qu'il est de notre devoir de soutenir tout mouvement progressiste qui profite à la cause des travailleurs, même si ce mouvement n'est pas le nôtre&nbsp;? [...] Nous allons nous battre avec elles, tout comme les hommes de notre classe ne rejetaient pas le droit de vote parce qu'il venait de la classe bourgeoise. Nous non plus, nous ne rejetons pas un acquis, gagné par les femmes de la bourgeoisie dans leurs propres intérêts, qu'elles nous fournissent volontairement ou involontairement. Nous acceptons ces avantages comme des armes, des armes qui nous permettent de mieux lutter aux côtés de nos frères de la classe ouvrière. Nous ne sommes pas des femmes engagées dans la lutte contre les hommes, mais des travailleuses engagées dans la lutte contre les exploiteurs.&nbsp;»<ref>Eleanor Marx, [https://www.marxists.org/archive/draper/1976/women/5-emarx.html Women’s Trade Unions in England]</ref>
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L'[[Internationale_communiste|Internationale communiste]], qui considérait qu'il n'y avait&nbsp; ''point de questions "spécialement féminines"''&nbsp;»<ref name="3eCongres" /> refusait «&nbsp;''toute espèce de collaboration et de coalition avec les féministes bourgeoises''.&nbsp;»
 
L'[[Internationale_communiste|Internationale communiste]], qui considérait qu'il n'y avait&nbsp; ''point de questions "spécialement féminines"''&nbsp;»<ref name="3eCongres" /> refusait «&nbsp;''toute espèce de collaboration et de coalition avec les féministes bourgeoises''.&nbsp;»
    
Josette Trat&nbsp;:
 
Josette Trat&nbsp;:
<blockquote>«&nbsp;La réponse nécessite d’articuler les luttes sur ces différents fronts dans la perspective de les faire converger sur une contestation globale d’un système qui n’a de cesse de diviser les opprimé·es et les exploité·es. Cela passe par des processus d’auto-organisation spécifiques, mais aussi par la participation dans des associations, syndicats, partis où tous ceux et toutes celles qui veulent changer la société puissent se retrouver indépendamment de leurs origines respectives. C’est cette orientation que nous avons défendue obstinément dans le mouvement féministe et que nous continuons à défendre.&nbsp;»</blockquote>  
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Rappelant les positions de l'Internationale communiste, Lutte ouvrière s'est en revanche opposée à l'idée de mouvement autonome des femmes, critiquant les militantes de la LCR investies dans le MLF&nbsp;:
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«&nbsp;La réponse nécessite d’articuler les luttes sur ces différents fronts dans la perspective de les faire converger sur une contestation globale d’un système qui n’a de cesse de diviser les opprimé·es et les exploité·es. Cela passe par des processus d’auto-organisation spécifiques, mais aussi par la participation dans des associations, syndicats, partis où tous ceux et toutes celles qui veulent changer la société puissent se retrouver indépendamment de leurs origines respectives. C’est cette orientation que nous avons défendue obstinément dans le mouvement féministe et que nous continuons à défendre.&nbsp;»
<blockquote>«&nbsp;En séparant la lutte pour la libération de la femme de la lutte pour la révolution socialiste, [les militantes de ''Rouge]'' rejoignent bel et bien le féminisme bourgeois.&nbsp;»<ref name="LO_LDC21" /></blockquote>  
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Rappelant les positions de l'Internationale communiste, [[Lutte ouvrière]] s'est en revanche opposée à l'idée de mouvement autonome des femmes, critiquant les militantes de la LCR investies dans le MLF&nbsp;:
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«&nbsp;En séparant la lutte pour la libération de la femme de la lutte pour la révolution socialiste, [les militantes de ''Rouge]'' rejoignent bel et bien le féminisme bourgeois.&nbsp;»<ref name="LO_LDC21" />
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===Démocratie interne et émancipation===
 
===Démocratie interne et émancipation===
    
Depuis la [[Première_internationale|Première internationale]], l'adhésion des femmes aux partis socialistes a été admise. Pour autant cela n'empêche pas des réflexes réactionnaires dans certains cas. En 1908, [[Madeleine_Pelletier|Madeleine Pelletier]] écrivait&nbsp;:
 
Depuis la [[Première_internationale|Première internationale]], l'adhésion des femmes aux partis socialistes a été admise. Pour autant cela n'empêche pas des réflexes réactionnaires dans certains cas. En 1908, [[Madeleine_Pelletier|Madeleine Pelletier]] écrivait&nbsp;:
<blockquote>«&nbsp;Le Parti socialiste contient dans ses programmes l’égalité des sexes, et, d’après des statuts, les femmes devraient y être reçues et traitées identiquement aux hommes. En pratique, seule la femme qui vient au bras de son mari, de son père ou de son frère est accueillie sans objection&nbsp;; mais contre l’admission d’une femme venant pour son propre compte, on trouve très souvent des prétextes, parce que la masse des socialistes n’est pas encore parvenue à comprendre qu’une femme puisse penser et agir par elle-même. Il ne faudra pas se laisser décourager, on fera valoir des règlements&nbsp;; au besoin, repoussée d’une section, on en cherchera une autre plus accueillante&nbsp;; avec un peu de persévérance, le triomphe est certain.&nbsp;»<ref name="PelletierTactique" /></blockquote>  
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«&nbsp;Le Parti socialiste contient dans ses programmes l’égalité des sexes, et, d’après des statuts, les femmes devraient y être reçues et traitées identiquement aux hommes. En pratique, seule la femme qui vient au bras de son mari, de son père ou de son frère est accueillie sans objection&nbsp;; mais contre l’admission d’une femme venant pour son propre compte, on trouve très souvent des prétextes, parce que la masse des socialistes n’est pas encore parvenue à comprendre qu’une femme puisse penser et agir par elle-même. Il ne faudra pas se laisser décourager, on fera valoir des règlements&nbsp;; au besoin, repoussée d’une section, on en cherchera une autre plus accueillante&nbsp;; avec un peu de persévérance, le triomphe est certain.&nbsp;»<ref name="PelletierTactique" />
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Elle parlait aussi du problème des tensions internes aux partis, qui génèrent des difficultés pour la prise de parole des femmes. Elle évoque ce problème en comparant avec les loges franc-maçonnes qu'elle fréquentait aussi&nbsp;:
 
Elle parlait aussi du problème des tensions internes aux partis, qui génèrent des difficultés pour la prise de parole des femmes. Elle évoque ce problème en comparant avec les loges franc-maçonnes qu'elle fréquentait aussi&nbsp;:
<blockquote>«&nbsp;Dans la Franc-maçonnerie, les séances sont, par le fait d’un rituel spécial, beaucoup plus calmes que celles des sections radicales ou socialistes. Il est fort rare que l’on s’y injurie ou que l’on s’y dispute&nbsp;; pendant que les orateurs parlent, le silence est absolu et, quand la loge est bien disciplinée, chacun, quel qu’il soit, peut y dire son opinion. On comprend que les femmes qui le voudront pourront sans difficulté s’exercer à la parole dans les loges mixtes. Dans les partis, il leur faudra plus de ténacité, car on lutte pour la vie dans la grande société&nbsp;: malheur au mal doué, au timide, au délicat, ils sont voués à une figuration éternelle.&nbsp;»</blockquote>  
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«&nbsp;Dans la Franc-maçonnerie, les séances sont, par le fait d’un rituel spécial, beaucoup plus calmes que celles des sections radicales ou socialistes. Il est fort rare que l’on s’y injurie ou que l’on s’y dispute&nbsp;; pendant que les orateurs parlent, le silence est absolu et, quand la loge est bien disciplinée, chacun, quel qu’il soit, peut y dire son opinion. On comprend que les femmes qui le voudront pourront sans difficulté s’exercer à la parole dans les loges mixtes. Dans les partis, il leur faudra plus de ténacité, car on lutte pour la vie dans la grande société&nbsp;: malheur au mal doué, au timide, au délicat, ils sont voués à une figuration éternelle.&nbsp;»
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===Question religieuse===
 
===Question religieuse===
    
La bataille pour la [[Laïcité|laïcité]], c'est-à-dire la séparation de l'Église et de l'État, a donc été d'une grande importance historiquement pour les féminismes. Ce combat reste d'actualité, notamment dans les pays où le [[Clergé|clergé]] conserve un poids majeur, voire central pour certaines "théocraties". En 1921, l'Internationale communiste évoquait ainsi la question de la lutte contre les préjugés religieux dans les pays orientaux&nbsp;:
 
La bataille pour la [[Laïcité|laïcité]], c'est-à-dire la séparation de l'Église et de l'État, a donc été d'une grande importance historiquement pour les féminismes. Ce combat reste d'actualité, notamment dans les pays où le [[Clergé|clergé]] conserve un poids majeur, voire central pour certaines "théocraties". En 1921, l'Internationale communiste évoquait ainsi la question de la lutte contre les préjugés religieux dans les pays orientaux&nbsp;:
<blockquote>«&nbsp;Tout en évitant les attaques grossières et sans tact aux croyances religieuses et aux traditions nationales, les sections et les commissions travaillant parmi les femmes de l'Orient, devront nettement lutter contre l'influence du nationalisme et de la religion sur les esprits.&nbsp;»<ref name="3eCongres" /></blockquote>  
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«&nbsp;Tout en évitant les attaques grossières et sans tact aux croyances religieuses et aux traditions nationales, les sections et les commissions travaillant parmi les femmes de l'Orient, devront nettement lutter contre l'influence du nationalisme et de la religion sur les esprits.&nbsp;»<ref name="3eCongres" />
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Mais la présence d'un nombre significatif d'[[Immigration|immigré-e-s]] de religions différentes a relancé des débats sur la laïcité. Dans un pays comme la France, ces débats se focalisent sur l'Islam et le port du voile, et traversent les courants féministes&nbsp;: faut-il y voir un signe d'oppression des femmes&nbsp;? [[Lutte_ouvrière|Lutte ouvrière]] répond oui sans hésitation, jusqu'à être en faveur de l'interdiction du foulard à l'école.<ref>Lutte ouvrière Hebdo, [http://www.lutte-ouvriere-journal.org/?act=artl&num=1838&id=6 Une loi pour interdire le port du voile ?], 2003</ref> En 2004, Pierre-François Gond (ex [[Ligue_communiste_révolutionnaire_(France)|LCR]]) avait soutenu l'exclusion de jeunes filles portant le voile dans le lycée où il enseignait.
 
Mais la présence d'un nombre significatif d'[[Immigration|immigré-e-s]] de religions différentes a relancé des débats sur la laïcité. Dans un pays comme la France, ces débats se focalisent sur l'Islam et le port du voile, et traversent les courants féministes&nbsp;: faut-il y voir un signe d'oppression des femmes&nbsp;? [[Lutte_ouvrière|Lutte ouvrière]] répond oui sans hésitation, jusqu'à être en faveur de l'interdiction du foulard à l'école.<ref>Lutte ouvrière Hebdo, [http://www.lutte-ouvriere-journal.org/?act=artl&num=1838&id=6 Une loi pour interdire le port du voile ?], 2003</ref> En 2004, Pierre-François Gond (ex [[Ligue_communiste_révolutionnaire_(France)|LCR]]) avait soutenu l'exclusion de jeunes filles portant le voile dans le lycée où il enseignait.
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Les socialistes ont généralement soutenu le droit au [[Divorce|divorce]] dès qu'il a commencé à être porté par les féministes. On peut relever toutefois qu'[[Eleanor_Marx|Eleanor Marx]] semblait le réserver à la société socialiste&nbsp;:
 
Les socialistes ont généralement soutenu le droit au [[Divorce|divorce]] dès qu'il a commencé à être porté par les féministes. On peut relever toutefois qu'[[Eleanor_Marx|Eleanor Marx]] semblait le réserver à la société socialiste&nbsp;:
<blockquote>«&nbsp;Par conséquent, bien que nous soyons théoriquement d'accord avec toutes ces idées, nous croyons que si on les réalisait dans notre système actuel, elles entraîneraient dans la pratique, dans la plupart des cas, une injustice encore plus grande pour la femme. L'homme pourrait en tirer un parti avantageux, non pas la femme, si ce n'est les rares fois où elle a des biens personnels ou de quelconques moyens d'existence. La dissolution de l'union signifierait la liberté pour lui, la faim pour elle et ses enfants.&nbsp;»<ref name="ElMarxQF" /></blockquote>  
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«&nbsp;Par conséquent, bien que nous soyons théoriquement d'accord avec toutes ces idées, nous croyons que si on les réalisait dans notre système actuel, elles entraîneraient dans la pratique, dans la plupart des cas, une injustice encore plus grande pour la femme. L'homme pourrait en tirer un parti avantageux, non pas la femme, si ce n'est les rares fois où elle a des biens personnels ou de quelconques moyens d'existence. La dissolution de l'union signifierait la liberté pour lui, la faim pour elle et ses enfants.&nbsp;»<ref name="ElMarxQF" />
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Lénine écrivait en 1916 que ''«&nbsp;Dans la majorité des cas, le droit au divorce demeure irréalisable en régime capitaliste, car le sexe opprimé y est économiquement écrasé [...] Seuls des gens absolument dépourvus de réflexions ou absolument ignorants du marxisme en tirent [la conclusion que] la liberté du divorce ne sert à rien. [...] Plus la liberté du divorce est complète, et plus il est évident pour la femme que la source de son «&nbsp;esclavage domestique&nbsp;» est le capitalisme, et non l’absence de droits.&nbsp;»''<ref name="LénineCaricature">Lénine, Une caricature du marxisme et à propos de l’ « économisme impérialiste », 1916</ref>
 
Lénine écrivait en 1916 que ''«&nbsp;Dans la majorité des cas, le droit au divorce demeure irréalisable en régime capitaliste, car le sexe opprimé y est économiquement écrasé [...] Seuls des gens absolument dépourvus de réflexions ou absolument ignorants du marxisme en tirent [la conclusion que] la liberté du divorce ne sert à rien. [...] Plus la liberté du divorce est complète, et plus il est évident pour la femme que la source de son «&nbsp;esclavage domestique&nbsp;» est le capitalisme, et non l’absence de droits.&nbsp;»''<ref name="LénineCaricature">Lénine, Une caricature du marxisme et à propos de l’ « économisme impérialiste », 1916</ref>
    
Rétrospectivement, la propagande des organisations féminines de la [[Deuxième_internationale|Deuxième]] et de la [[Troisième_internationale|Troisième internationale]] apparait fortement genrée&nbsp;: appel à la paix au nom de la protection des enfants et des "valeurs féminines", centrage sur la maternité... Il y avait cependant une volonté, chez les bolckéviks, d'impliquer les femmes dans les fonctions où elles étaient sous-représentées&nbsp;:
 
Rétrospectivement, la propagande des organisations féminines de la [[Deuxième_internationale|Deuxième]] et de la [[Troisième_internationale|Troisième internationale]] apparait fortement genrée&nbsp;: appel à la paix au nom de la protection des enfants et des "valeurs féminines", centrage sur la maternité... Il y avait cependant une volonté, chez les bolckéviks, d'impliquer les femmes dans les fonctions où elles étaient sous-représentées&nbsp;:
<blockquote>«&nbsp;Les sections doivent par tous les moyens faire participer la femme à toutes les branches de l'organisation soviétique, depuis la défense militaire de la République jusqu'aux plans économiques les plus compliqués.&nbsp;»<ref name="3eCongres" /></blockquote>  
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«&nbsp;Les sections doivent par tous les moyens faire participer la femme à toutes les branches de l'organisation soviétique, depuis la défense militaire de la République jusqu'aux plans économiques les plus compliqués.&nbsp;»<ref name="3eCongres" />
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Il semble que la capacité à intégrer des questions nouvelles soit cependant lié au caractère [[Parti_révolutionnaire|révolutionnaire]] ou non des organisations. Par exemple [[Alexandra_Kollontaï|Alexandra Kollontaï]] a pu largement exprimer ses positions après la révolution russe, malgré des désaccords avec beaucoup d'autres [[Bolchéviks|bolchéviks]] comme [[Lénine|Lénine]] ou [[Trotsky|Trotsky]]. Par la suite, la chape de plomb du [[Stalinisme|stalinisme]] a rendu impensable une telle liberté d'expression. La discours sur la femme-mère des partis stalinisés est par ailleurs resté complètement conservateur, malgré la progression des mouvements [[Féministes|féministes]]. En particulier, pendant qu'émergeait le [[Mouvement_de_libération_des_femmes|MLF]] en France et la revendication du droit à l'[[Avortement|avortement]], le [[PCF|PCF]] y restait complètement opposé.<ref>Josette Trat, Aux racines de l'idéologíe “familialiste” du PCF », in Christine Delphy et Sylvie Chaperon (din), Cinquantenaire du Deuxième Sexe. Colloque international Simone de Beauvoir Paris, Éditions syllepse, 2002</ref>
 
Il semble que la capacité à intégrer des questions nouvelles soit cependant lié au caractère [[Parti_révolutionnaire|révolutionnaire]] ou non des organisations. Par exemple [[Alexandra_Kollontaï|Alexandra Kollontaï]] a pu largement exprimer ses positions après la révolution russe, malgré des désaccords avec beaucoup d'autres [[Bolchéviks|bolchéviks]] comme [[Lénine|Lénine]] ou [[Trotsky|Trotsky]]. Par la suite, la chape de plomb du [[Stalinisme|stalinisme]] a rendu impensable une telle liberté d'expression. La discours sur la femme-mère des partis stalinisés est par ailleurs resté complètement conservateur, malgré la progression des mouvements [[Féministes|féministes]]. En particulier, pendant qu'émergeait le [[Mouvement_de_libération_des_femmes|MLF]] en France et la revendication du droit à l'[[Avortement|avortement]], le [[PCF|PCF]] y restait complètement opposé.<ref>Josette Trat, Aux racines de l'idéologíe “familialiste” du PCF », in Christine Delphy et Sylvie Chaperon (din), Cinquantenaire du Deuxième Sexe. Colloque international Simone de Beauvoir Paris, Éditions syllepse, 2002</ref>
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Par exemple [[Eleanor_Marx|Eleanor Marx]] critiquait le tabou qui conduit à refuser toute éducation sexuelle&nbsp;:
 
Par exemple [[Eleanor_Marx|Eleanor Marx]] critiquait le tabou qui conduit à refuser toute éducation sexuelle&nbsp;:
<blockquote>«&nbsp;Nos enfants sont systématiquement réduits au silence quand ils posent une question sur la procréation ou la naissance des enfants. Cette question est aussi naturelle que celle concernant les battements de cœur ou les échanges respiratoires. On doit y répondre aussi aisément et aussi clairement qu'aux autres.&nbsp;»<ref name="ElMarxQF" /></blockquote>  
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«&nbsp;Nos enfants sont systématiquement réduits au silence quand ils posent une question sur la procréation ou la naissance des enfants. Cette question est aussi naturelle que celle concernant les battements de cœur ou les échanges respiratoires. On doit y répondre aussi aisément et aussi clairement qu'aux autres.&nbsp;»<ref name="ElMarxQF" />
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Elle décrivait cela comme une source de troubles. Mais dans la description de ces troubles, elle n'échappe pas à une certaine normativité. Par exemple lorsqu'elle dit que ce tabou entraîne une «&nbsp;curiosité malsaine&nbsp;», une «&nbsp;virginité morbide&nbsp;», ou des «&nbsp;formes limites&nbsp;» comme «&nbsp;l'homme efféminé et la femme virile&nbsp;», qui inspirent une «&nbsp;horreur parfaitement naturelle de ce qui ne l'est pas&nbsp;».
 
Elle décrivait cela comme une source de troubles. Mais dans la description de ces troubles, elle n'échappe pas à une certaine normativité. Par exemple lorsqu'elle dit que ce tabou entraîne une «&nbsp;curiosité malsaine&nbsp;», une «&nbsp;virginité morbide&nbsp;», ou des «&nbsp;formes limites&nbsp;» comme «&nbsp;l'homme efféminé et la femme virile&nbsp;», qui inspirent une «&nbsp;horreur parfaitement naturelle de ce qui ne l'est pas&nbsp;».
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===Oppression spécifique&nbsp;?===
 
===Oppression spécifique&nbsp;?===
 
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La plupart des [[Féministes|féministes]] qui militent également dans le [[Mouvement_ouvrier|mouvement ouvrier]] ont mis en avant le fait qu'il faut voir l'oppression des femmes comme une oppression spéficique, non réductible à l'exploitation capitaliste. La reconnaissance ou non de cette oppression spécifique détermine la nécessité ou non d'un travail spécifique de [[Propagande|propagande]].
 
La plupart des [[Féministes|féministes]] qui militent également dans le [[Mouvement_ouvrier|mouvement ouvrier]] ont mis en avant le fait qu'il faut voir l'oppression des femmes comme une oppression spéficique, non réductible à l'exploitation capitaliste. La reconnaissance ou non de cette oppression spécifique détermine la nécessité ou non d'un travail spécifique de [[Propagande|propagande]].
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[[Eleanor_Marx|Eleanor Marx]], par exemple, disait même que le féminisme bourgeois ne voyait pas pleinement l'oppression des femmes, qu'elle semble définir en termes de rapports sociaux&nbsp;:
 
[[Eleanor_Marx|Eleanor Marx]], par exemple, disait même que le féminisme bourgeois ne voyait pas pleinement l'oppression des femmes, qu'elle semble définir en termes de rapports sociaux&nbsp;:
<blockquote>«&nbsp;Les femmes sont soumises à une tyrannie masculine organisée comme les ouvriers sont soumis à la tyrannie organisée des oisifs. [...] Les couches opprimées, les femmes et ceux qui sont directement producteurs, doivent comprendre que leur émancipation sera le fait de leur action. Les femmes trouveront des alliés chez les hommes les plus conscients comme les travailleurs trouvent des alliés chez les philosophes, les artistes et les poètes&nbsp;; mais les unes n'ont rien à attendre des hommes en général et les autres n'ont rien à attendre des couches moyennes en général.&nbsp;»<ref name="ElMarxQF" /></blockquote>  
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«&nbsp;Les femmes sont soumises à une tyrannie masculine organisée comme les ouvriers sont soumis à la tyrannie organisée des oisifs. [...] Les couches opprimées, les femmes et ceux qui sont directement producteurs, doivent comprendre que leur émancipation sera le fait de leur action. Les femmes trouveront des alliés chez les hommes les plus conscients comme les travailleurs trouvent des alliés chez les philosophes, les artistes et les poètes&nbsp;; mais les unes n'ont rien à attendre des hommes en général et les autres n'ont rien à attendre des couches moyennes en général.&nbsp;»<ref name="ElMarxQF" />
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Mais elle n'en déduisait pas qu'il y avait matière à réaliser des fronts spécifiques. Pour elle, le changement dans les rapports femmes/hommes viendrait du socialisme.
 
Mais elle n'en déduisait pas qu'il y avait matière à réaliser des fronts spécifiques. Pour elle, le changement dans les rapports femmes/hommes viendrait du socialisme.
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Cependant il y avait des voix minoritaires qui s'exprimaient. Par exemple [[Marthe_Bigot|Marthe Bigot]], féministe, syndicaliste et communiste, écrivait en 1921&nbsp;:
 
Cependant il y avait des voix minoritaires qui s'exprimaient. Par exemple [[Marthe_Bigot|Marthe Bigot]], féministe, syndicaliste et communiste, écrivait en 1921&nbsp;:
<blockquote>«&nbsp;En résumé on peut dire que le socialisme a aidé, dans une large mesure,&nbsp; à l'émancipation de la femme, mais il n'a pas encore recherché sérieusement, sauf peut-être en ce moment en Russie, la cause profonde de l'esclavage féminin. Il n'a pas fait pour la femme le travail d'investigation théorique qu'il a fait pour le prolétaire. Il a cru trop facilement qu'en émancipant le travailleur, il émanciperait du même coup et entièrement la travailleuse. Cette conception est erronée. La femme occupe une situation inférieure dans la société pour d'autres causes que celles qui influent sur la destinée des travailleurs.&nbsp;»<ref name="BigotServitude">Marthe Bigot, [https://bataillesocialiste.wordpress.com/2008/06/27/la-servitude-des-femmes-1921/ La servitude des femmes], 1921</ref></blockquote>  
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«&nbsp;En résumé on peut dire que le socialisme a aidé, dans une large mesure,&nbsp; à l'émancipation de la femme, mais il n'a pas encore recherché sérieusement, sauf peut-être en ce moment en Russie, la cause profonde de l'esclavage féminin. Il n'a pas fait pour la femme le travail d'investigation théorique qu'il a fait pour le prolétaire. Il a cru trop facilement qu'en émancipant le travailleur, il émanciperait du même coup et entièrement la travailleuse. Cette conception est erronée. La femme occupe une situation inférieure dans la société pour d'autres causes que celles qui influent sur la destinée des travailleurs.&nbsp;»<ref name="BigotServitude">Marthe Bigot, [https://bataillesocialiste.wordpress.com/2008/06/27/la-servitude-des-femmes-1921/ La servitude des femmes], 1921</ref>
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Militante de la gauche du parti, elle sera de plus en plus attaquée par la direction, qui taxera de "petit-bourgeois" le journal ''L'Ouvrière'' qu'elle dirigeait. Elle quitte le PC en 1925.
 
Militante de la gauche du parti, elle sera de plus en plus attaquée par la direction, qui taxera de "petit-bourgeois" le journal ''L'Ouvrière'' qu'elle dirigeait. Elle quitte le PC en 1925.
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Le terme même de patriarcat est critiqué parce que c'est souvent un concept "fourre-tout" (Darmangeat) et qu'il sous-entend une stabilité des formes et des modalités de l'oppression des femmes. On peut parler de domination masculine tout en distinguant le patriarcat&nbsp;:
 
Le terme même de patriarcat est critiqué parce que c'est souvent un concept "fourre-tout" (Darmangeat) et qu'il sous-entend une stabilité des formes et des modalités de l'oppression des femmes. On peut parler de domination masculine tout en distinguant le patriarcat&nbsp;:
<blockquote>«&nbsp;Nous pensons que ce terme n’est plus adéquat pour qualifier actuellement notre société (occidentale) qui, bien que ce soit majoritairement les hommes qui détiennent le pouvoir, n’est plus organisée (juridiquement, politiquement) en ce sens.&nbsp;» (Revue Incendo)<ref>http://incendo.noblogs.org/genresetclasses/petit-lexique/</ref></blockquote>  
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«&nbsp;Nous pensons que ce terme n’est plus adéquat pour qualifier actuellement notre société (occidentale) qui, bien que ce soit majoritairement les hommes qui détiennent le pouvoir, n’est plus organisée (juridiquement, politiquement) en ce sens.&nbsp;» (Revue Incendo)<ref>http://incendo.noblogs.org/genresetclasses/petit-lexique/</ref>
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Ou encore&nbsp;:
 
Ou encore&nbsp;:
<blockquote>«&nbsp;Le système social que le capitalisme industriel a remplacé était en fait un patriarcat, et j'utilise ce terme ici dans son sens originel, pour désigner un système dans lequel la production est centrée sur le ménage et est présidée par le plus âgé des hommes. Le fait est que le capitalisme industriel [a sapé] le patriarcat. La production est allée dans les usines et les individus se sont détachés de la famille pour devenir des salariés «libres». Dire que le capitalisme a perturbé l'organisation patriarcale de la production et la vie de famille n'est pas, bien sûr, dire que le capitalisme a aboli la domination masculine&nbsp;!&nbsp;&nbsp;»<ref>Barbara Ehrenreich, [http://monthlyreview.org/2005/07/01/what-is-socialist-feminism/ What is Socialist Feminism?], 2001</ref></blockquote>  
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«&nbsp;Le système social que le capitalisme industriel a remplacé était en fait un patriarcat, et j'utilise ce terme ici dans son sens originel, pour désigner un système dans lequel la production est centrée sur le ménage et est présidée par le plus âgé des hommes. Le fait est que le capitalisme industriel [a sapé] le patriarcat. La production est allée dans les usines et les individus se sont détachés de la famille pour devenir des salariés «libres». Dire que le capitalisme a perturbé l'organisation patriarcale de la production et la vie de famille n'est pas, bien sûr, dire que le capitalisme a aboli la domination masculine&nbsp;!&nbsp;&nbsp;»<ref>Barbara Ehrenreich, [http://monthlyreview.org/2005/07/01/what-is-socialist-feminism/ What is Socialist Feminism?], 2001</ref>
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Les marxistes considèrent généralement que les rapports sociaux hommes/femmes sont sur-déterminés par les rapports sociaux de classe.
 
Les marxistes considèrent généralement que les rapports sociaux hommes/femmes sont sur-déterminés par les rapports sociaux de classe.
    
Par exemple [[Christophe_Darmangeat|Christophe Darmangeat]] indique que dans les sociétés primitives, il n'existait aucune lutte de femmes pour l'égalité, qu'il ne pouvait en avoir, et que cette égalité ne pouvait être conçue&nbsp;:
 
Par exemple [[Christophe_Darmangeat|Christophe Darmangeat]] indique que dans les sociétés primitives, il n'existait aucune lutte de femmes pour l'égalité, qu'il ne pouvait en avoir, et que cette égalité ne pouvait être conçue&nbsp;:
<blockquote>«&nbsp;[Les femmes] luttent pour aménager la division sexuelle de la société, jamais pour l'abolir. Sur la base de ces structures sociales, un tel idéal n'a aucune chance de voir le jour.&nbsp;»<ref name="DarmangeatAuto" /></blockquote>  
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«&nbsp;[Les femmes] luttent pour aménager la division sexuelle de la société, jamais pour l'abolir. Sur la base de ces structures sociales, un tel idéal n'a aucune chance de voir le jour.&nbsp;»<ref name="DarmangeatAuto" />
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===Deux modes de production&nbsp;?===
 
===Deux modes de production&nbsp;?===
    
Selon le [[Féminisme_matérialiste|féminisme matérialiste]] de [[Christine_Delphy|Christine Delphy]], il y a deux [[Modes_de_production|modes de production]] dans la société&nbsp;:
 
Selon le [[Féminisme_matérialiste|féminisme matérialiste]] de [[Christine_Delphy|Christine Delphy]], il y a deux [[Modes_de_production|modes de production]] dans la société&nbsp;:
<blockquote>«&nbsp;On constate l’existence de deux modes de production dans notre société&nbsp;: la plupart des marchandises sont produites sur le mode industriel&nbsp;; les services domestiques, l’élevage des enfants et un certain nombre de marchandises sont produites sur le mode familial. Le premier mode de production donne lieu à l’exploitation capitaliste. Le second donne lieu à l’exploitation familiale, ou plus exactement patriarcale.&nbsp;»<ref>Christine Delphy. L’ennemi principal : 1. Économie politique du patriarcat. Éditions Syllepse, 1998</ref></blockquote>  
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«&nbsp;On constate l’existence de deux modes de production dans notre société&nbsp;: la plupart des marchandises sont produites sur le mode industriel&nbsp;; les services domestiques, l’élevage des enfants et un certain nombre de marchandises sont produites sur le mode familial. Le premier mode de production donne lieu à l’exploitation capitaliste. Le second donne lieu à l’exploitation familiale, ou plus exactement patriarcale.&nbsp;»<ref>Christine Delphy. L’ennemi principal : 1. Économie politique du patriarcat. Éditions Syllepse, 1998</ref>
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Dans le monde anglo-saxon, cela a conduit à de nombreux débats ("dual system theories" vs "mono system theory"). Les marxistes défendent en général l'unicité du mode de production capitaliste. Le [[Travail_domestique|travail domestique]] y est en général analysé sous l'angle de la reproduction de la [[Force_de_travail|force de travail]].
 
Dans le monde anglo-saxon, cela a conduit à de nombreux débats ("dual system theories" vs "mono system theory"). Les marxistes défendent en général l'unicité du mode de production capitaliste. Le [[Travail_domestique|travail domestique]] y est en général analysé sous l'angle de la reproduction de la [[Force_de_travail|force de travail]].
  

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